Contrats d'affaires

L'article 1592 du Code civil, tel que modifié par la loi de Modernisation de la justice du XXIe siècle , dispose que le prix peut être laissé à l'« estimation » d'un tiers. Comme pouvaient le laisser entendre les termes de l'ancien article 1592, qui évoquaient l’« arbitrage d’un tiers » , le tiers en question n’est ni un véritable arbitre , ni un expert au sens technique, mais un mandataire commun …

Détermination par un tiers

MOURY, Jeux d'ombres sur la détermination du prix par les tiers estimateurs des articles 1592 et 1843-4 du Code civil, Rev. sociétés 2005, 513 ; NUSSENBAUM, La liberté de l'expert et le fondement contractuel de sa mission, RDC 2014, 307 ; MOURY, Article 1592 du Code civil : un heureux redressement de qualification, D. 2017, 169 ; MOURY, Modification prochaine de l'article 1592 du Code civil : stérile, voire dangereuse, D. 2019, 1302 ;

L'article 1592 du Code civil, tel que modifié par la loi de Modernisation de la justice du XXIe siècle , dispose que le prix peut être laissé à l'« estimation » d'un tiers. Comme pouvaient le laisser entendre les termes de l'ancien article 1592, qui évoquaient l’« arbitrage d’un tiers » , le tiers en question n’est ni un véritable arbitre , ni un expert au sens technique, mais un mandataire commun. Si ce dernier ne veut ou ne peut faire l'estimation, la vente ne peut s'opérer à moins que n'intervienne l'estimation par un autre tiers. Il ne peut en aucun cas y être suppléé par le juge, y compris en cas de désaccord entre les parties sur les éléments de calcul prévus contractuellement, lorsque le contrat prévoit expressément que le prix sera fixé par un tiers conformément à l’article 1592 du Code civil . Il doit être indépendant, se conformer aux directives des parties contenues dans l'acte de vente et peut engager sa responsabilité. L'expert désigné par les parties peut se faire communiquer le cas échéant par les parties toutes pièces complémentaires utiles à l'accomplissement de sa mission . Plusieurs tiers peuvent être désignés afin de fixer le prix de la vente. En cas de litige relatif à la désignation du mandataire commun, le juge peut intervenir pourvu que des stipulations contractuelles le prévoient. Ainsi, le juge peut désigner un tiers pour évaluer le montant de l'ajustement du prix d'une cession d'actions, qui s'imposera aux parties dès lors que la convention de garantie qui accompagne la cession prévoit elle-même l'intervention du juge en cas de désaccord de celles-ci .

En présence d’une cession ou d'un rachat forcé de titres de sociétés, lorsqu’une contestation sur le prix survient, l’ancien article 1843-4 du Code civil prévoyait que “ dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ”. La Cour de cassation  a dans un premier temps interprété strictement ce texte en limitant son champ d’application aux cessions ou rachats prévus par le Code civil ou le Code de commerce, avant de l’élargir dans un second temps à l’hypothèse de cessions et rachats prévus dans des dispositions statutaires  et même extra-statutaires . La Haute juridiction a toutefois mis un coup d’arrêt à cette extension en énonçant que “ les dispositions de l'article 1843-4 du Code civil, qui ont pour finalité la protection des intérêts de l'associé cédant, sont sans application à la cession de droits sociaux ou à leur rachat par la société résultant de la mise en œuvre d'une promesse unilatérale de vente librement consentie par un associé ”  . En d’autres termes, une cession ou un rachat librement consenti entre cédant et cessionnaire, qui ne prend sa source ni dans la loi, ni dans les statuts, ne saurait relever de ces dispositions. Le nouvel article 1843-4  vise désormais “ les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société ” mais également ceux “ où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable ”, prévoyant que “ la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible, l'expert ainsi désigné [étant] tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties ”.

L'estimation d'experts désignés conformément à l'article 1843-4 du Code civil s’impose aux parties, sans qu'elles puissent invoquer une violation du principe du contradictoire . La cession d'actions par le truchement de l’article 1843-4, selon des règles de calcul déterminées par un protocole d'accord, doit être annulée lorsque l'une des parties a manipulé les données de référence de manière à rendre impossible la mission des experts . La responsabilité de l'expert peut être engagée à raison de toute faute commise dans l'exercice de sa mission, et non seulement en cas d'erreur grossière . Cependant, même en présence d'une telle erreur de l'expert, le juge ne peut se substituer à celui-ci pour déterminer la valeur des parts d'un associé .

Loi n° 2016-1547, JO du 18 novembre 2016.

Angers, 2 avril 2024, LawLex202400002932JBJ : si la clause de désignation d'un expert a pour objet la détermination du prix conformément à l’article 1592 du Code civil, elle ne constitue pas une clause compromissoire, même s'il est prévu que l'expert statuera en premier et dernier ressort, dès lors que le tiers évaluateur a uniquement reçu mission des parties, non d'exercer un pouvoir juridictionnel, mais d'obtenir, au regard de la méthode donnée de valorisation des actions, un résultat s'imposant à elles ; 12 mars 2024, LawLex202400002286JBJ, relevant qu'en vertu de l’article 1592 du Code civil, la clause de désignation d’un expert qui a pour objet la détermination du prix n’est pas une clause compromissoire, de sorte que la “sentence” rendue par ce dernier a un objet limité à la détermination du prix définitif des actions et ne peut faire obstacle à la recevabilité de l’action en nullité de la cession pour dol.

Cass. com., 19 avril 2005, LawLex202200000075JBJ, JCP E 2005, 1390, obs. LECUYER.

Cass., 2e civ., 8 avril 1999, LawLex202200000077JBJ, JCP 1999, II, 10136, obs. VIANDIER.

Cass. com., 4 février 2004, LawLex202200000801JBJ, D. 2004. 2330, obs. BLOUD-REY ; Rev. sociétés 2004, 863, obs. MOURY ; CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 16 janvier 2024, LawLex202400002839JBJ : si le prix estimé par le tiers prévu à l’article 1592 du Code civil vaut loi entre les parties, seule une erreur grossière peut remettre en cause le résultat des opérations menées par ce dernier.

Cass., 1re civ., 25 janvier 2005, LawLex202200000803JBJ, D. 2005, 432, obs. LIENHARD.

Cass. com., 4 juin 2025, LawLex202500004607JBJ.

Paris, 30 août 2023, LawLex202400003105JBJ.

Cass. com., 26 juin 1990, LawLex202200000800JBJ, Rev. Sociétés 1993. 96, obs. URBAIN-PARLEANI.

Cass. com., 26 novembre 1996, LawLex202200000078JBJ, D. 1997, somm. 227, obs. HALLOUIN :  le prix déterminé par l'expert désigné par le tribunal en application de l'article 1843-4 du Code civil ne s'impose pas aux parties qui ne se trouvent pas dans le cas d'une cession des droits sociaux d'un associé ou d'un rachat de ceux-ci par la société.

Cass. com., 4 décembre 2007, LawLex202200001928JBJ, JCP E 2008, 1159, obs. HOVASSE.

Cass. com., 4 décembre 2012, LawLex202200001927JBJ, Dr. sociétés 2013, n°41, obs. MORTIER : l''article 1843-4 du Code civil est applicable, lorsque un salarié, en sa qualité d'actionnaire, s'est engagé en signant la charte des associés du groupe, en cas de départ de  la société, à céder, par une promesse de vente irrévocable, toutes les  actions qu'il détient, au profit des membres du conseil  d'administration, et ce, même lorsqu'il n'a pas été convenu, en cas de désaccord, de désigner un expert pour la  détermination du prix de cession des actions.

Cass. com., 11 mars 2014, LawLex202200000073JBJ, D. 2014, 759, obs. DONDERO ; D. 2014, 2434, obs. HALLOUIN ; AJCA 2014, 127, obs. URBAIN-PARLEANI ; Rev. sociétés 2014, 366, obs. MOURY ; Gaz. Pal. 2014. 1611, obs. ZATTARA-GROS ; JCP 2014, 346, obs. MAURO ; JCP ibid., no 588, obs. CAVALIÉ ; 14 nov. 2018, LawLex202200001929JBJ, Gaz. Pal. 26 mars 2019, 64, obs. MICHEL ; Dr. sociétés 2019, n° 40, obs. MORTIER.

Tel que modifié par les ordonnances n° 2014-863 du 3 juillet 2014 et n° 2019-738 du 17 juillet 2019.

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19. Détermination par un tiers(1)

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