Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

Un abus de minorité est établi lorsque l'attitude des associés minoritaires porte atteinte à l'intérêt social, en empêchant la réalisation d'une opération essentielle pour la société, dans le but unique de favoriser leurs intérêts personnels au détriment de l'ensemble des autres associés. Ces deux conditions sont cumulatives : l'abus n'est dès lors pas caractérisé lorsque seule l'une d'elles est r …

Principe

Un abus de minorité est établi lorsque l'attitude des associés minoritaires porte atteinte à l'intérêt social, en empêchant la réalisation d'une opération essentielle pour la société, dans le but unique de favoriser leurs intérêts personnels au détriment de l'ensemble des autres associés. Ces deux conditions sont cumulatives : l'abus n'est dès lors pas caractérisé lorsque seule l'une d'elles est remplie .

A l'instar de l'abus de majorité, l'abus de minorité est susceptible d'être caractérisé lorsque l'attitude d'un ou plusieurs minoritaires porte atteinte à l'intérêt social en empêchant la réalisation d'une opération essentielle pour la société. L'abus doit, pour être établi, reposer sur une décision prise en parfaite connaissance de cause de la situation de la société et du caractère essentiel, pour celle-ci, de l'opération soumise au vote des associés. En effet, lorsqu'une opération essentielle pour la société est envisagée, les associés doivent, conformément à leur droit à l'information, avoir à leur disposition toutes les informations nécessaires à l'appréciation de son opportunité. Par conséquent, l’opposition d’un associé à une délibération ne peut constituer un abus de minorité lorsqu’il n’a pas été mis en mesure de formuler un vote éclairé, en l'absence de communication préalable d'informations sur les difficultés des sociétés du groupe en cause et la nécessité des financements évoqués pour la restructuration envisagée . De même, l’associé qui ne dispose pas d’informations lui permettant de se prononcer en connaissance de cause sur les motifs, l'importance et l'utilité de l’opération de coup d’accordéon projetée au regard des perspectives d'avenir de la société, ne peut se voir reprocher aucun abus de minorité au titre de son refus de voter en faveur de cette résolution .

Lorsque la décision est prise en connaissance de cause, un abus de minorité est caractérisé par le refus de deux associés minoritaires de voter en faveur du versement d'un loyer en contrepartie de l'occupation, par l'un d'eux, d'un immeuble appartenant à la société, et d'une gestion rémunérée de cet immeuble, opération essentielle à la survie financière de la société, dès lors qu'un tel refus constitue à la fois une atteinte à l'objet social et à l'intérêt général de la société . De même, le refus d’un associé minoritaire de voter, par deux fois, une augmentation de capital alors que celle-ci constitue une condition de survie de la société, constitue un abus de minorité dès lors qu’il est contraire à l'intérêt social . Il en va également ainsi, dans le cadre d'une franchise participative, du refus de l'associé minoritaire, représentant du franchiseur, de modifier l'objet social afin de permettre un changement d'enseigne, lorsque cette mesure est indispensable pour assurer la  continuité de l'exploitation après la résiliation du contrat de franchise . Un abus de minorité ne peut être exclu au seul motif que l'associé en cause disposerait d'une participation importante, dès lors qu'elle demeure minoritaire et peut avoir pour effet, compte tenu des règles de majorité, de s'opposer à la réalisation d'une opération essentielle pour la société . Inversement, le fait pour un minoritaire de s'opposer au vote d' une décision ne constitue pas un abus de minorité dès lors que son attitude est justifiée par l'intérêt social . 

2) Volonté de favoriser ses propres intérêts au détriment de ceux des autres associés

Afin de caractériser un abus de minorité, l'attitude de l'associé minoritaire doit être motivée par une volonté de favoriser ses propres intérêts au détriment de ceux des autres associés. De fait, le refus d’un associé minoritaire de voter une augmentation de capital indispensable à la survie de la société, dans le but d’entraver le fonctionnement de cette dernière par mesure de rétorsion contre son éviction du conseil d'administration et afin de favoriser une société tierce dans laquelle il possède des intérêts, constitue un abus de minorité dès lors que cette décision ne vise qu'à favoriser ses propres intérêts . De même, le refus de l’associé minoritaire de voter, par deux fois, une augmentation de capital alors que celle-ci constitue une condition de survie de la société, constitue un abus de minorité dès lors qu’il n'a eu pour but que d'acculer les actionnaires majoritaires à prendre seuls en charge les risques d'une opération dont il aurait bénéficié en cas de succès et de ne pas contrarier son projet d'ouvrir lui-même un établissement concurrent . 

En revanche, lorsqu'il n'est pas établi que la décision d'un minoritaire poursuit l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés, l'abus de minorité n'est pas caractérisé . Tel est le cas lorsque l'associé minoritaire n’a pas que des motifs personnels de s’opposer à l’adoption des résolutions présentées par la gérance, mais aussi des motifs légitimes puisés dans l’intérêt de la société et dans les dispositions à prendre pour sa survie .  De même, un associé minoritaire ne peut se voir reprocher un abus de minorité, au titre de son refus de voter une augmentation de capital, dès lors qu’avec sa participation de 22 % dans le capital social, il ne dispose pas à lui seul d’une minorité de blocage, et que l'existence d'une collusion avec les autres minoritaires pour faire obstacle au vote de la résolution dans le seul but de protéger leurs propres intérêts n'est pas établie .

Cass. com., 20 mars 2007, LawLex202200005121JBJ, considérant que l’associé qui refuse de voter une augmentation de capital qui apparaît, en présence de difficultés, comme la seule mesure conforme à l'intérêt  de la société, ne peut se voir reprocher un abus de minorité s'il n'est  pas également établi que sa décision est fondée sur l'unique dessein de  favoriser ses propres intérêts au détriment de celui de l'ensemble des  autres associés ; 31 janvier 2006, LawLex202200005122JBJ, affirmant que s’opposer à une augmentation du capital essentielle au bon fonctionnement de la société ne suffit pas à caractériser un abus de minorité en l'absence de preuve de la volonté de l’actionnaire minoritaire de favoriser ses propres intérêts au détriment de l'autre associé.

Douai, 16 mars 2023, LawLex202300009087JBJ.

Cass. com., 4 décembre 2012, LawLex202200005120JBJ.

Paris, 23 novembre 2001, LawLex202200009249JBJ.

Bordeaux, 7 décembre 1989, LawLex202300002904JBJ.

Cass. com., 20 mars 2007, LawLex202200005121JBJ.

Cass. 3e civ., 16 décembre 2009, LawLex202200009320JBJ.

Cass. com., 18 juin 2002, LawLex202200006571JBJ ; V. aussi, Cass. com., 22 novembre 2023, LawLex202300014022JBJ, JCP E 2024, n° 1116, obs. TEHRANI, retenant que le refus des actionnaires minoritaires de voter en faveur d’un coup d'accordéon constitue un abus de minorité lorsqu'il fait obstacle à la mise en œuvre de mesures de restructuration financières jugées indispensables au redressement de la société et, par suite, à sa survie.

Cass. com., 13 mars 2024, LawLex202400002239JBJ, JCP G 2024, n° 414, obs. GIBIRILA ; D. 2024, 856, obs. DISSAUX ; Contrats Conc. Consom. 2024, n° 77, obs. MATHEY ; RDC 2024/2, 72, obs. HEINICH ; LEDICO avril 2024, 3, obs. GRIMALDI.

Cass. com., 9 mars 1993, LawLex202200005119JBJ, retenant que le fait pour des associés minoritaires de faire obstacle au vote d’une augmentation de capital ne constitue pas un abus de minorité, en l'absence de contrariété à l'intérêt social, dès loirs que les résultats sont bons et que la société prospère ; Cass. com., 15 juillet 1992, LawLex202200009221JBJ, précisant que l'associé qui s’abstient systématiquement de participer aux décisions intéressant la vie sociale et empêche de ce fait la transformation de la société en SA ne peut se voir reprocher un abus de minorité s’il n’est pas établi que son attitude est contraire à l’intérêt général de la société et poursuit l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de celui de l'ensemble des autres associés ; Paris 4 décembre 2007, LawLex202300002826JBJ, affirmant que le vote d'opposition à une fusion ne constitue pas un abus de minorité dès lors qu'il ne présente pas d'intérêt essentiel pour la société en cause et est même de nature à éviter sa disparition en tant que personne morale.

Cass. com., 5 mai 1998, LawLex202200009222JBJ.

Cass. com., 18 juin 2002, LawLex202200006571JBJ.

Droit des sociétés

196. Principe

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