Contrats d'affaires

L'ancien article 1110 prévoyait que l'erreur n'était une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombait sur la substance même de la chose qui en était l'objet, ou sur la personne avec laquelle on a intention de contracter si la considération de cette personne était la cause principale de la convention. La vente d'oeuvres d'art a d'abord été le terrain d'élection de l'erreur. Mais les ju …

Erreur sur une qualité essentielle de la chose vendue.

TRIGEAUD, L'erreur de l'acheteur, l'authenticité du bien d'art (étude critique), RTD civ. 1982, 55 ; LINDON, Post-face au roman judiciaire du Poussin, D. 1989, chron. 121 ; KADHIM, L'erreur et la nullité du contrat de vente d'objet d'art. Réflexions sur une jurisprudence qui se confirme, Gaz. Pal. 1993, 1, doct., 14 ; EDELMAN, L'erreur sur la substance ou l'œuvre mise à nu par les artistes, même ! (sur l'arrêt de la C. cass., 5 févr. 2002), D. 2003, 436 ; DEJEAN de la BATIE, Appréciation "in abstracto" et appréciation "in concreto" en droit civil français, LGDJ 1965, préface MAZEAUD.

L'ancien article 1110 prévoyait que l'erreur n'était une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombait sur la substance même de la chose qui en était l'objet, ou sur la personne avec laquelle on a intention de contracter si la considération de cette personne était la cause principale de la convention. La vente d'oeuvres d'art a d'abord été le terrain d'élection de l'erreur. Mais les juges ont adopté une interprétation extensive de la chose au sens de l'ancien article 1110, de sorte que l'erreur a porté tant sur la substance que sur une qualité “substantielle” de la chose ou de la prestation . L'actuel article 1132 codifie ces solutions jurisprudentielles, lorsqu'il dispose que “l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant” .

L'article 1133 du Code civil définit les “qualités essentielles de la prestation” comme “celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté” . Aussi, les parties peuvent-elles convenir que le fait que le bien, objet de la vente, remplisse les conditions d'éligibilité à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité essentielle .

En pratique, les qualités susceptibles d'être qualifiées d'essentielles sont généralement liées soit aux caractéristiques essentielles de la chose, soit à sa destination d'usage.

Ainsi, selon les juges, constitue une qualité essentielle :

- pour une œuvre d'art : son authenticité, son origine , ou encore son ancienneté ;

- pour un bijou : la pureté et la qualité des pierres serties , la nature du métal utilisé ou l'authenticité des perles utilisées ;

- pour un véhicule : le kilométrage du compteur, sa puissance, son âge, la conformité de son moteur au modèle acheté , la possibilité de le mettre en circulation , son état neuf  ou d'entretien  ou encore la durée de sa garantie contractuelle ;

- pour une motocyclette : son année d'origine , sa résistance à la corrosion ou son caractère esthétique .

L'erreur est une cause de nullité lorsqu'elle tombe sur l'essence même de la chose qui en est l'objet, à savoir la nature du bien vendu, mais également, et plus spécialement l'agencement et l'utilisation de celui-ci, en considération desquels les parties ont contracté .L'existence d'une salle de bain dans un appartement destiné à l'habitation est une qualité essentielle de la chose vendue . La qualité essentielle d'une chose peut donc dépendre de son aptitude à remplir l'usage auquel on la destine : lorsqu'une cession n'a d'autre objet que de transférer, à l'insu des cessionnaires, une société déjà privée d'une grande partie de son actif et insusceptible de rentabilité, le consentement des cessionnaires est vicié par une erreur sur les qualités essentielles des parts sociales, puisque la société cédée, en réalité dans l'impossibilité de réaliser son objet social et de poursuivre une activité économique rentable, ne revêt plus aucune utilité pour les cessionnaires .

Ainsi, constitue une qualité essentielle :

- pour un immeuble à bâtir : sa constructibilité ;

- pour un immeuble vendu loué : la possibilité de le donner à bail ;

- pour un mobil-home : sa mobilité, ainsi que le bon fonctionnement de la distribution interne et indépendante de l'eau ;

- pour un bateau : la possibilité d'embarquer le nombre de passagers défini sans mise en danger ;

- pour un chariot élévateur : son aptitude à déplacer les palettes d'un entrepôt 

- pour du blé : sa qualité à pouvoir être consommé .

L'adaptabilité d'un objet à un autre peut aussi constituer une qualité essentielle : l'acheteur qui acquiert ensemble et pour une somme globale, deux engins agricoles qui se sont avérés incompatibles, est fondé à obtenir la nullité de la vente pour erreur, dès lors que, pour lui, eu égard aux circonstances de la cause, la qualité essentielle de l'un résidait dans sa compatibilité à l'autre .

Selon la Haute juridiction, les juges du fond apprécient souverainement les qualités, qui, dans le contrat, doivent être considérées comme essentielles aux yeux des parties . Ils procèdent souvent in abstracto, vérifiant si la qualité sur laquelle a porté l'erreur est communément perçue comme essentielle. L'authenticité d'un tableau doit ainsi s'apprécier en tenant compte du fait qu'à défaut d'une réserve du vendeur, son auteur effectif s'entend en principe de celui qui l'a réalisé ou exécuté personnellement . Lorsque la qualité revêt un caractère objectivement essentiel, le cocontractant de la victime de l'erreur est censé en avoir eu connaissance, et le contrat peut en principe être remis en cause. Ainsi, l'acheteur qui acquiert un bijou dont la couleur a disparu un mois plus tard, est fondé à demander l'annulation de la vente pour erreur, la couleur d'un bijou constituant un élément déterminant de son achat . Au contraire, lorsque la qualité essentielle présente un caractère subjectif, le fardeau de cette double preuve s'alourdit car la victime doit en outre établir que cette qualité était entrée dans le champ contractuel  - autrement dit que son cocontractant en avait connaissance - au moment de la conclusion du contrat. Selon la Cour de cassation, une qualité essentielle, entrée dans le champ contractuel, est exempte d'aléa . Parfois, l'appréciation de la qualité essentielle est menée in concreto, c'est-à-dire au regard de l'état d'esprit de l'errans au moment du contrat et tend alors à se confondre avec celle du caractère déterminant de l'erreur sur le consentement, conduite elle-aussi in concreto. Enfin, la rétroactivité est sans incidence sur l'erreur sur les qualités substantielles, qui s'apprécie au moment de la conclusion du contrat , même si l'existence d'un vice du consentement à la date de la vente, en particulier d'une erreur sur une qualité essentielle de la chose vendue, peut être appréciée grâce à des éléments postérieurs à la formation du contrat .

Cass. 1re civ., 23 février 1970, LawLex202200002648JBJ, RTD civ. 1970, 751, obs. LOUSSOUARN ; D. 1970, 604, obs. ETESSE, relevant que l'erreur sur la substance, qui s'entend non seulement de celle qui porte sur la matière dont la chose est composée mais aussi de celle qui a trait aux qualités substantielles d'authenticité et d'origine, est constituée lorsque l’acquéreur a acheté deux bergères, au lieu de deux marquises, Louis XV, telles que présentées au catalogue des ventes.

Dans cette dernière hypothèse, l'article 1134 du Code civil précise que l'erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n'est une cause de nullité que dans les constat conclus intuitu personae.

Pau, 15 juin 2012, LawLex201300000555JBJ ; Douai, 15 décembre 2011, LawLex201200000747JBJ, relavant que  le caractère récent de la conception et de la construction d'un véhicule constitue une qualité essentielle.

Colmar, 26 août 2022, LawLex202200006445JBJ.

Angers, 7 juin 2017, LawLex201700001062JBJ, retenant que l'existence et la durée de la garantie contractuelle dans une vente de véhicules d'occasion est un élément substantiel déterminant du consentement des parties, de sorte qu'un erreur de l'acheteur sur la durée de cette garantie qui lui a été indiquée à tort par le vendeur comme étant de douze mois alors qu'elle n'était en réalité que de six mois, justifie l'annulation de la vente.

Amiens, 29 janvier 2004, LawLex200600000599JBJ.

Rennes, 6 septembre 2001, LawLex200500005573JBJ.

Metz, 15 décembre 2011, LawLex201200000750JBJ.

Rennes, 3 janvier 2017, LawLex201700000099JBJ.

Cass. com., 1er octobre 1991, LawLex200500006053JBJ, RTD civ. 1992, 80, obs. MESTRE ; Defrénois 1992, 578, obs. LE CANNU ; JCP G, 1992, 21860, obs. VIANDIER ; D. 1992, 190, obs. VIRASSAMY et 7 févr. 1995, LawLex200500006054JBJ, RTD civ. 1995, 878, obs. MESTRE ; D. 1996, 50, obs. BLASSELLE.– A contrario, Cass. com., 21 octobre 2020, LawLex202100005570JBJ, RTD civ. 2021, 121, obs. BARBIER ; BJE 2021, 10, obs. FORT et FORNACCIARI, estimant que le cessionnaire n'est pas fondé à invoquer, au titre d'une erreur affectant les qualités essentielles des actions acquises, l'existence d'irrégularités comptables découvertes après la cession et affectant les chiffres et données qui lui avaient été présentés, notamment quant au besoin en fonds de roulement et à la trésorerie, dès lors que les ajustements proposés par l'expert sur les éléments contestés n'empêchent pas la réalisation de l'objet social de la société cédée, ni n'obèrent sa capacité à poursuivre son activité.

Amiens, 4 décembre 2018,  LawLex200600000599JBJ ; Rouen, 26 janvier 2022, LawLex202200000667JBJ.

Cass. 3e civ., 3 mai 2018, LawLex201800001374JBJ, Contrats Conc. Consomm. 2018, n° 140, obs. LEVENEUR ; RTD civ. 2018, 658, obs. BARBIER ; D. 2019, 279, obs. MEKKI ; AJDI 2019, 150, obs. COHET ; D. 2009, 1129, obs. DAMAS : l'acquéreur d'un appartement vendu loué, qui, à la suite de la visite du service communal d'hygiène et de santé, s'est avéré être d'une superficie inférieure à 9 mètres carrés, au lieu des 13,49 mètres carrés indiqués dans l'acte de vente, ce qui en application d'un règlement sanitaire départemental exclut toute possibilité de le mettre en location, a commis une erreur sur une qualité essentielle du logement vendu, justifiant l'annulation de la vente, dès lors qu'en achetant le logement, l'acquéreur entendait disposer de la pleine propriété du bien qui comprend la possibilité de le mettre en location, qu'il s'agissait d'une qualité essentielle de la chose vendue, entrée dans le champ contractuel et déterminante de son consentement.

L'erreur sur les possibilités d'exportation du produit acheté peut justifier l'annulation de la vente, V. Aix-en-Provence, 12 février 2009, LawLex201200000758JBJ.

Paris, 6 juillet 2001, LawLex200500009153JBJ.

Caen, 26 mars 2013, LawLex201300000495JBJ, estimant que l'acheteur qui acquiert un bateau présentant un surpoids de plus de 45 % par rapport au poids inscrit dans les documents administratifs du navire, qui implique que l'embarcation ne peut contenir le nombre de personnes défini sans mise en danger de la vie des occupants, est fondé à demander l'annulation de la vente.

Colmar, 27 avril 2010, LawLex201200000748JBJ.

Versailles, 27 octobre 2011, LawLex201200000800JBJ.

Cass. com., 13 mars 2012, LawLex201200000977JBJ, Contrats Conc. Consom. 2012, n° 148 ; JCP G, 2012, n° 18, 561, obs. SERINET.

Cass. civ. 1re, 26 févr. 1980, LawLex200500005876JBJ, Defrénois 1981, art. 32599, 384, obs. AUBERT ; RTD civ. 1981, 394, obs. CHABAS.

Cass. 1re civ., 15 novembre 2005, LawLex200600001327JBJ, D. 2006, 1116, obs. TRICOIRE ; Contrats Conc. Consom. 2006, n° 44, obs. LEVENEUR.

Paris, 23 mars 2006, LawLex200700000641JBJ.

Paris, 19 décembre 2012, LawLex201300000505JBJ, supposant que le caractère neuf du matériel fourni était entré dans le champ contractuel, mais rejetant l'action pour cause d'erreur de l'acheteur grossière et inexcusable eu égard à la clarté des documents contractuels signés.

Un aléa - accepté par l'acheteur et le vendeur au moment de la formation du contrat - quant à l'authenticité de l'oeuvre achetée, exclut toute allégation ultérieure d'une erreur sur les qualités essentielles, en cas d'authenticité devenue certaine, Cass. civ. 1re 24 mars 1987, affaire Fragonard, LawLex201400000572JBJ, D. 1987, 489, obs. AUBERT ; JCP G, 1989, 21300, obs. VIEVILLE-MIRAVETE ; RTD civ. 1987, 743, obs. MESTRE.

Cass. com., 22 juin 2022, LawLex202300000004JBJ, Contrat Conc. Consom. 2022, n° 150, obs. LEVENEUR.

Cass. 3e civ., 23 mai 2007, LawLex201200000765JBJ, LPA, 6 févr. 2008, 6, obs. HOUTCIEFF ; Contrats Concurrence Consommation 2007, n° 231, obs. LEVENEUR.

Cass. 1re civ., 11 mars 2003, LawLex200500005872JBJ. - V. déjà. Cass. 1re civ., 13 déc. 1983, LawLex202300008027JBJ, D. 1984, 340, obs. AUBERT ; JCP G 1984, II, 20186, obs. GULPHE ; RTD civ. 1984, 109, obs. CHABAS.

Cass. 1re civ., 23 février 1970, LawLex202200002648JBJ, RTD civ. 1970, 751, obs. LOUSSOUARN ; D. 1970, 604, obs. ETESSE.

Besançon, 11 avril 2006, LawLex200700000643JBJ.

Colmar, 6 octobre 2000, LawLex200500006844JBJ.

Nouméa, 28 octobre 2021, LawLex202100005724JBJ.

Metz, 18 mai 2006, LawLex200700000639JBJ.

Cass. 1re civ., 28 juin 1988, LawLex200500004329JBJ, RTD civ. 1989, 342, obs. REMY ; D. 1989. 450, obs LAPOYADE-DESCHAMPS.

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129. Erreur sur une qualité essentielle de la chose vendue.(1)

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