Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

Le gérant de SARL agit au nom de la société. A ce titre, il dispose d'un certain nombre de pouvoirs.

Tout d'abord dans sa relation avec les associés, l'article L. 223-18 du Code de commerce prévoit que les pouvoirs du gérant sont déterminés par les statuts et que, dans le silence de ceux-ci, il peut accomplir tous les actes de gestion dans l'intérêt de la société, conformément à l'article L. 221-4.

Le pouvoir attribué au gérant n'est cependant pas sans limites. En effet, il doit s'abstenir d'empiéter sur les prérogatives de la collectivité des associés. De fait, une transaction qui implique une modification de l’objet statutaire d'une SARL, pour laquelle la loi attribue expressément compétence aux associés, échappe aux pouvoirs du gérant . A contrario, le gérant d’une SARL peut conclure seul une cession de fonds de commerce, dès lors qu'un tel acte ne relève pas en soi des pouvoirs légalement réservés aux associés, s’il ne rend pas nécessaire une modification des statuts .

Dans ses rapports avec les tiers, le gérant de la SARL est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux associés . De fait, la promesse de vente du fonds de commerce de la société consentie par le gérant d’une SARL sans avoir été autorisée par l'assemblée générale est inopposable à la société dès lors qu'une telle opération implique une modification des statuts pour laquelle la loi attribue expressément compétence aux associés . En revanche, la contrariété d'un acte à l'intérêt social ne constitue pas une cause de nullité, pour autant qu'il soit conforme à l'objet social . A fortiori, le cautionnement consenti par une SARL, dès lors qu’il n’est pas interdit par l’objet social, n’encourt pas la nullité du seul fait qu’il ne présente pas d’intérêt pour la société tant qu’il n’est pas contraire à l’intérêt social . Les actes passés par le gérant engagent la SARL à l'égard des tiers, sauf si elle établit que ces derniers avaient connaissance qu'ils dépassaient l'objet ou qu'ils ne pouvaient l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer pareille preuve . Tel est le cas lorsque le banquier avait lui-même érigé l’autorisation des associés en condition de la validité d'un cautionnement et que celui-ci a été accordé par le seul gérant .

Si le gérant peut donner à un tiers une délégation spéciale de pouvoir afin de représenter la SARL , celle-ci n’est cependant pas engagée par un acte qui n’a pas été signé par son gérant, en l’absence de circonstances qui ont pu légitimement faire croire au cocontractant à la réalité des pouvoirs du signataire de l’engager et de relations d’affaires constantes entre les parties .

Pour se prémunir d'un éventuel dévoiement, les associés peuvent prévoir des clauses limitatives de responsabilité aux termes desquelles les actes excédant les pouvoirs du gérant sont inopposables à la société. Généralement contenues dans les statuts , elles ne peuvent en principe ni être invoquées par les tiers , ni leur être opposées , même s'ils en ont connaissance . Par conséquent, le fait qu'un crédit-bail ait été souscrit par le seul gérant d’une SARL, en l'absence de cosignature du cogérant et d'approbation de l'assemblée générale exigés par les statuts, est inopposable au bailleur, de sorte que la société, garantie par le gérant, doit s'acquitter du règlement des loyers . 

Que ce soit dans ses rapports avec les associés ou les tiers, le gérant doit exercer sa mission dans le respect du devoir de loyauté et de fidélité, sous peine de voir sa responsabilité engagée dans le cadre d'une action sociale, dite ut singuli, intentée par l'un des associés . Ces obligations lui interdisent, notamment, de négocier, en qualité de gérant d'une autre société, un marché dans le même domaine d'activité que celui de la SARL . Cependant, le gérant, qui, durant son mandat, exerce, à titre personnel ou par l'intermédiaire d'une autre société, une activité concurrente de celle de la société qu'il dirige ne manque pas à son devoir de loyauté et n'engage pas sa responsabilité envers celle-ci en application de l'article L. 223-22 du Code de commerce s'il a reçu, pour ce faire, l'autorisation unanime des associés . Un cogérant de SARL peut également accepter un emploi au sein d'une société concurrente sans pour autant commettre un acte déloyal dans l'exercice de son mandat social . A l'issue de son mandat, le fait que certains clients aient souhaité suivre l'ancien cogérant d'une SARL qui a créé sa propre société, dans un domaine où existe un fort intuitus personae, ne traduit pas en soi un acte de concurrence déloyale . De même, le gérant qui a démissionné d’une SARL peut exercer une activité concurrente de celle-ci mais doit s’abstenir d’actes de concurrence déloyale tels que le débauchage de salariés ou le détournement de clientèle . Cependant, celui qui créé une société concurrente et commence son exploitation avant l'expiration du délai de préavis imposé par une clause statutaire, manque à son obligation de loyauté et de fidélité à l'égard de la société  .

Lorsque la SARL compte plus d'un gérant, on parle de cogérance. Les statuts peuvent répartir les compétences entre eux ou prévoir un comité de gérance qui statuera, le cas échéant, à la majorité ou à l'unanimité. En l'absence de précision statutaire, l'article L. 223-18 prévoit que chacun des gérants agit séparément. L'opposition formée par un gérant aux actes d'un autre gérant est sans effet à l'égard des tiers, à moins qu'il ne soit établi qu'ils en ont eu connaissance. La jurisprudence précise que chaque cogérant détient séparément à l'égard des tiers les pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, de sorte qu'un cogérant ne peut former tierce-opposition au jugement qui a statué sur une extension de procédure collective de la société, dont il était recevable à interjeter appel en cette seule qualité . De même, en présence d’une clause statutaire silencieuse sur le fonctionnement des organes sociaux, chaque cogérant de la SARL peut convoquer l’assemblée sans que les autres puissent s’y opposer .

Cass. com., 12 janvier 1988, LawLex202200002940JBJ.

Cass. com., 31 janvier 2012, LawLex202200006151JBJ.

Cass. com., 28 novembre 2006, LawLex202200006033JBJ, considérant que toute limitation des pouvoirs des gérants d’une SARL dans leurs rapports avec les associés ne peut valablement résulter que des statuts, qui ne peuvent être modifiés que par une assemblée générale extraordinaire statuant à la majorité des trois quarts et non par une assemblée générale ordinaire, à peine de nullité des décisions.

Cass. com., 13 novembre 2013,  LawLex202200006046JBJ, soulignant que les tiers ne peuvent se prévaloir des statuts d’une SARL pour contester le pouvoir du gérant de la représenter en justice.

Cass. com., 9 janvier 2019, LawLex202300004575JBJ, considérant que les clauses statutaires qui limitent les pouvoirs du gérant d’une SARL sont inopposables aux tiers, de sorte qu’un bail conclu en dépassement de ses pouvoirs par le gérant demeure valable ; 14 février 2018, LawLex202100001679JBJ.

Cass. com., 2 juin 1992, LawLex202200006034JBJ.

Cass. com., 3 décembre 2002, LawLex202300004569JBJ.

Cass. com., 9 novembre 2022, LawLex202200010035JBJ, RJDA 2023, n° 78

JCP G 2022, n° 1290, obs. DONDERO ; JCP E 2023, n° 1085, n° 4, obs. VALIERGUE, retenant que le gérant de SARL qui a manqué à son devoir de loyauté peut être assigné par un associé à condition que, en raison du conflit d'intérêts dénoncé entre la SARL et son représentant légal, cette dernière soit régulièrement représentée par un mandataire ad hoc.

Cass. com., 15 novembre 2011, LawLex201200001990JBJ, D. 2012, 134, obs. FAVARIO ; Contrats Conc. Consom. 2012, n° 41, obs. MALAURIE-VIGNAL ; Concurrences 2012-1, 135, obs. MESA ; D. 2011, 2865, obs. LIENHARD ; D. 2012, 2760, obs. PICOD ; RTD com. 2012, 134 et 137, obs. CONSTANTIN.

Cass. com., 18 mars 2020, LawLex202300004423JBJ.

Cass. com., 8 février 2017, LawLex201700000317JBJ.

Cass. com., 2 décembre 2020, LawLex202000003508JBJ, RJDA 2021, n° 615 ; 7 juillet 2021, LawLex202100004630JBJ.

C. com., art. L. 223-18, al. 4. - V., pour une application, Cass. com., 24 juin 2020, LawLex202200006437JBJ.

Cass. com., 17 mars 2015, LawLex201500000362JBJ.

Cass. com., 12 février 2002, LawLex200200000553JBJ, RJDA, 2002, n° 708 ; D., 2003, somm., 1033, obs. PICOD.

Cass. com., 25 juin 1996, LawLex202300004564JBJ.

Cass. com., 6 juin 1972, LawLex202200009392JBJ.

Cass. com., 18 octobre 1994, LawLex202200006150JBJ.

Cass. com., 16 octobre 2019, LawLex202300004188JBJ ; 14 février 2018, LawLex202100001679JBJ ; 12 mai 2015, LawLex202200007375JBJ.

Cass. com., 17 décembre 2003, LawLex202300004572JBJ.

Cass. com., 8 mars 2017, LawLex202300004571JBJ, annulant le cautionnement, même s’il était conforme à l’objet social et si la SARL était unie par une communauté d’intérêts avec la société cautionnée.

Cass. 2e civ., 22 octobre 1997, LawLex202300004568JBJ.

Cass. com., 27 juin 2000, LawLex202300004570JBJ.

448. Etendue des pouvoirs.