Contrats d'affaires

En matière de contrats translatifs, la question du transfert de propriété est indissociable de celle du transfert des risques. Qui, en cas de disparition ou de destruction fortuite de la chose, du vendeur ou de l’acheteur, devra en supporter le coût et les risques ? Le transfert immédiat de la propriété à l'acquéreur emporte, en principe, pour celui-ci, l'obligation simultanée de supporter les ris …

Transfert des risques

SÉRIAUX, « Res perit domino », D. 2006, 387 ;

En matière de contrats translatifs, la question du transfert de propriété est indissociable de celle du transfert des risques. Qui, en cas de disparition ou de destruction fortuite de la chose, du vendeur ou de l’acheteur, devra en supporter le coût et les risques ? Le transfert immédiat de la propriété à l'acquéreur emporte, en principe, pour celui-ci, l'obligation simultanée de supporter les risques de la perte ou de la détérioration du bien vendu . Ce principe, res perit domino, résulte de la combinaison des articles 1624 et 1196, alinéa 3, du Code civil. Selon le premier de ces textes, la question de savoir sur lequel, du vendeur ou de l'acquéreur, doit tomber la perte ou la détérioration de la chose vendue avant la livraison, relève des règles prescrites au titre “des contrats ou des obligations conventionnelles en général” . Le second texte précise que le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose, sauf en cas de mise en demeure de délivrer la chose qui remet les risques à la charge du débiteur .

Le transfert immédiat de la propriété emportant concomitamment celui des risques , l'acheteur reste tenu de payer le prix bien que la chose ait été perdue, à moins que la perte soit imputable à la faute du vendeur . Même si les parties ont mis à la charge du vendeur l'accomplissement des formalités de transfert de propriété, les risques restent à la charge de l’acheteur si elles n'ont pas subordonné ce transfert à la remise des documents administratifs . Les risques doivent également être supportés par l’acheteur, destinataire des marchandises, dès lors que le vendeur, qui justifie de l’envoi des marchandises par la production du bordereau d’expédition, apporte la preuve de l’exécution du contrat . Dans le cas particulier de la vente à distance, et notamment sur internet, l'article L. 216-4 du Code de la consommation prévoit que le risque de perte ou d'endommagement du bien est transféré à l'acheteur dès lors qu'il en prend possession physiquement. Il en résulte que la perte du colis doit être imputée au vendeur . En revanche, si l'acheteur choisit un transporteur différent de celui retenu par le vendeur, le transfert s'opère dès remise du bien au transporteur (art. L. 216-3 C. consom.).

Le transfert des risques implique celui du droit d'être indemnisé de la perte de la chose. Ainsi, le propriétaire d'un catamaran peut prétendre être indemnisé pour sa perte à la suite d'un abordage intervenu après la vente . En revanche, lorsque, de la commune intention des parties, le transfert de la propriété d'un bateau est reporté après sa livraison, les risques restent à la charge du vendeur qui demeure bénéficiaire de la garantie de son assureur pour le naufrage survenu avant la livraison .

Comme le transfert de propriété, le transfert des risques peut être différé par la volonté des parties , la nature des choses  ou l'effet de la loi (art. 1196 C. civ.). Ainsi, en matière de vente sur échantillon de choses qu'il est d'usage de goûter, si la vente est parfaite par l'agréage de l'échantillon par l'acquéreur, aux termes de l’article 1587 du Code civil, tant que l’acheteur ne les a pas goutées ou agréées, il n’y a pas de transfert de propriété et donc des risques . L’article 1587 du Code civil étant supplétif de la volonté des parties, la renonciation à ses dispositions ne peut résulter de leur seul silence . En revanche, en cas de vente en bloc, les marchandises vendues sont aux risques de l'acheteur , puisque la vente lui transfère la propriété de la chose vendue dès la formation du contrat de sorte qu'étant immédiatement investi du droit de propriété sur le bien, il peut le revendre en tout ou partie avant même qu'une éventuelle opération de mesurage ait lieu .

Les parties peuvent convenir d'affecter le transfert de propriété d'un terme. Il en est, dans ce cas, de même des risques, sauf stipulation contraire . Le transfert de la propriété et des risques peut ainsi être retardé jusqu'à la survenance d'un événement futur et certain, telle la signature de l'acte authentique de vente en matière immobilière, une date butoir étant le plus souvent prévue, qui constitue l'échéance du terme . Le transfert de propriété et des risques peut également être suspendu à la survenance d'un événement futur et incertain appelé condition suspensive . Tant que la condition est pendante, le vendeur demeure propriétaire et supporte la charge des risques, de sorte que si la chose périt par cas fortuit, le contrat est caduc . Lorsque la condition s'accomplit, en raison de son caractère rétroactif, l'acquéreur est réputé propriétaire à compter du jour de la conclusion du contrat, à moins que les parties n'en décident autrement . Il y a alors dissociation entre le transfert de la propriété qui rétroagit à la date de la conclusion du contrat et le transfert des risques qui n'intervient qu'à compter de la réalisation de la condition . Ainsi, en cas de perte partielle de l'immeuble vendu par le fait d'un incendie qui survient avant l'accomplissement de la condition, le vendeur conserve le bénéfice de l'indemnité d'assurance .

Lorsqu'il résulte de la commune intention des parties qu'elles ont entendu différer le transfert de la propriété jusqu'à la date fixée pour la livraison, dont, notamment, dépendait le paiement du prix, les risques de la chose vendue demeurent à la charge du vendeur . Demeuré propriétaire de l'immeuble jusqu'à l'acte notarié, qui seul, selon la convention des parties, devait opérer le transfert de propriété, il se doit d'en supporter les pertes jusqu'à cette date . Il en est ainsi en cas de vente d'un immeuble à édifier sur un terrain déterminé, dans laquelle l'obligation de construire prédomine, le transfert des risques ne s'opérant sur le bien acquis que lors de la livraison de l’immeuble construit , ou lorsque la vente est assortie d'une clause de réserve de propriété, le vendeur demeurant propriétaire alors que la chose a déjà été livrée .

Enfin, le transfert immédiat des risques ne peut être mis en œuvre lorsque la perte ou la détérioration de la chose a eu lieu au cours du transport du fait d'une faute du vendeur, en sa qualité d'expéditeur. Si la marchandise peut en principe être considérée livrée à l'acheteur dès qu'elle quitte les entrepôts du vendeur, lorsque sa perte a pour cause unique le fait du vendeur qui s'était obligé à en assurer l'acheminement, elle lui est imputable . De même, bien que les risques du transport aient été mis à la charge de l'acquéreur, le vendeur ne se trouve pas déchargé de l'obligation de pourvoir les marchandises destinées à l'acquéreur, dont l'expédition lui incombait, d'un emballage approprié, de sorte que les avaries subies par ces marchandises ayant pour cause exclusive les insuffisances de leur emballage, le vendeur ne peut prétendre, en raison de la faute qu'il a commise, au paiement des marchandises perdues du fait des avaries subies .

Nancy, 10 avril 2018, LawLex202300008211JBJ.

Devenu, depuis la réforme du droit des contrats, “Des sources d'obligations”.

Douai, 13 juin 2024, LawLex202400004560JBJ : s'il résulte en principe de l'article 1583 du Code civil que la vente est parfaite et entraîne transfert de propriété sur l'acheteur dès que les parties se sont entendues sur la chose et le prix, le moment du transfert de propriété coïncidant avec celui du transfert des risques, ce texte n'est pas d'ordre public, de sorte que les parties peuvent convenir de ce que la charge des risques sera différée à une autre date.

Bordeaux, 7 février 2O24, LawLex202400001364JBJ, précisant que par application des dispositions de l'article 1585 du Code civil, la vente au poids, au compte ou à la mesure oblige les parties à exécuter les engagements qu'elles ont contractés, dès qu'il y a accord sur la chose et le prix, le transfert des risques étant néanmoins subordonné au mesurage des biens vendus, de sorte que, s'agissant du vin, c'est son individualisation qui produit l'effet translatif des risques.

Reims, 8 juin 2009, LawLex202300008214JBJ, qui retient qu’une vente définitivement conclue par l'agréage de l'échantillon par l'acquéreur n'emporte ni transfert de propriété ni transfert des risques dès lors que l'objet de la vente est une chose de genre non encore individualisée, seule l'opération de pesage, de comptage ou de mesurage permettant l'individualisation de la chose vendue.

Cass. 1re civ., 24 mars 1998, LawLex202300002002JBJ, Defrénois 1998, 1407, obs. DELEBECQUE ; JCP E 1999, 170, 3, obs. SORDINO ; RTD civ. 1999, 377, obs. MESTRE.

Cass. 1re civ., 1 février 1983, LawLex202300008486JBJ, Gaz. Pal. 1983, 1, pan. 132, obs. DUPICHOT ; RTD com. 1984, 331, obs. HEMARD et BOULOC ; JCP G 1984, II, 20241, obs. HEMARD, s'agissant d'une vente portant sur un groupe d’animaux, le prix du kilogramme de viande fixe n’ayant pour but que de déterminer le prix à payer.

Aix-en-Provence, 7 janvier 2021, LawLex202300008604JBJ.

Douai, 13 septembre 2018, LawLex202300008210JBJ.

Le vendeur échappe toutefois à cette mise en demeure s'il apporte la preuve que la chose aurait pareillement péri entre les mains du créancier s'il elle lui avait été délivrée.

C. civ., art. 1304-6, al. 2 : “ Toutefois, les parties peuvent prévoir que l'accomplissement de la condition rétroagira au jour du contrat. La chose, objet de l'obligation, n'en demeure pas moins aux risques du débiteur, qui en conserve l'administration et a droit aux fruits jusqu'à l'accomplissement de la condition”. - V en ce sens : Nancy, 10 avril 2018, LawLex202300008211JBJ.

Cass. 1re civ., 20 novembre 1990, LawLex202300003159JBJ, Defrénois 1991, 425,obs. VERMELLE ; JCP G 1992, II, 21841, obs. DAGOT, qui retient que les acquéreurs d’un immeuble partiellement détruit dans un incendie à une date antérieure à celle prévue pour le transfert de propriété ne sont pas bénéficiaires de la garantie et créanciers de l’indemnité d’assurance versée aux vendeurs.

Cass. 1re civ., 4 juillet 1995, LawLex202300008583JBJ, RTD com. 1996, 317, obs. BOULOC ; JCP G 1996, II, 22620, 2e esp., obs. PAISANT et BRUN ; 7 juillet 1993, LawLex202100006391JBJ, RGAT 1994, 70, obs. MAYAUX.

Cass. 3e civ., 13 novembre 1997, LawLex202100006430JBJ, AJDI 1998, 728, obs. TEILLIAIS, retenant qu'une convention qui retarde le transfert de propriété à la signature d'un acte notarié retarde également à cette date le transfert des risques.

Cass. 3e civ., 11 octobre 2000, LawLex202200000938JBJ, JCP G 2001, 10465, obs. MALINVAUD ; Defrénois 2001, 878, obs. PERINET-MARQUET ; Gaz. Pal. 2001, 836, obs. PEISSE ; Constr.-Urb. 2000, 292, obs. SIZAIRE.

Cass. com., 20 novembre 1979, LawLex202200000168JBJ, JCP G 1979, 19615, obs. GHESTIN ; RTD com. 1980, 43, obs. VON BREITENSTEIN ; Gaz. Pal. 1980, 160, obs. PIEDELIEVRE, pour une clause qui stipule que “tout matériel reste notre propriété jusqu’au règlement intégral par l’acheteur”.

Cass. com., 2 juin 1975, LawLex202300008630JBJ.

Cass. com., 11 mai 1981, LawLex202300008631JBJ.

Cass. com., 7 décembre 1993, LawLex202300008577JBJ, Rev. sociétés 1994, 72, obs. CHARTIER ; RTD civ. 1994, 586, obs. MESTRE

Cass. 1re civ., 10 octobre 1995, LawLex202100006411JBJ.

Cass. 1re civ., 19 novembre 1991, LawLex202100006395JBJ, RTD com. 1992, 662, obs. BOULOC.

Cass. 1re civ., 3 février 2021, LawLex202100006396JBJ.

Cass. com., 5 octobre 2010, LawLex202300008576JBJ.

Cass. 1re civ., 7 juillet 1993, LawLex202100006391JBJ. – V. égal., Cass. 1re civ., 4 juillet 1995, LawLex202300008583JBJ.

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151. Transfert des risques(1)

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