Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

Le consentement  éclairé des parties est nécessaire à la validité de la cession. L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes . Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné . 

Les juges estiment qu'une cession d'actions ne peut être considérée comme conclue sous l'empire d'une erreur sur les qualités substantielles des titres cédés lorsque les cessionnaires connaissaient, à la date de l’opération, l'absence de rentabilité de la société, savaient qu'ils devraient financer une importante trésorerie négative pendant dix-huit mois et projetaient une réorientation totale de l'entreprise . A contrario, l'erreur provoquée par des agissements dolosifs du cédant sur la capacité de la société cible de poursuivre, dans des conditions régulières, l'activité économique constitutive de son objet principal et dominant alors que celle-ci était déterminante de la décision d’acquisition, porte sur une qualité substantielle et entraîne la nullité de la cession . De même, une cession d'actions peut être annulée pour erreur sur les qualités substantielles des titres cédés lorsque les cessionnaires ignoraient la convention par laquelle la société cible avait cédé la quasi-totalité de ses actifs à une autre, se privant de la possibilité de réaliser l'objet social, d'exercer une activité économique et de devenir rentable .

Il convient par ailleurs de distinguer le dol  de la réticence dolosive. Le dol, qui, pour être caractérisé, nécessite que les cessionnaires démontrent que les cédants ont pratiqué personnellement  des manœuvres en l’absence desquelles il est évident qu’ils n’auraient pas contracté  peut résulter de l'action d'un cédant, qui consiste à déclarer mensongèrement qu’aucune des sociétés dont les actions sont cédées ne se trouve en état de cessation des paiements et que les comptes annuels, réguliers et sincères, donnent une image fidèle de leur situation financière alors qu'il s'est rendu coupable de fausses facturations et de détournements de fonds . De même, l'erreur du cessionnaire sur la valeur des actions de la cible, provoquée par une manœuvre du cédant, qui a intentionnellement dissimulé la situation financière de cette dernière, peut justifier l'annulation de l'acte de cession pour dol . Par ailleurs, un cessionnaire qui méconnaît les termes de l’acte de cession d'actions au sujet des modalités d’un partenariat financier, déterminant du consentement du cédant, commet un dol . En revanche, un changement de méthode comptable antérieur de deux ans à la négociation d'une cession d’actions ne peut être retenu, en l’absence de fraude, à titre de preuve d’une manœuvre dolosive de la part du cédant . 

La réticence dolosive est étroitement liée au devoir d'information qui incombe aux parties. De fait, le cessionnaire d'actions peut invoquer la réticence dolosive du cédant qui s’est abstenu de lui remettre un rapport relatif à l'état de pollution du site dont la société cible était propriétaire, sans qu’il puisse lui être reproché de ne pas s’être informé, compte tenu de la nature de l’activité exploitée et du caractère classé de l'installation .

Pour que le dol ou la réticence dolosive soient retenus, encore faut-il que la personne à l'origine des manœuvres ait eu l'intention de tromper l'autre partie . L’intention de tromper les cessionnaires, sur le fondement du dol, n’est pas établie, dès lors que les cédants ont accepté le principe d'un audit comptable avant la cession, ont transmis les documents demandés par l'expert-comptable et qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir que la société cédée se trouvait en état de cessation des paiements avant la cession, ni que les cédants pouvaient avoir connaissance de cet état . De même, l’intention de tromper les cédants n’est pas démontrée par le fait que la société cédée ne détienne pas de titres dans le capital d’une autre, dès lors que le cessionnaire, rompu aux affaires, était en mesure de connaître cette circonstance que les cédants n’ont pas cherché à dissimuler .

Cass. com., 13 septembre 2017, LawLex202300000488JBJ.

Cass. com., 7 juillet 2020, LawLex202300000493JBJ.

Cass. com., 27 janvier 2021, LawLex202300000101JBJ

Cass. com., 28 juin 2005, LawLex200600002444JBJ, RLDC 2005, n° 810, obs. LE GALLOU ; Comm. Com. électr. 2005, n° 158, obs. STOFFEL-MUNCK ; D. 2006, jurisp., 2774, obs. CHAUVEL ; RTD civ. 2005, 590, obs. MESTRE et FAGES, considérant que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci.

Cass. com., 21 avril 2022, LawLex202200003343JBJ, BJS 2022, 6, obs. MASSART.

Cass. com., 11 mai 2017, LawLex202300000059JBJ, estimant que l’intention de tromper des cédants n’est pas démontrée par le fait que la société cédée ne détienne pas de titres dans le capital d’une autre, dès lors que le cessionnaire, rompu aux affaires, était en mesure de connaître cette circonstance que les cédants n’ont pas cherché à dissimuler, de même que l'absence d'information spécifique quant à l'existence d'une dette de la société cédée et du règlement d'une dette fiscale par compensation, ne caractérisent ni une manœuvre ni une réticence dolosives.

Cass. com., 2 mai 2007, LawLex202300000062JBJ.

Cass. com., 10 décembre 2003, LawLex202300000009JBJ.

Cass. com., 1er octobre 1991, LawLex200500006053JBJ, RTD civ. 1992, 80, obs. MESTRE ; JCP éd. G 1992, II, 21860, obs. VIANDIER ; D. 1992, 190, obs. VIRASSAMY.

C. civ., art. 1137 : “Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation”.

Cass. mixte, 29 octobre 2021, LawLex202100006463JBJ, JCP E 2022, n° 1044, obs. EL MEJRI ; LPA 2022, 73, obs. GERARD ; JCP G 2021, chron. 1310, obs. SERINET ; RCA 2022, n° 15, obs. ROBIN-SABARD ; D. 2021, 2162, obs. TISSEYRE, considérant que les manœuvres dolosives du mandataire du cédant des actions d’une société, dans l'exercice de son mandat, n'engagent la responsabilité du mandant que s'il a personnellement commis une faute, qu'il incombe à la victime d'établir.

Cass. com., 23 juin 2004, LawLex202300000061JBJ.

Cass. com., 12 mai 2021, LawLex202300000093JBJ ; 26 mai 2009, LawLex202300000070JBJ, retenant que la présentation de comptes infidèles, sur le fondement desquels a été négociée une cession d’actions, peut caractériser un dol au sens de l'article 1137 du Code civil, même si le cédant a été relaxé de poursuites du chef d'escroquerie en l'absence de caractérisation de manœuvres frauduleuses ; 15 juillet 1992, LawLex202300000076JBJ, précisant que justifie l’annulation pour dol de la cession d'actions, la déclaration mensongère du cédant selon laquelle il n'existe aucun litige en cours susceptible de réduire notablement l'actif social alors qu’il est informé d'une assignation en garantie délivrée au siège de la société et qu’en l’absence d'une telle allégation, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Cass. com., 12 mai 2015, LawLex202300000491JBJ.

97. Principe