Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

La nullité des conventions organisant des pratiques abusives peut être ordonnée à la demande du ministre de l'Économie , ainsi que la restitution des sommes indûment versées par leurs victimes ou une amende civile. Certaines décisions considèrent que l'ancien article L. 442-6, dans sa rédaction issue de la loi NRE du 15 mai 2001, consacre le principe de l'action en nullité, mais la réserve au mini …

Action en nullité.

La nullité des conventions organisant des pratiques abusives peut être ordonnée à la demande du ministre de l'Économie , ainsi que la restitution des sommes indûment versées par leurs victimes ou une amende civile. Certaines décisions considèrent que l'ancien article L. 442-6, dans sa rédaction issue de la loi NRE du 15 mai 2001, consacre le principe de l'action en nullité, mais la réserve au ministre de l'Économie . Un cocontractant n’aurait donc pas pu agir en nullité d'un accord comportant des conditions commerciales abusives contraires à l'ancien article L. 442-6. La solution n'emportait pas l'adhésion. En effet, le II de cet article prévoyait des hypothèses de nullité de plein droit en principe ouvertes à tous. Par ailleurs, si le III de l'ancien article L. 442-6 n'investissait expressément que les seuls ministre de l'Économie et le Ministère public, de la faculté d'agir en nullité des autres clauses visées au texte, il est de principe qu'un cocontractant a toujours la possibilité d'agir en nullité d'une clause contraire à l'ordre public sur le fondement de l'article 6 du Code civil. Dans tous les cas, le ministre de l'Économie peut engager une action en nullité contre les clauses contraires au I comme au II de l'article L. 442-6 du Code de commerce, même si l'action ne lui est expressément ouverte que pour ces dernières, dès lors que leur contrariété à l'ordre public les prive de cause licite . Dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 24 avril 2019, le nouvel article L. 442-4 accorde la possibilité à la victime d’introduire une action en nullité comme le ministre de l’Économie et le ministère public. Le texte précise dorénavant clairement que les pratiques exposées aux poursuites sont celles “prévues aux articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8”.

Si le ministre de l'Économie dispose du pouvoir propre d'agir en justice au nom et pour le compte des victimes de pratiques restrictives, ce pouvoir est-il autonome ? Saisis de la compatibilité des dispositions de l'ancien article L. 442-6 avec la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, certains juges du fond ont estimé contraire à l'article 6-1 de la Convention la possibilité pour le ministre de l'Économie d'introduire une action en nullité sans appeler à l'instance les parties aux contrats concernés  ou sans tenir compte de leur opposition à l'exercice de l'action . D'autres, au contraire, ont estimé que l'action du ministre est une action autonome de défense de l'ordre public économique, qui, à ce titre, n'est pas contraire à l'article 6 de la Convention . D'autres encore ont retenu que le ministre est tenu d'informer les fournisseurs de l'introduction de l'action en nullité et de les appeler en la cause, mais pas d'obtenir leur accord . La controverse a été tranchée par la Cour de cassation. Selon la Haute juridiction , l'action du ministre est une action autonome qui n'est soumise ni au consentement, ni à la présence des fournisseurs . La portée de cette solution a néanmoins été remise en cause par le Conseil constitutionnel. Appelé à se prononcer sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la compatibilité de l'ancien article L. 442-6, III, à la Constitution, le Conseil constitutionnel n'a estimé l'action en nullité du ministre conforme à la Constitution qu'à la condition que les fournisseurs soient informés de l'exercice de cette action . La Cour européenne des droits de l'Homme a, de son côté, considéré que l'action du ministre de l'Économie n'est pas contraire à l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH dès lors qu'il ne s'agit pas d'une action en substitution, les fournisseurs demeurant en droit d'engager eux-mêmes une action en justice ou de se joindre à celle initiée par le ministre et pouvant même être attraits à l'instance par le défendeur . 

La décision du Conseil constitutionnel a suscité de nouvelles interrogations et entraîné un changement dans les stratégies judiciaires. L'obligation d'informer les fournisseurs s'applique-t-elle à tout type d'action ou seulement à l'action en nullité ? L'information doit-elle nécessairement être délivrée avant l'exercice de l'action ? Afin d'éviter le rejet de ses actions en nullité, faute d'information des fournisseurs, le ministre de l'Économie a parfois préféré renoncer à ses demandes d'annulation des contrats pour leur substituer des demandes de cessation des pratiques pour l'avenir et d'infliction d'une amende civile. Néanmoins, certaines décisions admettent que même dans le cadre d'une action en nullité, l'information des fournisseurs ne doit pas nécessairement être délivrée préalablement à l'assignation, pour autant qu'elle intervienne dans un délai leur permettant de décider d'intervenir ou non à l'instance . Le nouvel article L. 442-4 devrait mettre fin à ces controverses puisqu’il prévoit que les victimes doivent être informées, par tous moyens, de l’introduction en justice de l’action en nullité par le ministre de l’Économie ou le ministère public.

Pour des ex. antérieurs à la loi NRE, T. com. Versailles, 7 mars 1997, LawLex200200000205JBJ ; TGI Rouen, 7 mars 1995, LawLex200200000217JBJ.

T. com. Nanterre, 20 septembre 2001, LawLex200200000059JBJ, RJDA 2002, nº 822, rejetant l'action du fournisseur.

Cour EDH, 17 janvier 2012, LawLex201200000257JBJ, JCP G, 2012, 462, obs. LUCIANI ; Contrats Conc. Consom., 2012, n° 94, obs. MALAURIE-VIGNAL ; RLC, 2012/31, n° 2035, obs. BÉHAR-TOUCHAIS ; D. 2013, 735, obs. FERRIER.

V. T. com. Paris, 24 septembre 2013, LawLex201300001405JBJ, RJDA 2014, n° 482, approuvé par Paris, 1er juillet 2015, LawLex201500000874JBJ, LD juillet/août 2015, 7, obs. VERTUT. - V. aussi, Paris, 3 octobre 2013, LawLex201300001453JBJ ; Orléans, 12 avril 2012, LawLex201200000568JBJ, D. 2013, 735, obs. FERRIER : la cause d'irrecevabilité de l'action du ministre, fondée sur l'absence d'information préalable des fournisseurs quant à son introduction, peut être régularisée même en cause d'appel ; Paris, 12 juin 2013, LawLex201300001010JBJ : l'information ne doit pas nécessairement précéder l'introduction de l'action mais peut intervenir en cours d'instance ; Amiens, 3 décembre 2015, LawLex201500001703JBJ ; Paris, 29 juin 2016, LawLex201600001209JBJ, LPA 29 septembre 2016, 14, obs. ARHEL ; Contrats Conc. Consom. 2016, n° 211, obs. MALAURIE-VIGNAL. - Comp., Poitiers, 29 janvier 2013, LawLex201300000152JBJ : les fournisseurs ne doivent pas nécessairement être informés de l'exercice de l'action du ministre préalablement à son déclenchement, mais doivent au moins l'être avant l'appel, afin de pouvoir exercer leurs droits propres.

Nîmes, 25 février 2010, LawLex201000000396JBJ, RDC 2010, 1331, obs. BÉHAR-TOUCHAIS ; Contrats Conc. Consom., 2010, n° 153, obs. MALAURIE-VIGNAL.

Angers, 29 mai 2007, LawLex200700000843JBJ, JCP E, 2007, 2429 (2e espèce), obs. KOERING ; JCP E, 2007, 2303, obs. CARON et DECOCQ ; D. 2007, 2313, obs. de BÉCHILLON et JAMIN ; D. 2007, 2433, obs. BANDRAC.

Versailles, 3 mai 2007, LawLex200700000541JBJ, D. 2008, 2195, obs. FERRIER ; JCP G, 2007, II, 10191, obs. LUCIANI ; RDC 2007, 1353, obs. Tort ; D. 2007, 2313, obs. de BÉCHILLON et JAMIN ; Concurrences n° 3/2007, 106, obs. MITCHELL ; JCP E, 2007, 2429, obs. KOERING (1re espèce) ; D. 2007, 2433, obs. BANDRAC ; Contrats Conc. Consom. 2007, n° 206, obs. MALAURIE-VIGNAL ; RJDA 2007, n° 901.

Reims, 5 novembre 2007, LawLex200700001981JBJ, D. 2008, 2195, obs. FERRIER ; Rev. conc. consom. 2008, nº 157, 36 ; RJDA 2008, nº 195 ; Nîmes, 17 janvier 2008, LawLex200800000348JBJ.

Versailles, 21 février 2008, LawLex200800000354JBJ ; Grenoble, 6 mars 2008, LawLex200800000387JBJ.

Cass. com., 8 juillet 2008, LawLex200800001091JBJ, JCP E, 2008, 2143, 33 ; 16 décembre 2008, LawLex200900000002JBJ, JCP E, 2009, 1479, obs. MAINGUY ; JCP G, 2009, I, 138, n° 13, obs. CHAGNY ; JCP E, 2009, 1739, obs. DECOCQ ; 5 mai 2009, LawLex200900001842JBJ, LPA 26 novembre 2009, 14, obs. ARHEL.

V. égal. Paris, 2 février 2012, LawLex201200000189JBJ, RLC, 2012/32, n° 2103, obs. ROBIN ; D. 2013, 735, obs. FERRIER ; RJDA 2012, n° 533, qui rappelle que l'action en nullité est autonome et ne nécessite que l'information préalable des fournisseurs.

Cons. const., 13 mai 2011, LawLex201100000905JBJ, Contrats Conc. Consom., 2011, n° 159, obs. MALAURIE-VIGNAL ; LPA, 19 décembre 2011, 9, obs. BOILLOT ; D. 2012, 579, obs. FERRIER ; RLC, 2011/28, n° 1851, obs. GRALL.

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