Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

Le droit de veto attribué à un ou plusieurs associés permet à ces derniers de s'opposer à la prise d'une décision. Dans les sociétés anonymes , les sociétés en commandite par actions  et les sociétés à responsabilité limitée , le législateur interdit la mise en place un droit de veto. Au contraire, dans les sociétés par actions simplifiées  et les sociétés civiles, qui offrent plus de liberté contractuelle aux associés, il est possible d'y recourir.

Le droit de veto peut résulter d'une attribution d'actions de préférence, ou d'une clause insérée dans un pacte d'actionnaires. Quelle que soit sa source, son exercice doit être encadré et limité à une catégorie de décisions, afin d'éviter tout abus de droit ou toute gestion de fait de la société . Les juges du fond considèrent cependant que des associés peuvent disposer d'un droit de veto, concernant un certain nombre de décisions susceptibles d'être prises tant par la société que par ses filiales, sans pour autant se substituer à leurs dirigeants dans la prise de décisions et pouvoir se voir reprocher une immixtion fautive dans leur gestion . En revanche, ils retiennent que les clauses d'un pacte d'associés qui accordent un droit de veto à un associé minoritaire sont nulles, dès lors qu'elles visent, compte tenu de l'ampleur des restrictions apportées aux pouvoirs du gérant, à ériger le minoritaire en co-gérant de la société, au mépris des prescriptions du Code de la santé publique .

En droit européen, bien que toute entrave, même d'importance mineure, à la libre circulation des capitaux soit prohibée , le juge de l'Union retient que la réglementation, qui, afin d'assurer la sécurité de l'approvisionnement, attribue une golden share (ou action spécifique) à un Etat membre dans des entreprises énergétiques, lui conférant un droit d'opposition à toute cession, toute affectation à titre de sûreté ou tout changement de la destination de canalisations et de certains autres actifs stratégiques mais aussi à certaines décisions de gestion estimées contraires aux lignes directrices de la politique énergétique du pays, présente un caractère proportionné, dès lors que l'exercice de ce droit est circonscrit à des décisions concernant les actifs stratégiques et à des décisions de gestion spécifiques, sur le fondement de critères objectifs et contrôlables par les juridictions . A contrario, une réglementation nationale qui institue une golden share dans une société en faveur d'un Etat membre, constitue une restriction aux mouvements de capitaux même si elle ne crée pas d'inégalité de traitement entre actionnaires nationaux et ressortissants d'autres États membres, dès lors qu'elle est susceptible d'empêcher l'acquisition d'actions dans cette société et de dissuader les investisseurs d'autres États membres d'y effectuer leurs placements . De même, une réglementation nationale qui institue une golden share dans une société en faveur d'un Etat membre en soumettant à son autorisation préalable tout franchissement à la hausse de certains seuils de détention de titres, quelle que soit sa nature ou sa forme juridique, ne saurait être justifiée par la nécessité de garantir la sécurité des approvisionnements en produits pétroliers en cas de crise dès lors que l'exercice de ces droits spéciaux n'est soumis à aucune condition précise, confère un pouvoir discrétionnaire à l'Etat membre et est contraire au principe de sécurité juridique . Aussi, une golden share introduite par un Etat membre dans les statuts d'une société en charge du service postal universel à l'occasion de sa privatisation partielle, qui confère à l'Etat des droits spéciaux d'approbation préalable d'importantes décisions de gestion, restreint-elle la liberté de circulation des capitaux et va-t-elle au-delà de ce qui est nécessaire pour sauvegarder la solvabilité et la continuité de ce prestataire, dès lors que ces droits spéciaux ne se limitent pas aux activités du service postal universel et sont exercés sans motivation et sur la base d'aucun critère précis . En outre, le droit de veto qui confère à un État une influence sur la gestion et le contrôle d'une société, non justifiée par l'ampleur de sa participation dans celle-ci, est susceptible de décourager les opérateurs d'autres États membres d'effectuer des investissements directs dans cette société car ils ne pourront pas concourir à sa gestion et à son contrôle à proportion de la valeur de leurs participations . Enfin, la législation nationale, indistinctement applicable, qui confère à des acteurs publics une minorité de blocage avec un investissement plus réduit que ne l'exigerait le droit commun des sociétés, leur permettant de s'opposer à des décisions importantes, limite la possibilité des autres actionnaires de participer à la société en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables et directs avec celle-ci et est dès lors susceptible de dissuader des investisseurs directs d'autres États membres .

C. com., art. L. 225-122, al. 1er, sur renvoi de l'art. L. 226-1, al. 2.

CJCE, 28 septembre 2006, Commission c. Pays-Bas, aff. C-282-04, LawLex200700000564JBJ ; V. aussi, CJUE, 11 novembre 2010, Commission européenne c. République portugaise, aff. C-543-08, LawLex201000001244JBJ, affirmant que le droit de veto à l'égard de certaines délibérations de l'assemblée générale d'une société, l'exemption du plafond de vote de 5 % prévue en faveur d'un État, et le droit de désigner un administrateur, dans le cas où il aurait voté contre la proposition victorieuse lors de l'élection des administrateurs, constituent des restrictions à la libre circulation des capitaux.

CJUE, 11 novembre 2010, Commission européenne c. République portugaise, aff. C-543-08, LawLex201000001244JBJ.

CJCE, 23 octobre 2007, Commission c. Allemagne, aff. C-112-05, LawLex200700001775JBJ ; 11 novembre 2010, Commission européenne c. République portugaise, aff. C-543-08, LawLex201000001244JBJ, retenant que le droit de veto conféré à l'Etat peut avoir un effet dissuasif sur les investissements de portefeuille dans une société, dans la mesure où un éventuel refus d'approuver une décision importante, présentée par les organes de cette société comme répondant à l'intérêt de celle-ci, est susceptible de peser sur la valeur des actions de cette dernière et, partant, sur l'attrait d'un investissement dans de telles actions.

C. com., art. L. 227-1, al. 3, excluant l'application de l'art. L. 225-122, al. 1er et L. 227-9.

Paris, 6 janvier 2022, LawLex202300009233JBJ, retenant que la simple détention d'une Golden Share ne suffit pas à conférer à son titulaire la gérance de fait de la société, lorsque les pouvoirs attachés à celle-ci ne concernent que la cession des titres de la société, la composition du conseil de surveillance et un droit de veto sur la modification des modalités de nomination prévues par les statuts, à l'exclusion de tout pouvoir de gestion de la société dans l'exercice de son activité.

Nancy, 7 avril 2017, LawLex202300009232JBJ.

Nouméa, 16 février 2023, LawLex202300009231JBJ.

V. CJCE, 13 décembre 1989, Corsica Ferries France c. Direction générale des douanes françaises, aff. C-49-89, LawLex200500005893JBJ.

CJCE, 4 juin 2002, Commission c. Belgique, aff. C-503-99, LawLex200800000292JBJ

CJCE, 4 juin 2002, Commission c. France, aff. C-483-99, LawLex200700000559JBJ.

186. Principe