Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit européen de la concurrence

Selon la Communication sur l'appréciation des concentrations non-horizontales, le verrouillage du marché des intrants se produit lorsque la nouvelle entité empêche l'accès aux produits ou services qu'elle aurait fournis si la concentration n'avait pas eu lieu. Le risque pour la concurrence réside dans les effets sur les prix de l'augmentation du coût des intrants pour les concurrents sur le marché …

Verrouillage du marché des intrants.

Selon la Communication sur l'appréciation des concentrations non-horizontales, le verrouillage du marché des intrants se produit lorsque la nouvelle entité empêche l'accès aux produits ou services qu'elle aurait fournis si la concentration n'avait pas eu lieu. Le risque pour la concurrence réside dans les effets sur les prix de l'augmentation du coût des intrants pour les concurrents sur le marché aval.

Le verrouillage de l'accès aux intrants peut notamment prendre la forme  :

- d'une restriction des approvisionnements , d'une augmentation des prix facturés au concurrent sur le marché aval, ou de l'existence de conditions moins favorables pour y accéder que celles qui prévaudraient sans la concentration  ;

- de l'utilisation par la nouvelle entité de technologies incompatibles avec celles des concurrents , du refus de concéder des licences  ;

- de la dégradation de la qualité des intrants .

L'effet de verrouillage ne peut se produire que si, sur le marché aval, l'intrant est important pour le produit concerné  et si, sur le marché amont, l'entité verticalement intégrée possède un pouvoir de marché substantiel . La capacité d'évincer les concurrents sur le marché aval dépendra de l'aptitude de la nouvelle entité à agir sur la disponibilité générale des intrants en termes de prix ou de qualité . 

L'incitation au verrouillage dépend du degré de rentabilité de la stratégie. Les parties à une concentration verticale seront incitées à verrouiller le marché des intrants si l'opération leur permet de limiter l'extension des capacités de leurs concurrents sur le marché aval, de différer la réalisation de tels projets ou d'empêcher l'entrée sur le marché de concurrents potentiels . Pour déterminer si elles ont intérêt à s'engager dans une telle stratégie, il y a lieu de mettre en balance les coûts et les profits qu'un verrouillage entraînerait . En revanche, elles ne seront pas tentées de mettre en oeuvre une stratégie de verrouillage, lorsque les profits tirés de la fourniture des intrants à des tiers sont bien plus élevés que la marge dégagée par la vente des produits qui les incorporent  ou lorsque les concurrents sur le marché aval représentent une part considérable des ventes de la division amont . La structure de la propriété de la nouvelle entité est susceptible d'exercer une influence sur l'incitation au verrouillage, de tels comportements étant moins rentables lorsque le fournisseur de l'intrant fait l'objet d'un contrôle conjoint avec un autre opérateur, avec lequel les bénéfices devront être partagés .

L'atteinte à la concurrence est significative lorsque l'éviction concerne soit des entreprises qui jouent un rôle important sur le marché aval , soit des concurrents potentiels qui se voient opposer des barrières à l'entrée . Le simple fait que la nouvelle entité ait la possibilité de verrouiller le marché peut suffire à dissuader ses concurrents potentiels . En revanche, le risque de disparition d'une source d'approvisionnement est écarté dès lors que les parties ne détiennent pas des parts de marché élevées et que leurs produits ne sont pas incontournables , que la nouvelle entité se trouve confrontée à des concurrents puissants disposant de sources alternatives d'approvisionnement , ou que le prix de l'intrant ne représente qu'une infime partie du prix du produit fini .

Décision Comm. eur. M.7000 du 10 octobre 2014, LIberty Global/Ziggo, LawLex201600000414JBJ : la concentration qui permet à la nouvelle entité de s'engager dans une stratégie de verrouillage du marché de l'accès à une certaine chaîne, notamment en refusant à ses concurrents sur le marché au détail l'accès à cette chaîne (verrouillage total) ou en détériorant les conditions auxquelles cet accès leur est offert (verrouillage partiel), est de nature à entraver la concurrence.

Décision Comm. CE M.2602 du 11 décembre 2001, Gerling/NCM, LawLex200400003114JBJ, sur l'intégration verticale des activités des parties en matière d'affacturage, plaçant en état de dépendance économique leurs concurrents affactureurs qui ne disposeront plus que d'une seule autre source d'assurance-crédit ; M.3431 du 6 octobre 2004, Sonoco/Ahlstrom, LawLex200500007474JBJ, pour une concentration qui élimine l'une des quatre sources d'approvisionnement possibles d'un produit, alors que l'accès au marché à court terme pour un nouvel entrant est rendu difficile par la nécessité d'être verticalement intégré.

Décision Comm. eur. M. 7194 du 24 février 2015, Liberty Global/Corelio/W&W/De Vijver Media, LawLex201600000405JBJ.

Décision Comm. CE M.4300 du 7 novembre 2006, Philips/Intermagnetics, LawLex200900000032JBJ ; M.4389 du 5 décembre 2006, WLR/BST, LawLex200900000031JBJ ; M.4576 du 3 avril 2007, AVR/Van Gansewinkel, LawLex200900000027JBJ. - V. a contrario, M.3696 du 21 décembre 2005, E.ON/MOL, LawLex200700000223JBJ, la stratégie consistant, pour une entreprise intégrée verticalement à tous les stades de la chaîne de fourniture du gaz et contrôlant l'accès au gaz et une partie de l'infrastructure, à verrouiller l'accès à la ressource est profitable dès lors que les profits perdus en amont seront plus que compensés par l'augmentation des bénéfices sur le marché aval, sur lequel les marges sont beaucoup plus élevées, en raison de l'existence d'une concurrence limitée et balbutiante.

Décision Comm. CE M.3943 du 9 novembre 2005, Saint-Gobain/BPB, LawLex200900000039JBJ ; M.4389 du 5 décembre 2006, WLR/BST, LawLex200900000031JBJ.

Décision Comm. CE M.4403 du 4 avril 2007, Thales/Finmeccanica/Alcatel Alenia Space & Telespazio, LawLex200900000043JBJ.

Décision Comm. CE M.4494 du 20 février 2007, Evraz/Highveld, LawLex200700001711JBJ.

Décision Comm. CE M.3696 du 21 décembre 2005, E.ON/MOL, LawLex200700000223JBJ ; M.4180 du 14 novembre 2006, Gaz de France/Suez, LawLex200700000397JBJ, pour un marché où l'importance des barrières à l'entrée rend improbable l'entrée d'un concurrent potentiel susceptible de reprendre le rôle du concurrent existant éliminé par l'opération ; M.4576 du 3 avril 2007, AVR/Van Gansewinkel, LawLex200900000027JBJ, pour une opération qui accroît les barrières à l'entrée pour les concurrents potentiels sur le marché aval.

Décision Comm. CE M.3696 du 21 décembre 2005, E.ON/MOL, LawLex200700000223JBJ.

Décision Comm. CE M.4242 du 9 novembre 2006, Thermo Electron/Fisher Scientific, LawLex200700001713JBJ.

Décision Comm. CE M.023 du 28 novembre 1990, ICI/Tioxide, LawLex200400002246JBJ.

Décision Comm. CE M.2738 du 17 avril 2002, GEES/Unison, LawLex200900000028JBJ.

Décision Comm. CE M.1693 du 3 mai 2000, Alcoa/Reynolds, LawLex200300000930JBJ ; M.3083 du 2 septembre 2003, GE/Instrumentarium, LawLex200400000903JBJ ; M.4403 du 4 avril 2007, Thales/Finmeccanica/Alcatel Alenia Space & Telespazio, LawLex200900000043JBJ : dans le cadre de marchés où le jeu de la concurrence s'exerce au travers d'appels d'offres, le verrouillage de l'accès à un intrant peut prendre des formes plus subtiles, et par conséquent moins facilement détectables, que la seule augmentation du prix, telles que le retard pris à répondre à une demande de tarifs présentée par un soumissionnaire, la pratique de délais de livraison excessifs, l'offre de produits garantissant de meilleures performances à l'entité en aval.

Décision Comm. CE M.2861 du 30 avril 2003, Siemens/Drägerwerk/JV, LawLex200400003381JBJ, pour un verrouillage du marché par la suppression de la compatibilité entre des produits complémentaires sur les marchés amont et aval ; M.3998 du 19 mai 2006, Axalto/Gemplus, LawLex200700001755JBJ, risque de suppression de toute interopérabilité entre leurs plateformes et les cartes SIM produites par les concurrents.

Décision Comm. CE M.5406 du 13 mars 2009, Ipic/Man Ferrostaal AG, LawLex201000000295JBJ, qui précise qu'une telle stratégie est profitable dès lors que la perte des revenus générés par ces licences est compensée par l'augmentation du prix du produit vendu sur le marché aval.

Décision Comm. CE M.3696 du 21 décembre 2005, E.ON/MOL, LawLex200700000223JBJ ; M.4314 du 11 décembre 2006, Johnson & Johnson/Pfizer Consumer Healthcare, LawLex200700001848JBJ.

Décision Comm. CE M.3868 du 14 mars 2006, Dong/Elsam/Energi E2, LawLex200800000298JBJ, sur la suppression de la plus importante source indépendante de flexibilité de gaz ; M.4094 du 10 août 2006, Ineos/BP Dormagen, LawLex200700001736JBJ, pour un intrant représentant une part significative des coûts de production d'un produit vendu sur un marché aval ; M.4942 du 2 juillet 2008, NOKIA/NAVTECH, LawLex200900000205JBJ : sur le marché aval des logiciels de navigation, les cartes numériques constituent un intrant essentiel, dès lors qu'elles représentent jusqu'à 70 % du prix du produit, et un composant sans lequel il ne peut fonctionner - V. aussi M.2738 du 17 avril 2002, GEES/Unison, LawLex200900000028JBJ ; TUE, 27 janvier 2021, aff. T-691-18, LawLex202100000248JBJ, retenant que la chaîne cible n’étant pas un intrant suffisamment important, une éventuelle stratégie de verrouillage aurait des effets limités sur la concurrence en aval, notamment sur le marché de la fourniture de services de télévision au détail, dès lors que la chaîne en cause a un taux de pénétration de 5 à 10 % du nombre total des abonnés à la télévision payante aux Pays-Bas, que 1,5 % des abonnés à la télévision payante seraient prêts à changer de fournisseur si elle n’était plus disponible et que 2,5 % de ces derniers n’envisageraient pas une offre ne l’incluant pas.

Décision Comm. CE M.1693 du 3 mai 2005, Alcoa/Reynolds, LawLex200300000930JBJ ; M.4854 du 14 mai 2008, TomTom/Tele Atlas, LawLex200900000109JBJ.

Décision Comm. CE M.4494 du 26 février 2007, Evraz/Highveld, LawLex200700001711JBJ, pour une concentration verticale, dans un secteur où les alternatives sont rares, qui peut permettre aux parties de réduire la production et d'augmenter leurs prix pour évincer leurs concurrents sur un marché aval.

Décision Comm. CE M.5406 du 13 mars 2009, Ipic/Man Ferrostaal AG, LawLex201000000295JBJ.

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