Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

Bien que les textes ne le précisent pas, la jurisprudence a très tôt retenu, lorsque le dépassement des délais de paiement était pénalement sanctionné, que la réglementation des délais de paiement s'appliquait y compris entre sociétés d'un même groupe . La solution a récemment été rappelée sous l'empire des règles sanctionnant ce manquement par une amende administrative, l'exception tirée de relat …

Délais de paiement, groupes de sociétés et relations commerciales internationales.

PETRIGNET et LE BOURDON, Les négociations commerciales internationales à l'épreuve du droit français, BRDA 22/20, 33 ; NGOUMTSA ANOU, Les lois de police en droit de la concurrence, in Mélanges Picod, Lefebvre Dalloz, 2023, 391.

Bien que les textes ne le précisent pas, la jurisprudence a très tôt retenu, lorsque le dépassement des délais de paiement était pénalement sanctionné, que la réglementation des délais de paiement s'appliquait y compris entre sociétés d'un même groupe . La solution a récemment été rappelée sous l'empire des règles sanctionnant ce manquement par une amende administrative, l'exception tirée de relations intra-groupe ne pouvant constituer un fait justificatif .

Par ailleurs, l'une des questions les plus fréquentes et les plus délicates concernant les délais de paiement, consistait à déterminer si la réglementation française était également applicable dans les relations commerciales internationales. Très tôt, la DGCCRF a estimé que le respect des délais de paiement s'imposait à tout acheteur se trouvant sur le territoire national, qu'il effectue ses achats à l'étranger  ou que les produits en cause soient destinés à l'exportation . Les exportateurs pouvaient toutefois se référer à des modalités de règlement conformes aux usages internationaux du commerce . La question a été renouvelée à l'occasion de la réforme apportée par la loi LME . Était-il possible dans un contrat international d'éluder les délais de paiement maximum prévus par la loi française en convenant de l'application d'une loi étrangère et en donnant compétence à un tribunal étranger ? Une telle exclusion paraissait possible dans les rapports entre les parties mais pas eu égard à l'action introduite par le ministre de l'Economie devant le juge français en cas d'effet de la pratique en France, au titre de l'ancien article L. 442-6, I, 7°, qui sanctionnait le fait “de soumettre un partenaire à des conditions de règlement qui ne respectent pas le plafond fixé au neuvième alinéa de l'article L. 441-6 ou qui sont manifestement abusives, compte tenu des bonnes pratiques et  usages commerciaux, et s'écartent au détriment du créancier, sans  raison objective, du délai indiqué au huitième alinéa de l'article L. 441-6”.

Certes, compte tenu du droit d'action du ministre, de l'amende civile encourue et de leur participation à un ordre public de direction selon la jurisprudence dominante, les dispositions de l'ancien article L. 442-6 du Code de commerce étaient généralement considérées comme des lois de police permettant d'écarter les droits étrangers . Elles n'empêchaient pas, toutefois, le jeu de la clause attributive de juridiction, dans la mesure où, selon la Cour de cassation, la clause attributive de juridiction contenue dans un contrat visant tout litige né du contrat devait être mise en oeuvre, même si les dispositions impératives et constitutives de lois de police de l'ancien article L. 442-6 du Code de commerce, relatives à l'abus de dépendance, étaient applicables au fond . La Haute juridiction distinguait bien ainsi la clause attribuant compétence à une juridiction de la loi applicable au litige . Cependant, le ministre disposait d'un droit d'action propre pour faire respecter les dispositions de l'ancien article L. 442-6, 7° et ne pouvait être tenu par les clauses attributives de compétence et de choix de la loi applicable prévues par les parties.

La loi Hamon a procédé à une refonte partielle des règles en matière d'abus de paiement, en abrogeant le 7° de l'ancien article L. 442-6 et en instaurant un mécanisme d'amendes administratives .

Cette réforme a à nouveau posé la question des délais de paiement dans les rapports internationaux. Fallait-il appliquer les sanctions administratives prévues par le droit français en cas d'effet en France de délais de paiement non conformes aux règles françaises ou tenir compte des stipulations des parties ?

La question n'a pas été tranchée en jurisprudence mais a fait l'objet d'avis successifs, pas nécessairement cohérents, de la Commission d'examen des pratiques commerciales.

La CEPC a été interrogée dans un premier temps sur la question de savoir s'il était possible d'écarter les plafonds des délais de paiement prévus par l'ancien article L. 441-6 du Code de commerce dans un contrat international de vente de marchandises entre un fournisseur français et un acheteur étranger d'un autre Etat membre de l'Union européenne. Dans la mesure où le texte était une loi de police et que des délais de paiement trop longs imposés par des clients étrangers à des fournisseurs français étaient susceptibles de produire des effets négatifs en France, elle a considéré qu' “en l'état du droit positif, on peut penser que les sanctions administratives qui viennent assortir le dépassement des délais impératifs de paiement pourraient être mises en oeuvre dans les rapports entre un vendeur français et un acheteur étranger malgré la soumission du contrat à la loi interne d'un Etat étranger, notamment lorsque l'ensemble de la relation commerciale se déroule en France” .

Elle s'est prononcée par la suite sur le cas inverse d'un vendeur étranger et d'un acheteur français dans l'hypothèse où la vente relevait de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 (CVIM) . Elle a estimé que “les contrats de vente internationale de marchandises relevant de la convention de Vienne du 11 avril 1980 ne sont pas soumis au plafond des délais de paiement prévu par l'article L. 441-6, I, al. 9 C. com”, mais a atténué la portée de cette affirmation en retenant que “par l'application combinée de la convention, des principes généraux dont elle s'inspire et de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, les délais de paiement convenus entre les parties ne devraient pas constituer un abus manifeste à l'égard du créancier, c'est-à-dire traduire un écart manifeste par rapport aux bonnes pratiques et usages commerciaux, contraire à la bonne foi et à un usage loyal, compte tenu de la nature du produit”. 

Enfin, dans un dernier avis concernant la même situation d'un fournisseur étranger et ses revendeurs français, dans lequel le contrat était soumis à un droit étranger et à la CVIM, elle a réitéré la solution de l'inapplicabilité des délais de paiement prévus par les textes dans leur version issue de l'ordonnance du 24 avril 2019 et celle selon laquelle les délais convenus ne doivent pas constituer un abus manifeste. En l'occurrence, elle a estimé que des modalités de paiement échelonné établies par le créancier et communes à l’ensemble des contrats de vente conclus avec ses clients européens ne semblaient pas constituer un tel abus  .

Cass. crim., 24 mars 1999, LawLex200200000151JBJ, RJDA, 1999, nº 732, approuvant Caen, 1er juillet 1997, LawLex200200000383JBJ.

TA La Guadeloupe, 21 février 2024, LawLex202400001890JBJ.

CEPC, avis n° 16-1 du 14 janvier 2016, LawLex201600000005JBA, LD mars 2016, 5, obs. LECLERC.

CEPC, avis n° 16-12 du 16 juin 2016 relatif à une demande d'avis d'un avocat portant sur l'application du plafond légal des délais de paiement dans un contexte international, LawLex201600000015JBA, BRDA 14/16, 14 ; LD juillet-août 2016, 1, obs. LECLERC.

CEPC, avis n° 21-9 du 8 juillet 2021, LawLex202100000008JBL. - Sur cet avis, V. REYGROBELLET et FLAICHER-MANEVAL, Délais de paiement dans les relations commerciales internationales : à propos d'un avis de la CEPC, BRDA 11/21, 23.

Note DGCCRF n° 5955 du 5 août 1993, JCP E, 1993, III, 6635 ; Note DGCCRF n° 1005 du 13 décembre 1993, JCP E, 1994, III, 66802.

V. AUGAGNEUR, Application dans le temps et dans l'espace de la LME sur la réduction des délais de paiement impératifs, JCP E, 2008, 2365 ;  TESTU et HERZELE, La formalisation contractuelle de la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs, JCP E, 2008, 1113 ;  GRALL, KOUCHNIR, CARGILL, CAMILLERI, L'application aux contrats internationaux des dispositions du Code de commerce relatives aux délais de paiement issues de la LME du 4 août 2008, RLDA, 2009/34, 37 ; MALAN, Le champ d'application dans l'espace des dispositions de la LME en matière de pratiques restrictives de concurrence - Quelques observations sur une position récente de la DGCCRF, Contrats Conc. Consom., 2010, étude n° 4.

Orléans, 28 octobre 1999, LawLex200200000375JBJ ; Lyon, 9 septembre 2004, LawLex200800000059JBJ ; Paris, 28 septembre 2006, LawLex200700002000JBJ.

V. Cass. civ. 1re, 22 octobre 2008, LawLex200800001850JBJ, Clunet 2009, 599, obs. JOBARD-BACHELLIER et TRAIN ; Gaz. Pal. 20/21 février 2009, 27, obs. GUEZ ; LPA 13 juillet 2009, 8, obs. ARHEL ; D. 2009, Chr., 684, obs. HUET ; JCP E 2008, n° 2535, obs. MATHEY ; D. 2009, Jur., 200, obs. JAULT-SESEKE ; D. 2009, 1565, obs. COURBE et JAULT-SESEKE ; Contrats Conc. Consom. 2008, n° 270, obs. MALAURIE-VIGNAL ; JCP G 2008, II, 10187, obs. d'AVOUT ; JCP E 2008, n° 2429, obs. CORNUT ; Concurrences 1-2009, 129, obs. DANY ; JCP E 2009, n° 1479, obs. MAINGUY ; RDC 2009, 197, obs. BÉHAR-TOUCHAIS ; JDI 2009, 1, obs. BUREAU et MUIR WATT ; JCP E 2009, n° 1409, obs. OLLIVRY ; RDC 2009, 691, obs. TREPPOZ.

En application de l'article 7, paragraphe 2 du règlement 1215-2012, le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement une relation commerciale établie engage la responsabilité délictuelle de son auteur et que la loi applicable à cette responsabilité est celle de l'Etat du lieu où le fait dommageable s'est produit : Cass. com., 21 octobre 2008, LawLex200800001881JBJ, Contrats Conc. Consom. 2009, n° 8, obs. MATHEY ; RDC 2009, 197, obs. BÉHAR-TOUCHAIS ; JCP E, 2009, 1479, obs. MAINGUY.

L. 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, art. 121 s. - V. BERG-MOUSSA, Les apports de la loi Hamon en matière de délais de paiement,  Contrats Conc. Consom., 2014, étude n° 7.

Droit français de la concurrence

175. Délais de paiement, groupes de sociétés et relations commerciales internationales.(1)

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