Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit européen de la concurrence

L'application de l'article 102 TFUE suppose l'existence d'une position dominante et l'exploitation abusive de celle-ci. La seule existence d'un droit de propriété intellectuelle ne suffit pas à conférer à son titulaire une position dominante , ni, a fortiori, à constituer un abus .

L'exercice du droit de propriété intellectuelle peut, en revanche, donner lieu à un abus du fait de l'exclusivité qu'il confère . Ainsi, l'entreprise qui se livre à “une embuscade tendue au moyen d'un brevet” et réclame des redevances abusives pour l'utilisation de ses brevets , adopte un comportement contraire à l'article 102 . Il en est de même lorsque l'entreprise en position dominante obtient un droit exclusif par le biais de procédés de nature à tromper les autorités publiques alors qu'elle n'y a pas droit ou n'y a droit que pour une période plus limitée . L'exploitation des droits d'auteur semble également particulièrement propice aux abus de position dominante. Le fait pour une entreprise chargée de l'exploitation de droits d'auteur d'imposer à ses adhérents des engagements non indispensables à la réalisation de son objet social , à des compositeurs l'apport global de toutes catégories de droits pour le monde entier  ou des tarifs sensiblement plus élevés que ceux pratiqués dans les autres États membres  caractérise un abus. Le refus d'accès au marché opposé par une entreprise en position dominante, titulaire de droits d'auteur, est également susceptible d'être abusif. Tel est le cas du refus de conclure des contrats de gestion avec des artistes ressortissants d'autres États membres  ou d'octroyer des licences afin de s'assurer un monopole sur un marché dérivé et faire obstacle à l'arrivée d'un nouveau produit .

Indépendamment des abus commis par des intermédiaires (ex. société collective de gestion), l'exercice d'un droit d'auteur par son titulaire peut, dans des circonstances exceptionnelles, donner lieu à un comportement abusif . Tel est le cas lorsque l'exercice du droit de propriété intellectuelle excède ce qui est nécessaire à la réalisation de la fonction essentielle de ce droit . Dans l'affaire Magill, semblant sacrifier complètement le droit d'auteur au droit de la concurrence, le Tribunal , approuvé par la Cour de justice , avait considéré qu'en se réservant l'exclusivité de la publication de ses grilles de programmes protégées par un droit d'auteur, une société de télévision abuse de sa position dominante. En réalité, ce n'est pas l'exercice du droit de propriété intellectuelle qui était purement et simplement identifié à un abus de position dominante, mais le comportement de l'entreprise dominante considéré comme abusif car il faisait obstacle à l'entrée sur le marché d'un produit nouveau et excluait toute concurrence potentielle sur un marché dérivé . Ces limites ont ensuite été précisées par l'arrêt Ladbroke , qui a posé le principe selon lequel “ le refus opposé à la requérante ne pourrait relever de l'interdiction de l'article 82 CE [art. 102 TFUE] que s'il concernait un produit ou un service qui se présente soit comme essentiel pour l'exercice de l'activité en cause, en ce sens qu'il n'existe aucun substitut réel ou potentiel, soit comme une demande potentielle spécifique constante et régulière de la part des consommateurs ”. Enfin, dans l'arrêt IMS , la Cour de justice a clairement énoncé les conditions de la qualification d'abus de position dominante. Ainsi, le refus d'octroyer une licence pour l'utilisation d'un produit ou service indispensable à l'exercice d'une activité déterminée constitue un abus de position dominante lorsque trois conditions sont réunies :

- l'entreprise qui a demandé la licence a l'intention d'offrir, sur le marché en cause, des produits ou des services nouveaux que le titulaire du droit d'auteur n'offre pas et pour lesquels il existe une demande potentielle de la part des consommateurs ;

- le refus n'est pas justifié par des considérations objectives ;

- le refus est de nature à réserver à l'entreprise titulaire du droit d'auteur le marché de la fourniture des données concernées dans l'État membre concerné, en excluant toute concurrence sur celui-ci.

V. CJCE, 29 février 1968, Parke, Davis and Co. c. Probel, aff. 24-67, LawLex200500003716JBJ, pour un brevet ; 15 juin 1976, EMI records limited c. CBS Grammofon A/S, aff. 86-75, LawLex200300003224JBJ, pour un droit de marque ; 5 octobre 1988, AB Volvo c. Erik Veng (Ltd), aff. 238-87, LawLex200200004031JBJ, pour des dessins et modèles protégés.

CJCE, 23 mai 1978, Hoffmann-La Roche & Co. Ag c. Centrafarm Vertriebsgesellschaft Pharmazeutischer Erzeugnisse MbH, aff. 102-77, LawLex200300003149JBJ ; TPICE, 16 décembre 1999, Micro Leader Business, aff. T-198-98, LawLex200200003603JBJ.

TPICE, 10 juillet 1991, Radio Telefis Eireann, aff. T-69-89, LawLex200200003984JBJ ; 10 juillet 1991, Radio Telefis Eireann, aff. T-76-89, LawLex200200003985JBJ ; CJCE, 6 avril 1995, Radio Telefis Eireann, aff. C-241-91 P, LawLex200200003826JBJ.

CJCE, 6 avril 1995, aff. C-241-91 P, LawLex200200003826JBJ.

TPICE, 10 juillet 1991, aff. T-69-89, LawLex200200003984JBJ.

TPICE, 10 juillet 1991, aff. T-76-89, LawLex200200003985JBJ.

CJCE, 6 avril 1995, Radio Telefis Eireann, aff. C-241-91 P, LawLex200200003826JBJ, RTD eur. 1996, 747, note BLAISE ; RTD eur. 1995, 835, note BONET ; Europe, 1995, n° 8, obs. CARREAU ; RJDA 1995, 735-738, obs. DE GAULLE ; D., 1996, 119-125, chron. EDELMAN ; RTD com. 1995, 606-611, obs. FRANÇON ; Europe, 1995, n° 219, 222 et 237, obs. IDOT ; JCP G, 1995, I, 3883, note VIVANT ; JCP E, 1996, I, 582, n° 16, obs. WALLET ; Cah. dr. eur., 2002, 190, obs. VALLERY et LOUIS.

En l'occurrence, on pourrait se demander si l'on se trouvait en présence d'un "détournement" du droit d'auteur et si l'oeuvre protégée méritait véritablement protection. 

TPICE, 12 juin 1997, Tiercé Ladbroke (SA), aff. T-504-93, LawLex200200003753JBJ.

CJCE, 29 avril 2004, IMS Health GmbH & Co. OHG, aff. C-418-01, LawLex200400000941JBJ.

Sur le monopole conféré par l'exclusivité de la gestion de droits d'auteur, V. Décision Comm. CE nº 71-224 du 2 juin 1971, GEMA, LawLex200200004148JBJ.

En revanche, une entreprise qui détient un brevet essentiel à une norme établie par un organisme de normalisation qu'elle s'est engagée à donner en licence à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, dites "FRAND" ("fair, reasonable and non-discriminatory") n'abuse pas de sa position dominante en introduisant une action en contrefaçon tendant à la fourniture de données comptables relatives aux actes d'utilisation passés de ce brevet ou à l'allocation de dommages-intérêts au titre de ces actes, CJUE, 16 juillet 2015, Huawei Technologies Co. Ltd c. ZTE Corp., ZTE Deutschland GmbH, aff. C-170-13, LawLex201500000957JBJ, Contrats conc. consom. 2015, n° 234, obs. DECOCQ ; Europe 2015, n° 374, obs. IDOT ; D. 2015, 2482, obs. RODA  ; Contrats conc. consom. 2015, dossier 3, 15, obs. PETIT ; JCP E 2015, 1454, obs. LATIL ; LPA 12 janvier 2016, 7, obs. ARHEL ; RTD eur. 2016, 865, obs. TREPPOZ ; Concurrences 4-2015, 120, obs. SIBONY ; CMLR 2016, 1107-1120, obs. KÖRBER.

Décision Comm. eur. nº 36-636 du 9 décembre 2009, Rambus, LawLex201000000368JBJ.

TUE, 1er juillet 2010, AstraZeneca AB, aff. T-321-05, LawLex201000000782JBJ, ECLR, October 2010.

CJCE, 30 janvier 1974, Belgische Radio en Televisie c. SV SABAM, aff. 127-73, LawLex200200006387JBJ. L’application d’un barème de redevances qui tient compte de la quantité d’œuvres musicales effectivement exécutées est susceptible de revêtir un caractère abusif lorsqu’il existe une méthode alternative permettant d’identifier et de quantifier de manière plus précise l’utilisation de ces œuvres et que cette méthode est susceptible de réaliser le même but légitime, à savoir la protection des intérêts des auteurs, des compositeurs et des éditeurs de musique, sans pour autant entraîner une augmentation disproportionnée des frais encourus aux fins de la gestion des contrats et de la surveillance de l’utilisation des œuvres musicales protégées par le droit d’auteur, V. CJUE, 25 novembre 2020, aff. C-372-19, Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (SABAM) c. Weareone.World BVBA et Wecandance NV, LawLex202000003207JBJ. 

CJCE, 25 octobre 1979, Greenwich film production (SA) c. SACEM, aff. 22-79, LawLex200300000799JBJ.

CJCE, 13 juillet 1989, Lucazeau c. Société des Auteurs Compositeurs et Éditeurs de Musique (Sté), aff. 110-88, LawLex200400002177JBJ ; 13 juillet 1989, Verney c. Tournier, aff. 395-87, LawLex200400002178JBJ. ; CJUE, 27 février 2014, OSA, aff; C-251-12, LawLex201400001595JBJ ; CJUE, 14 septembre 2017, Autortiesibu un komunicešanas konsultaciju agentura / Latvijas Autoru apvieniba  c. Konkurences padome, aff. C-177-16, LawLex201700001419JBJ : selon la Cour afin d'examiner si un organisme de gestion des droits d'auteur applique des prix non équitables, il est pertinent de comparer ses tarifs à ceux applicables dans les États voisins ainsi qu'à ceux applicables dans d'autres États membres, corrigés par l'indice de la parité du pouvoir d'achat (PPA), si les États de référence ont été sélectionnés selon des critères objectifs, appropriés et vérifiables et que la base des comparaisons effectuées est homogène, étant entendu que les tarifs pratiqués sur un ou plusieurs segments d'utilisateurs spécifiques peuvent être comparés s'il existe des indices que le caractère excessif des redevances porte sur ces segments  ; un écart significatif et persistant entre les tarifs comparés constitue un indice d'abus, de sorte qu'il appartient à l'organisme de gestion des droits d'auteur de démontrer que ses prix sont équitables en se fondant sur des éléments objectifs ayant une incidence sur les frais de gestion ou sur la rémunération des titulaires de droits ; l'écart entre les tarifs comparés doit être considéré comme sensible s'il est significatif et persistant.

CJCE, 2 mars 1983, Gesellschaft zur Verwertung von Leitungsschutzrechten mbH, aff. 7-82, LawLex200200004083JBJ.

Conditions de la prohibition.

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168. Conditions de la prohibition.