Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

Le mode de financement le plus communément utilisé par les sociétés est l'emprunt auprès d'une banque ou d'une institution financière. Outre les crédits classiques, les établissements bancaires peuvent accorder des avances en trésorerie, qui recouvrent notamment les facilités de caisse et les découverts bancaires.
La facilité de caisse constitue une autorisation tacite et ponctuelle accordée par l …

Modalités de recours.

Le mode de financement le plus communément utilisé par les sociétés est l'emprunt auprès d'une banque ou d'une institution financière. Outre les crédits classiques, les établissements bancaires peuvent accorder des avances en trésorerie, qui recouvrent notamment les facilités de caisse et les découverts bancaires.

La facilité de caisse constitue une autorisation tacite et ponctuelle accordée par la banque à la société, qui lui permet d'afficher un solde débiteur temporaire pour faire face à un décalage de trésorerie . Plutôt qu'un véritable crédit, la facilité de caisse s’analyse en une simple tolérance de la banque, discrétionnaire et révocable à tout moment. A l'inverse, le découvert bancaire procède généralement d'une convention entre la banque et l'entreprise, qui stipule, au cours d'une période donnée, un montant maximum d'avance que la banque s'engage à lui accorder, en lui permettant d'afficher un compte débiteur . La frontière entre les deux notions étant tenue, la jurisprudence précise qu'une “facilité de caisse” accordée à une société sans limitation dans le temps doit être assimilée à une autorisation de découvert permanent .

Pour améliorer leurs besoins en fonds de roulement, les entreprises recourent également à la mobilisation de créances professionnelles ou commerciales. Ces mécanismes de financement à court terme consistent en la cession, voire le nantissement, par l'entreprise, de certaines de ses créances pour obtenir des avances de fonds avant que la créance cédée ne devienne exigible. Les modalités de la cession ou du nantissement de créance professionnelle sont prévues par les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier. Lorsque ces modalités sont respectées , l'opération est opposable aux tiers ainsi qu'au débiteur cédé dans les conditions prévues par ces dispositions légales, auxquelles aucune autre condition ne peut être ajoutée dans le contrat générateur de la créance . Les techniques de mobilisation de créances les plus fréquemment utilisées sont l'affacturage, la cession Dailly et l'escompte bancaire. L'affacturage  ne fait pas intervenir d'établissements bancaires, mais plutôt des filiales spécialisées de ceux-ci, dites “factor”, à qui la société cède ses créances, par le mécanisme juridique de la subrogation conventionnelle. En retour, le factor règle à la société l'intégralité des sommes issues des créances et se charge de les recouvrer auprès des débiteurs. La cession Dailly suit les mêmes principes, à ceci près que la cession de créance s'effectue auprès d'un établissement bancaire, qui, par ailleurs, ne prend pas en charge le recouvrement des créances. C'est à la société d'en obtenir le règlement, à charge pour elle de rembourser les sommes avancées par la banque même si elle n'est pas remboursée elle-même par ses débiteurs. Enfin, l'escompte bancaire consiste, pour la société, à céder ses différents instruments de paiement, tels les billets à ordre ou les lettres de change, à la banque, qui, après examen de la situation financière globale de l'entreprise, les lui règle, déduction faite d'agios et autres frais bancaires. Une banque peut toujours refuser de prendre à l'escompte des effets de commerce dont elle estime qu'ils présentent un risque, sans engager sa responsabilité .

Le crédit-bail  , dont le régime est fixé à l'article L. 313-7 du Code monétaire et financier, constitue une technique particulière de financement qui permet à la société d'acquérir des biens mobiliers ou immobiliers, voire de financer des opérations d'investissement, sans avoir à disposer des fonds nécessaires au moment de l'acquisition. Le crédit-bailleur joue en pareille hypothèse le rôle de financier auprès de la société : il acquiert la propriété du bien, qu'il met, au moyen d'un contrat de location à disposition de l'entreprise, qui conserve la faculté de l'acquérir à terme de manière définitive suivant des modalités préalablement définies. La jurisprudence illustre clairement l'objet du mécanisme en soulignant, s'agissant du crédit-bail immobilier, qu'il ne constitue pas un contrat de louage d'immeuble, mais une opération complexe de financement dont l'objet essentiel est de fournir à un industriel ou un commerçant les fonds nécessaires pour lui permettre de se procurer l'immeuble correspondant à ses besoins, tout en tendant essentiellement à l'acquisition de la propriété des murs . Par conséquent, la promesse unilatérale de cession d'un contrat de crédit-bail immobilier n'est pas soumise à la formalité de l'enregistrement dès lors qu'elle porte sur un contrat prévoyant un ensemble d'obligations contractuelles réciproques dont l'option d'achat n'est que l'une des composantes, pour constituer une opération de financement de l'acquisition d'un bien immobilier .

L'inconvénient majeur du recours à l'emprunt réside dans les garanties que le prêteur requiert en contrepartie de la part des souscripteurs, comme la lettre d'intention, le gage ou le cautionnement. L'article 2322 du Code civil présente la lettre d’intention comme “l'engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de son obligation envers son créancier”. Eu égard à la gravité d'un tel engagement, qui fait naître une obligation de résultat , la jurisprudence précise que la lettre d’intention émise pour la couverture de créances résultant de lignes de crédits ouvertes au profit d'une société, doit être autorisée par le conseil d’administration de la société à l'origine de l'engagement  . Le gage, défini à l'article 2333 du Code civil, désigne la convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs. Afin de financer leurs activités, les entreprises sont souvent conduites à consentir des gages sur leurs stock. Le régime du gage sur stock a connu de nombreuses évolutions. En effet, à l'origine, la jurisprudence estimait que le gage au profit d’une banque portant sur le stock de marchandises d’une société, convenu dans le cadre d'une opération de crédit, n’était pas soumis au droit commun du gage de meubles sans dépossession, de sorte qu'elle ne pouvait solliciter la restitution du stock existant ou de sa contre-valeur en cas de résiliation du contrat de crédit pour non-paiement des échéances . Une première réforme   est revenue sur cette jurisprudence, en autorisant la stipulation de pactes compromissoires dans les accords de gage sur stock. Plus récemment, l'ordonnance du 15 septembre 2021  a supprimé le droit spécial du gage des stocks, prévu à l'ancien article L. 527-1 du Code de commerce, soumettant de fait ce type de gage au droit commun du gage, issu du Code civil. Enfin, le cautionnement est le contrat par lequel une caution s'oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci . Il peut, aux termes de l'article 2292 du Code civil,  garantir une ou plusieurs obligations, présentes ou futures, déterminées ou déterminables . En raison du caractère contraignant de son engagement, le consentement de la  personne qui se porte caution doit être protégé et elle doit être mise en garde sur les risques encourus. S'agissant du consentement, l'article 2297 du Code civil prévoit que la caution personne physique appose elle-même la mention qu'elle s'engage, en qualité de caution, à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci. Pour ce qui est de sa mise en garde, la jurisprudence a reconnu pendant longtemps au créancier un devoir accru de mise en garde de la caution “non avertie”. Elle estimait à cet égard que la qualité de caution avertie ne pouvait se déduire du seul statut de dirigeant de la société débitrice principale . Présentait cependant la qualité de caution avertie, le dirigeant de la société débitrice principale dont le parcours professionnel démontrait qu'il avait assumé des fonctions de responsabilité nécessitant des compétences techniques et commerciales, avait bénéficié d'une formation spécifique à la reprise d'entreprise et s'était personnellement chargé de la constitution et du suivi des dossiers de financement en vue de l'opération de reprise complexe qu'il a montée ainsi que des négociations nécessaires à l'obtention de ceux-ci . La distinction entre caution avertie et non avertie a aujourd'hui disparu, et l'article 2299 indique désormais que le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier.

La rupture du contrat de prêt, quelle que soit sa forme, constitue une dernière source de difficultés. La Cour de cassation précise que l'article L. 442-1, II du Code de commerce relatif à la responsabilité encourue pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ne s'applique pas à la rupture ou au non-renouvellement de crédits consentis par un établissement de crédit à une entreprise, dès lors que ceux-ci sont exclusivement régis par les dispositions du Code monétaire et financier . Pour déterminer la responsabilité qu'encourt le banquier du fait de la rupture du crédit accordé à une entreprise, il convient de distinguer selon que le crédit découle d'un engagement de la banque ou que celle-ci a accordé des facilités. En effet, dans cette dernière hypothèse, la banque est libre de revenir à tout moment sur sa décision  . La tolérance de dépassements du découvert autorisé au cours du fonctionnement du compte d'une société s'analyse également en un concours occasionnel qui peut être rompu à tout moment . La responsabilité de la banque pour rupture abusive de crédit n’est pas davantage établie lorsque la convention de compte avec sa cliente n’est assortie d'aucune autorisation expresse de découvert et que les tolérances accordées, dans la certitude de rentrées prochaines de fonds, n'ont pu faire naître chez la société la croyance légitime que celle-ci bénéficiait d'une ouverture tacite de crédit  . En revanche, en présence d'une autorisation de découvert, l'article L. 313-2 du Code monétaire et financier impose au banquier qui entend dénoncer un crédit le respect d'un préavis de soixante jours  . Aussi, la responsabilité de l'établissement bancaire ne peut-elle en principe être engagée, lorsqu'il a respecté le délai de préavis requis  . L'établissement bancaire peut, sans avoir à se justifier, mettre unilatéralement fin à une convention d’ouverture de compte à durée indéterminée au profit d’une société, lorsque sa décision est assortie d'un délai de préavis de 90 jours suffisant pour permettre à sa cliente de retrouver un nouveau banquier et ne procède pas d'un motif illégitime ou d'une volonté de nuire . Par exception, la banque qui met un terme à un concours bancaire, sans préavis, n’engage pas sa responsabilité pour rupture abusive de crédit, lorsque la société bénéficiaire du crédit s'est comportée de manière fautive . Tel est le cas lorsque la société emprunteuse, soumise à une obligation contractuelle de sincérité et de loyauté, s'est rendue coupable d'un comportement gravement répréhensible en retenant volontairement et de façon réitérée, des informations alarmantes sur sa situation . De même, une banque peut rompre, même sans préavis, les crédits octroyés à une société en raison du comportement gravement répréhensible  caractérisé par une double mobilisation de créances professionnelles  ou la production par la société de comptes de résultat dénués de sincérité dans le but de masquer ses difficultés financières .

Cass. com., 22 mai 2012, LawLex202300002069JBJ, soulignant que le banquier qui réalise des virements par le débit du compte de son client, alors qu’il n’existe pas de provision préalable suffisante, lui consent une facilité de caisse pour financer un décalage de trésorerie, n’exigeant pas un accord exprès préalable.

Cass. com., 23 avril 2013, LawLex202100005612JBJ, sur le caractère impératif du respect du montant maximum de découvert consenti par la banque.

Cass. com., 26 février 2002, LawLex202200008503JBJ, considérant qu'une lettre d’intention qui contient l'engagement ferme de la société mère de faire le nécessaire pour que sa filiale dispose d'une trésorerie suffisante lui permettant de faire face à ses engagements au titre des crédits de trésorerie et de découvert envers un créancier comporte une obligation de résultat et non de moyens.

Cass. com., 19 avril 2005, LawLex202300001856JBJ.

Cass. ass. plén., 7 décembre 2015, LawLex202300001860JBJ.

Ord. 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés.

V., pour une application, Cass. com., 8 janvier 2008, LawLex202200010023JBJ, retenant que ni la bonne foi qui doit régir les relations entre la banque et la caution, ni le devoir d'information n'imposent à la banque d'avertir l'ancien dirigeant de l'octroi d'un nouveau prêt, dès lors que le cautionnement qu'il a souscrit garantit toutes les dettes, même futures, de la société et ne cesse que sous réserve d’être révoqué expressément.

Cass. com., 28 février 2018, LawLex202200010021JBJ ; 29 novembre 2017, LawLex202200010020JBJ.

Cass. com., 18 janvier 2017, LawLex202200010019JBJ.

Cass. com., 25 octobre 2017, LawLex201700001719JBJ.

Cass. com., 23 septembre 2014, LawLex202300002068JBJ.

Grenoble, 26 janvier 2023, LawLex202300002060JBJ, retenant que la résiliation d'un compte courant à durée indéterminée entraîne par voie de conséquence celle de la facilité de caisse qui lui est adossée et qui n'a d'autre objet que de permettre le fonctionnement de ce compte en position débitrice.

Cass. com., 11 juillet 2006, LawLex200600001627JBJ.

Cass. com., 27 janvier 2015, LawLex202300002072JBJ ; 9 janvier 1978, LawLex202300002063JBJ, considérant qu'une banque ne commet aucun abus en mettant fin à des facilités de caisse accordées à une société dont le compte présente un découvert excédant largement le montant autorisé et en refusant d'honorer ses payements à partir d'une période nettement postérieure à la mise en demeure qu’elle lui a adressé de se procurer les fonds nécessaires.

Cass. com., 15 avril 2008, LawLex202300002071JBJ, retenant qu'une banque ne peut se voir reprocher d'avoir rompu abusivement une autorisation de découvert dont l'existence n'est pas démontrée, dès lors que la loi ne lui impose pas le respect d'un délai de préavis de dénonciation pour des concours occasionnels.

Cass. com., 9 mai 1990, LawLex202300001760JBJ, estimant que la dénonciation unilatérale par un établissement bancaire d’une convention de découvert à durée indéterminée consentie à une société requiert un préavis, en l’absence duquel sa responsabilité peut être engagée, même s’il n’est pas démontré qu’il a agi dans le but de nuire à sa cliente.

Cass. com., 26 janvier 2010, LawLex202300001759JBJ ; 9 mars 1999, LawLex202300001763JBJ, soulignant que la responsabilité d’un établissement bancaire pour rupture brutale des crédits consentis à une SCI ne peut être engagée, s’il lui a laissé un délai de préavis raisonnable, à la suite de pourparlers qui n'ont pas abouti en raison du refus opposé par le dirigeant aux propositions, non excessives, de garanties de la banque et de la formulation par celui-ci de contre-propositions substantiellement différentes, non acceptées par elle. 

Cass. com., 30 novembre 2022, LawLex202300002066JBJ, considérant que le comportement gravement répréhensible d’une société qui n’utilise pas les prêts aux fins déclarées justifie la révocation immédiate par la banque du découvert en compte qu'elle lui a octroyé.

Cass. com., 28 juin 2011, LawLex202100003136JBJ.

Cass. com., 14 février 2006, LawLex202300001764JBJ, estimant qu'une banque n'abuse pas de son droit de rompre, même sans préavis, la convention de compte à durée indéterminée qui la lie à une société lorsqu'elle a des raisons de suspecter un circuit d'effets de complaisance ; 2 novembre 1994,  LawLex202300001769JBJ, précisant qu'aucune faute ne peut être reprochée à une banque pour n'avoir pas respecté un préavis suffisant avant de dénoncer les concours accordés à une société coupable de dépassements importants et répétés des autorisations de trésorerie consenties, nonobstant des rappels et mises en garde réitérés, et de manquements à son devoir d'information du banquier, de nature à altérer notablement la relation de confiance entre les parties. 

Cass. com., 8 mars 2011, LawLex202300001768JBJ.

V. a contrario, Cass. com., 25 février 2003, LawLex202300001852JBJ, retenant que le banquier cessionnaire de créance ne peut demander paiement au débiteur cédé lorsqu’il ne produit pas les bordereaux de cession de créances correspondants, revêtus de toutes les mentions exigées par l'article L. 313-23 du Code monétaire et financier.

Cass. com., 20 juin 2006, LawLex202300001770JBJ.

Cass. com., 11 octobre 2017, LawLex202300001851JBJ. 

GAVALDA et STOUFFLET, Le contrat dit de factoring, JCP G 1976, II, 18279.

Cass. com., 21 février 2012, LawLex202300001841JBJ ; 30 novembre 1999, LawLex202300001842JBJ, estimant qu'une banque peut refuser de prendre à l'escompte des effets tirés sur une société, faute d'avoir reçu les renseignements utiles qu'elle demandait, sans abus, au dirigeant de la société cliente.

BLETTERIE, Le contrat de crédit-bail immobilier en droit français, thèse Toulouse I, 2003 ; CLAUDE, La réforme du crédit-bail immobilier, AJPI 1995, 207 ; LEQUIN, Crédit-bail immobilier et financement de l’entreprise, PUF, Que sais-je ? 1976; BEY, Crédit-bail immobilier, J.-Cl. Banque, Crédit, Bourse, Fasc. 650 à 654.

Versailles, 13 février 2014, LawLex202300001992JBJ.

Versailles, 28 janvier 2010, LawLex202300001993JBJ.

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