Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

Comme en droit de la concurrence, le juge européen a développé un système d'interprétation favorable à certaines mesures restrictives de la libre circulation des marchandises. Cette règle de raison permet d'apprécier les mesures unilatérales adoptées par les États membres dans le seul cadre de l'article 34 TFUE, sans avoir recours aux exceptions énumérées à l'article 36 TFUE lorsque les mesures re …

Mesures indistinctement applicables.

V. MASCLET, Les articles 30, 36 et 100 du Traité CEE à la lumière de l'arrêt "Cassis de Dijon" (CJCE, 20 février 1979), RTD eur., 1980, 611 ; MATTERA, "L'arrêt Cassis de Dijon : une nouvelle approche pour la réalisation et le bon fonctionnement du marché intérieur, RMCUE, 1980, 505 ; VERLOREN VAN THEMAAT, La libre circulation des marchandises après l'arrêt "Cassis de Dijon", Cah. dr. eur., 1982, 123 ; CAPELLI, Les malentendus provoqués par l'arrêt "Cassis de Dijon" vingt ans après, RMCUE, 1996, nº 402, 678 ; HATZOPOULOS, Exigences essentielles, impératives ou impérieuses : une théorie, des théories ou pas de théorie du tout ?, RTD eur., 1998, 191 ; MARTIN, "Discriminations", "entraves", et "raisons impérieuses" dans le traité CE : trois concepts en quête d'identité, 1re partie, Cah. dr. eur., 1998, 261 et Suite et fin, Cah. dr. eur., 1998, 561 ; ILIOPOULOS, Protection de la culture et libertés de circulation, Rev. aff. eur., 2006, nº 4, 667 ; TALON, La justification des entraves fiscales, Rev. aff. eur., nº 1, 2007-2008, 41.

Comme en droit de la concurrence, le juge européen a développé un système d'interprétation favorable à certaines mesures restrictives de la libre circulation des marchandises. Cette règle de raison permet d'apprécier les mesures unilatérales adoptées par les États membres dans le seul cadre de l'article 34 TFUE, sans avoir recours aux exceptions énumérées à l'article 36 TFUE lorsque les mesures restrictives en cause peuvent être justifiées par une “exigence impérative”. Ce principe a été énoncé pour la première fois par la Cour de justice dans son arrêt “Cassis de Dijon”  : “Les obstacles à la circulation intracommunautaire résultant de disparités des législations nationales relatives à la commercialisation des produits en cause doivent être acceptés dans la mesure où ces prescriptions peuvent être reconnues comme étant nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives tenant, notamment, à l'efficacité des contrôles fiscaux, à la protection de la santé publique , à la loyauté des transactions commerciales et à la défense des consommateurs”.

La portée de l'arrêt “Cassis de Dijon” a été précisée par la suite, dans la décision “Souvenirs d'Irlande”  qui relève que, s'agissant d'une mesure discriminatoire et non d'une réglementation indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits importés, seules les exceptions énumérées à l'article 36 TFUE peuvent être invoquées.

Pour bénéficier de la règle de raison, la mesure en cause doit satisfaire à des exigences impératives directement fondées sur l'article 34 TFUE, qui ne s'identifient pas à des cas supplémentaires d'exception et ne concernent que des mesures indistinctement applicables . Une mesure indistinctement applicable justifiée par une exigence impérative échappe à la prohibition de l'article 34 TFUE, car elle ne constitue pas une mesure d'effet équivalent. Dans le cas contraire, elle tombe sous le coup de l'interdiction mais pourra éventuellement être justifiée au titre des exceptions prévues à l'article 36 TFUE.

Avancées dans le cadre d'une règle de raison, les justifications de l'article 34 doivent satisfaire aux conditions de causalité, de nécessité et de proportionnalité inhérentes à cette dernière. Seules les dérogations “raisonnables” sont tolérées : pour qu'une réglementation restrictive soit compatible avec l'article 34, il faut qu'elle soit nécessaire pour satisfaire à l'exigence impérative en cause  et proportionnée à l'objectif poursuivi.

Une mesure nationale est nécessaire lorsqu'elle met le consommateur en mesure de connaître d'une manière suffisamment précise la nature et la qualité du produit et de le distinguer d'autres produits avec lesquels il pourrait être confondu . Le critère de proportionnalité implique de vérifier que la protection de l'intérêt général n'aurait pas pu être réalisée par des mesures moins restrictives des échanges entre États membres . Tel n'est pas le cas de la législation nationale qui réserve certaines formes de bouteilles ou certains types de conditionnement à un nombre limité de boissons, alors que l'information du consommateur peut être assurée convenablement par un étiquetage approprié . De même, si la réglementation nationale limitant les émissions polluantes et le bruit provenant des véhicules constitue un moyen apte à lutter contre la pollution de l'air et la pollution sonore, elle n'est pas proportionnée à l'objectif de réduction du nombre de véhicules polluant sur le territoire de l'État membre concerné lorsqu'elle ne s'applique pas aux véhicules déjà autorisés à circuler sur ce territoire . L'interdiction générale de vendre et d'utiliser du matériel pour augmenter la puissance et/ou la vitesse des cyclomoteurs présente également un caractère disproportionné au regard de l'objectif de sécurité routière qui pourrait être atteint en permettant l'usage de ce matériel à des fins sportives en dehors de la circulation publique .

CJCE, 20 février 1979, "Cassis de Dijon", aff. 120-78, LawLex200500005788JBJ, JDI, 1981, 106, obs. KOVAR ; RMCUE, 1980, 505, obs. MATTERA ; RTD eur., 1980, 611, obs. MASCLET.

La Cour de justice a depuis exclu du champ des exigences impératives le motif lié à la protection de la santé publique : CJCE, 25 juillet 1991, Aragonesa, aff. C-1-90, LawLex200400000170JBJ, qui souligne que les exigences impératives s'appliquent aux mesures indistinctement applicables aux produits nationaux et importés et, que dans ce cas, il n'est pas nécessaire de rechercher si la protection de la santé publique pourrait présenter le caractère d'une exigence impérative pour l'application du seul article 34 TFUE, alors que la santé publique constitue un motif d'intérêt général expressément mentionné par l'article 36 TFUE.

CJCE, 17 juin 1981, Irlande, aff. 113-80, LawLex200500005787JBJ, RTD eur., 1982, 320, obs. MASCLET.

V. égal. concernant la nécessité du caractère non discriminatoire d'une mesure : CJCE, 6 novembre 1984, Kohl c. Ringelhan & Rennett, aff. 177-83, LawLex200500006776JBJ (protection des consommateurs et loyauté des transactions commerciales) ; 29 janvier 1985, Cullet c. Sodinord, aff. 231-83, LawLex200200003503JBJ, RTD eur., 1985, 381, obs. ISAAC (défense des intérêts des consommateurs) ; 11 mai 1989, Esther Renée Wurmser, veuve Bouchara, aff. 25-88, LawLex200500006357JBJ, JDI, 1990, 468, obs. BERR (loyauté des transactions commerciales et protection des consommateurs) ; JDI, 1992, 435, obs. BERR ; 9 juillet 1992, Belgique, aff. C-2-90, LawLex200500005903JBJ, LPA, 1992, nº 118, 16, obs. CARTOU ; D., 1993, 270, obs. SEBASTIEN ; Cah. dr. eur., 1993, 672, obs. DE SAADELER (protection de l'environnement).

CJCE, 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital SL, aff. C-390-99, LawLex200500006050JBJ, sur les conditions devant être réunies pour reconnaître le caractère nécessaire d'une procédure d'autorisation administrative préalable ; 8 juillet 2004, France, aff. C-166-03, LawLex200400003095JBJ, la double dénomination imposée par le Code général des impôts pour les ouvrages en or n'est pas nécessaire à la loyauté des transactions commerciales et à la défense des consommateurs lorsque ces ouvrages comportent déjà une information objective sur leur degré de pureté ; 14 décembre 2004, Allemagne, aff. C-463-01, LawLex200600000152JBJ, Europe, 2005, nº 39, obs. SIMON ; JDI, 2005, 408, obs. BERR, pour être nécessaire et proportionnée à l'objectif de protection de l'environnement, une mesure nationale doit permettre aux opérateurs concernés de s'adapter durant une période de transition ; 14 avril 2008, Portugal, aff. C-265-06, LawLex200800000425JBJ.

CJCE, 22 juin 1982, Timothy Frederick Robertson, aff. 220-81, LawLex200500006578JBJ.

CJCE, 5 décembre 2000, Guimont, aff. C-448-98, LawLex200500006265JBJ, Europe, 2001, nº 58, obs. RIGAUX.

CJCE, 4 décembre 1986, Allemagne, aff. 179-85, LawLex200500006764JBJ.

CJCE, 11 décembre 2008, Autriche, aff. C-524-07, LawLex200800002184JBJ, Europe, 2009, nº 75, obs. RIGAUX ; JDI, 2009, 661. 

CJUE, 18 novembre 2010, Lahousse, Lavichy BVBA, aff. C-142-09, LawLex201100000162JBJ.

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