Contrats d'affaires

Selon une jurisprudence constante, un accord préalable sur le coût des travaux ou le montant exact de la rémunération n'est pas un élément essentiel du contrat d'entreprise . Ce principe, repris par l'avant-projet du droit des contrats spéciaux qui prévoit que “le contrat d'entreprise est valablement formé sans accord préalable sur le prix” , a récemment été rappelé par la Haute juridiction dans un arrêt en date du 19 janvier 2022 . En outre, le contrat d'entreprise n'étant soumis à aucun formalisme particulier, une absence de prix lors de sa conclusion ne constitue pas une cause de nullité, a fortiori d'inexistence . Un contrat d'entreprise est formé par la rencontre des volontés des parties sur son objet, de sorte que la détermination du prix peut s'effectuer ultérieurement après l'achèvement des travaux . Le paiement des travaux réalisés par l'entrepreneur peut valablement consister dans l'engagement du maître d'ouvrage de lui verser, à titre de rémunération, la moitié du prix de vente du fonds de commerce sur lequel ils portent . Les parties peuvent également convenir de fixer un prix forfaitaire . Caractérisent ainsi la formation d'un contrat d'entreprise entre deux entreprises des échanges de courriers qui attestent de leur accord sur la réalisation d’un programme immobilier pour un montant forfaitaire de 6 millions d’euro hors taxe .

En l'absence d'accord préalable des parties sur le montant exact de la rémunération, il incombe au juge du fond de fixer celle-ci selon les éléments de la cause, soumis à son appréciation souveraine . Le juge se détermine au vu des justifications produites, des circonstances   ou d'éléments objectifs, tels que les prix pratiqués sur le marché . Tel est le cas en l'absence de fixation du montant des honoraires d'un architecte ou de référence à un barème officiel , lorsqu'il ne résulte pas des correspondances échangées entre les parties que le prestataire de services ait accepté de collaborer gratuitement au projet pendant la phase concours, ou qu'il ait été convenu de soumettre sa rémunération à la condition suspensive de la conclusion d'un sous-traité , ou en cas de désaccord des parties .

Le nouvel article 1165, alinéa 1er, du Code civil, issu de la réforme du droit des contrats, n'a pas repris cette jurisprudence qui permettait une fixation judiciaire du prix.  Ce texte pose désormais le principe que “dans tous les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation”. Il a ainsi été retenu que les principes de libre détermination des parties et de force obligatoire du contrat s'opposent à une révision par le juge du prix convenu entre les parties au motif d'une insatisfaction de l'une d'entre elles postérieure à la conclusion et à l'exécution normale du contrat, conformément aux dispositions de l'article 1165 nouveau du Code civil, dès lors que les parties à un contrat demeurent libres de proposer et d'accepter une tarification élevée, voire excessive, pour des prestations, dès lors que leur consentement est libre et éclairé au regard des dispositions légales applicables . Toutefois, selon la Haute juridiction, ce texte n'est pas applicable à la prestation de service fournie par un expert comptable, qui, selon l’article 151 du décret 2 du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable,  doit passer avec son client un contrat écrit définissant sa mission et précisant les droits et obligations de chacune des parties .

L'alinéa 2 de l'article 1165 prévoit en outre qu'en cas d'abus dans la fixation unilatérale de ce prix, le juge a le pouvoir d'octroyer des dommages et intérêts à la partie lésée et, éventuellement, de prononcer la résolution du contrat. 

Les rédacteurs de l'avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux sont favorables à la suppression de la faculté de détermination unilatérale du prix prévue à l'article 1165, alinéa 1er, en vue de réintroduire une fixation judiciaire de celui-ci. Aussi y est-il prévu qu'"à défaut d'accord sur le prix, le juge le fixe “en fonction de la qualité de l'ouvrage réalisé, des attentes légitimes des parties, des usages et de tout autre élément pertinent” .

L'avant-projet prévoit par ailleurs à l'article 1762 que “lorsque le prix a le caractère d'honoraires et qu'il a été convenu avant l'achèvement de l'ouvrage, le juge peut, nonobstant toute clause contraire, en réduire le montant s'il l'estime excessif au regard de l'ouvrage réalisé” .

Cass. 1re civ., 15 juin 1973, LawLex202200003844JBJ ; 24 novembre 1993, LawLex202200003660JBJ, Contrats Conc. Consom. 1994, n° 20, obs. LEVENEUR ; RTD civ. 1994, 631, obs. GAUTIER ; Cass. 3e civ., 18 janvier 1977, LawLex202200008827JBJ ; 19 janvier 2022, LawLex202200003661JBJ ; Cass. com., 28 novembre 2000, LawLex202200000806JBJ, JCP 2001, I, 301, obs. LABARTHE ; Contrats Conc. Consom. 2001, n° 38, obs. LEVENEUR ; 31 janvier 2006, LawLex202200008829JBJ.

Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, art. 1760 al. 1er.

Cass. com., 28 novembre 2000, LawLex202200000806JBJ ; JCP 2001, I, 301, obs. LABARTHE ; Contrats Conc. Consom. 2001, n° 38, obs. LEVENEUR ; Rennes, 11 janvier 2018, LawLex202200008828JBJ, énonçant que nonobstant le fait qu'un accord préalable sur le montant exact de la rémunération ne soit pas un élément essentiel du louage d'ouvrage, le coût des travaux objet du contrat d'entreprise doit être fixé par une appréciation souveraine des éléments objectifs tirés des prix pratiqués sur le marché, dès lors que les devis produits aux débats ne peuvent, en l'absence d'approbation et de signature du maître de l'ouvrage, valoir commencement de preuve par écrit.

Cass. 3e civ., 3 décembre 1970, LawLex202200004205JBJ.

Paris, 5 septembre 2007, LawLex202200004260JBJ.

Riom, 27 avril 2021, LawLex202200008830JBJ. - V. aussi Caen, 29 janvier 2008, LawLex202200004254JBJ, relevant qu'en l'absence d'un accord préalable sur le montant exact de la rémunération, il appartient au juge du fond de fixer la rémunération compte tenu des éléments de la cause, si tant est qu'existe une contestation sérieuse.

Bourges, 18 janvier 2024, LawLex202400001367JBJ. 

Cass. com., 20 septembre 2023, LawLex202300012684JBJ.

Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, art. 1760 al. 2.

L'article  1762, alinéa 2, dispose qu'"Il en va autrement lorsque les honoraires ont été versés après achèvement de l’ouvrage, en connaissance du travail accompli".

Cass. 3e civ., 19 janvier 2022, LawLex202200003661JBJ, retenant qu'un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n'est pas une condition de la formation du contrat de louage d'ouvrage ; V. en ce sens : Nîmes, 7 juin 2023, LawLex202400006518JBJ. 

Paris, 30 juin 2010, LawLex202200004200JBJ, accueillant l'action en paiement de l'entrepreneur dès lors que les travaux litigieux ont été réalisés conformément à la demande du maître d'ouvrage et que les montants portés dans le descriptif de travaux sont cohérents au regard des différents postes détaillés et des prix habituellement pratiqués.

Riom, 27 avril 2021, LawLex202200008830JBJ.

Cass. 1re civ., 20 février 1996, LawLex202200003663JBJ, Defrénois 1996, 1432, obs. BENABENT, précisant en outre que l'(ancien) article 1129 du Code civil n'est pas applicable à la détermination du prix s'agissant d'un contrat d'entreprise. – V. déjà dans le même sens, Cass. com., 29 janvier 1991, LawLex202200002066JBJ, JCP G 1991, II, 21751, obs. LEVENEUR, énonçant que dans les contrats n'engendrant pas une obligation de donner, l'accord préalable sur le montant exact de la rémunération n'est pas un élément essentiel de la formation de ces contrats.

L'avant-projet du droit des contrats spéciaux, codifie cette pratique à l'article 1761 en excluant (logiquement) l'application du régime du régime de l'imprévision : “Les parties peuvent convenir d’un prix forfaitaire auquel cas l’article 1195 est sans application”.

Grenoble, 8 juillet 2021, LawLex202200004283JBJ.

Cass. 3e civ., 3 décembre 1970, LawLex202200004205JBJ ; 15 juin 1973, LawLex202200003844JBJ ; V. en ce sens : Reims, 6 septembre 2022, LawLex202400006041JBJ. 

Cass. 1re civ., 15 juin 1973, LawLex202200003844JBJ ; 24 novembre 1993, LawLex202200003660JBJ ; Cass. com., 28 novembre 2000, 2000, LawLex202200000806JBJ ; JCP 2001, I, 301, obs. LABARTHE ; Contrats Conc. Consom. 2001, n° 38, obs. LEVENEUR.

Fixation optionnelle du prix.

LABARTHE, La fixation unilatérale du prix dans les contrats cadre et prestations de service. Regards interrogatifs sur les articles 1164 et 1165 du Code civil, JCP G, 2016, 642 ; MENARD, La fixation du prix dans les contrats de prestation de service à la lumière de l'avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, RTD civ. 2019, 263.

294. Fixation optionnelle du prix.