Contrats d'affaires

Avant la réforme du droits de contrats, le Code civil n'envisageait pas l'exception d'inexécution ou exceptio non adimpleti contractus  comme un remède général à l'inexécution contractuelle. Même si la jurisprudence l'appliquait déjà largement , cette exception ne figurait au Code civil que dans des textes régissant certains contrats, tels, pour la vente, les articles 1612  et 1653  du Code civil. …

Exception d'inexécution.

PINNA, L'exception pour risque d'inexécution, RTD civ. 2003, 31 ;

Avant la réforme du droits de contrats, le Code civil n'envisageait pas l'exception d'inexécution ou exceptio non adimpleti contractus  comme un remède général à l'inexécution contractuelle. Même si la jurisprudence l'appliquait déjà largement , cette exception ne figurait au Code civil que dans des textes régissant certains contrats, tels, pour la vente, les articles 1612  et 1653  du Code civil. L’exception d’inexécution, désormais consacrée à l'article 1219 du Code civil ,  permet à un contractant de suspendre volontairement l’exécution de ses obligations tant qu’il n’a pas reçu la prestation qui lui est due, et ce, sans mise en demeure préalable . Ainsi, dans le cadre de la vente, l’acquéreur peut opposer l’exception d’inexécution au vendeur en s’abstenant de payer le prix, si ce dernier n’exécute par son obligation de délivrance de la chose . De même, le vendeur peut s'abstenir de procéder à la délivrance tant que l'acheteur n'a pas payé le prix .

L’exception d’inexécution suppose la réunion de deux conditions : des obligations réciproques, et l’existence d’une inexécution, préalable ou concomitante. 

Concernant le lien de connexité entre les obligations, la Cour de cassation considère que les obligations issues du contrat de vente sont réciproques et interdépendantes . Ce lien de connexité peut exister même en présence de deux contrats distincts . A l’inverse, si les obligations ne sont pas suffisamment liées, il ne peut y avoir exception d’inexécution.

Concernant l’existence d’une inexécution du débiteur, l’article 1219 du Code civil prévoit que cette dernière doit être suffisamment grave . Il doit exister une juste proportionnalité entre l’obligation inexécutée et celle suspendue par le créancier . Dans son contrôle a posteriori, le juge évalue si l’inexécution est d’une gravité suffisante pour suspendre l’exécution du contrat. Aussi, une inexécution mineure ne permet-elle pas au créancier d’opposer une exception d’inexécution. Ainsi, le fait que l'acheteur ait exécuté son obligation de paiement avec retard n'est pas un manquement suffisant pour justifier le refus du vendeur d'exécuter son obligation de livraison . Par ailleurs, la jurisprudence, comme le texte de l'article 1217 qui évoque “la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement”, assimilent la mauvaise exécution ou l'exécution imparfaite, à l'inexécution contractuelle. L'acheteur peut ainsi soulever l'exceptio non adimpleti contractus lorsque le vendeur méconnaît son obligation de délivrance conforme  ou que la chose vendue est affectée d'un vice caché . En outre, l'inexécution contractuelle peut n'être que partielle . Aussi, l'acheteur peut-il soulever l'exception d'inexécution et refuser de payer le vendeur, lorsque ce dernier omet de livrer un élément indissociable de l'ensemble informatique vendu .

L’article 1220 du Code civil  consacre par ailleurs l’exception d’inexécution anticipée, également appelée exception pour risque d'inexécution, en permettant au créancier d’opposer l’exception d’inexécution s’il est manifeste que le débiteur ne s’exécutera pas.  Dans cette hypothèse, l’inexécution à venir doit entraîner des conséquences suffisamment graves pour justifier la suspension de l’exécution et doit être notifiée au cocontractant dans les meilleurs délais. L'exception pour risque d'inexécution est également spécialement prévue en matière de contrat de vente par l’article 1653 du Code civil. Le texte prévoit que l’acheteur peut suspendre le paiement du prix s’il craint une action hypothécaire ou en revendication . L’article 71 de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises dispose également qu’un contractant peut suspendre l’exécution de ses obligations lorsqu'il apparaît, après la conclusion du contrat, que l'autre partie n'exécutera pas une partie essentielle de ses obligations . 

Que l’inexécution soit anticipée ou avérée, le jeu de l’exception d’inexécution entraîne la suspension de l’exécution du contrat. Le contrat n’est pas pour autant anéanti , et ce, même si l’inexécution perdure. Si l’obligation suspendue est la délivrance d’une chose, les risques ne sont pas transférés au contractant .  Selon la Haute juridiction, la stipulation de sanctions à l'inexécution du contrat ne fait pas obstacle au jeu de l'exception d'inexécution . Toutefois, l'exception d'inexécution ne saurait être mise en œuvre si le contrat est déjà résolu par le jeu d'une clause résolutoire invoquée par la partie adverse .

Cass. com., 27 janvier 1970, LawLex202200003513JBJ, RTD civ. 1971, 136, obs. LOUSSOUARN ; JCP G 1970, II, 16554, obs. HUET, relevant que dans une convention complexe qui comporte des obligations réciproques, une partie est fondée à invoquer l'exceptio non adimpleti contractus, lorsque l'autre n’a exécuté aucune de ses obligations.

Art. 1612, C. civ : “Le vendeur n'est pas tenu de délivrer la chose, si l'acheteur n'en paye pas le prix, et que le vendeur ne lui ait pas accordé un délai pour le payement”.

Cass. com., 16 juill. 1980, LawLex202200003252JBJ, requérant une inexécution d'une gravité suffisante pour affranchir l'acheteur de ses obligations corrélatives.

Bordeaux, 7 février 2024, LawLex202400001364JBJ.

Cass. com., 15 décembre 1992, LawLex202200000254JBJ. - V. aussi Toulouse, 3 avril 2019, LawLex201900000474JBJ : dès lors que le platelage livré en vue de réaliser une installation de stockage n'était pas conforme à la commande puisqu'il n'était pas adapté à un usage de type picking (vrac) et a présenté très vite des déformations, l'acheteur est fondé à soulever l'exception d'inexécution.

Nancy, 15 juin 2022, LawLex202300009851JBJ.

Cass. com., 31 mai 1983, LawLex202300003729JBJ, relevant qu'une société peut opposer à son vendeur l'exception d’inexécution et  suspendre l’exécution du contrat aux termes duquel elle ne devait acquérir que des fromages de belle qualité, dès lors qu'une partie des  produits livrés n'étant pas de la qualité convenue,  le vendeur a manqué à ses obligations.

Cass. 1re civ., 19 novembre 1996, LawLex200500008706JBJ, JCP 1997, II, 22862, obs. HUET ; RTD com. 1997, 498, obs. BOULOC ; Contrats, Conc. Consom. 1997, n° 45, obs. LEVENEUR, ajoutant en revanche que l'obligation de payer la totalité du prix de vente qui incombe à l'acheteur ne peut résulter que de l'exécution complète de l'obligation de délivrance par le vendeur.

Art. 1220, C. civ. : “Une partie peut suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais”.

Cass. 3e civ., 26 mai 1992, LawLex202300003833JBJ, RTD civ. 1993, 376, obs. GAUTIER ; Defrénois 1992,1546, obs. VERMELLE, précisant que ne peut se prévaloir de son droit de suspendre le paiement du prix de la vente, en application de l’article 1653 du Code civil, l'acquéreur qui n'a pas mis en mesure le vendeur d’exercer la faculté, reconnue par ce texte de cesser ou de fournir une caution, mais a fait des offres réelles de paiement après réception d'un commandement de payer.

Cass. com., 20 février 2007, LawLex200700000345JBJ : conformément à l’article 71 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises, applicable aux contrats de vente conclus en application d’un accord cadre de distribution, l’exception d’inexécution peut être opposée aux demandes de livraison faites, en cours de préavis de rupture, par le distributeur qui a connu de nombreux incidents de paiement par le passé.

Cass. com. 3 déc. 1979, LawLex202300009859JBJ, Gaz. Pal. 1980, 127, obs. LE TOURNEAU.

Art. 1653, C. civ : “Si l'acheteur est troublé ou a juste sujet de craindre d'être troublé par une action, soit hypothécaire, soit en revendication, il peut suspendre le payement du prix jusqu'à ce que le vendeur ait fait cesser le trouble, si mieux n'aime celui-ci donner caution, ou à moins qu'il n'ait été stipulé que, nonobstant le trouble, l'acheteur payer”.

L'acheteur acquiert en principe la propriété de la chose vendue et en supporte les  risques solo consensu, c'est-à-dire par le seul échange des volontés, dès la conclusion du contrat de vente, et ce, indépendamment de  la délivrance, qui n'en constitue que l'acte matériel de mise à  disposition. 

Cass. 3e civ., 14 février 2019, LawLex202300004851JBJ, RTD civ. 2019, 330, obs. BARBIER ; Constr.-Urb. 2019, 49, obs. SIZAIRE ; JCP G 2019, 363, obs. DESHAYES ; RLDC juin 2019, 14, obs. TISSEYRE ; RDI 2019, 280, obs. TOURNAFOND et TRICOIRE ; LEDC avril 2019, n° 112, 3, obs. SABARD ; JCP E 2019, n° 27, 1345, obs. SEUBE : une cour d’appel ne peut condamner le vendeur d’un immeuble en l’état  futur d’achèvement à indemniser l’acquéreur du retard de livraison, aux  motifs que la stipulation de pénalités contractuelles de retard fait  obstacle à ce qu’il puisse opposer l’exception d’inexécution aux retards  de paiement de l’acquéreur pour suspendre l’exécution de sa prestation.

Cass. 3e civ., 18 janvier 2006, LawLex202200003505JBJ, RDI 2006, 302, obs. TOURNAFOND ; Constr.-Urb., 2006, 59, obs. SIZAIRE : une cour d’appel ne peut rejeter la demande en paiement du vendeur d’un  appartement en l’état futur d’achèvement, aux motifs que l’exception  d’inexécution opposée par l’acquéreur est sérieuse au vu du constat d’huissier qui relève le défaut d’achèvement, des malfaçons ainsi que  des non-conformités, que ce même acquéreur avait engagé une instance au  fond en responsabilité contractuelle du vendeur, et séquestré la somme  réclamée, alors même qu’elle n’a pas recherché si, dans le délai d’un  mois du commandement de payer, l’acquéreur avait demandé la suspension des effets de la clause résolutoire de plein droit. - V. égal. Cass. 3e civ., 28 janvier 2015, LawLex202200003489JBJ, RTD civ. 2015, 34, obs. POUMAREDE ; RDI 2015, 415, obs. TRICOIRE ; Defrénois 2015, 616, obs. LECUYER ; Constr.-Urb. 2015, 60, obs. SIZAIRE ; Defrénois 2015, 428, obs. PERINET-MARQUET ; Gaz. Pal. 2 juin 2015, n° 153, 17, obs. ZALEWSKI-SICARD : L’acquéreur d’un appartement, d’un parking et d’un garage en l’état  futur d’achèvement qui n’a pas payé, et pas saisi le juge aux fins de  suspension des effets de la clause résolutoire rappelée dans le  commandement de payer, dans le mois de ce commandement comme l’y  autorise l’article L. 261-13 du Code de la construction et de  l’habitation, ne peut invoquer une exception d’inexécution pour  s’opposer à l’acquisition de la clause résolutoire.

Art. 1219, C. civ. : “Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave”.

Cass. com., 27 janvier 1970, LawLex202200003513JBJ, RTD civ. 1971, 136, obs. LOUSSOUARN ; JCP G 1970, II, 16554, obs. HUET : celui qui invoque l’exception d’inexécution n’est pas tenu à une mise en demeure préalable.

Pour une application, Douai, 16 février 2023, LawLex202300008976JBJ.

Cass. com., 28 mai 1991, LawLex200500004333JBJ, RTD com. 1992, 218, obs. BOULOC ; D. 1992, 202, obs. TOURNAFOND, précisant toutefois que le défaut de paiement partiel du prix par l'acheteur de la chose affectée de vices cachés, n'autorise pas le vendeur à lui opposer l'exception d'inexécution.

Cass. 3e civ., 26 novembre 2020, LawLex202300008927JBJ : en application des articles 1612 et 1651 du code civil, les obligations découlant de la vente, à savoir la délivrance de la chose par le vendeur et le paiement du prix par l’acquéreur sont réciproques et interdépendantes, de sorte que le paiement ne peut se concevoir sans la délivrance et réciproquement.

Cass. com., 12 juillet 2005, LawLex200500009784JBJ : même si l'inexécution d'une convention peut être justifiée si le cocontractant n'a pas satisfait à une obligation contractuelle découlant d'une convention distincte, dès lors que l'exécution de cette dernière est liée à celle de la première, un franchisé ne peut, en l'absence de lien de connexité entre les obligations invoquées, opposer l'exception d'inexécution à l'action du franchiseur en paiement des marchandises livrées dès lors que l'obligation de payer le prix d'une marchandise n'est pas la contrepartie de la bonne exécution du contrat de franchise, mais seulement celle de la délivrance d'une chose conforme à la commande en exécution du contrat de vente.

Pour une application,  V. Nancy, 15 juin 2022, LawLex202300009851JBJ.

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241. Exception d'inexécution.(1)

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