Introduction

Champ d'application

Programme de conformité

Protection des lanceurs d'alerte 

Contrôle et sanctions

Règles issues de la loi Sapin II

Droit européen 

Droit français

Règles issues du droit de la concurrence

Sapin II/Concurrence

Champ d’application ratione personae

Champ d’application ratione materiae

Portée du plan

Elaboration du plan

Mesures comprises dans le plan

Inclusion dans le rapport de gestion

Plan de vigilance

Injonction

Responsabilité civile

Sanctions

Devoir de vigilance

Programme RSE

Reporting

Communication

Reporting et communication

Sanctions judiciaires

Risque de réputation, stratégique et de déstabilisation

Code Middlenext 

Corpus IFA

Code AFEP - MEDEF 

Typologie 

Principes de gouvernance

Principes intégrant les valeurs RSE

Principes

Appliquer ou expliquer

Force obligatoire

Codes de bonne conduite privés

Droit de la compliance

La compliance englobe l'ensemble des processus qui assurent que l'entreprise et son personnel respectent non seulement les normes juridiques applicables, mais tiennent aussi compte d'objectifs plus larges, puisant dans des valeurs éthiques, qui, sans présenter de caractère nécessairement contraignant, répondent aux aspirations sociétales du public. 

La traduction française de ce terme anglo-saxon …

Définitions

La compliance englobe l'ensemble des processus qui assurent que l'entreprise et son personnel respectent non seulement les normes juridiques applicables, mais tiennent aussi compte d'objectifs plus larges, puisant dans des valeurs éthiques, qui, sans présenter de caractère nécessairement contraignant, répondent aux aspirations sociétales du public. 

La traduction française de ce terme anglo-saxon, par le vocable de “conformité”, ne rend pas véritablement compte de la notion. En effet, la conformité renvoie, pour l'entreprise, au strict respect de la règlementation à laquelle elle est soumise. Le droit de la compliance va plus loin puisqu'il impose à l'entreprise de tenir compte du contexte général dans lequel s'inscrivent ses activités, aussi bien en France qu'à l'étranger. Il est ainsi demandé à l'entreprise de dépasser la seule recherche de profit et d'investir “davantage” dans le capital humain, l'environnement et les relations avec les parties prenantes  et pas seulement les actionnaires : les “stakeholders” par opposition aux “shareholders”. Pour atteindre ces objectifs, parfois qualifiés de “monumentaux” , le droit de la compliance impose à l'entreprise de se doter de mécanismes internes visant à prévenir et détecter les risques, et, le cas échéant, à sanctionner ses membres, pour éviter leur réapparition. 

Le droit de la compliance englobe aujourd'hui tout un éventail de règles qui illustrent l'approche graduée adoptée par le législateur. A l'une des extrémités du spectre, se trouvent les exigences de mise en place d'un programme de conformité imposées par la loi Sapin II  et le droit de la concurrence . Ces règles se rattachent encore largement à la seule exigence de conformité - il s'agit avant tout de s'assurer que l'entreprise respecte l'interdiction des infractions de corruption et de trafic d'influence ou des pratiques anticoncurrentielles - même si elles imposent à l'entreprise de faire oeuvre créatrice en mettant en place des outils, des règles et une organisation particulières pour anticiper, détecter et remédier à la violation de la règle de droit. Au centre, se trouvent les codes privés, corps de règles d'application purement volontaire, qui poursuivent historiquement des objectifs de bonne gouvernance, mais qui se sont progressivement vu adjoindre des finalités plus sociétales. A l'autre extrémité, figurent enfin la loi sur le devoir de vigilance  et les textes épars relatifs à responsabilité sociétale des entreprises (RSE), noyau dur de la compliance et de l'exigence de dépassement des buts de l'entreprise, qui l'obligent à tenir compte des externalités négatives sociales et environnementales de ses activités en lui délégant entièrement la tâche de définir les règles précises permettant de parvenir à un fonctionnement vertueux.

Comm. CE, Livre vert du 18 juillet 2001, Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises, COM(2001) 366 final.

FRISON-ROCHE (sous la dir.), Les buts monumentaux de la compliance, Dalloz, 2022.

L. 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la  transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de  la vie économique, JO du 10 décembre 2016, dite loi Sapin II.

Aut. conc., Document-cadre du 24 mai 2022 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence ; Comm. UE, Brochure “Le respect des règles, ça compte !”, 2012.

L. 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, JO du 28 mars 2017.

La compliance est apparue aux États-Unis pendant la Grande dépression de 1929. Cette crise, qui a lourdement frappé les secteurs bancaires et financiers, a révélé l'insuffisance des systèmes prudentiels existants et consacré la nécessité d'internaliser, au sein des entreprises susceptibles de déclencher des krachs boursiers, des outils de prévention combinant des mesures d'autocontrôle et de contrôle externe. Le législateur américain a, en parallèle, institué un régime de responsabilité pénale des personnes morales, qui rend celles-ci comptables de toutes les infractions commises par leurs agents dans le cadre de leurs fonctions et à leur profit. La prolifération des règles en la matière, ainsi que la sévérité de la jurisprudence américaine, ont progressivement conduit les entreprises de tous secteurs, soucieuses de se prémunir contre le risque pénal, à développer de leur propre chef des programmes internes de nature préventive. Cependant, les juges n'ont pas d'emblée accepté de tenir compte de ces efforts. Ce n'est qu'à partir de l'adoption des Federal Sentencing Guidelines , en 1991, par la Commission des peines des Etats-Unis, que le juge répressif américain a été invité à mettre en balance incitations et sanctions.

L'essor de cette pratique outre-Atlantique a eu un impact considérable en France. En effet, conscients du désavantage concurrentiel subi par les entreprises américaines en raison de règlementations de plus en plus contraignantes, les Etats-Unis ont développé une application extraterritoriale de leurs règles, les conduisant à poursuivre sur leur sol des personnes physiques ou morales étrangères suspectées d'avoir commis des infractions même lorsque les faits avaient été commis en dehors du territoire américain. Aussi, en 2014, une société française active dans le secteur du transport a-t-elle été condamnée sur le fondement de la loi américaine de lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales (Foreign Corrupt Practices Act), à une peine d'amende de 772 millions de dollars. Cette somme colossale représentait environ 11 % du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise dans le cadre de ses activités transport. En 2013, une autre société française, opérant quant à elle dans le domaine énergétique, a été condamnée à une peine d'amende de 398 millions de dollars, toujours pour des faits de corruption. Enfin, en 2014 et 2015, deux banques françaises ont été condamnées, respectivement, à verser, dans le cadre de transactions, des amendes record de 8,974 milliards de dollars et de 787 millions de dollars pour non-respect des sanctions économiques internationales décidées par les États-Unis . Face à ce risque, les entreprises françaises ont jugé plus prudent de se soumettre aux normes américaines et de mettre en place volontairement des codes privés ou des programmes de conformité, en se dotant de normes internes s'appuyant, notamment, sur les textes et référentiels internationaux de l'ONU, de l'OCDE et d'autres institutions internationales. 

Parallèlement, sous la pression croissante des actionnaires, salariés et clients de l'entreprise, mais aussi des pouvoirs publics et des ONG, les entreprises ont pris conscience que leur rôle ne pouvait se limiter à la recherche de profit, mais devait englober des préoccupations sociales, humanitaires et environnementales. En affirmant la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et en contractant de leur propre initiative des engagements qui vont au-delà des exigences réglementaires et conventionnelles auxquelles elles sont soumises, elles ont progressivement adopté un mode ouvert de gouvernance, qui concilie les intérêts des différentes parties prenantes, du dirigeant aux employés, en passant par les personnes extérieures, au sein d'une approche globale de la qualité et du développement durable.

United States Sentencing Commission, Guidelines Manual. §3E1.1 (Nov. 1991), ou Lignes directrices pour la détermination des peines.

Rapport d'information de la Commission des affaires étrangères et de la Commission des finances de l'assemblée Nationale sur l'extraterritorialité de la législation américaine, Rapport “Lellouche-Berger” 2016.

Origines et développement

Le législateur français a, dans un premier temps, voulu reprendre la main sur les initiatives privées afin d'en corriger les défauts et d'en étendre la portée en recourant aux techniques traditionnelles. L'interventionnisme législatif a d'abord concerné les préoccupations RSE, par l'obligation faite aux sociétés cotées d'établir une déclaration de performance extra-financière en faveur du développement durable , puis par l'adoption de règles protectrices en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail des salariés qui imposent à l'employeur de prendre des mesures de prévention  et de recensement des risques , sous peine d'engager sa responsabilité.

Puis, signataire de divers engagements internationaux, notamment dans le domaine de la lutte contre le dérèglement climatique ou dans le cadre de la politique mondiale en matière de durabilité, l'Etat s'est trouvé confronté à la difficulté de les faire appliquer. Des considérations budgétaires, la crainte de brusquer les milieux d'affaires et la nécessité, du fait des objectifs poursuivis, d'adapter leur application aux spécificités des différents secteurs et entreprises l'ont conduit à se décharger de cette responsabilité sur ces dernières, en leur assignant des objectifs généraux et en leur imposant de mettre elles-mêmes en place les outils nécessaires pour les atteindre. Cette privatisation de la régulation constitue un véritable changement de paradigme pour les entreprises. Celles-ci doivent désormais définir seules, dans un cadre normatif relativement indigent , les mécanismes de prévention, de détection et de sanction des risques que la loi leur assigne d'éviter, en supportant la charge colossale des moyens humains et financiers à consacrer à des buts qualifiés de “monumentaux” . Elles se heurtent en outre, dans cette tâche, à un cadre actuel dissuasif puisque les avis de leurs juristes d'entreprise, qui jouent un rôle essentiel dans la détection et l'alerte sur les comportements déviants en leur sein, ne bénéficient actuellement d'aucune protection, à la différence des correspondances avocats-clients, protégées par le legal privilege . Enfin, cette délégation de compétence les place dans une grande insécurité juridique : si elles vont trop loin, elles risquent de se soumettre aux critiques du public, prompt à leur reprocher de ne pas tenir leurs engagements ; si elles n'en font pas assez, elles encourent des sanctions aux contours relativement flous, comme l'injonction de mise en conformité ou la responsabilité civile prévue par la loi vigilance. 

L. 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, JORF du 16 mai 2001, dite loi NRE et L. 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, JORF du 13 juillet 2010, dite loi Grenelle II.

C. trav., art. L. 4121-1 et L. 4121-2, issus d'une L. 91-1414 du 31 décembre 1991.

La loi Sapin II ne consacre que son article 17 au programme de conformité, de même que la loi vigilance n'a inséré qu'un article dans le Code de commerce pour régir le plan de vigilance, l'article L. 225-102-4.

C'est la raison pour laquelle une proposition de loi a été déposée au Sénat par le Sénateur Louis Vogel, Sénat 2023-2024, PPL n° 126.

Technique législative

La question de la force obligatoire des règles de compliance se pose. S'agissant tout d'abord des obligations en matière de RSE et des codes de conduite privés, ils reposent essentiellement sur le mécanisme “appliquer ou expliquer” (“complain or explain”), qui impose à l'entreprise, qui se dote volontairement d'obligations, de s'y soumettre ou d'expliquer les raisons pour lesquelles elle s'en écarte. Au-delà, il n'existe pas vraiment de répression en cas de non-respect de ces règles, sauf à fonder l'action sur le droit commun.

Il en va autrement dans les matières que le législateur a entendu règlementer. En effet la loi Sapin II prévoit de lourdes sanctions pécuniaires à l'endroit des entreprises qui ne s'acquitteraient pas de leurs obligations en matière de lutte contre la corruption et le trafic d'influence. En outre, en matière de vigilance, il existe une procédure d'injonction et de mise en cause de la responsabilité civile de l'entreprise, dont les contours sont définis, mais de façon tellement imprécise, qu'aucune décision n'est encore intervenue pour permettre de déterminer l'ordre de grandeur des sanctions encourues. Dans un tel contexte, les atteintes à l'image de marque de l'entreprise ("name and shame"), tant dans ses relations avec le grand public que dans celles entretenues avec ses partenaires commerciaux sont presque plus redoutables.

Valeur normative

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Droit de la compliance

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