Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

Le droit de retrait caractérise la faculté octroyée à un associé de quitter la société moyennant le remboursement de ses droits. Une telle faculté découle de la loi ou des statuts. De fait, l'article 1869 du Code civil prévoit expressément qu'un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts  ou, à défaut, après autorisation donnée pa …

Droit de ne pas rester indéfiniment associé

WALLET, Le retrait judiciaire d'un asscié d'une société civile pour justes motifs, Bull. Joly 1985, 597 ; FELIX, Réduction de capital et retrait d'associé dans les sociétés civiles, JCP N 1993, I, 111.

Le droit de retrait caractérise la faculté octroyée à un associé de quitter la société moyennant le remboursement de ses droits. Une telle faculté découle de la loi ou des statuts. De fait, l'article 1869 du Code civil prévoit expressément qu'un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts  ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice . Strictement personnel, le droit de retrait ne peut être exercé par un tiers, à la place d'un associé : un créancier ne peut agir en retrait, par l'exercice de l'action oblique, afin d'obtenir le remboursement de la dette d'un associé grâce au produit du rachat de ses parts sociales . 

Il ne peut être fait obstacle au droit de retrait garanti par la loi ou les statuts par des stipulations contractuelles contraires, telles qu'une clause de non-réinstallation contenue dans le règlement intérieur d'une société civile de moyens, qui apporte des restrictions significatives au libre exercice de leur faculté de retrait par les associés, alors que les statuts de la société lui donnent pour objet exclusif de faciliter l'exercice de l'activité de chacun de ses membres . En revanche, la clause qui prévoit l'obligation pour l'associé retrayant de contribuer aux frais fixes exposés par la société, pendant l'année suivant la date de son départ, n'est pas considérée comme de nature à l’empêcher d'exercer son droit de retrait lorsqu’elle est justifiée par l'absence de clause de non-concurrence et que le montant de la participation aux frais fixes, assis sur l'importance de l'activité exercée par le retrayant jusqu'au jour de son départ, ne s’applique pas à l’intégralité des frais supportés par la structure .

Lorsque le retrait n'est prévu ni par la loi ni par les statuts, les associés qui le désirent peuvent exercer leur droit en saisissant le juge, à condition de pouvoir invoquer un juste motif. L'article 1869 du Code civil n'interdit pas au juge de se fonder sur des éléments relatifs à la situation personnelle de l'associé pour faire droit à sa demande de retrait . L'associé d'une SCI constituée avec sa belle-famille, peut ainsi se retirer après avoir divorcé, sans avoir à prouver une mésentente entre les associés qui entraînerait un dysfonctionnement de la société . Le retrait d'un associé repose également sur de justes motifs lorsque l'absence d'affectio societatis entre les associés conduit à la détérioration et la dévalorisation de l'unique actif d'une société civile immobilière  ou se traduit par la nécessité d'engager plusieurs procédures pour pallier les difficultés de la société et de faire désigner un mandataire ad hoc pour nommer un nouveau gérant . En outre, le défaut de convocation d’un associé aux assemblées générales pendant plus de sept ans, le non-respect de ses droits d'information et la prise de décisions sociales à son insu établissent qu'il a été tenu à l’écart de la gestion de la société au mépris de ses droits d’associé et constituent de justes motifs de retrait . En revanche, la demande de retrait présentée par l'associé d'une société civile dissoute en cours de liquidation doit être rejetée dès lors que les opérations qui en résulteraient sont étrangères aux besoins de la liquidation .

L'associé qui se retire de la société civile a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, qu'il ait ou non libéré sa part de capital . Lorsqu'une procédure de retrait avec rachat par la société a été initiée et acceptée par la société, le retrayant doit la conduire jusqu'à son terme et ne peut, sous peine de nullité, lui substituer une cession de ses parts à un tiers . A défaut d'accord amiable avec la société, l'article 1869 prévoit que l'évaluation des droits sociaux du retrayant sera fixée conformément à l'article 1843-4 . Selon la Cour de cassation, l'application de la procédure prévue par ce dernier texte ne viole pas le droit d'accès à  un tribunal garanti par l'article 6, § 1, CEDH, même si la décision du juge est sans recours possible, sauf excès de pouvoir, et si l'évaluation à laquelle procède l'expert lie les parties et le juge et ne peut être  annulée qu'en cas d'erreur grossière, dès lors qu'un telle ingérence est justifiée par le but légitime de permettre à l'associé retrayant ou exclu d'être rapidement fixé sur le montant du remboursement qui lui est dû et à la société ainsi qu'aux autres associés de connaître ce montant, sans avoir à supporter les aléas d'une procédure judiciaire classique, comportant des possibilités de recours ordinaires lors des différentes phases du processus . De même, si une telle procédure peut être considérée comme une ingérence dans le droit de propriété garanti par l'article 1er du Protocole n° 1 à la CEDH dès lors que l'expert est libre du choix de la méthode d'évaluation, sans être tenu par les règles prévues par les statuts de la société, celle-ci est justifiée par l'objectif légitime de recherche d'un juste prix, qui pourrait être compromis, spécialement en  cas de retrait ou d'exclusion d'un associé minoritaire, par l'application de clauses relatives à l'évaluation des droits sociaux, conçues par le groupe majoritaire ou modifiées par lui en cours de vie  sociale .

La valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle de leur remboursement  et non à celle à laquelle il a manifesté sa volonté de se retirer, ni à celle de la décision de justice l'y ayant autorisé , ni même, à celle de l'établissement du rapport d'expertise . L'évaluation de ses droits n'est pas, en l'absence d'assimilation du retrait à la liquidation, susceptible de rescision pour lésion . Le droit au remboursement de la valeur des droits sociaux du retrayant comprend l'apport effectué, sauf cas de perte, mais ne se réduit pas obligatoirement à celui-ci .

Tant qu'il n'a pas obtenu le remboursement intégral de la valeur de ses parts sociales, l'associé retrayant conserve ses droits patrimoniaux, même si son départ effectif de la société intervient préalablement , à moins que les statuts ne prévoient que la répartition des bénéfices se fonde sur l'industrie et non sur les apports en capital . Hormis cette hypothèse, dans l'intervalle entre la notification du retrait et le remboursement de ses droits sociaux, le retrayant conserve le statut d'associé, et par conséquent, la qualité à agir en contestation de la mise en réserve des bénéfices  ou en dissolution judiciaire du groupement . 

Pour une illustration, V. Aix-en-Provence, 1er février 2024, LawLex202400001728JBJ, jugeant inefficace le retrait qui n'a pas été effectué, conformément aux dispositions statutaires, par lettre recommandée avec avis de réception, ou qui émane de personnes qui ne sont plus associées de la société du fait de la cession de leurs parts sociales à des SELARL constituées pour l’exercice de  leur profession.

V. cep., Cass. com., 20 mars 2007, LawLex202300002222JBJ, soulignant que lorsque les statuts soumettent l’exercice du retrait à une offre préalable faite aux autres associés de leur céder les parts concernées, un associé ne peut directement saisir le juge.

Cass. com., 12 février 2013, LawLex202300001439JBJ.

Cass. com., 10 février 2015, LawLex202200003086JBJ.

Cass. 3e civ., 25 mai 2023, LawLex202300007303JBJ, JCP E 2023, n° 1223, obs. LEBEL.

Orléans, 20 juin 2024, LawLex202400004808JBJ, retenant que dès lors que les associés ne sont pas d'accord sur la valorisation des parts de la société, l'associé retrayant est en droit d'obtenir la désignation d'un expert pour déterminer la valeur de ses parts sociales.

Cass. com., 8 novembre 2023, LawLex202300013333JBJ et LawLex202300013730JBJ.

Cass. com., 15 janvier 2013, LawLex202300000393JBJ ; 4 mai 2010, LawLex202300001449JBJ.

Cass. com., 9 novembre 2022, LawLex202200010034JBJ, JCP E 2022, n° 1404, obs. DONDERO ; Gaz. Pal. 14 mars 2023, 66, obs. MEZACHE ; JCP E 2023, n° 1222, n° 5, obs. BUCHBERGER.

Cass. 3e civ., 15 janvier 1997, LawLex202300009764JBJ.

Cass. com., 4 décembre 2012, LawLex202300001434JBJ.

Cass. 1re civ., 16 avril 2015, LawLex202300001450JBJ ; Cass. 3e civ., 12 juin 2002, LawLex202300009713JBJ.

Cass. 1re civ., 8 janvier 2020, LawLex202300000740JBJ.

Cass. com., 17 juin 2008, LawLex202200006085JBJ.

Cass. com., 17 juin 2008, LawLex202200006086JBJ.

Cass. com., 1er mars 2011, LawLex202200004053JBJ.

Cass. 1re civ., 8 janvier 2020, LawLex202300000740JBJ ; 16 avril 2015, LawLex202300001450JBJ.

Cass. 1re civ., 27 février 1985, LawLex202300001441JBJ.

Cass. 3e civ., 11 février 2014, LawLex202300010468JBJ.

Cass. 3e civ., 28 mars 2012, LawLex202300000383JBJ.

Cass. 3e civ., 27 septembre 2006, LawLex202200003078JBJ.

Paris, 14 mai 2024, LawLex202400003667JBJ.

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663. Droit de ne pas rester indéfiniment associé(1)

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