Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

La prohibition des impositions intérieures discriminatoires englobe l'interdiction de frapper les produits des autres États membres d'impositions intérieures supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires (TFUE, art. 110, paragr. 1), et celle de frapper les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirecteme …

Portée de la prohibition.

V. BERGERÈS, Les "belles étrangères" et le Traité de Rome (la taxe spéciale sur les véhicules de plus de 16 CV est-elle conforme au Traité de Rome ?), RTD eur., 1982, 288.

La prohibition des impositions intérieures discriminatoires englobe l'interdiction de frapper les produits des autres États membres d'impositions intérieures supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires (TFUE, art. 110, paragr. 1), et celle de frapper les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions, c'est-à-dire des produits nationaux concurrents (TFUE, art. 110, paragr. 2). Une taxe prélevée à l'importation, même sur des produits qui ne concurrencent pas la production nationale, est destinée à placer dans une situation fiscale comparable, sur le territoire national, toutes les catégories de produits quelle qu'en soit l'origine. Aussi, un État membre peut-il frapper les produits importés d'une imposition intérieure sans tomber sous le coup de la prohibition lorsqu'il n'existe pas de produit national similaire ou d'autres productions nationales susceptibles d'être protégées .

Même si les conditions d'une discrimination directe ne sont pas réunies, une imposition peut être indirectement discriminatoire en raison de ses effets .

L'article 110, paragraphe 1er, “vise l'ensemble des impositions qui grèvent effectivement et spécifiquement le produit national, à tous les stades de sa fabrication et de sa commercialisation antérieurs ou concomitants au stade de l'importation du produit en provenance d'autres États membres, étant entendu cependant que l'incidence de ces impositions est d'autant plus réduite que s'éloignent les stades de fabrication et de commercialisation antérieurs et que cette incidence tend rapidement à devenir négligeable” . La notion d'imposition intérieure s'interprète au sens large et comprend les taxes frappant l'activité de l'entreprise, telle une taxe perçue sur les transports internationaux de marchandises par route en fonction de la distance parcourue sur le territoire national et du poids des marchandises en cause . 

La compatibilité d'une charge fiscale avec l'article 110, paragraphe 2, dépend de sa capacité à influencer le marché en cause en diminuant la consommation potentielle des produits importés au profit des produits nationaux concurrents . La prohibition vise toute forme de protectionnisme fiscal en faveur de la production nationale, sans qu'il soit nécessaire d'en apporter la preuve à partir de données statistiques . Ainsi, un système fiscal profite à la production nationale au détriment des produits importés lorsque, sans établir de distinction formelle selon l'origine des produits, il est aménagé de manière à inclure la totalité de la production nationale dans la catégorie fiscale la plus avantageuse . L'effet protecteur s'apprécie compte tenu du prix de vente respectif des produits concurrents et de l'évolution de la consommation pour chaque produit . Lorsque l'écart de prix de vente entre les produits est quasi identique avant et après taxation, celle-ci n'a pas pour effet de protéger indirectement la production nationale .

Pour qu'une taxe soit licite, il ne faut pas qu'elle frappe le produit importé selon un mode de calcul ou des modalités différents de ceux utilisés pour le produit national similaire , tel un montant uniforme dans un cas et progressif dans l'autre, dès lors que l'imposition aboutit, même si seulement dans une minorité de cas, à des montants supérieurs pour le produit importé . Ainsi, l’article 110 TFUE ne s’oppose pas à une réglementation nationale selon laquelle une taxe sur les véhicules, incorporée dans la valeur de chaque véhicule, n’est pas remboursée au propriétaire en cas d’exportation définitive de son véhicule, en vue de son utilisation dans un autre État membre, lorsque ce véhicule a été mis pour la première fois en circulation il y a au moins dix ans au moment de cette exportation, le fait qu'il ait été essentiellement utilisé sur le territoire de l’État membre qui a perçu la taxe sur les véhicules à titre permanent et qu'il ait été utilisé également en fait de cette manière étant indifférent . Pour établir la supériorité de l'imposition frappant les produits importés, il est tenu compte non seulement du taux ou de l'assiette des taxes en cause , mais aussi des avantages ou des immunités dont elles sont assorties . Une imposition intérieure discriminatoire peut également être constatée lorsque la sévérité de la sanction de l'infraction au paiement d'une taxe varie selon qu'elle concerne des produits importés ou des cessions de biens à l'intérieur du pays .

En revanche, le pouvoir discrétionnaire de l'Administration en matière de réduction d'impôts n'entre pas en ligne de compte lors de l'appréciation de l'existence d'une imposition intérieure illicite .

Les produits sont similaires, au sens de l'article 110, paragraphe 1, lorsqu'ils relèvent de la même classification fiscale, douanière ou statistique . La similitude ne suppose pas une identité rigoureuse des produits , mais des propriétés analogues et la satisfaction de besoins identiques . L'utilisation par le consommateur du produit doit être analogue et comparable . Ainsi, les cigarettes brunes et les cigarettes blondes constituent des produits similaires, car elles sont fabriquées à partir du même produit de base, le tabac, selon des procédés comparables, répondent à des caractéristiques organoleptiques sinon identiques au moins analogues, font l'objet d'un traitement fiscal européen uniforme et peuvent répondre aux mêmes besoins des consommateurs même si l'âge moyen de ces derniers diffère pour chaque catégorie de produits . De même, les véhicules d'occasion importés sont similaires aux véhicules d'occasion immatriculés sur le territoire de l'État membre d'importation, même en l'absence de production nationale et bien que les véhicules aient initialement été aussi importés . En revanche, même si leur mode de consommation peut être identique, le whisky écossais et le vin de liqueur ne sont pas considérés comme des produits similaires dans la mesure où leurs caractéristiques objectives - fruit d'origine, procédé de fabrication et qualités organoleptiques - sont distinctes . 

Lorsque le produit importé ne rencontre pas de production nationale similaire, l'interdiction des impositions intérieures joue aussi dès lors que la mesure frappe des catégories entières de produits nationaux ou étrangers se trouvant tous placés dans une situation comparable quelle que soit leur origine . 

L'article 110 TFUE, paragraphe 2, prohibe la perception de toute imposition intérieure frappant un produit importé plus lourdement qu'un produit national concurrent. Il n'est pas nécessaire que le rapport de concurrence soit direct : il peut n'être que partiel, indirect ou potentiel . Dès lors que des produits sont capables de satisfaire des besoins identiques, on doit admettre un certain degré de substitution entre eux . L'appréciation de la substituabilité  ne se limite pas aux habitudes de consommation dans un État membre ou une région déterminée, qui ne sauraient empêcher de constater l'existence d'une concurrence entre produits . En l'absence de concurrence directe, toute imposition intérieure faisant supporter au produit importé une charge fiscale particulière de manière à protéger certaines activités distinctes de celles qui ont servi à la fabrication du produit importé est interdite . 

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CJCE, 5 octobre 2006, Ákos Nádasdi c. Vám- és Pénzügyorség Észak-Alföldi Regionális Parancsnoksága, aff. C-290-05, LawLex200700000288JBJ, Europe, 2006, nº 367, obs. SIMON.

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CJCE, 10 octobre 1978, Hansen & Balle c. Hauptzollamt de Flensburg, aff. 148-77, LawLex200500006606JBJ ; V. égal. CJCE, 11 août 1995, Roders c. Inspecteur der Invoerrechten en Accijnzen, aff. C-367-93, LawLex200500006482JBJ : considérant que les vins de liqueur demeurent distincts des vins de table par leur mode habituel de consommation, apéritifs et vins de dessert ; CJCE, 15 juin 1999, Yves Tarantik c. Direction des services fiscaux de Seine-et-Marne, aff. C-421-97, LawLex200500006485JBJ, Europe, 1999, nº 288 et 309, obs. RIGAUX, concernant les véhicules automobiles.

CJCE, 17 février 1976, Rewe-Zentrale I, aff. 45-75, LawLex200500006550JBJ, RTD eur., 1979, 573, obs. BERROD.

CJCE, 11 août 1995, Roders c. Inspecteur der Invoerrechten en Accijnzen, aff. C-367-93, LawLex200500006482JBJ.

CJCE, 3 avril 1968, Firma Molkerei-Zentrale Westfalen-Lippe c. Hauptzollamt Paderborn, aff. 28-67, LawLex200500009698JBJ, Rev. de science fin., 1968, 969, obs. LALUMIERE.

CJCE, 27 février 2002, France, aff. C-302-00, LawLex200500006487JBJ.

CJUE, 3 juin 2010, Regionalna Mitnicheska Direktsia, aff. C-2-09, LawLex201000000675JBJ, qui précise que les voitures d'occasion importées et celles qui sont achetées sur place constituent des produits similaires ou concurrents, dès lors qu'un produit devient national lorsqu'il a été importé et mis sur le marché.

CJCE, 4 mars 1986, John Walker & Sons c. Ministeriet for Skatter og Afgifter, aff. 234-84, LawLex200500006823JBJ.

CJCE, 22 mars 1977, Steinike & Weinlig c. Allemagne, aff. 78-76, LawLex200300003388JBJ, JDI, 1978, 373.

CJCE, 27 février 1980, France, aff. 168-78, LawLex200500006556JBJ ; 27 février 1980, Grande-Bretagne, aff. 170-78, LawLex200500006624JBJ.

CJCE, 27 février 1980, Grande-Bretagne, aff. 170-78, LawLex200500006624JBJ.

V. par ex., pour l'ouzo et le Whisky : CJCE, 18 avril 1994, Grèce, aff. C-230-89, LawLex200500006492JBJ.

CJCE, 11 août 1995, Roders c. Inspecteur der Invoerrechten en Accijnzen, aff. C-367-93, LawLex200500006482JBJ, Europe, 1995, nº 363, obs. RIGAUX et LAGONDET ; JDI, 1996, 491, obs. SIMON.

CJCE, 27 février 1980, Grande-Bretagne, aff. 170-78, LawLex200500006624JBJ ; 27 février 1980, France, aff. 168-78, LawLex200500006556JBJ.

CJCE, 18 avril 1994, Grèce, aff. C-230-89, LawLex200500006492JBJ, Gaz. Pal., 1992, 1, 208, obs. CARNELUTTI.

CJCE, 9 juillet 1987, Commission des Communautés européennes c. Royaume de Belgique, aff. 356-85, LawLex200500006636JBJ.

CJCE, 8 avril 2008, Commission des Communautés européennes c. Royaume de Suède, République de Lettonie, aff. C-167-05, LawLex200800000427JBJ.

CJCE, 23 mars 1977, Iannelli & Volpi c. Ditta Paolo Meroni, aff. 74-76, LawLex200500003725JBJ, JDI, 1978, 384 ; RTD eur., 1985, 493.

Droit européen des affaires

64. Portée de la prohibition.(1)

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