Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

Un groupe de sociétés peut se constituer de plusieurs manières : une société mère peut créer soit une filiale dont elle détient le capital à 100 %, soit prendre une participation ou le contrôle d'une société déjà existante ou, enfin, constituer une holding de reprise, lorsqu'une société, agissant seule ou de concert, vient à détenir plus de 30 % du capital ou des droits de vote d'une société cotée …

Techniques et spécificités 

Un groupe de sociétés peut se constituer de plusieurs manières : une société mère peut créer soit une filiale dont elle détient le capital à 100 %, soit prendre une participation ou le contrôle d'une société déjà existante ou, enfin, constituer une holding de reprise, lorsqu'une société, agissant seule ou de concert, vient à détenir plus de 30 % du capital ou des droits de vote d'une société cotée.

Le groupe peut d'abord être créé par filialisation de certaines activités que la société mère ne peut plus ou ne souhaite plus exercer elle-même ou la création de structures pour couvrir de nouveaux territoires géographiques, notamment afin de répondre aux contraintes réglementaires du pays d'établissement. Dans ces deux hypothèses, il convient de distinguer la filiale de notions voisines telles que la succursale, l'agence ou l'établissement, la différence résidant principalement dans le fait que la première dispose de la personnalité morale et donc d'une certaine autonomie, alors que tel n'est pas le cas des autres . L'apport d'une branche complète d'actifs à une nouvelle structure créée ex nihilo constitue le moyen naturel de constitution d'un groupe. Lorsqu'elle choisit cette option, la société mère doit faire preuve de prudence et de diligence, notamment en apportant à sa filiale une dotation financière suffisante  pour pouvoir réaliser les objectifs qui lui sont assignés et assumer ses engagements sociaux à l'égard des salariés affectés à la nouvelle structure . 

La constitution du groupe peut également s'effectuer par voie de prise de participation dans le capital d'une ou plusieurs sociétés existantes. Pour que celles-ci puissent être qualifiées de “filiales”, au sens de l'article L. 233-1 du Code de commerce, il faut que la participation s'élève au moins à 50 % du capital de la cible . En effet, entre 10 et 50 % de capital, l'article L. 233-2 estime que la souscriptrice détient seulement “une participation” dans la cible. Cependant, même une participation inférieure à 50 % peut conférer à sa détentrice un pouvoir de contrôle qui permet d'envisager l'existence d'un groupe, lorsque, conformément à l'article L. 233-3, elle lui confère la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de la cible ou lui permet de déterminer, en fait, les décisions dans les  assemblées générales de la cible ou encore de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société. La prise de participation peut s'effectuer de plusieurs manières issues des techniques traditionnelles du droit des sociétés telles que la souscription à une augmentation de capital en numéraire, le portage, l'apport partiel d'actif, ou l'acquisition de parts ou actions auprès des fondateurs et/ou des actionnaires, auquel cas le régime applicable est celui des cessions de droits sociaux.

Lorsque la prise de participation vise à prendre le contrôle d'une société, on parle de prise de contrôle. Les offres publiques constituent le mécanisme le plus fréquemment utilisé pour prendre le contrôle d'une société cotée. L'offre publique d'achat ou d'échange est l'opération par laquelle une personne notifie publiquement aux actionnaires d'une autre son intention d'acquérir leurs titres. Le prix d'achat, supérieur au cours de bourse, doit être annoncé à l'avance. S'il est stipulé en espèces, on parle d'OPA (offre publique d'achat) ; si le paiement s'effectue par remise d'actions ou d'obligations, il s'agit d'une OPE (offre publique d'échange). Rapides et transparentes, ces opérations  sont rendues obligatoires, sauf demande de dérogation , lorsqu'une société, agissant seule ou de concert, vient à détenir plus de 30 % du capital ou des droits de vote d'une société cotée . Par ailleurs, afin de parer aux tentatives indésirables de prises de contrôle, le législateur a mis en place un certain nombre d'obligations d'information à la charge de l'acquéreur. De fait, conformément à l'article L. 233-6 du Code de commerce, lorsqu'une société a pris, au cours d'un exercice, une participation excédant un certain seuil dans une société ayant son siège social en France, il en est fait mention dans le rapport présenté aux associés de la cible sur les opérations de l'exercice et, le cas échéant, dans le rapport des commissaires aux comptes. De même, lorsqu'il s'agit de sociétés cotées ayant leurs sièges en France, la règlementation relative aux situations de franchissement de seuil s'applique. En vertu des textes applicables , toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder, directement ou indirectement, un nombre d'actions excédant, ou devenant inférieur à un certain seuil du capital ou des droits de vote, est tenue d'informer la société au plus tard avant la clôture des négociations du quatrième jour de bourse suivant le jour de la survenance de cet événement, du nombre total d'actions ou de droits de vote qu'elle possède. Elle doit aussi l'informer du nombre de titres qu'elle possède donnant accès à terme aux actions à émettre et des droits de vote qui y seront attachés ainsi que des actions déjà émises qu'elle peut acquérir, en vertu d'un accord ou d'un instrument financier. La personne tenue au respect des règles sur le franchissement de seuil doit, conformément à l'alinéa 7 de l'article L. 233-7, déclarer les objectifs qu'elle a l'intention de poursuivre au cours des six mois à venir. Le texte ajoute que la personne se trouvant dans cette situation doit également en informer l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui portera l'information à la connaissance du public . Hors dispenses , le non-respect de ces obligations entraîne, pour les actions excédant la fraction qui aurait dû être déclarée, une privation du droit de vote pendant une durée de deux ans. 

Par ailleurs, l'article L. 233-29 du Code de commerce, pose le principe selon lequel une société par actions ne peut posséder d'actions d'une autre société par actions, si celle-ci détient une fraction de son capital supérieure à 10 %. La société qui franchit le seuil de 10 % doit en informer l'autre, conformément à l'obligation d'information de l'article L. 233-7, alinéa 1er. A défaut d'accord entre les sociétés intéressées pour régulariser la situation, celle qui détient la fraction la plus faible du capital de l'autre doit céder son investissement. Si les investissements réciproques sont de la même importance, chacune des sociétés doit réduire le sien, de telle sorte qu'il n'excède pas 10 % du capital de l'autre. Lorsqu'une société est tenue d'aliéner les actions d'une autre société, l'aliénation est effectuée dans le délai fixé par décret en Conseil d’État. La société ne peut exercer les droits de vote attachés à ces actions .

Les participations entre une société par actions et une société autre que par actions font également l'objet de limitations, visées à l'article L. 233-30, qui imposent à leur détenteur de se dessaisir et de s'abstenir d'exercer les droits de vote qui y sont attachés. La violation de ces règles entraîne des poursuites pénales à l'encontre des dirigeants concernés, conformément à l'article L. 247-3 du Code de commerce. Néanmoins, au plan civil, la cession d’actions réalisée dans le cadre de participations réciproques prohibées n’est pas sanctionnée par la nullité .

S'agissant des situations aboutissant à un auto-contrôle, l'article L. 233-31 du Code de commerce prévoit que les droits de vote attachés à ces actions ou ces droits de vote ne peuvent être exercés à l'assemblée générale de la société. En outre, il n'en est pas tenu compte pour le calcul du quorum. Les dirigeants contrevenant aux dispositions légales en la matière s'exposent également aux sanctions pénales de l'article L. 247-3. La loi ne règle pas la question de l'annulation éventuelle de la délibération adoptée en violation de la règlementation sur l'autocontrôle. Cependant, dès lors que l'article L. 233-31 constitue une disposition impérative, sa violation devrait entraîner la nullité de la délibération irrégulière si elle ne modifie pas les statuts. Si en revanche elle modifie ces derniers, elle n'encourt la nullité qu'en cas de fraude .

Une filiale commune peut être constituée entre deux ou plusieurs groupes de sociétés, afin de mener à bien une activité . Cependant, selon la jurisprudence, lorsque son capital est partagé entre deux sociétés ou groupes de sociétés qui la gèrent sur un plan de stricte égalité, la filiale commune, est réputée n'appartenir à aucun groupe .

Enfin, le groupe peut se constituer par acquisition de titres d'une société au moyen de la constitution d'une holding de reprise. Ce type de montage se rencontre lorsqu'une personne envisage de racheter une société cible, sans pour autant disposer de capitaux suffisants : elle peut, pour mener à bien l'opération, constituer, seule ou avec des tiers, une société qualifiée de holding de reprise, qui va s'endetter pour acquérir la société cible et se refinancera par remontée des dividendes de cette dernière. Cette opération de leverage buy out (LBO), qui facilite la prise de contrôle d'une société à moindre coût, peut être suivie de la fusion de la société cible et de la holding de reprise, pour permettre un remboursement encore plus rapide de l'emprunt, grâce aux actifs de la cible. Une telle opération n'est pas sans présenter de risques : elle pourrait être analysée en un rachat par une entreprise de ses propres titres, expressément prohibé et pénalement  sanctionné par l'article L. 225-216 du Code de commerce ; des poursuites des instigateurs de l'opération pour abus de voix ou abus de biens sociaux ne sont pas non plus à exclure et une fusion trop rapide est susceptible de faire l'objet d'une condamnation pour abus de droit en matière fiscale.

Cass. 1re civ., 20 février 1979, LawLex202200010250JBJ, Bull. I, n° 65, à propos d'une succursale.

Cass. com., 12 mai 2015, LawLex202200007221JBJ, approuvant Paris, 17 septembre 2013, LawLex202200008127JBJ : une société mère ne peut se voir reprocher une insuffisance de dotation de sa filiale si elle lui a apporté des fonds propres en sus de la capitalisation initiale et si les difficultés qu'a connues cette dernière ne sont pas liées à ses passifs mais à un contexte pénalisant dans son secteur d’activité ainsi qu'à diverses opérations coûteuses.

Cass. com., 3 janvier 1996, LawLex202200007230JBJ.

BRILL, La filiale commune, thèse, Strasbourg, 1975 ; JEANTIN, La filiale commune, moyen de collaboration entre sociétés et groupes de sociétés, Librairie techniques, 1976.

Cass. soc., 9 février 1994, LawLex202200007702JBJ.

Cass. com., 12 mai 2015, LawLex202200007221JBJ, relatif à la retraite des salariés transférés.

Comp. art. 145 CGI, relatif à l'application du régime fiscal mère-fille, dans lequel un taux de détention du capital de 5 % suffit.

VIANDIER, OPA, OPE, et autres offres publiques, Francis Lefèbvre, 5e éd., 2014 ; COHEN, Vers la fin des offres publiques hostiles, in Mélanges DIDIER, Economica, 2008, 125 ; BARRIERE et de REALS, La loi Florange : une loi anti-OPA ?, Rev. sociétés 2014, 279.

Cass. com., 19 octobre 1999, LawLex202200007237JBJ ; 28 mai 2013, LawLex202200007238JBJ.

C. com., art. L. 233-7, I, al. 1 et 2 et art. R. 233-1.

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