Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit européen de la concurrence

La Commission peut, à l'issue de son analyse, prononcer une décision d'incompatibilité. Selon l'article 8, paragraphe 3, du règlement nº 139-2004 du 20 janvier 2004, “lorsque la Commission constate qu'une concentration répond au critère défini à l'article 2, paragraphe 3, ou, dans les cas visés à l'article 2, paragraphe 4, ne répond pas aux critères de l'article 101 TFUE, paragraphe 3, elle prend  …

Incompatibilité de l'opération/Déconcentration.

V. THOMAS, De-merger Regimes in Europe. Are national deconcentration powers an appropriate tool for enhancing competition in the EU?, JECLAP, 2011, 201.

La Commission peut, à l'issue de son analyse, prononcer une décision d'incompatibilité. Selon l'article 8, paragraphe 3, du règlement nº 139-2004 du 20 janvier 2004, “lorsque la Commission constate qu'une concentration répond au critère défini à l'article 2, paragraphe 3, ou, dans les cas visés à l'article 2, paragraphe 4, ne répond pas aux critères de l'article 101 TFUE, paragraphe 3, elle prend une décision déclarant la concentration incompatible avec le Marché commun”. Il en est ainsi lorsque l'opération entraîne la disparition d'un opérateur sur un marché oligopolistique , permet d'accroître la clientèle de la nouvelle entité sur des marchés où le pouvoir d'action des clients est limité  ou renforce sa puissance d'achat . De même, doit être déclarée interdite l'opération, qui, réunissant deux concurrents importants, intégrés verticalement, et qui sont les seuls à disposer de toutes les capacités techniques nécessaires pour répondre à la demande des clients, cause ainsi la disparition d’un important moteur de la concurrence tout en entraînant une entrave significative à une concurrence effective, notamment en raison d’effets horizontaux non coordonnés résultant de l’élimination d’une forte contrainte concurrentielle qui confronterait les clients à une réduction du nombre de fournisseurs, ainsi qu’à une hausse des prix  ou encore l'opération qui instaure une position dominante sur plus d'une dizaine de marchés en supprimant la relation concurrentielle très étroite existant entre deux opérateurs et en réduisant sensiblement le choix des prestations offertes aux clients, sans que les concurrents ne puissent influencer suffisamment le comportement de l'entité issue de la concentration, notamment en matière de prix . Toutefois, selon le Tribunal de l'Union, la création ou le renforcement d’une position dominante ne constitue que l’un des scénarios dans lesquels une telle entrave peut être constatée, de sorte qu’une concentration créant ou renforçant une position dominante ne donne pas automatiquement lieu à une entrave significative à une concurrence effective (ESCE) et qu'il n’existe aucune automaticité entre le critère de la position dominante et celui de l’ESCE . En outre, une entrave significative à une concurrence effective, qui découlerait des décisions futures de l’entité issue de la concentration, ne peut être considérée comme une conséquence directe et immédiate de la concentration la rendant incompatible avec le marché intérieur que si ce comportement futur est rendu possible et économiquement rationnel par la modification des caractéristiques et de la structure du marché causée par la concentration .

L'incompatibilité sera également prononcée si les engagements proposés par les parties ne suppriment pas les problèmes de concurrence . Tel est notamment le cas lorsque, malgré les engagements de cession d'activités pris par la partie notifiante, le repreneur ne constitue pas un acheteur approprié pour faire de l'activité cédée une force concurrentielle et qu'il n'est pas établi qu'il serait possible d'appliquer ces engagements en temps voulu, ni que ceux-ci seraient suffisamment exploitables et durables pour garantir que l'entrave à une concurrence effective qu'ils visent à corriger ne se concrétise pas dans un futur relativement proche . Les décisions d'incompatibilité demeurent en pratique relativement exceptionnelles.

Le paragraphe 4 du même texte autorise la Commission, si elle constate qu'une concentration a déjà été réalisée et qu'elle a été déclarée incompatible, ou qu'elle a été réalisée en violation d'une condition dont est assortie une décision prise en vertu du paragraphe 2 et indiquant que, faute de respecter cette condition, la concentration répondrait au critère énoncé à l'article 2, paragraphe 3, ou que, dans les cas visés à l'article 2, paragraphe 4, elle ne répondrait pas aux critères énoncés à l'article 101 TFUE, paragraphe 3, à ordonner :

- aux entreprises concernées la dissolution de la concentration  ;

- toute autre mesure appropriée afin que les entreprises concernées dissolvent la concentration ou prennent des mesures visant à rétablir la situation antérieure à la réalisation de la concentration , comme requis dans sa décision. Lorsqu'une concentration incompatible a déjà été réalisée, la Commission peut donc ordonner, afin de rétablir une concurrence effective, la cession de l'ensemble des actifs de la société cible à un concurrent viable, indépendant, sans lien avec le groupe à l'origine de l'opération, et possédant l'expérience et les ressources financières nécessaires .

Décision Comm. CE M.1524 du 22 septembre 1999, Airtours (plc)/First Choice (plc), LawLex200200003616JBJ, Europe, 2000, nº 178, obs. IDOT ; RTD com., 2000, 1048 et 1062 obs. JAZOTTES, LUBY, POILLOT-PERUZZETTO : la concentration qui entraîne la disparition d'un opérateur important dans un contexte déjà favorable à l'apparition d'un oligopole dominant est incompatible avec le marché intérieur ; M.619 du 24 avril 1996, Gencor/Lonrho, LawLex200200003795JBJ, Europe, 1997, nº 79, obs. IDOT : une opération de concentration qui entraîne la disparition d'un opérateur sur un marché oligopolistique et aboutit à la création d'un duopole est incompatible avec le marché intérieur, en l'absence d'effet favorable compensateur.

Décision Comm. CE M.053 du 2 octobre 1991, Aérospatiale/Alenia/De Havilland, LawLex200200003978JBJ, JCP E, 1992, I, 132, nº 37, obs. GAVALDA et PARLÉANI ; Europe, 1992, nº 64, obs. IDOT : la concentration qui permet d'accroître la clientèle de la nouvelle entité sur des marchés où le pouvoir d'action des clients est limité, la concurrence actuelle faible, et la concurrence potentielle non significative est incompatible avec le marché intérieur. - V., dans le même ordre d'idée, M.774 du 4 décembre 1996, Saint-Gobain/Wacker-Chemie/NOM, LawLex200300000882JBJ : la concentration qui confère aux parties environ 70 % de part de marché, dans un secteur nécessitant un savoir-faire étendu et des investissements importants, en présence de concurrents de taille très inférieure et en l'absence de concurrents potentiels, est incompatible avec le marché intérieur ; M.1672 du 14 mars 2000, Volvo/Scania, LawLex200300000936JBJ : une opération de concentration qui confère à la nouvelle entité une part de marché de 90,8 % ne peut être autorisée dès lors qu'elle entraîne la création d'une position dominante et l'élimination d'une source effective de concurrence potentielle, alors que les clients de la nouvelle entité ne pourront mettre en œuvre aucune stratégie de diversification et qu'un nouvel opérateur devrait procéder à des investissements importants et de longue durée pour mettre en place un service concurrent ; M.2097 du 31 janvier 2001, SCA/Metsä Tissue, LawLex200300000938JBJ, Europe, 2002, nº 143, obs. IDOT : une opération de concentration est incompatible avec le marché intérieur lorsqu'elle confère à la nouvelle entité une part de marché de 80-90 %, de nature à créer une position dominante durable, compte tenu notamment des difficultés d'entrée sur un marché arrivé à maturité où la création de nouvelles capacités de production et le développement de la notoriété d'une nouvelle marque représentent un coût élevé.

TUE, 6 juillet 2010, Aer Lingus Group plc c. Commission européenne, Ryanair Holdings plc, aff. T-411-07, LawLex201000000806JBJ, LPA 4 octobre 2010, p. 19, obs. ARHEL ; Contrats Conc. Consom., janvier 2011, étude, 3, obs. BOSCO ; Europe, 2010, n° 325, obs. IDOT ; JCP E, 2011, 1325, obs. DECOCQ : la Commission ne peut ordonner le désinvestissement d'une participation minoritaire, non constitutive d'une concentration, sans outrepasser ses compétences, dès lors qu'en vertu de l'article 8, par. 4, du règlement 139-2004, elle n'a le pouvoir d'ordonner la cession de la totalité des actions acquises par une entreprise dans une autre que “pour rétablir la situation antérieure à la réalisation de la concentration”.

Décision Comm. CE M.784 du 19 février 1997, Kesko/Tuko, LawLex200300000900JBJ.

Décision Comm. CE M. 784 du 20 novembre 1996, Kesko/Tuko, LawLex200200003776JBJ, Europe, 1997, nº 206, obs. IDOT : une présomption de position dominante au profit de la nouvelle entité, corroborée par le renforcement de sa puissance d'achat, rend la concentration incompatible avec le marché intérieur.

CJUE, 1re ch., 4 octobre 2024, Thyssenkrupp AG, aff. C-581/22 P, LawLex202400007274JBJ

Décision Comm. eur. M6663 du 27 février 2013, Ryanair/Aer lingus III, LawLex201300001194JBJ ; TUE, 22 juin 2022, ThyssenKrupp, aff. T-584-19, LawLex202200003353JBJ.

TUE, 7e ch. élargie, 13 novembre 2024, NetCologne Gesellschaft für Telekommunikation mbH, aff. T-58/20, LawLex202400008824JBJ.

TUE, 7e ch. élargie, 13 novembre 2024, Tele Columbus AG, aff. T-58/20, LawLex202400008825JBJ.

Décision Comm. CE M.469 du 9 novembre 1994, MSG Media Service, LawLex200300000914JBJ ; M.2220 du 3 juillet 2001, General Electric/Honeywell, LawLex200400000436JBJ ; M.5830 du 26 janvier 2011, Olympic/Aegean Airlines, LawLex201200001687JBJ, RLC, 2012/33, n° 2139, obs. PINCON et VERNEY : incompatibilité de l'opération en dépit des engagements des parties de libérer un certain nombre de créneaux dans divers aéroports grecs et de permettre aux nouveaux entrants de conclure un accord d'interligne avec l'entité issue de la concentration sur les liaisons litigieuses, jugés insuffisants pour remédier aux problèmes de concurrence identifiés. - V. aussi,  décision Comm. eur. M.6166 du 1er février 2012, Deutsche Börse/NYSE Euronext, LawLex201600000667JBJ : incompatibilité de la concentration qui aurait donné lieu à la création de la plus grande bourse au monde en termes de chiffre d'affaires en entraînant la création d'un monopole sur plusieurs marchés, malgré les engagements proposés, à savoir une cession d'activité, un accès à certains types de produits et l'octroi de licences logicielles. Dans cette  affaire, le Tribunal a confirmé l'incompatibilité de la concentration avec le marché intérieur et retenu que le rejet de l'engagement de cession proposé repose sur un ensemble de motifs distincts ayant trait à la question de savoir si l'engagement est de nature à dissiper les problèmes de concurrence et s'il conduirait à une entrée en temps utile et suffisante, TUE, 9 mars 2015, Deutsche Börse AG c.Commission européenne, Icap Securities, aff. T-175-12, LawLex201500000868JBJ. - V. encore, décision Comm. eur. M. 6570 du 30 janvier 2013, UPS/TNT Express, LawLex201600001364JBJ : malgré les engagements structurel (cession d'actifs) et comportemental (fourniture d'accès) proposés, la concentration qui confère aux parties, seul intégrateur du marché, une part de marché cumulée importante doit être déclarée incompatible avec le marché intérieur, dans la mesure où le seul repreneur intéressé qui n'avait pas l'intention d'acquérir, de louer ou d'affréter un avion, n'aurait vraisemblablement pas développé un réseau capable de traiter les livraisons express internationales intra-EEE dans l'EEE de manière aussi efficiente qu'un intégrateur. Cette décision vient toutefois d'être annulée par le tribunal de l'Union pour violation des droits de la défense (TUE, 7 mars 2017, United Parcel Service, Inc. c. Commission européenne, FedEx Corp., aff. T-194-13, LawLex201700000457JBJ) ; TUE, 22 juin 2022, aff. T-584-19, lawLex202200003353JBJ, retenant qu'il ne saurait être reproché à la Commission, pour déclarer les engagement proposés insuffisants, d'avoir appliqué un critère juridique plus strict que celui prévu par le règlement 139-2004 et la communication sur les mesures correctives en exigeant la suppression du chevauchement complet des activités des parties, dès lors qu'elle a effectué une analyse globale des problèmes de concurrence auxquels les engagements visaient à remédier et ne s'est pas uniquement et strictement cantonnée à étudier la capacité de ces engagements à restaurer exactement la concurrence qui aurait été éliminée du fait de l'opération.

Décision Comm. eur. M6663 du 27 février 2013, Ryanair/Aer lingus III, LawLex201300001194JBJ.

Lorsqu'une opération de concentration déjà réalisée, sous forme d'acquisition de 98,1 % des parts du principal concurrent sur des marchés très concentrés, est déclarée incompatible avec le marché intérieur, le rétablissement d'une concurrence effective ne peut être obtenu autrement que par une séparation des parties : Décision Comm. CE M.2283 du 30 janvier 2002, Schneider-Legrand, LawLex200300000844JBJ. La déconcentration peut être prononcée lorsque l'opération, déclarée incompatible avec le marché intérieur en dépit des engagements proposés par les parties, a déjà été mise en œuvre : Décision Comm. CE M.2416 du 30 janvier 2003, Mesures destinées à rétablir une concurrence effective conformément à l'article 8, paragraphe 4, du règlement (CEE) nº 4064-89 du Conseil, LawLex200400000243JBJ.

Droit européen de la concurrence

354. Incompatibilité de l'opération/Déconcentration.(1)

Demandez un accès gratuit
au contenu exclusif Livv – juristes d’entreprise

Les décisions de justice citées dans ce paragraphe :

Les notions juridiques connexes

Demandez un accès gratuit au contenu exclusif Livv – juristes d’entreprise

Les décisions de justice citées dans ce paragraphe :

Les notions juridiques connexes

Demandez un accès gratuit
au contenu exclusif Livv – juristes d’entreprise