Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit européen de la concurrence

La théorie de l'imputation n'est pas d'application générale puisqu'elle est subordonnée à la présence de filiales sur le territoire européen. Celle de l'effet apparaît, quant à elle, relativement inappropriée au domaine du droit de la concurrence : un effet anticoncurrentiel peut être démultiplié à l'infini, plus ou moins sensible selon les marchés sur lesquels il se produit et les appréciations d …

Théorie de la mise en œuvre / Théorie de l'effet qualifié.

SHAH, RENNER, THEODOSIOU, Intel, iiyaama, Power Cables: A Revolution in the Treatment of Territoriality and Jurisdiction in EU Competition Law?, JECLAP 2019, 80.

La théorie de l'imputation n'est pas d'application générale puisqu'elle est subordonnée à la présence de filiales sur le territoire européen. Celle de l'effet apparaît, quant à elle, relativement inappropriée au domaine du droit de la concurrence : un effet anticoncurrentiel peut être démultiplié à l'infini, plus ou moins sensible selon les marchés sur lesquels il se produit et les appréciations des différents droits de la concurrence à son endroit peuvent diverger fondamentalement. En réalité, la théorie de l'effet ouvre un champ de compétence trop large. D'ailleurs, les tenants de cette doctrine proposent généralement de ne la retenir que sous la forme d'un “effet qualifié” . Aussi, les autorités de contrôle semblent-elles, aujourd'hui, substituer au critère de l'effet celui, plus restrictif, de la mise en œuvre : pour que le droit européen soit applicable, il faut encore que les entreprises participantes aient “mis en œuvre” les pratiques anticoncurrentielles sur le territoire européen .

Selon la Cour , “une infraction à l'article [101 TFUE], telle que la conclusion d'un accord qui a eu pour effet de restreindre la concurrence à l'intérieur du marché [intérieur], implique deux éléments de comportement, à savoir la formation de l'entente et sa mise en œuvre. Faire dépendre l'applicabilité des interdictions dictées par le droit de la concurrence du lieu de la formation de l'entente aboutirait à l'évidence à fournir aux entreprises un moyen facile de se soustraire auxdites interdictions. Ce qui est déterminant est donc le lieu où l'entente est mise en œuvre”. À la théorie de l'"effet qualifié" , la Cour semble ainsi préférer celle du “comportement qualifié”, vraisemblablement afin d'éviter toutes les appréciations subjectives auxquelles elle aurait dû se livrer pour qualifier l'effet considéré. Pour que le droit européen de la concurrence soit applicable, il n'est pas nécessaire que le comportement de l'entreprise se soit entièrement réalisé sur le territoire de l'Union, mais il ne suffit pas non plus que les effets anticoncurrentiels s'y soient produits. Il faut que le comportement anticoncurrentiel ait été mis en œuvre dans le marché intérieur. Le critère de la mise en œuvre ou du “comportement qualifié” oblige à faire une distinction, à la fois chronologique et matérielle entre les différents actes qui constituent le comportement : seul l'acte définitif, celui ayant portée obligatoire, est pertinent pour déclencher la compétence de l'Union à l'égard des entreprises situées dans des États tiers . Théorie intermédiaire entre celle du comportement et celle de l'effet, la théorie de la mise en œuvre a conduit la Cour dans l'arrêt Pâte de bois à soustraire la recommandation de prix d'une association américaine d'exportation de l'empire du droit européen : bien qu'il constitue un élément de l'entente et conditionne ses effets, le fait générateur originaire ne participe pas de sa mise en œuvre . En revanche, elle permet de soumettre à l'article 101 les pratiques d'entreprises verticalement intégrées qui incorporent à l'extérieur de l'EEE, des produits semi-finis dans des produits finis revendus dans l'EEE . Le critère de la mise en oeuvre de l'entente est, en effet, rempli lorsque les participants à l'entente réalisent, directement ou indirectement, des ventes des produits concernés à l'échelle mondiale, y compris en Europe, même si la requérante affirme que les ventes dans cette zone géographique sont très limitées ou effectuées par ses filiales 

Le juge affirmera par la suite que, lorsque les comportements anticoncurrentiels prennent naissance en dehors du territoire de l’Union ou de l’EEE, les critères de la mise en oeuvre et celui des effets qualifiés constituent des critères alternatifs , la Commission devant établir soit que la pratique en cause a produit des effets qualifiés au sein du marché intérieur, soit qu'elle a été mise en oeuvre dans l'Union . Dans le dernier état de la jurisprudence, le Tribunal paraît pencher en faveur de la théorie des effets qualifiés. Dans plusieurs décisions du même jour , il précise que la mise en oeuvre de ce critère n'exige pas d'établir que le comportement en cause a eu des effets anticoncurrentiels dans le marché intérieur ou au sein du territoire de l'EEE, mais qu'il implique seulement de tenir compte de l'effet probable du comportement sur la concurrence. Il suffit que la Commission puisse, en l'absence de tout doute, considérer qu'il est raisonnablement prévisible que l'infraction produise des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieure ou au sein de l'EEE, pour que le droit de l'Union soit applicable .

V. les conclusions de l'avocat général M. Darmon sur CJCE, 27 septembre 1988, Ahlström, aff. 89-85, LawLex200200004033JBJ.

CJCE, 27 septembre 1988, Ahlström, aff. 89-85, LawLex200200004033JBJ ; Décision Comm. CE nº 85-206 du 19 décembre 1984, Importations d'aluminium d'Europe de l'Est, LawLex200200004069JBJ ; nº 85-202 du 19 décembre 1984, Pâte de bois, LawLex200200004070JBJ.

TUE, 30 mars 2022, aff. T-324/17, LawLex202200001874JBJ, aff. T-323/17, LawLex202200001868JBJ, aff. T-334/17, LawLex202200001858JBJ, aff. T-325/17, LawLex202200001861JBJ, aff. T-342/17, LawLex202200001898JBJ, aff. T-326/17, LawLex202200001859JBJ.

Satisfont à l'exigence de prévisibilité les effets dont les parties à l'entente doivent raisonnablement savoir, dans les limites des réalités généralement connues, qu'ils surviendront, comme un effet d'augmentation des prix à la suite de la fixation horizontale de surtaxes par des transporteurs aériens : TUE, 30 mars 2022, aff. T-342/17, LawLex202200001898JBJ.

CJCE, 27 septembre 1988, Ahlström, aff. 89-85, LawLex200200004033JBJ.

Selon laquelle il suffit que l'effet d'une pratique soit immédiat, substantiel et prévisible, pour que les autorités européennes soient compétentes à son égard : V., en matière de concentrations, TPICE, 25 mars 1999, Gencor Ltd (Sté), aff. T-102-96, LawLex200200003656JBJ ; en matière d'abus de position dominante, V. CJUE, 6 septembre 2017, C-413-14 P, Intel Corporation, LawLex201700001362JBJ, Europe, 2017, n° 419, obs. IDOT ; Concurrences 2017/4, 117, obs. LACRESSE ;Contrats conc. Consom. 2017, n° 227, obs. BOSCO ; en matière d'ententes, V. TUE, 29 septembre 2021, Nippon Chemi-Con Corporation, aff. T-363/18, LawLex202100005419JBJ.

Décision Comm. CE nº 94-601 du 13 juillet 1994, Carton, LawLex200200003870JBJ ; nº 85-202 du 19 décembre 1984, Pâte de bois, LawLex200200004070JBJ ; nº 89-191 du 21 décembre 1988, PEBD, LawLex200200004023JBJ, JCP G, 1990, II, 21430, obs. BOUTARD-LABARDE et VOGEL ; CJCE, 27 septembre 1988, Ahlström, aff. 89-85, LawLex200200004033JBJ. - V. égal. TUE, 12 juillet 2019, Toshiba, aff. T-8-16, LawLex201900000928JBJ, Europe 2019, n° 384, obs. IDOT ; Concurrences 4/2019, 86, obs. DEBROUX ; Contrats Conc. Consom. 2019, n° 184, obs. DECOCQ, soulignant que le critère de la mise en oeuvre est satisfait par la simple vente dans l'Union, indépendamment de la localisation des sources d'approvisionnement et des installations de production.

CJCE, 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö United Paper Mills (Ltd), aff. C-89-85, LawLex200200003918JBJ.

TUE, 27 février 2014, Innolux Corp., aff. T-91-11, LawLex201400001554JBJ, approuvée par CJUE, 9 juillet 2015, aff. C-231-14 P, LawLex201500000896JBJ, Europe 2015, n° 377, obs. IDOT ; AJCA 2015, 473, obs. ABENHAIM ; Concurrences 2015/4, 102, obs. BÉHAR-TOUCHAIS ; Concurrences 2015/4, 174, obs. LACRESSE ; LPA 11 janvier 2016, 11, obs. ARHEL ; JECLAP, 2016, 196, obs. COLEMAN ; TUE, 9 septembre 2015, 3 arrêts, LG Electronics Inc., aff. T-91-13, LawLex201500001044JBJ ; Koninklijke Philips Electronics NV, aff. T-92-13, LawLex201500001043JBJ ; Toshiba Corp., aff. T-104-13, LawLex201500001042JBJ, Contrats Conc. Consom. 2015, n° 264, obs. DECOCQ ; Europe 2015, n° 440, obs. IDOT ; Concurrences 2015/4, 116, obs. DEBROUX ; LPA 11 février 2016, 10, obs. ARHEL ; JECLAP 2016, 115, obs. CSEPAI.

TUE, 29 septembre 2021, Nippon Chemi-Con Corporation, aff. T-363/18, LawLex202100005419JBJ ; CJUE, 13 juillet 2023, Nippon Chemi-Con Corporation, aff. C-759/21 P, LawLex202300009015JBJ.

TUE, 30 mars 2022, aff. T-343/17, LawLex202200001902JBJ.

TUE, 12 juin 2014, Intel Corp, aff. T-286-09, LawLex201400002086JBJ, Europe 2014, étude 7 et RTD eur. 2014, 949, obs. IDOT ; Concurrences 3/2014, 91, obs. WACHSMANN et ZACHARIE ; Concurrences 3/2014, 163, obs. CARDONNEL ; AJCA 2014, 276, obs. MAULIN ; JECLAP 2014, 521, obs. NIHOUL ; RLC 2014, n° 2656, obs. BIANCONE ; LPA 13 janvier 2015, 8, obs. ARHEL ; RTD eur. 2014, 939, obs. IDOT ; Contrats Conc. Consom. 2015, étude, 17, par PETIT ; JDI 2015, 731, obs. CLAUDEL ; approuvé par CJUE, 6 septembre 2017, aff. C-413-14 P, Intel Corporation, LawLex201700001362JBJ, Europe, 2017, n° 419, obs. IDOT ; Concurrences 2017/4, 84, obs. DEBROUX et 117, obs. LACRESSE ; Contrats conc. Consom. 2017, n° 210, obs. DECOCQ et n° 227, obs. BOSCO. - V. égal. sur le caractère alternatif de ces critères, TUE, 12 juillet 2019, Toshiba, aff. T-8-16, LawLex201900000928JBJ, préc.

Droit européen de la concurrence

19. Théorie de la mise en œuvre / Théorie de l'effet qualifié.(1)

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