Contrats d'affaires

En vertu de l'article 1604 du Code civil, le vendeur doit livrer une chose conforme à ce qui a été convenu entre les parties. Les contours de cette obligation de résultat  qui n'ont pas été précisés par ce texte, ont été laissés à l'appréciation de la jurisprudence qui a développé une exigence de conformité rigoureuse : la chose livrée par le vendeur doit être strictement conforme, dans sa nature, sa qualité et sa quantité, à ce qui a été convenu entre les parties. Autrement dit, la conformité s'entend de la contenance , contractuellement convenue, de l'identité et de la qualité de la chose convenue en l'état où elle se trouve au moment de la vente, et non de sa valeur . Ainsi,  l'acheteur qui conteste exclusivement la valeur des actions qui lui ont toutes été délivrées par le vendeur, n'est pas fondé à invoquer un défaut de conformité de la chose vendue . 

Pour la Cour de cassation, l'étendue de l'obligation de délivrance s'apprécie compte tenu des caractéristiques en considération desquelles la vente de la chose a été conclue , et notamment des éléments d'identification de la chose vendue. Le vendeur professionnel qui livre un produit non conforme à la commande, en ce qui concerne sa marque et son épaisseur, viole son obligation de délivrance conforme . En revanche, l'acquéreur n'est pas fondé à solliciter la résolution du contrat pour non-conformité en faisant valoir que les bouteilles livrées proviennent d'un pays étranger alors qu'il avait commandé des produits standards de déstockage français et non étrangers, dès lors que le terme “standard” utilisé dans le ledit bon de commande n'établit ni l'origine géographique des produits, ni qu'ils soient exclusivement d'origine française .

La nature de la chose détermine également la portée de l'obligation de livraison conforme. Ainsi, la vente d'une chose neuve s'entend d'une chose sans défaut , de sorte que des défauts de fonctionnement et esthétiques découverts sur un véhicule présenté comme neuf à la vente, fondent l'exercice d'une action en justice pour défaut de conformité aux stipulations contractuelles de la commande . Pour les choses complexes  ou de haute technicité, telle l'installation d'imprimantes multi-fonctions  ou la conception d'un site internet , la Haute juridiction considère que l'obligation de délivrance conforme ne se limite pas à la livraison des éléments matériels effectivement commandés : l'obligation n'est pleinement exécutée qu'une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue , le vendeur étant tenu d'assurer à ses frais les aménagements nécessaires à l'exécution complète de son obligation . En ce qui concerne la portée de l'obligation de délivrance conforme d'une station solaire combinée, les juges estiment qu'elle ne se limite pas à la fourniture des panneaux solaires et au matériel visé au bon de commande, mais comprend également l'obtention de la performance prévue en matière d'économie d'énergie .

Les notions de conformité et de qualité de la chose vendue sont aussi étroitement liées. Les moisissures, l’odeur de moisi et la présence d’insectes, révèlent un défaut de conformité de la vanille vendue, quelle que soit sa catégorie . De même, les défauts esthétiques, notamment de coloration, affectant la chose vendue engagent la responsabilité du vendeur pour manquement à son obligation de délivrer une chose conforme .

Par ailleurs, pour être conforme, la délivrance doit non seulement être identique mais aussi complète par rapport à la commande. Un vendeur doit ainsi délivrer l'ensemble des éléments composant la chose commandée : l'omission d'un élément indissociable de la chose commandée suffit à caractériser le manquement à son obligation de délivrance conforme . Il en va de même en cas de délivrance d'une chose partiellement conforme aux caractéristiques convenues . L'obligation de délivrance conforme implique en outre l'interdiction pour le vendeur de modifier la chose commandée de sa propre initiative, dès lors que celle-ci ne correspondrait plus à ce qui a été convenu avec l'acquéreur . 

La conformité de la chose suppose enfin la disposition de l'acquéreur d'un bien qui lui soit utile, en ce sens qu'il correspond à ses besoins . Ainsi, le vendeur d'un produit qui s'est révélé inapte à son utilisation en tant qu'enduit extérieur, contractuellement définie, manque à son obligation de délivrance conforme . De même, le vendeur qui s'est engagé à fournir une voiture d'occasion d'une marque déterminée et qui livre en fait un véhicule résultant de l'assemblage de l'épave d'une voiture accidentée, ne peut prétendre avoir livré une chose conforme à celle précisée dans le contrat de vente . Constituent aussi des manquements à l'obligation de délivrance conforme, la livraison d'un générateur dans l'incapacité de fournir du courant selon les caractéristiques spécifiques mentionnées au contrat , d'un système informatique en réseau ne permettant pas de travailler en réseau , ou d'un moteur conçu pour un bateau de plaisance, selon les normes constructeur, alors que sa destination est d'équiper un bateau de pêche et que les travaux d'adaptation nécessaires n'ont pas été réalisés . 

Cass. com., 29 mars 2017, LawLex201700000698JBJ, énonçant que le vendeur d'une chaudière, tenu d'une obligation de résultat, doit  livrer une machine en état de fonctionner, assurer son installation et  sa mise en oeuvre et garantir sa qualité et sa compatibilité avec les installations existantes.

Le Code civil régit la contenance dans les ventes immobilières aux articles 1617 à 1623 que nous nous contenterons de citer. 

Art. 1617, C. civ. : “Si la vente d'un immeuble a été faite avec indication de la contenance, à raison de tant la mesure, le vendeur est obligé de délivrer à l'acquéreur, s'il l'exige, la quantité indiquée au contrat ; Et si la chose ne lui est pas possible, ou si l'acquéreur ne l'exige pas, le vendeur est obligé de souffrir une diminution proportionnelle du prix”.

Art. 1618, C. civ. : “Si, au contraire, dans le cas de l'article précédent, il se trouve une contenance plus grande que celle exprimée au contrat, l'acquéreur a le choix de fournir le supplément du prix, ou de se désister du contrat, si l'excédent est d'un vingtième au-dessus de la contenance déclarée”.

Art. 1619, C. civ. : "Dans tous les autres cas,

Soit que la vente soit faite d'un corps certain et limité,

Soit qu'elle ait pour objet des fonds distincts et séparés,

Soit qu'elle commence par la mesure, ou par la désignation de l'objet vendu suivie de la mesure,

L'expression de cette mesure ne donne lieu à aucun supplément de prix, en faveur du vendeur, pour l'excédent de mesure, ni en faveur de l'acquéreur, à aucune diminution du prix pour moindre mesure, qu'autant que la différence de la mesure réelle à celle exprimée au contrat est d'un vingtième en plus ou en moins, eu égard à la valeur de la totalité des objets vendus, s'il n'y a stipulation contraire".

Art. 1620, C. civ. : “Dans le cas où, suivant l'article précédent, il y a lieu à augmentation de prix pour excédent de mesure, l'acquéreur a le choix ou de se désister du contrat ou de fournir le supplément du prix, et ce, avec les intérêts s'il a gardé l'immeuble”.

Art. 1621, C. civ. : “Dans tous les cas où l'acquéreur a le droit de se désister du contrat, le vendeur est tenu de lui restituer, outre le prix, s'il l'a reçu, les frais de ce contrat”.

Art. 1622, C. civ. : “L'action en supplément de prix de la part du vendeur, et celle en diminution de prix ou en résiliation du contrat de la part de l'acquéreur, doivent être intentées dans l'année, à compter du jour du contrat, à peine de déchéance”.

Art. 1623, C. civ. : “S'il a été vendu deux fonds par le même contrat, et pour un seul et même prix, avec désignation de la mesure de chacun, et qu'il se trouve moins de contenance en l'un et plus en l'autre, on fait compensation jusqu'à due concurrence ; et l'action, soit en supplément, soit en diminution du prix, n'a lieu que suivant les règles ci-dessus établies”.

Pau, 12 septembre 2014, LawLex201500001853JBJ.

Cass. com., 26 novembre 2013, LawLex201400000540JBJ.

Cass. 1re civ., 25 juin 1996, LawLex200500005854JBJ, Contrats Conc. Consom. 1996, n° 183, obs. LEVENEUR, énonçant que l'obligation de délivrance du vendeur d'un matériel informatique s'étend à sa mise au point, et comporte une obligation accessoire d'information et de conseil du client.

Cass. com., 30 mars 1981, LawLex202200002789JBJ.

Aix-en-Provence, 16 février 2017, LawLex201700000392JBJ.

Paris, 1er février 2024, LawLex202400003244JBJ.

Caen, 15 février 2024, LawLex202400003339JBJ, à propos de la livraison d'une porte de garage comportant des boursouflures de peinture.

Cass. 1re civ., 19 novembre 1996, LawLex200500008706JBJ.

Cass. 1re civ., 24 novembre 1993, LawLex200300001216JBJ, JCP G, 1994, 390, obs. LEVENEUR ;  Defrénois 1994, 818, obs. MAZEAUD ; Montpellier, 15 mai 2018, LawLex201800000761JBJ, estimant que le vendeur qui utilise dans les boîtiers qu'il fournit un composant qu'il sait pouvoir être défaillant, dès lors que leur garantie de moins d'un mois est contraire aux usages, manque à son obligation de délivrance conforme.

Cass. com., 8 juillet 2003, LawLex200500008723JBJ. - V. aussi, pour un vendeur ayant procédé de sa propre initiative à la chaptalisation du vin, devenu impropre à la consommation, Montpellier, 15 avril 1993, LawLex200500010204JBJ.

Orléans, 10 octobre 2019, LawLex201900001252JBJ ; Douai, 6 juillet 2023, LawLex202300010843JBJ.

Angers, 9 avril 2024, LawLex202400003125JBJ : l'obligation de délivrance soumet le vendeur à une obligation de résultat de remettre à l'acheteur un bien très exactement conforme aux qualités et aux caractéristiques techniques prévues au contrat ainsi qu'à une obligation de moyens de mettre à la disposition de celui-ci un bien qui lui soit utile, en ce sens qu'il correspond à ses besoins.

Cass. 1re civ., 17 juin 1997, LawLex200500008753JBJ.

Cass. 1re civ., 5 novembre 1966, LawLex200500008700JBJ, JCP G 1997, 314, obs. RADE ; RTD com. 1997, 498, obs. BOULOC.

Cass. 1re civ., 18 juillet 1995, LawLex200500008705JBJ, Contrats Conc. Consom. 1995, n° 182. obs. LEVENEUR ; JCP G 1996, I, 3908, n° 11, obs. SIMLER.

Cass. 1re civ., 18 juillet 1995, LawLex200500008705JBJ.

Rouen, 14 septembre 2017, LawLex201700001511JBJ.

Orléans, 10 octobre 2019, LawLex201900001252JBJ : l'acheteur qui conteste exclusivement la valeur des actions qui lui ont toutes été délivrées par le vendeur, n'est pas fondé à invoquer un défaut de conformité de la chose vendue.

Cass. 1re civ., 1er décembre 1987, LawLex200500009042JBJ, RTD civ. 1988, 368, obs. RÉMY ; Defrénois 1988, 34157, obs. SARGOS ; RTD com. 1988, 671, obs. BOULOC et HÉMARD ; Pau, 15 septembre 2010, LawLex201400001946JBJ.

Pau, 12 janvier 2018, LawLex201800000092JBJ.

Riom, 5 juin 2024, LawLex202400004267JBJ.

Cass. civ. 1re, 3 juillet 2008, LawLex201300000736JBJ.

Cass. civ. 1re, 3 mai 2006, LawLex200700000112JBJ, RJDA 2006, n° 1123.

Cass. com., 26 novembre 2013, LawLex201400000540JBJ ; 10 février 2015, LawLex201500000467JBJ, RDC 2015, 494, obs. HUET ; Montpellier, 14 novembre 2023, LawLex202400003318JBJ.

Conformité de la chose.

SALVAT, La garantie spéciale de conformité et l’obligation générale de délivrance conforme : quel choix pour l’acheteur ?, Contrats Conc. Consom. 2006, n° 18.

173. Conformité de la chose.