Contrats d'affaires

Selon l'article 1137, alinéas 1 et 2, “le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges” ou “la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie”.
Le dol suppose donc que la faute intentionnelle commise par une partie ait provoqué chez son cocontractant un …

Erreur de la victime.

Selon l'article 1137, alinéas 1 et 2, “le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges” ou “la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie”.

Le dol suppose donc que la faute intentionnelle commise par une partie ait provoqué chez son cocontractant une erreur l'ayant déterminé à contracter . Pour être déterminante, l'erreur provoquée par le silence ou les manoeuvres d'une partie est telle qu'en leur absence, l'autre partie n'aurait pas contracté (dol principal) ou à d'autres conditions (dol incident). Se rend coupable d'un dol principal le vendeur qui omet intentionnellement de délivrer une information complète quant à une caractéristique essentielle du matériel vendu (nécessité d'adapter les locaux pour l'installer) qui, si elle avait été connue de l'acheteur, simple locataire des locaux, l'aurait déterminé à ne pas contracter . Ont commis un dol incident les vendeurs qui ont dissimulé à l'acheteur le véritable kilométrage du véhicule vendu et la défectuosité de son turbocompresseur,  lui faisant acquérir au prix fort un véhicule qu'il aurait acquis à moindre prix, s'ils n'avaient pas usé envers lui de manœuvres dolosives .

Le caractère déterminant de l'erreur relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Ainsi, le vendeur-installateur d'une chaudière, qui, lors de la conclusion du contrat, a omis de renseigner l'acheteuse, consommatrice profane âgée, sur des éléments déterminants de son consentement (difficultés de maniement de l'appareil ; manque d'accessibilité ; puissance inadaptée ; fonctionnalités inutiles), se rend coupable de réticence dolosive justifiant l'annulation du contrat et l'octroi de dommages et intérêts . L'erreur provoquée est donc déterminante du consentement, si le vendeur dissimule sciemment des éléments qu'il sait essentiels à l'acquéreur et s'il connaît la valeur que ce dernier attache à ces éléments . Selon les juges, doit être considérée comme déterminante du consentement de l'acheteur l'information selon laquelle l'utilisation insuffisante du véhicule vendu risque de créer une usure prématurée du moteur, voire une rupture de celui-ci, qui, si elle lui avait été connue avant la conclusion de la vente, l'aurait dissuadé de contracter  . Prive également son client d'éléments d'information essentiels à la formation éclairée de son consentement le vendeur d'une pompe à chaleur, tenu d'orienter l'acheteur vers une installation répondant à ses attentes, qui ne réalise pas un diagnostic thermique et prive son client d'éléments d'information essentiels à la formation éclairée de son consentement . De même, en taisant la situation exacte de l'immeuble vendu au regard des règles des immeubles de grande hauteur et du montant des charges de sécurité engendrées, le vendeur justifie la nullité de la vente dans la mesure où de tels éléments sont déterminants pour l'acquéreur qui doit être mis à même d'apprécier la rentabilité de son opération immobilière . 

En tant qu'erreur provoquée, le dol a longtemps suivi le même régime que l'erreur qui ne justifie la nullité du contrat de vente qu'à condition d'être excusable. Celui qui négligeait d'effectuer les vérifications élémentaires ou qui méconnaissait son obligation de se renseigner  ne pouvait légitimement invoquer le dol, les juges étant particulièrement intransigeants avec la victime professionnelle . La solution était applicable, quelles que soient les moyens dolosifs employés, y compris en cas de silence. Selon la Cour de cassation, l'erreur de l'acheteur sur le type du véhicule, objet de la vente, revêt un caractère inexcusable lorsqu'il a lui-même, en tant que professionnel de l'automobile, procédé à l'expertise visant à en déterminer le prix . Puis, la Haute juridiction a, en 2001, opéré un revirement : elle a estimé que l'obligation de se renseigner de l'acheteur professionnel n'excluait pas le dol par réticence, dont l'existence rend toujours excusable l'erreur provoquée . En d'autres termes, l'erreur grossière, même émanant d'un cocontractant professionnel, n'exclut pas le dol par réticence. Est ainsi fondé à demander l'annulation de la vente l'acheteur, victime de la réticence dolosive du vendeur qui lui avait caché que l'immeuble acquis avait été infesté par des termites et traité à deux reprises, dès lors que la présence de trous d'injections en partie dissimulés par le mobilier resté en place n'était pas de nature, en sa qualité de profane, à le renseigner sur l'existence des traitements antérieurs . La Haute juridiction a réitéré sa position en énonçant que l'acheteur, victime de manœuvres dolosives exercées par le vendeur, dans le seul dessein de lui soutirer une somme d'argent importante, est fondé à demander l'annulation du contrat, le fait qu'il ait lui-même agi en croyant réaliser un profit substantiel non justifié étant indifférent . L'article 1139 du Code civil codifie cette jurisprudence lorsqu'il dispose que “l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable”, semblant ainsi conférer à cette règle un caractère absolu.

Rennes, 8 décembre 1998, LawLex200500010331JBJ ; Amiens, 1er avril 2010, LawLex201200001274JBJ.

Aix-en-Provence, 26 juin 2006, LawLex200700000760JBJ. - V. dans le même sens, Toulouse, 8 février 2012, LawLex201200000988JBJ, retenant que l'acquéreur d'un appareil de torréfaction dont l'installation nécessite la perforation des murs n'aurait pas signé sans avoir au préalable demandé un devis des travaux et l'autorisation de son bailleur, s'il avait eu cette information au moment du démarchage.

Cass. civ. 1re, 14 mai 1996, LawLex200500009090JBJ.

Cass. civ. 3e, 21 février 2001, LawLex200500005940JBJ, RTD civ. 2001, 353, obs. MESTRE et FAGÈS ; D. 2001, 2702, obs. MAZEAUD ; D. 2001, 3236, obs. AYNÈS ; D. 2002, 927, obs. CARON et TOURNAFOND ; JCP G, 2001, 3330, obs. CONSTANTIN ; JCP G, 2002, 10027, obs. JAMIN.

Cass. civ. 3e, 14 mars 2006, LawLex200600001986JBJ, Contrats Conc. Consom. 2006, n° 126, obs. LEVENEUR.

Cass. 1re civ., 22 juin 2004, LawLex200500007325JBJ, LPA 22 juin 2005, 16, obs. CHARDEAUX ; RTD civ. 2004, 503, obs. MESTRE et FAGES.

Nîmes, 2 mai 2013, LawLex201400000431JBJ.

Orléans, 24 avril 2017, LawLex201700000841JBJ.

Paris, 17 janvier 2006, LawLex200600001573JBJ.

Nancy, 26 novembre 2018, LawLex201800001870JBJ.

Bordeaux, 2 novembre 2017, LawLex201700001847JBJ.

Cass. civ. 3e, 22 juin 2005, LawLex200600002189JBJ, Contrats Conc. Consom. 2005, n° 186, obs. LEVENEUR ; RDC 2005, 1025, obs. STOFFEL-MUNCK ; Cass. civ. 1re, 28 mai 2008, LawLex201400000772JBJ, JCP G, 2008, 218, obs. LABARTHE ; RDC 2008, 1118, obs. MAZEAUD, retenant que le silence gardé par le vendeur sur un projet de loge de gardien était constitutif d'un dol dès lors que l'édification de ce local, qui privait les acquéreurs d'une large perspective sur une zone verte publique, constituait une donnée déterminante du consentement, telle que si l'acquéreur l'avait connue, il n'aurait certainement pas acheté le bien au même prix.

Aix-en-Provence, 20 mai 1998, LawLex200500006857JBJ, retenant que l'erreur de l'acheteur revêt un caractère inexcusable, de nature à priver d'effet son action en nullité pour dol, dès lors qu'il avait une obligation particulière à se renseigner, compte tenu du caractère professionnel de l'opération et que des vérifications élémentaires auprès des cédants ou des services administratifs lui auraient facilement et aussitôt révélé l'exacte situation administrative de l'immeuble vendu.

Paris, 19 janvier 1996, LawLex200500007523JBJ, retenant que deux professionnels de l'immobilier ont commis une erreur inexcusable privant d'effet leur action en nullité de la vente pour dol, dès lors qu'ils ont acquis une parcelle en vue d'édifier un ensemble d'immeubles sans vérifier les prescriptions du plan d'occupation des sols, accessible à tous, qui mentionnait l'inconstructibilité du terrain.

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136. Erreur de la victime.

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