Contrats d'affaires

Lorsque l'entrepreneur principal ne paie pas les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance, le titre III de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975  ouvre aux sous-traitants, quel que soit leur rang, une action directe contre celui pour le compte de qui la construction est réalisée . Cette action ne peut être introduite que contre le maître d'ouvrage  et ne peut être fondée sur l’enric …

Contours de l'action directe

Lorsque l'entrepreneur principal ne paie pas les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance, le titre III de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975  ouvre aux sous-traitants, quel que soit leur rang, une action directe contre celui pour le compte de qui la construction est réalisée . Cette action ne peut être introduite que contre le maître d'ouvrage  et ne peut être fondée sur l’enrichissement sans cause . L'action directe constitue un apport fondamental de la loi de 1975, puisqu'auparavant aucune disposition ne prévoyait la possibilité pour le sous-traitant de réclamer le paiement directement au maître de l'ouvrage. Elle complète le dispositif protecteur instauré par le texte. 

L'action directe peut se définir comme la faculté offerte au sous-traitant agréé de demander au maître d'ouvrage le paiement correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-traitance, autrement dit de payer le prix des travaux sous-traités, dès lors que l'entrepreneur principal ne s'en acquitte pas, et ce quelle que soit la raison de sa défaillance. Son domaine d'application se détermine par défaut puisqu'il concerne toutes les actions qui ne relèvent pas du titre II de la loi de 1975. En effet, selon l'article 11, le titre III s'applique à tous les contrats de sous-traitance qui n'entrent pas dans le champ d'application du titre II , c'est-à-dire à tous les contrats de sous-traitance qui ne bénéficient pas du paiement direct . La loi du 31 décembre 1975 institue en effet deux procédures distinctes, exclusives l'une de l'autre. Le sous-traitant qui ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier du paiement direct peut se prévaloir des dispositions ouvrant droit à l'action directe , en particulier lorsque le marché auquel participent les sous-traitants des marchés passés par l’Etat, les collectivités locales, les établissements et les entreprises publics est inférieur à 600 euro, la procédure du paiement direct leur étant, dans ce cas, fermée .  L'article 11 prévoit toutefois que, par dérogation, le titre III peut s'appliquer aux  marchés publics relevant des Livres Ier à III du Code de la commande publique, dont le montant est inférieur au seuil fixé en application du 2° de l'article L. 2193-10  et aux marchés publics relevant de son Livre V .

L'article 12 de la loi de 1975 précise, en son alinéa 2, que l'action directe revêt un caractère d'ordre public, de sorte que toute renonciation à l'action directe est réputée non écrite . Son alinéa 3 prévoit ensuite que cette action “subsiste même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites”  . Il en résulte que, dès lors qu'ils bénéficient de l'action directe, les sous-traitants ne sont pas tenus, pour l'exercer, de produire au passif du redressement ou de la liquidation judiciaire de l'entrepreneur principal .

L'action directe n'est ouverte qu'au sous-traitant, au sens de l'article 1er de la loi de 1975, et non, en l'absence de sous-traitance, à un prestataire de services du seul fait de la fourniture de ses prestations . De fait, la société qui fabrique des boulons antivol pour une deuxième société à laquelle un constructeur automobile a fait une commande de diverses marchandises, dont lesdits boulons antivol, ne peut se prévaloir de l’action directe du sous-traitant contre le maître de l’ouvrage pour obtenir le paiement de sa facture, dès lors que le contrat unissant la deuxième société et le constructeur automobile n’est pas un contrat d’entreprise mais un contrat de fourniture de marchandises, et que les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 ne s’appliquent pas . 

L’action directe bénéficie aux sous-traitants du sous-traitant, de la même façon et sans distinction de rang, à l’encontre du maître d'ouvrage qui reste le même, en dépit de la succession des sous-traitants . L'action directe d'un sous-traitant de second rang est ainsi recevable et justifiée en son quantum dès lors que le maître d'ouvrage a connaissance de l'intervention du sous-traitant par les comptes-rendus de chantiers qui en font mention, par une note du bureau de contrôle, par des courriers que lui a adressés ce même sous-traitant, qu'il a été informé d'une demande de délégation de paiement formée par le sous-traitant de second rang et qu'il a sollicité la désignation d'un séquestre aux fins de consigner une somme correspondant au solde du marché, incluant la créance du sous-traitant de premier rang et celle du sous-traitant de second rang .

Enfin, l'article 1798 du Code civil qui a pour objet d'assurer le paiement du travail manuel et qui consacre au profit des ouvriers salariés du secteur du bâtiment une véritable action directe en paiement des salaires contre le maître d'ouvrage, à l'occasion du contrat conclu par celui-ci avec l'employeur, n'a pas vocation à s'appliquer à la cause qui a pour fondement l'action directe du sous-traitant contre le maître d'ouvrage, en raison du non-paiement par l'entrepreneur principal, régie par la loi du 31 décembre 1975 .

Cass. 3e civ., 29 mai 1980, LawLex202200004835JBJ, D. 1980, 443, obs. BENABENT, retenant que l’intervention d’un texte réglementaire n’est pas nécessaire pour l’application des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relatives à l’action directe du sous-traitant contre le maître d'ouvrage.

Cass. 3e civ., 12 juillet 1989, LawLex202200004485JBJ, RDI 1990, 82, obs. MALINVAUD et BOUBLI ; RDI 1990, 212, obs. MALINVAUD ; Cass. 1re civ., 26 octobre 2011, LawLex202200004883JBJ, Procédures 2012, n° 11, obs. WEILLER ; RJ com. 2012, 17, obs. MOREAU ; JCP G 2012, 99, n° 185, obs. BARBIERI ; JCP E 2012, n° 36, obs. SERAGLINI ; JEDI 2012, 661, obs. SANA-CHAILLE DE NERE.

Cass. 3e civ., 25 février 1998, LawLex202200011411JBJ, RDI 1998, 256, obs. MALINVAUD et BOUBLI ; CCC 1998, 71, obs. LEVENEUR ; Gaz. Pal. 20-22 déc. 1998, 19, obs. PEISSE ; Cass. 3e civ., 25 novembre 1998, LawLex202200004958JBJ, Gaz. Pal. 1999, 422, obs. PEISSE ; RDI 1999, 103, obs. BOUBLI ; D. 1999, 500, obs. MARTIN ; Rennes, 7 juillet 2022, LawLex202200004079JBJ.

Cass. 3e civ., 13 décembre 1983, LawLex202200004977JBJ ; 9 juin 1993, LawLex202200005391JBJ ; 31 mars 1993, LawLex202200004895JBJ, AJPI 1997, 464, obs. KARILA ; D. 1994, somm. 150, BENABENT ; 4 janvier 1996, LawLex202200005079JBJ ; 25 février 1998, LawLex202200011411JBJ, RDI 1998, 256, obs. MALINVAUD et BOUBLI ; CCC 1998, 71, obs. LEVENEUR ; Gaz. Pal. 20-22 déc. 1998, 19, obs. PEISSE ; 25 novembre 1998, LawLex202200011411JBJ, RDI 1998, 256, obs. MALINVAUD et BOUBLI ; CCC 1998, 71, obs. LEVENEUR ; Gaz. Pal. 20-22 déc. 1998, 19, obs. PEISSE ; Cass. 3e civ., 6 décembre 2006, LawLex202300001577JBJ ; V égal. Bordeaux, 14 janvier 2016, n° 14/02806 ; Besançon, 11 mai 2021, LawLex202200005305JBJ ; Rennes, 7 juillet 2022, LawLex202200004079JBJ.

Cass. com., 19 mai 1980, LawLex202200005255JBJ, D. 1980, 443, obs. BENABENT ; JCP 1980, II. 19440, obs. FLECHEUX ; Cass. 3e civ., 13 décembre 1983, LawLex202200004977JBJ ; 29 février 1984, LawLex202200005091JBJ.

Cass. com., 12 mars 1991, LawLex202200003809JBJ, considérant que parce qu'il ne s'est pas vu confier l’exécution des travaux pour le maître d'ouvrage, le prestataire ne possède pas la qualité de sous-traitant de l’entrepreneur principal qui lui aurait permis d'exercer une action directe contre le maître d'ouvrage.

Cass. 3e civ., 4 juin 2003, LawLex202200004673JBJ, LPA 18 février 2004, n° 35, 5, obs. LECUYER et LUCAS ; Gaz. Pal. 2004, 1290, obs. PEISSE ; Contrats Conc. Consom. 2003, n° 138, obs. LEVENEUR ; RD banc. fin., septembre octobre 2003, 294, comm. 194, obs. LUCAS.

Cass. 3e civ., 29 mai 1980, LawLex202200004835JBJ, D. 1980, 443, obs. BENABENT.

Cass. 3e civ., 14 mars 2001, LawLex202200005132JBJ, RGDA 2001, 719, obs. d'HAUTEVILLE ; RDI 2001, 244, obs. BOUBLI.

Poitiers, 23 décembre 2011, LawLex202300003021JBJ.

Versailles, 24 avril 2003, LawLex202200005060JBJ.

Cass. 3e civ., 9 décembre 1992, LawLex202200005019JBJ.

V en ce sens : CE, 17 mars 1982, LawLex202200007571JBJ, JCP G 1983, II, 20100, obs. FLECHEUX ; D. 1983, 238, obs. DELVOLVE ; AJDA 1982, 727, obs. BOYON ; Paris, 11 octobre 2017, LawLex202200004078JBJ.

L. 75-1334 du 31 décembre 1975, art. 6, al. 1er : “Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution”.

CE, 17 mars 1982, LawLex202200007571JBJ, JCP G 1983, II, 20100, obs. FLECHEUX ; D. 1983, 238, obs. DELVOLVE ; AJDA 1982, 727, obs. BOYON ; Cass. 3e civ., 19 juillet 1982, LawLex202200011400JBJ.

Loi 75-1334 du 31 décembre 1975, art. 6 ; V en ce sens : Cass. 3e civ., 19 juillet 1982, LawLex202200011400JBJ, retenant que des sous-traitants ne peuvent exercer l'action directe instituée par le titre II de la loi du 31 décembre 1975, dès lors que le marché a été passé par l'Etat et que montant de chaque marché de sous-traitance est supérieur à 4000 francs ; Cass. 3e civ., 12 janvier 1982, LawLex202200004085JBJ, D. 1982, 384, obs. BENABENT.

Il s'agit des sous-traitances inférieures au seuil réglementaire de 600 euro TTC (L. 75-1334, 31 décembre 1975, art. 6) ; au seuil de 10 % du montant total du marché “ en ce qui concerne les marchés de services, de travaux ou de fournitures nécessitant des travaux de pose ou d'installation ou comportant des prestations de service, passés par les services de la défense, notamment des marchés de réalisation de prototypes, de fabrication, d'assemblage, d'essais, de réparations ou de maintien en condition et de prestations intellectuelles” (CCP, art. R. 2193-10) ; aux seuils applicables à la sous-traitance dans "les marchés de services, de travaux ou de fournitures nécessitant des travaux de pose ou d'installation ou comportant des prestations de service, passés par les services de la défense, notamment les marchés de réalisation de prototypes, de fabrication, d'assemblage, d'essais, de réparations ou de maintien en condition et de prestations intellectuelles, à savoir -1° A 10 % du montant total du marché public lorsque le sous-traitant est une petite ou une moyenne entreprise ou un artisan au sens de l'article R. 2351-12 ; -2° A 50 % du montant total du marché public lorsque le sous-traitant est lié au titulaire –3° A 20 % du montant total du marché public dans les autres cas.

Il s'agit des marchés publics énumérés et régis par les articles L. 2511-1 à L. 2522-1 du Code de la commande publique.

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