Contrats d'affaires

En application de l'article 1132 du Code civil, qui reprend une constante jurisprudentielle, une erreur sur les qualités essentielles ne peut entraîner l'annulation du contrat du vente que si elle est inexcusable .  Autrement dit, l'errans négligent ne peut s'en prendre qu'à lui-même. L'acheteur ne peut invoquer une erreur sur le kilométrage du véhicule vendu, justifiant l'annulation de la vente s …

Erreur excusable.

GHESTIN, La réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée", JCP G, 2011, 703 ; GHESTIN, La réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée. Une règle de nature à induire en erreur ?, JCP G, 2012, 812 ; MOULY, La réticence dolosive suppose, mais ne rend pas excusable l'erreur de l'autre partie, JCP G, 2012, 981.

En application de l'article 1132 du Code civil, qui reprend une constante jurisprudentielle, une erreur sur les qualités essentielles ne peut entraîner l'annulation du contrat du vente que si elle est inexcusable .  Autrement dit, l'errans négligent ne peut s'en prendre qu'à lui-même. L'acheteur ne peut invoquer une erreur sur le kilométrage du véhicule vendu, justifiant l'annulation de la vente sur le fondement de l'erreur, lorsque celui-ci n'est pas garanti . De même, l'acquéreur d'une voiture dont le certificat de contrôle technique, remis au moment de l'achat, mentionne “frappe à froid sur le châssis : contrôle impossible”, ne peut invoquer une erreur sur la situation administrative de son véhicule . En pratique, l'erreur inexcusable ou grossière vise non seulement à sanctionner la conduite fautive de l'errans mais aussi à préserver le cocontractant de bonne foi des conséquences injustes d'une annulation. L'acquéreur n'est pas fondé à invoquer l'erreur sur la prétendue gratuité de chaises, lorsque le contrat signé avec le vendeur stipule sans ambiguïté le prix des chaises, excluant ainsi la nature excusable de l'erreur .

Le caractère excusable est apprécié in concreto par les juges compte tenu des capacités de l'errans, qui, au moment de contracter, doit avoir fait preuve d'un minimum de diligence. L'erreur de l'acheteur sur le kilométrage réel du véhicule n'est pas excusable, lorsque, à deux reprises, préalablement à la vente, il a été mis en mesure de se rendre compte que le compteur affichait des miles et non des kilomètres . L'erreur de l'acheteur sur l'état du matériel vendu (qu'il croyait neuf) a ainsi été qualifiée de grossière et d'inexcusable au regard de la clarté des documents contractuels, relatifs à son caractère reconditionné, qu'il a signés .

En général, les juges du fond excusent plus volontiers l'erreur de l'acheteur profane que celle de l'acheteur professionnel . L'acquéreur professionnel a commis une erreur inexcusable sur les caractéristiques techniques du chariot élévateur acquis (qui s'est avéré inapte à déplacer les palettes de son entrepôt) dès lors qu'utilisant régulièrement ce type d'engin dans le cadre de son activité professionnelle, il avait toute compétence pour apprécier si le débattement du bras élévateur était compatible avec la configuration des lieux . En revanche,  l'acheteur d'un emplacement de parking, en réalité trop étroit pour garer son véhicule commet une erreur excusable sur les qualités essentielles de la chose vendue, dès lors qu'il est difficile pour un non-professionnel d'apprécier la largeur d'un tel emplacement et qu'aucune disposition du contrat de vente ne laisse penser que le bien litigieux ne peut être utilisé que pour de petits véhicules . L'erreur excusable de l'acheteur professionnel est cependant admise, mais seulement lorsque les circonstances le justifient . Selon la Cour de cassation, le caractère inexcusable de l'erreur de l'acheteur ne peut résulter de son expertise en matière d'œuvres d'art, dès lors que celui-ci n'était jamais intervenu au titre de la certification de la toile litigieuse . 

Le manquement du vendeur professionnel à son obligation d'information peut être à l'origine d'une erreur sur les qualités essentielles de l'acheteur et la rendre excusable . L'acheteur qui s'est procuré du matériel médical, finalement considéré comme hors du commerce en l'absence de certification, a commis une erreur excusable justifiant la nullité du contrat, dès lors que la plaquette de présentation de l'appareil mentionne “Conformité CE” et qu'en l'absence d'élément lui permettant de douter de la pertinence de cette information, il n'avait pas à en vérifier l'exactitude . 

Les juges prennent également en considération l'incidence d'informations certifiées ou émanant de professionnels avertis, tiers à la vente, de nature à tromper l'errans qui, de ce fait, s'est dispensé de se renseigner . L'erreur provoquée par le dol d'un tiers à la convention peut entraîner la nullité du contrat . Toutefois, selon la Haute juridiction, l'obligation de se renseigner de l'acheteur professionnel ne chasse pas le dol par réticence, dont l'existence rend toujours excusable l'erreur provoquée . 

Enfin, en vertu de l'adage “l'aléa chasse la lésion”, le doute entré dans le champ contractuel rend inexcusable toute méprise de l'errans. Cette solution est reprise à l'article 1133, in fine, du Code civil qui précise que “l'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité”. Ainsi, lorsqu'un aléa sur l'authenticité de l'œuvre a été accepté de part et d'autre et est entré dans le champ contractuel, aucune des deux parties - y compris le vendeur et ses ayants-cause - ne peut alléguer l'erreur en cas d'authentification certaine .

Cf. Art. 1132, C. civ. : “L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant”.

Toulouse, 16 mai 2022, LawLex202300003628JBJ. 

Cass. civ. 1re, 14 décembre 2004, LawLex200500005875JBJ, JCP G, 2005, I, 141, obs. SÉRINET ; RTD civ. 2005, 123, obs. MESTRE et FAGÈS ; 8 décembre 2009, LawLex202200002649JBJ, JCP 2010, 516, obs. SERINET.

Metz, 15 décembre 2011, LawLex201200000750JBJ : le manquement du vendeur professionnel à son obligation de renseignement concernant la cuisine vendue peut être à l'origine de l'erreur excusable de l'acheteur, sur l'agencement et l'utilisation de celle-ci, en considération desquels ils a contracté.

Paris, 25 janvier 2013, LawLex201300000503JBJ.

Paris, 19 octobre 2021, LawLex202100006013JBJ, relevant que le professionnel en matière de vente d'oeuvres d'art, tenu de s'assurer de la provenance et de l'authenticité des oeuvres vendues, qui n'a ni interrogé les fondations des auteurs concernés sur la validité des certificats d'authenticité accompagnant les dessins vendus, ni caractérisé une impossibilité matérielle ou l’inutilité d'effectuer une telle recherche, a commis une faute engageant sa responsabilité, même si l’acheteur, courtier en oeuvres d’art, n’a lui-même pas procédé à ces vérifications lors de la mise en vente.  

Cass. 1re civ., 3 juillet 1996, LawLex200700000921JBJ, D. 1996, somm. 323, obs. DELEBECQUE ; RTD Civ. 1996, 895, obs. MESTRE. 

Cass. 3e civ., 21 février 2001, LawLex200500005940JBJ, D. 2001, 3236, obs. AYNES ; JCP 2001, I, 330, obs. CONSTANTIN ; RTD civ. 2001, 353, obs. MESTRE et FAGES; D. 2001, 2702, obs. MAZEAUD; JCP 2002, II, 10027, obs. JAMIN.

Cass. civ. 1re, 24 mars 1987, affaire Fragonard, LawLex201400000572JBJ, D. 1987, 489, obs. AUBERT ; JCP G, 1989, II, 21300, obs. VIEVILLE-MIRAVETE ; RTD civ. 1987, 743, obs. MESTRE. - V. en ce sens, Douai, 4 février 2013,  LawLex201300000556JBJ : celui qui achète un cheval destiné à faire des concours de sauts d'obstacles, qualité entrée dans le champ contractuel, ne peut se prévaloir d'une erreur excusable sur l'essence du cheval, devenu inapte à la pratique sportive, dès lors qu'il n'ignorait pas, au moment de l'achat, le risque, même mineur, de boiterie, mis en évidence par le vétérinaire dans son rapport et qu'il a par conséquent accepté un aléa sur l'état de santé de l'animal.

Lyon, 18 mai 2004, LawLex201400000571JBJ.

Versailles, 27 janvier 2022, LawLex202300003628JBJ ; 6 avril 2021, LawLex202100001016JBJ, relevant que l'erreur sur les qualités essentielles de la chose alléguée doit être excusable pour justifier l’annulation de la vente, tel n’étant pas le cas lorsque l’acquéreuse a disposé, au moment de la formation du contrat, de tous les moyens pour appréhender la substance du bien acheté, clairement explicitée dans les actes notariés et pouvait, le cas échéant, s'informer plus amplement si elle en ressentait la nécessité.

Lyon, 23 octobre 2012, LawLex201400000501JBJ.

Paris, 25 janvier 2013, LawLex201300000505JBJ.

Douai, 10 octobre 2019, LawLex201900001239JBJ : l'acheteur professionnel qui, après avoir fait l'acquisition de bouteilles de vins anciennes à une vente aux enchères publiques à la seule vue du descriptif du catalogue, soutient que l'aspect extérieur de celles-ci ne correspond pas à ce qu'il en attendait, se prévaut d'une erreur sur la substance inexcusable, dès lors que s'il s'était rendu à l'exposition préalable à la vente, il aurait pu se faire sa propre opinion sur les caractéristiques essentielles des bouteilles et leur état général, qu'en tant que négociant en vins et spiritueux, il ne pouvait ignorer l'absence de critère normatif quantitatif concernant le niveau de vin et la nécessaire part de subjectivité que revêt l'appréciation qualitative de l'aspect extérieur de bouteilles aussi anciennes et qu'enfin, il avait été avisé par les conditions générales de vente du fait que les indications du catalogue restaient soumises à son appréciation personnelle.

Colmar, 27 avril 2010, LawLex201200000748JBJ.- V. dans le même sens, Limoges, 16 mai 2024, LawLex202400004094JBJ. 

Paris, 1er février 2007, LawLex200700000638JBJ.

Reims, 20 mars 2018, LawLex201800000472JBJ : a commis un erreur excusable l'acheteur professionnel, qui, croyait acheter une tempéreuse, dotée d'une fonction refroidissement, indispensable pour travailler le chocolat, alors qu'il a acheté en réalité une trempeuse, dépourvue de cette fonction,  dès lors que figurait sur l'appareil le mot températice, que l'annonce était intitulée “tempéreuse à chocolat” et non “trempeuse à chocolat” ou “fontaine à chocolat”, que les photos qui figuraient sur l'annonce ne faisaient pas clairement apparaître que le tableau de commandes était dépourvu de touche “froid” et qu'aucune explication ne permettait de suspecter l'absence de la fonction refroidissement, même si elle n'était pas évoquée explicitement.

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131. Erreur excusable.(1)

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