Contrats d'affaires

L'article 1123, alinéa 2, du Code civil énonce les différentes sanctions applicables en cas de violation du pacte de préférence au profit d'un tiers : “ Lorsqu'un contrat est conclu avec un tiers en violation d'un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l'existence du pacte et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir, ce  …

Vente à un tiers en violation du pacte.

MAZEAUD, La responsabilité du fait de la violation d’un pacte de préférence, Gaz. Pal. 1994, 210 ; PIAZZON, Retour sur la violation des pactes de préférence, RTD civ. 2009, 433 ;

L'article 1123, alinéa 2, du Code civil énonce les différentes sanctions applicables en cas de violation du pacte de préférence au profit d'un tiers : “ Lorsqu'un contrat est conclu avec un tiers en violation d'un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l'existence du pacte et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu”.

L'article 1123 pose d'abord la règle selon laquelle le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Cette disposition codifie la jurisprudence selon laquelle le bénéficiaire d'un pacte de préférence ne possède, en principe, qu'un simple droit de créance lorsque son droit a été méconnu . Si le texte ne précise pas la ou les personnes pouvant être actionnées en réparation par le bénéficiaire, le promettant qui se met volontairement dans l'impossibilité d'exécuter le pacte de préférence doit, de toute évidence, réparation au bénéficiaire privé de son droit . Ainsi, l’actionnaire, qui, alors qu'il s'est engagé à proposer en priorité à une société ses titres et sa clientèle, commet une faute en rompant les négociations en cours et en cédant ses titres à un tiers, sans préalablement offrir à celle-ci de se porter acquéreur aux mêmes conditions, dès lors que ladite société avait témoigné de sa ferme volonté d’acquérir les titres en question en acceptant sans réserve la méthode proposée et en accomplissant l’ensemble des diligences nécessaires afin de fournir les garanties financières exigées . De même, si le titulaire d'un office est libre d'exercer son droit de présentation et de choisir son successeur jusqu'à la nomination d'un nouveau titulaire par le garde des sceaux - ce qui lui donne la faculté, jusqu'à cette nomination, de retirer une précédente présentation pour la remplacer par une autre -, une telle faculté n'exclut pas, conformément aux règles du droit privé, l'obligation de réparer le dommage résultant de l'inexécution du pacte de préférence consenti antérieurement en cas de cession de son office . 

Concernant la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle du tiers, le bénéficiaire ne saurait la mettre en œuvre puisqu'il ne dispose à son encontre d'aucun droit au titre de l'inexécution du pacte de préférence auquel il n'est pas partie . Sur le plan délictuel, la Haute juridiction distingue selon que le tiers est de bonne ou mauvaise foi. Dans ce dernier cas, la Cour estime que les juges ont la faculté d'accorder la réparation qui leur paraît la plus adéquate au dommage subi . Parfois, le juges condamnent en réparation le promettant et le tiers acquéreur de mauvaise foi . Pour obtenir réparation, le bénéficiaire doit, dans tous les cas, apporter la preuve du préjudice subi du fait de la violation du pacte .

L'article 1123 confère au bénéficiaire la possibilité d'agir également, soit en nullité, soit en substitution du tiers à la vente, mais seulement lorsque ce dernier était de mauvaise foi. Cette disposition d'origine prétorienne consacre le droit d'option entre nullité du contrat et substitution ouvert au bénéficiaire contre le tiers de mauvaise foi, à la suite de diverses évolutions jurisprudentielles. Dans un premier temps, la Cour de cassation a admis que lorsque le tiers acquéreur est de mauvaise foi, les juges peuvent prononcer l'annulation de la vente . Puis, la Cour a précisé que la nullité de la vente réalisée en violation d'un pacte de préférence ne peut être ordonnée que si l'acquéreur, présumé de bonne foi, a contracté dans des conditions frauduleuses, une telle fraude impliquant sa connaissance, non seulement de l'existence de la clause de préférence, mais encore de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir . Concernant la possibilité, pour le bénéficiaire, de demander à être substitué au tiers de mauvaise foi dans le contrat de vente, la Cour l'a d'abord refusée , avant de la subordonner à la connaissance par le tiers, au moment où il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir . Cette double preuve incombe au bénéficiaire . La connaissance du pacte de préférence et de l'intention de son bénéficiaire de s'en prévaloir doit s'apprécier à la date de la promesse synallagmatique de vente consentie au tiers, qui vaut vente, et non à celle de sa réitération par acte authentique . En cas de promesse unilatérale de vente, cette connaissance doit s'apprécier au moment où le bénéficiaire donne son consentement, c’est-à-dire à la date de la levée de l'option. Dès lors, une cour d'appel ne peut rejeter la demande du bénéficiaire d'un pacte de préférence en annulation de la vente, et substitution dans les droits de l'acquéreur, au motif que la lettre du pacte de préférence ne permet pas de conclure qu'en cas d'intention de vendre, l'obligation de laisser la préférence à la bénéficiaire grève la promesse unilatérale de vente, conclue avant l'échéance du terme d'un pacte de préférence mais dont la levée d'option est intervenue postérieurement, alors même que le pacte de préférence implique l'obligation, pour le promettant, de donner préférence au bénéficiaire lorsqu'il décide de vendre le bien . Enfin, selon Haute juridiction, lorsque le bénéficiaire n'apporte pas la preuve que le tiers avait été informé de son intention de se prévaloir du pacte de préférence, la violation de celui-ci ne peut être sanctionnée par l'annulation et/ou la substitution dans le contrat de vente , mais seulement par l'allocation de dommages-intérêts .

Cass. 1re civ., 20 février 1962, LawLex202300006355JBJ.

Cass. 3e civ., 1er avril 1992, LawLex202200000983JBJ, D. 1993, 165, obs. FOURNIER ; RTD civ. 1993, 346, obs. MESTRE ; Defrénois 1993, 98, obs. OLIVIER.

Cass. 3e civ., 30 avril 1997, LawLex202300006332JBJ, Defrénois 1997, art. 36634, 1007, obs. DELEBECQUE ; JCP G 1997, II, 22963, obs. THUILLIER ; JCP E 1998, 606, obs. RAYNARD ; RTD civ. 1997, 685, obs. GAUTIER ; RTD civ. 1998, 98, obs. MESTRE, retenant qu'une cour d'appel ne peut ordonner la substitution du bénéficiaire au tiers acquéreur dans la vente réalisée en violation du pacte de préférence et retenir que ses droits sont opposables à ce dernier dans la mesure où il a commis une fraude, alors que l'obligation de faire ou de ne pas faire doit se résoudre en dommages-intérêts en cas d'inexécution de la part du promettant.

Cass. mixt., 26 mai 2006, LawLex202200001078JBJ, D. 2006, 1861, obs. GAUTIER et MAINGUY ; RLDC 2006, n° 2173, obs. KENFACK ; Defrénois 2006, 38433, obs. SAVAUX ; JCP 2006, n° 10142, obs. LEVENEUR ; RTD civ. 2006, 550, obs. MESTRE et FAGES ; RDC 2006, 1080, obs. MAZEAUD ; RDC 2006, 1131, obs. COLLART DUTILLEUL ; Contrats Conc. Consommation 2006, n° 153, obs. LEVENEUR ; Rev. Sociétés 2006, 808, obs. BARBIERI ; JCP G 2006, n° 176, obs. LABARTHE ; D. 2006, 2638 et 2644, obs. AMRANI-MEKKI et FAUVARQUE COSSON ; 14 février 2007, LawLex202200001079JBJ, RTD civ. 2007, 768, obs. MESTRE et FAGES ; RTD civ. 2007, 366, obs. GAUTIER ; D. 2007, 2444, obs. THERON ; D. 2007, 2966, obs. AMRANI-MEKKI et FAUVARQUE-COSSON ; Dr. sociétés 2007, 63, obs. LECUYER ; RDC 2007, 701, obs. MAZEAUD ; JCP E 2007, n°1615, obs. LECUYER ; JCP G 2007, II, n° 10143, obs. BERT.

Cass. 3e civ., 4 mars 2021, LawLex202200002683JBJ, Contrat Conc. Consom. 2021, n° 95, obs. LEVENEUR ; AJDI 2021, 713, obs. COHET ; RDC 2021/2, 15, obs. LATINA ; RTD civ. 2021, 634, obs. BARBIER ; RTD civ. 2021. 663, obs. GAUTIER ; D. 2022, 310, obs. BOFFA et MEKKI.

Cass. 3e civ., 25 mars 2009, LawLex202200000998JBJ, RTD civ. 2009, 524, obs. FAGES ; RTD civ. 2009, 337, obs. GAUTIER ; D. 2010, 224, obs. AMRANI-MEKKI et FAUVARQUE-COSSON ; D. 2009, 1019, obs. FOREST ; RLDC 2009, n° 3412, obs. MAUGERI ; RDC 2009, 991, obs. LAITHIER ; Defrénois 2009, 1276, obs. SAVAUX ; Dr. et patr. juillet 2009, 84, obs. AYNES et STOFFEL-MUNCK ; Defrénois 2010, 454, obs. DAGORNE-LABBE  ; JCP N 2010, n° 8, obs. PIEDELIEVRE.

Cass. 3e civ., 6 décembre 2018, LawLex202200001076JBJ, RTD com. 2019, 398, obs. LECOURT ; D. 2019, 294, obs. TISSEYRE ; AJDI 2019, 560, obs. COHET ; RTD civ. 2019, 126, obs. GAUTIER ; AJ contrat 2019, 79, obs. PILLET ; D. 2019, 279, obs. MEKKI ; RTD civ. 2019, 96, obs. BARBIER ; Defrénois 2019, 29, obs. GRIMALDI ; RDC 2019, 20 , obs. LAITHIER.

Cass. 3e civ., 29 juin 2010, LawLex202200001080JBJ, RDC 2010, 30, obs. SAVAUX, précisant, dans un tel cas, que les bénéficiaires qui ne démontrent pas que le tiers, au courant du pacte de préférence, avait été informé de leur intention de s'en prévaloir, ne sont pas fondés à reprocher à ce dernier de ne pas avoir pris l'initiative de vérifier leur intention.

Cass. 3e civ., 31 janvier 2007, LawLex202200000997JBJ, D. 2007, 1698, obs. MAINGUY ; Contrats, Conc. Consom. 2007, n° 116, obs. LEVENEUR ; AJDI 2007, 772, obs. COHET-CORDEY ; RLDC 2007, n° 2433, obs. DOIREAU ; Gaz. Pal. 20-22 mai 2007, 21, obs. BRAULT ; JCP N 2007, n° 5, obs. PIEDELIEVRE ; D. 2007, 1297, obs. MONGE et NESI ; D. 2007, 2966, obs. AMRANI-MEKKI et FAUVARQUE-COSSON.

Cass. com., 12 mai 1992, LawLex202200002311JBJ, RTD civ. 1993, 346, obs. MESTRE ; BJE 1992, 782, obs. LE CANNU ; Gaz. Pal. 1994, 210, obs. MAZEAUD.

Cass. 1re civ., 16 juillet 1985, LawLex202200001077JBJ, JCP N 1986, n° 253, obs. DAGOT ; RTD civ. 1987, 88, obs. MESTRE ; Defrénois 1986, 785, obs. AUBERT.

Cass. 3e civ., 24 mars 1999, LawLex202200000996JBJ, RTD civ. 1999, 627, obs. JOURDAIN ; RTD civ. 1999, 644, obs. GAUTIER ; RDI 1999, 422, obs. GROSLIERE ; RTD civ. 1999, 616, obs. MESTRE ; Defrénois 1999, 751, obs. DELEBECQUE.

Cass. 1re civ., 20 février 1962, LawLex202300006355JBJ, précit.

Cass. 3e civ., 22 avril 1976, LawLex202200000995JBJ, Defrénois 1977, 459, obs. AUBERT : dans une hypothèse où, dans le but de vendre le bien litigieux à un tiers avec lequel il s'était concerté frauduleusement pour faire échec aux dispositions du pacte de préférence, le promettant a proposé au bénéficiaire un prix tel que ce dernier ne pouvait l'accepter.

Sur une cession d'actions, par un actionnaire, à une société tierce, en violation du pacte de préférence bénéficiant aux autres actionnaires, Cass. com., 9 avril 2002, LawLex202300005779JBJ, rejetant, à défaut de preuve de leur préjudice, l'action en réparation des bénéficiaires aux motifs que ceux-ci, qui cherchaient à vendre leurs actions et non à acquérir une participation plus importante dans la société, ne prétendaient pas être en mesure d'acheter les actions en cause, au prix fixé par le cédant, ni même à un prix fixé à dire d'expert, ni n'établissaient qu'ils auraient été, du fait de la cession litigieuse empêchés de vendre, de leur côté, leurs actions avec une substitution de caution.

Cass. 1re civ., 20 février 1962, LawLex202300006355JBJ. – V. aussi Cass. 3e civ., 4 mars 1971, LawLex202300006354JBJ, JCP G 1972, II, 16983, obs. DAGOT ; Defrénois 1971, art. 29914, 69, 899, obs. AUBERT, censurant une décision de cour d'appel ayant déclaré la vente réalisée en violation du pacte de préférence valable et opposable au bénéficiaire au motif que la publicité du pacte, non obligatoire, ne vaudrait pas présomption de collusion frauduleuse entre la venderesse et les acquéreurs, mais seulement présomption de connaissance, alors qu'un pacte de préférence n'est opposable que s'il a fait l'objet d'une mesure de publicité.

Cass. 3e civ., 26 octobre 1982, LawLex202300006348JBJ, Gaz. Pal. 1983, 661, obs. DE LA MARNIERRE ; Cass. com., 11 mars 2014, LawLex202200000351JBJ, D. 2014, 2156, obs. MOURY ; D. 2014, 719, obs. LIENHARD ; Rev. Sociétés 2014, 384, obs. SAINTOURENS ; D. 2014, 2434, obs. HALLOUIN et LAMAZEROLLES et RABREAU ; RTD civ. 2014, 650, obs. BARBIER ; Rev. Sociétés 2014, 28, obs. GALLOIS-COCHET ; LPA 23 octobre 2014, 4, obs. LE GUEUT ; JCP E 2014, n° 1515, obs. CAFFIN-MOI.

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