Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

Comme pour les concentrations verticales, il est peu probable qu'une concentration conglomérale produise un effet anticoncurrentiel en deçà de 30 % de part de marché et d'un IHH à l'issue de l'opération inférieur à 2000 . 

Mais le pouvoir de marché peut aussi être renforcé par des effets de gamme, du fait de l'addition de produits, ou de portefeuille, en cas d'addition de marques, ou de réseau, en cas de contrôle d'une technologie, par exemple de codage, qui permet de bloquer l'accès au marché , d'accès à des informations privilégiées , ou encore de couplage , lorsque la nouvelle entité lie des biens ou services complémentaires offerts sur des marchés distincts. 

Un effet de gamme peut être décisif lorsque l'entreprise dispose d'une forte position sur l'un des marchés, que les produits sont liés par une forte complémentarité , que les concurrents ne sont pas à même de proposer une gamme complète  et que la détention de celle-ci est un argument de vente déterminant pour la clientèle . Une opération de concentration peut être interdite même lorsqu'elle ne se traduit pas par une addition significative de parts de marché, lorsqu'elle permet à l'acquéreur d'ajouter à un portefeuille de marques, qui en comporte déjà, une autre marque notoire ou incontournable . L'impact de l'effet de portefeuille ou de gamme dépend des conditions du marché , du caractère déterminant de la marque pour le consommateur , mais aussi de l'importance relative des marques et portefeuilles concurrents  : l'élargissement d'une gamme ne présente ainsi aucun risque pour la concurrence lorsqu'elle n'est pas de nature à modifier les pratiques commerciales de négociation sur le marché concerné . Ainsi, une concentration n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence lorsque la partie notifiante commercialise d'ores et déjà l'ensemble des gammes de produits en volaille et qu'elle n'implique pas l'acquisition ni d'une marque notoire, ni d'un brevet, ni d'un savoir-faire spécifique, ni de compléments à une gamme de produits .

Un effet de couplage peut revêtir différentes formes : ventes groupées techniques, fondées sur une interopérabilité exclusive des produits entre eux ; ventes groupées mixtes ("mixed bundling") autorisant l'achat séparé, mais à un prix supérieur à celui de l'achat groupé ; ventes groupées pures ("pure bundling") consistant en une une offre simultanée des produits dans une proportion fixe . L'analyse d'un risque d'effet de couplage s'effectue en trois temps : l'Autorité recherche d'abord (1) si la nouvelle entité a la capacité d'évincer ses concurrents, puis, (2) si elle a un intérêt économique à le faire et enfin, (3) si une stratégie de verrouillage du marché aurait une incidence négative sur la concurrence portant préjudice aux consommateurs . La crédibilité d'un scénario de ventes liées doit s'examiner notamment sur la base des comportements passés qui illustrent l'intérêt des entreprises concernées pour de telles offres .

Un tel risque est écarté lorsque la politique de couplage susceptible de résulter de la détention d'une gamme étendue de produits est inenvisageable s'agissant de produits proposés à des prix distincts, ne visant pas la même clientèle  et dont les conditions commerciales et les modes de commercialisation obéissent à des logiques différentes  ou lorsque la nouvelle entité dispose d'une position faible sur chacun des marchés concernés où ses concurrents proposent déjà une gamme de services équivalents . Il en va de même lorsque les partenaires commerciaux de l'entité issue de la concentration disposent d'un important pouvoir de négociation  ou que, sur le marché en cause, il n'est pas nécessaire de disposer d'une gamme de produits étendue pour être compétitif, plusieurs concurrents étant en mesure de répliquer une éventuelle stratégie d'offres groupées de la nouvelle entité . Il est également peu probable que la nouvelle entité coure le risque de perdre des ventes sur un marché très rentable pour développer celles-ci sur un marché peu rentable . 

Lignes directrices révisées, pt 720. - V. égal., Décision Aut. conc. nº 09-DCC-13 du 16 juin 2009, LawLex200900002935JBJ, qui écarte le risque d'effet de levier lorsque, sur les marchés connexes, la part de marché du groupe en cause est inférieure à 20-30 % ; n° 11-DCC-135 du 5 septembre 2011, LawLex201100001635JBJ, qui exclut l'effet de couplage lorsque la part de marché des parties à la concentration reste inférieure à 25 % et qu'elles devront faire face à la concurrence de grands groupes proposant une gamme plus étendue.

Les effets de réseau peuvent être renforcés par des effets de club qui rendent le changement de technologie non rentable tant qu'il ne s'effectue pas à grande échelle. 

V. not. Lettre min. éco., 17 mai 2002, LawLex200300002078JBJ ; 11 mars 2003, LawLex200300003215JBJ. - Adde : Avis Cons. conc. nº 02-A-07 du 15 mai 2002, LawLex200200006186JBJ. 

Décision Aut. conc. n° 14-DCC-41 du 24 mars 2014, LawLex201400001910JBJ, concernant les vins effervescents et les vins tranquilles.

Décision Aut. conc. n° 16-DCC-33 du 24 février 2016, LawLex201600000759JBJ.

Lettre min éco., 11 juin 2008, LawLex200800001134JBJ, se référant aux lignes directrices de la Commission sur l'appréciation des concentrations non horizontales.

 Avis Cons. conc. nº 08-A-08 du 14 mai 2008, LawLex200800001133JBJ ; Lettre min éco., 11 juin 2008, LawLex200800001134JBJ.

Décision Aut. conc. nº 15-DCC-139 du 20 octobre 2015, LawLex201500001700JBJ. Cf. Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, pt. 724.  

Décision Aut. conc. nº 15-DCC-139 du 20 octobre 2015, LawLex201500001700JBJ, excluant tout effet de couplage ayant un impact significatif sur la concurrence d'une concentration réalisée dans le secteur de la presse, étant donné les profils de lectorat éloignés des titres de presse concernés et le caractère limité de leur clientèle commune.

Lettre min. éco., 14 décembre 2007, LawLex200800000261JBJ. - Adde : Décision Aut. conc. n° 11-DCC-137 du 15 septembre 2011, LawLex201100001620JBJ, qui exclut le risque de couplage dans la prise de contrôle de Lenôtre par Sodexo dès lors que l'offre de restauration collective et celle de services de traiteur organisateur de réceptions et de plateaux-repas ont des temporalités différentes, les contrats de restauration collective étant attribués par le biais d'appel d'offres pour une durée déterminée alors que les prestations traiteur et plateaux-repas sont fournies ponctuellement selon les besoins des clients.

Décision Aut. conc. nº 09-DCC-43 du 14 septembre 2009, LawLex200900003229JBJ ; nº 09-DCC-31 du 29 juillet 2009, LawLex201000000617JBJ ; n° 24-DCC-127 du 14 juin 2024, LawLex202400005893JBJ, écartant tout risque d'effet de couplage car la part de marché cumulée de la nouvelle entité sur les marchés en cause est inférieure à 30 %, à l’exception de certains segments, que les concurrents des parties sont susceptibles de proposer une gamme aussi complète de produits, et que, compte tenu des statuts de l’acquéreur, les agriculteurs associés de la nouvelle entité resteront libres, pour partie, de s’approvisionner et de livrer leur récolte auprès de la coopérative de leur choix.

Décision Aut. conc. nº 15-DCC-66 du 3 juin 2015, LawLex201500000895JBJ.

Décision Aut. conc. nº 10-DCC-02 du 12 janvier 2010, LawLex201000000147JBJ ; Décision Aut. conc. nº 12-DCC-20 du 7 février 2012, LawLex201200000582JBJ, qui retient l'existence de risques d'effets congloméraux lorsque la concentration confère à la nouvelle entité la détention d'informations détaillées, essentielles, auxquelles les autres opérateurs ne peuvent accéder, lui permettant d'élaborer des offres commerciales duales particulièrement adaptées à ses prospects ; Décision Aut. conc. nº 23-DCC-98 du 24 mai 1998, LawLex202300010987JBJ, excluant que l'’opération de concentration en cause porte atteinte à la concurrence par de possibles échanges d’informations confidentielles entre la cible, qui pourrait avoir accès à des informations sensibles relatives à la construction de nouvelles centrales nucléaires ou à la maintenance des centrales existantes, et l’acquéreur, qui pourrait recueillir des informations sensibles en matière de fourniture d’équipements et de services à destination des îlots nucléaires conventionnels, du fait de l’existence de dispositifs de protection de telles informations, au sein des conditions générales d’achat d’EDF, de procédures internes renforcées, ainsi que du caractère public de certaines informations ayant trait à la production d’énergie, au sein de centrales nucléaires.

Décision Aut. conc. nº 17-DCC-10 du 27 janvier 2017, LawLex201700000451JBJ. 

Avis Cons. conc. nº 08-A-08 du 14 mai 2008, LawLex200800001133JBJ : les stratégies de verrouillage conduisant à la baisse des ventes sont peu crédibles dès lors qu'il est établi qu'elles seraient contre-productives pour la nouvelle entité.

Avis Cons. conc. nº 08-A-08 du 14 mai 2008, LawLex200800001133JBJ : un effet de couplage ou de “bundling”, qui permet au détenteur d'une large gamme de produits de prendre appui sur la position forte qu'il détient sur un marché pour augmenter ses marges sur les produits concernés et subventionner par ailleurs des offres commerciales sur d'autres produits, a une incidence négative sur la concurrence si trois conditions cumulatives sont réunies : (a) l'entreprise a une forte position sur au moins un des marchés (a fortiori une position dominante) à partir de laquelle elle pourra faire jouer un effet de levier, (b) la détention d'une gamme de produits est un élément déterminant pour les clients et (c) les concurrents ne sont pas en mesure de proposer une gamme aussi complète de produits ; Décision Aut. conc. n° 12-DCC-154 du 7 novembre 2012, LawLex201200002499JBJ, Contrats conc. consom. 2014, étude, 1, par BOSCO ; RLDA 2013/35, n° 2255, obs. MEDINA ; Concurrences, 2/2013, 118, obs. BILLARD et FABRE, qui retient un risque d'atteinte à la concurrence lorsque la nouvelle entité peut proposer des offres groupant deux modes de transport sur un marché caractérisé par de fortes barrières à l'entrée. - Adde : Lettre min. éco., 17 mai 2002, LawLex200300002078JBJ ; BOCC, 31 janvier 2003 : une concentration qui permet à la nouvelle entité de profiter de sa position sur le marché des pâtes fraîches afin d'augmenter ses marges sur ces produits et de subventionner des offres commerciales sur le marché des pâtes sèches pour obtenir un meilleur accès aux linéaires, présente des risques anticoncurrentiels.

Décision Aut. conc. n° 11-DCC-143 du 28 septembre 2011, LawLex201100001685JBJ.

Décision Aut. conc. n° 16-DCC-26 du 15 février 2016, LawLex201600001339JBJ : la concentration n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux, même si elle renforce la position de la nouvelle entité et élargit sa gamme, dès lors que pour la très grande majorité des produits vendus, sa part de marché n'excédera pas 20 à 30 % et que plusieurs concurrents des parties, également dotés d'une gamme étendue, apparaissent en mesure de répliquer une éventuelle stratégie d'offres groupées et/ou liées de la nouvelle entité.

V. Lettre min. éco., 29 décembre 2000, LawLex200200001984JBJ, BOCC, 23 août 2001 ; 17 mai 2002, LawLex200300002078JBJ ; BOCC, 31 janvier 2003 ; 11 septembre 2002, LawLex200300001314JBJ. Parfois, une concentration constitue aussi le moyen de “compenser” les effets de gamme : en ce sens, V. Lettre min. éco., 23 juin 1995, LawLex200300002025JBJ, BOCC, 25 juillet 1995. Aj. : Avis Cons. conc. nº 89-A-05 du 21 février 1989, LawLex200200002078JBJ, BOCC, 21 mars 1989 ; nº 99-A-03 du 26 janvier 1999, LawLex200200001940JBJ, BOCC, 27 avril 1999 ; nº 00-A-11 du 6 juin 2000, LawLex200200001988JBJ, BOCC, 23 avril 2001 ; nº 08-A-08 du 14 mai 2008, LawLex200800001133JBJ. 

Lettre min. éco., 24 novembre 1999, LawLex200200002081JBJ ; Avis Cons. conc. nº 98-A-09 du 29 juillet 1998, LawLex200200001963JBJ, BOCC, 7 octobre 1998 et Lettre min. éco., 17 septembre 1998, LawLex200200002052JBJ ; BOCC, 7 octobre 1998, confirmée par Cons. d'Ét., 9 avril 1999, LawLex200200002021JBJ, D., 2000, 157, note TROIANIELLO ; Lettre min. éco., 17 février 2009, LawLex200900001261JBJ, qui retient l'existence d'un avantage concurrentiel certain en cas de détention des principales marques de viande bovine.

V. décision Aut. conc. n° 10-DCC-66 du 28 juin 2010, LawLex201000000993JBJ, à propos d'une concentration favorisant l'élargissement de la gamme des semences des parties, sans toutefois porter atteinte à la concurrence, compte tenu de la qualité et des caractéristiques intrinsèques de chaque variété, plus déterminantes dans le choix des coopératives et des négociants que la possibilité de s'approvisionner de façon groupée auprès d'un seul fournisseur ; n° 13-DCC-115 du 26 août 2013, LawLex201300001505JBJ, qui écarte tout risque pour la concurrence à la suite de l'élargissement de la gamme des produits laitiers offerts dès lors que les grandes et moyennes surfaces procèdent par appels d'offres distincts selon les familles ou sous-familles de produits et que les principaux concurrents disposent eux-mêmes de gammes étendues et de marques notoires.

V. décision Aut. conc. n° 19-DCC-36 du 28 février 2019, LawLex201900000494JBJ, excluant tout risque d'effet de portefeuille sur les marchés du whisky, de la vodka et des autres cocktails, dès lors que la marque ne revêt pas un caractère déterminant pour le consommateur qui prend avant tout en considération le prix et dont la versatilité est par ailleurs renforcée par les dynamiques promotionnelles, la grande distribution n'hésitant pas en outre à déréférencer les marques de ses fournisseurs, même lorsqu'elles sont incontournables.

631. Critères d'analyse.