Contrats d'affaires

La révocation est encadrée par les articles 2004 à 2006  du Code civil. 
1) Notion de révocation ad nutum
L'article 2004 du Code civil dispose que “le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble et contraindre, s'il y a lieu, le mandataire à lui remettre soit l'écrit sous seing privé qui la contient, soit l'original de la procuration, si elle a été délivrée en brevet, soit l'expéditi …

Révocation du mandat

SALLÉ de la MARNIERRE, Le mandat irrévocable, RTD civ. 1937, 241 ; PERROT, Le mandat irrévocable, Travaux de l'Association Henri Capitant, 1956, 446 ; STOUFFLET, Le mandat irrévocable, instrument de crédit, Mél. COLOMER, 1993, Litec, 477 ; NAJJAR, Mandat et irrévocabilité, D. 2003, Chron. 708.

La révocation est encadrée par les articles 2004 à 2006  du Code civil. 

L'article 2004 du Code civil dispose que “le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble et contraindre, s'il y a lieu, le mandataire à lui remettre soit l'écrit sous seing privé qui la contient, soit l'original de la procuration, si elle a été délivrée en brevet, soit l'expédition, s'il en a été gardé minute”. Postulant que le contrat de mandat, conçu comme un service d'ami, repose sur la confiance et qu'il est conclu dans le seul intérêt du mandant, ce texte pose le principe de la libre révocabilité du mandat par le mandant. Lorsque la confiance a disparu, le mandant se trouve autorisé à révoquer son mandataire, “quand bon lui semble”, sans avoir à se justifier, exerçant ainsi son droit de révocation “ad nutum”. 

Selon la Cour de cassation, la révocation ad nutum s'entend d'une décision de résiliation prise sans que des motifs aient à être précisés . La révocation du mandat peut certes être justifiée par les manquements du mandataire à ses obligations . Mais lorsque la raison même du maintien du mandat a cessé d'exister, la révocation est fondée, même en l'absence de faute du mandataire . L’opposition valablement formée emporte ainsi révocation immédiate du mandat confié au banquier par le titulaire du compte . De même, en l'absence de stipulation contraire, la résiliation du contrat de  crédit-bail met fin au mandat donné par le crédit-bailleur au crédit-preneur pour l'exercice de l'action en garantie contre le  fournisseur . Par ailleurs, la stipulation d'une durée au mandat ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de révocation ad nutum . 

En cas de mandat révocable ad nutum, la responsabilité du mandant peut être engagée s'il y a eu abus de son droit de révocation . Dans cette hypothèse, il appartient au mandataire de prouver que son mandant a abusé du droit de révocation et lui a causé un préjudice dont il lui doit réparation . Comme l'a récemment rappelé la Haute juridiction, en application de l'article 2004 du Code civil, un mandat peut être révoqué par le mandant à tout moment et sans que des motifs aient à être précisés, l'abus dans l'exercice de ce droit de révocation ne pouvant être retenu que si celui qui l'allègue prouve l'intention de nuire de son auteur ou sa légèreté blâmable , susceptibles de se rattacher à des circonstances vexatoires, intempestives  ou brutales . La révocation d’un mandataire qui résulte du seul comportement versatile du mandant, revêt un caractère abusif . Le mandant, qui, alors qu'il avait manifesté sa pleine satisfaction de l'action du mandataire en augmentant sa rémunération et que ce dernier avait exécuté son mandat par de multiples diligences jusqu'à ce que le projet de résiliation du bail qu'il avait négocié avec efficacité soit susceptible d'être finalisé, ce qui lui aurait permis d'obtenir sa rémunération, a résilié brutalement le mandat, a abusé de  son droit de révocation . De même, le mandant, qui, ayant confié un mandat exclusif de vente à un agent immobilier pour une certaine durée, moyennant une commission, révoque le  mandat à l’issue de cette période, puis conclut la vente avec  l’acquéreur que son mandataire lui avait proposé, doit réparation à ce dernier du préjudice résultant du concert frauduleux entretenu avec le  tiers, dans le but d’éluder le paiement de la commission . Selon la Cour de cassation, les conditions de la révocation du mandat doivent être appréciées à la date où celle-ci est intervenue, les juges du fond n'ayant pas à prendre en considération des éléments postérieurs à cette date .

La révocation à la discrétion du mandant s'opère, en principe, sans indemnités. Ainsi, selon les juges, dès lors que la révocation du mandat est intervenue pour des motifs légitimes, qu'elle ne s'est pas exercée de manière brutale, ni vexatoire, et qu'elle a été notifiée en amont de sa prise d'effet, le mandataire ne peut  prétendre à une indemnité, en l'absence d'abus, par le mandant, de son droit de révocation . De même, lorsque le mandant décide d’évincer celui de ses avocats qui, en  raison de son âge, lui paraît le moins disponible et que sa décision n'implique aucun reproche à l’égard de son mandataire, la révocation du mandat, qui n’a été ni intempestive, ni abusive, ne peut donner lieu à réparation, dès lors qu’aux termes de l’article 2004 du Code civil, le mandant est  libre de révoquer le mandat, à tout moment, sous réserve de ne pas commettre d'abus de droit . Il en va de même de la révocation du mandat d'un syndic, dès lors que celui-ci a commis un ensemble de fautes et de manquements professionnels dans la gestion de la copropriété, tels que des erreurs d’imputation de comptes ou un retard de deux mois dans la notification des procès-verbaux d'assemblée générale .

En pratique, le principe de la révocation ad nutum sans indemnités souffre d'exceptions. Outre l'abus dans le droit de révocation, qui permet au mandataire de prétendre à une indemnisation, et hors le cas particulier du mandat d'intérêt commun, qui n'est pas librement révocable et ne peut être révoqué sans indemnité que par le consentement mutuel des parties ou pour une cause légitime reconnue en justice , les parties peuvent avoir stipulé une clause d'irrévocabilité, qui, contrairement à sa dénomination, n'exclut pas le principe de la révocation, mais le fait que celle-ci s'opère sans indemnité. Selon la jurisprudence, les dispositions de l'article 2004 du Code civil étant supplétives, la stipulation d'une indemnité en cas de révocation du mandat ne représente que le prix de la faculté de résiliation unilatérale, en dehors de toute notion d'inexécution, de sorte qu'elle ne revêt pas le caractère d'une clause pénale . Pour être valide, une clause d'irrévocabilité doit être expresse et ne saurait résulter de la seule stipulation d'une exclusivité ou de la nature spéciale du mandat . Les juges excluent toutefois l'application d'une telle clause, et partant l'indemnité contractuellement prévue, lorsque la révocation du mandat est rendue nécessaire par un manquement imputable au mandataire , sans pour autant revêtir le caractère d'une faute grave . Selon la Cour de cassation, le mandat, même stipulé irrévocable, ne prive pas le mandant du droit de renoncer à l’opération, de sorte que la révocation du mandat produit tous ses effets, sous réserve de la responsabilité du mandant envers le mandataire . Les juges estiment en outre que si une clause pénale a été prévue au contrat, la révocation du mandat, même stipulé irrévocable, prive celle-ci d'effet .  

L'article 2005 précise que “la révocation notifiée au seul mandataire ne peut être opposée aux tiers qui ont traité dans l'ignorance de cette révocation, sauf au mandant son recours contre le mandataire”. Dès lors, une cour d’appel ne peut décider qu’un mandant n’est pas lié par la transaction conclue par son mandataire, après révocation du mandat, au motif qu’il appartenait au tiers de s’assurer que le mandataire tenait du mandant le pouvoir de transiger, alors même qu'elle a constaté que le tiers n’était pas informé de cette révocation . A cet égard, il appartient au mandant d'établir que le tiers qui a traité avec son mandataire était informé de la révocation du mandat . Par ailleurs, la révocation du mandat n'est opposable au mandataire qu'au jour où celui-ci a eu connaissance de la volonté du mandant, et non au jour où cette volonté s'est exprimée . Partant, le mandant doit assumer toutes les obligations résultant des actes conclus par le mandataire, en son nom, avant la prise d'effet de la révocation du mandat . Lorsqu'il apporte des restrictions aux pouvoirs précédemment accordés à  son mandataire, le mandant procède à une révocation partielle du mandat, qui, selon l'article 2004 du Code civil, peut intervenir à son gré, de sorte que ces restrictions s'imposent au mandataire, dès qu'elles ont été formulées, sans avoir à être acceptées par ce dernier , même si celui-ci dispose de la possibilité de renoncer au mandat ainsi modifié . En outre, le mandat donné d’un commun accord par plusieurs indivisaires, ne peut être révoqué par l’un d’eux sans l’accord des autres, sauf convention contraire .

L'article 2006, qui ne donne pas lieux à contentieux, prévoit qu'en cas de constitution d'un nouveau mandataire pour une même affaire, celle-ci vaut révocation du premier, à compter du jour où elle lui a été notifiée.

Cass. com., 7 juillet 1992, LawLex202300014140JBJ, Contrats Conc. Consom. 1992, n° 222, obs. LEVENEUR.

Cass. 1re civ., 28 janvier 2003, LawLex202200008696JBJ, RTD com. 2003, 561, obs. BOULOC ; Cass. com., 11 mars 2014, LawLex202300014149JBJ ; Cass. 2e civ., 10 novembre 2021, LawLex202300014150JBJ. 

Cass. 1re civ., 11 décembre 1973, LawLex202300014139JBJ ; Grenoble, 7 mars 2024, LawLex202400009007JBJ : la révocation d’un mandat est intervenue dans des conditions abusives, dès lors que la rupture est intervenue brutalement, deux jours après la modification des termes de la mission conférée à une société, ne lui permettant pas d’exercer la mission qui venait de lui être confiée.

Cass. com., 11 mars 2014, LawLex202300014149JBJ.- Comp. Cass. 2e civ., 10 novembre 2021, LawLex202300014150JBJ : en l’absence de situation de dépendance économique, l'avocat, dont le  mandat a été révoqué sans que la rupture puisse être qualifiée de  brutale, ne peut prétendre à une indemnité, en l'absence d'abus de droit de la part de son mandant.

Cass. 1re civ., 22 juin 1976,LawLex202300014157JBJ ; Grenoble, 16 janvier 2018, LawLex202400008988JBJ : le retrait du bien à la vente par le mandant deux jours après l’émission d’une offre d’achat constitutive d’une simple invitation à régulariser ultérieurement un avant-contrat, suivi deux mois plus tard du non-renouvellement du mandat de vendre, privent d'effet la clause pénale en dehors de la conclusion effective de l'opération, sans pour autant caractériser un abus du droit de révocation.- Comp., Bordeaux, 3 octobre 2012, LawLex202400009006JBJ : la renonciation à la vente d'un bien et la révocation du mandat qui en découle prive d'effet la clause pénale prévue par le contrat, à condition que le mandataire n’ait pas trouvé un candidat acquéreur avant que la renonciation ait été portée à sa connaissance. 

Cass. 1re civ., 28 janvier 2003, LawLex202200008696JBJ, RTD com. 2003, 561, obs. BOULOC.

Cass. 1re civ., 2 mai 1984, LawLex202200008831JBJ.

CA Versailles, ch. civ. 1-4 copropriete, 16 octobre 2024, n° 22/01202, LawLex202400007955JBJ, ajoutant que la révocation du mandat du syndic ne saurait être entachée d’un défaut de mise en concurrence la rendant abusive dès lors que l’assemblée générale des copropriétaires a été mise en capacité de prendre la décision de changer de syndic, après une mise en concurrence préalable ; Paris, 7 février 2024, LawLex202400001143JBJ relevant que l'absence de communication à tous les copropriétaires avant la date de l'assemblée générale à laquelle le renouvellement du syndic était à l'ordre du jour du projet de contrat de syndic, ne suffit pas à justifier la révocation anticipée du mandat de syndic en cours, ledit projet de contrat, visible sur le site internet de ce dernier, ayant été communiqué lors de l’assemblée générale ; ajoutant que la révocation anticipée du mandat ne reposant sur aucun motif légitime, le syndic peut prétendre au versement de ses honoraires jusqu'à la fin normale de son contrat. 

Cass. com., 11 octobre 2005, LawLex200500009780JBJ. La jurisprudence retient comme cause légitime de révocation d'un mandat d'intérêt commun, la nécessité  pour le mandant de procéder à une réorganisation de son entreprise (Cass. com., 13 novembre 1969, LawLex200200004834JBJ), un manquement déontologique grave du mandataire, doublé de la violation réitérée de l'obligation de reddition des comptes(Paris, 31 janvier 2003, LawLex200300002326JBJ), ou l'insuffisance de rendement du mandataire, très inférieur aux normes admissibles (Cass. com., 17 mars 1987, LawLex200200004831JBJ). En revanche, un mandant ne peut révoquer sans abus un mandataire  d'intérêt commun après avoir exigé de lui de lourds investissements (Cass. com., 18 janvier 2000, LawLex200200004849JBJ).

Cass. 1re civ., 23 mai 1979, LawLex202300014156JBJ.

Cass. 1re civ., 6 mars 2001, LawLex202300014155JBJ.

Cass. 1re civ., 11 mars 1963, LawLex202300014158JBJ, énonçant qu'aux termes de l'article 2004 du Code civil, le mandant peut révoquer la  procuration quand bon lui semble, de sorte qu’une cour d’appel ne peut  retenir qu’une société ne peut révoquer le mandat exclusif de cessions  d’appartements qu’elle a confié à deux agents immobiliers, au motif que  certains mandats sont considérés comme irrévocables en raison de leur  nature spéciale et qu'il en est ainsi en cas de convention  d'exclusivité, sans rechercher si, en l'espèce, les parties avaient  convenu que le mandant ne pourrait, de sa seule volonté, retirer à son mandataire l'exclusivité des transactions.

Cass. 1re civ., 23 mai 1979, LawLex202300014156JBJ, énonçant que même s'il est loisible aux parties de stipuler que le mandat ne pourra être  révoqué sans que le mandataire reçoive une indemnité, cette dérogation au principe posé par l'article 2004 du Code civil ne s'applique pas,  lorsque la révocation du mandat est rendue nécessaire par une faute imputable au mandataire, de sorte que, dans ce cas, le mandant n'est  plus lié à son égard par la promesse d'indemnité.

Cass. 1re civ., 6 mars 2001, LawLex202300014155JBJ, énonçant que lorsque la révocation du mandat est justifiée par un manquement du  mandataire sans pour autant constituer une faute grave, elle intervient  sans l’indemnité contractuellement prévue.

Cass. 1re civ., 5 février 2002, LawLex202200008479JBJ ; Bordeaux, 3 octobre 2012, LawLex202400009006JBJ ; Angers, 17 septembre 2019, LawLex202400008989JBJ : il est toujours possible au mandant de révoquer un mandat même irrévocable dès lors qu'il renonce à l'opération qui en est l'objet sous réserve de sa responsabilité à l'égard du mandataire dans l'hypothèse où il aurait manqué à ses obligations contractuelles de loyauté ou de bonne foi ou commis un abus de droit. 

Cass. 1re civ., 30 mai 2006, LawLex202200008468JBJ, retenant que le mandat, même stipulé irrévocable, de rechercher un acquéreur en vue  de la vente d'un bien, ne prive pas le mandant du droit de renoncer à  l'opération, de sorte que la révocation du mandat qui en découle prive  d'effet la clause pénale prévue par celui-ci.

Cass. 3e civ., 10 janvier 1984, LawLex202200008692JBJ.

Cass. com., 17 juin 1997, LawLex202200008691JBJ.

Cass. 3e civ., 28 février 1984, LawLex202200008464JBJ.

Cass. 1re civ., 8 novembre 1994, LawLex202200008853JBJ, RTD com. 1995, 471, obs. BOULOC.

Cass. com., 21 décembre 1981, LawLex202300007958JBJ.

Cass. 1re civ., 8 janvier 1968, LawLex202300014142JBJ.

Cass. 1re civ., 25 février 2010, LawLex202200008738JBJ, RTD civ. 2010, 117, obs. GAUTIER ; D. 2010, 653, obs. ROUQUET.

Cass. 1re civ., 17 juillet 1973, LawLex202300014143JBJ.

Cass. com., 20 juin 1977, LawLex202300014152JBJ, D. 1978, 398, obs. GAVALDA.

Cass. com., 11 juillet 2006, LawLex200600001985JBJ, D. 2006, 2095, obs. DELPECH.

Cass. 3e civ., 27 avril 1988, LawLex202200009666JBJ, D. 1989, 351, obs. ATIAS, retenant que malgré la stipulation d'une durée, un mandat de syndic peut être révoqué à tout moment.

Cass. 1re civ., 11 décembre 1973, LawLex202300014139JBJ.

Cass. 1re civ., 14 mars 1984, LawLex202200008598JBJ ; Grenoble, 16 janvier 2018, LawLex202400008988JBJ : n'étant pas un mandat d'intérêt commun, le mandat donné à un agent immobilier peut être unilatéralement révoqué par le mandant, sauf au mandataire de prouver que son cocontractant a abusé du droit de révocation et lui a causé un préjudice, dont il lui doit réparation. 

Cass. com., 4 octobre 2023, LawLex202300012139JBJ.

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509. Révocation du mandat(1)

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