Le droit européen et français applicable aux réseaux de distribution.
Le Droit de la distribution, deuxième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : approvisionnement et fourniture exclusifs, distribution exclusive, distribution sélective, distribution automobile.

Droit français de la distribution

Les entreprises souhaitant contrôler la distribution de leurs produits en raison de leur spécificité ou de leur technicité mettent en place des systèmes de revente sélectifs ou exclusifs. S'agissant de produits de marque, il est tentant pour les concurrents de contourner l'organisation du fournisseur non seulement pour se soustraire aux obligations du réseau, mais également pour obtenir les produi …

Portée et limites de la licéité de la commercialisation hors réseau.

V. FERRIER, L'évolution de la distribution exclusive et sélective, Lamy, 1984, étude 1 ; BONNET et MOUSSERON, Donner et retenir ne vaut (I), Cah. dr. entr., 1989, nº 2, 12 ; JOURDAIN, Les réseaux de distribution et la responsabilité des tiers revendeurs, D., 1990, chron. 43 ; LASSERRE-JEANNIN, L'acte de concurrence déloyale, thèse, 1992 ; LE TALLEC, Balisage du terrain - Les principes, Gaz. Pal., 1992, 1, Doctr. 396 ; LÉONNET, Réflexions sur le droit de la preuve en matière de concurrence et de réglementation économique, JCP E, 1993, I, 306 ; BÉHAR-TOUCHAIS, La protection du réseau de distribution, in Les aspects contemporains du droit de la distribution, Montchrestien, 1996 ; LAMBERT, Le mandataire automobile acheteur-revendeur : autopsie d'une pratique, D., 2006, 592 ; MARTIN, Le contrôle des distributeurs par la tête de réseau, Concurrences, 1/2010, 63 ; FERRIER et SAUTONIE-LAGUIONIE, La distribution parallèle à l'épreuve de l'opposabilité du réseau in SAINTOURENS et ZENNAKI, Les contrats de distribution, Presses Universitaires de Bordeaux, 2011, 83 ; BÉHAR-TOUCHAIS, Grande distribution  contre distribution sélective : la guerre est déclarée !, RDC, 2014, 667.

Les entreprises souhaitant contrôler la distribution de leurs produits en raison de leur spécificité ou de leur technicité mettent en place des systèmes de revente sélectifs ou exclusifs. S'agissant de produits de marque, il est tentant pour les concurrents de contourner l'organisation du fournisseur non seulement pour se soustraire aux obligations du réseau, mais également pour obtenir les produits à un meilleur prix. La protection territoriale absolue est condamnée par le droit de la concurrence : le distributeur exclusif doit pouvoir répondre à toute demande non sollicitée d'un client même situé en dehors du territoire concédé ; il lui est en revanche interdit de procéder à des ventes actives en dehors de ce territoire. Les importations parallèles sont par conséquent licites. 

Les ventes parallèles constituent un facteur de décloisonnement du marché et, à ce titre, bénéficient de la faveur des autorités de concurrence comme des juridictions judiciaires. Elles cessent en revanche d'être considérées favorablement lorsqu'elles constituent des ventes parasites effectuées par des revendeurs hors réseau qui profitent des investissements de la marque sans en supporter les coûts, ni assurer le service au consommateur. N'assumant pas les mêmes charges, ces revendeurs peuvent vendre les produits contractuels à meilleur prix que les membres du réseau, ce qui, à terme, risque d'entraîner la disparition de ces derniers. Ainsi, l'article 1240 du Code civil trouve à s'appliquer dès lors qu'il peut être relevé à l'encontre du tiers revendeur une faute détachable de la vente.

Selon une jurisprudence bien établie, la revente hors réseau de produits couverts par des droits d'exclusivité ne constitue pas, en soi, une faute . Pour être exempte de faute, la revente doit cependant concerner des produits acquis régulièrement  : la commercialisation hors réseau ne doit pas avoir été rendue possible par une tierce complicité de la violation d'une obligation du membre du réseau ou par des actes déloyaux.

La lutte du fournisseur tête de réseau contre les reventes hors réseau s'avère souvent en pratique un redoutable parcours du combattant, même lorsqu'il a organisé sa distribution en multipliant les précautions en vue d'interdire les reventes hors réseau, par exemple en recourant à un système de distribution à la fois exclusive et sélective, prévoyant une interdiction expresse de revente hors réseau.

La tête de réseau doit d'abord prouver la licéité de son réseau . Le règlement  d'exemption restrictions verticales semble lui faciliter la tâche dès lors que le réseau bénéficie en principe d'une exemption de plein droit en cas de parts de marché du fournisseur et du distributeur inférieures à 30 %. En pratique, cette tâche est souvent moins simple qu'il n'y paraît dès lors que la jurisprudence impose au fournisseur de prouver que les parts de marché  sont inférieures aux seuils du règlement, ce qui n'est pas forcément évident et, à défaut, de démontrer que les critères de sélection sont justifiés. La doctrine a pu affirmer avec réalisme que dans la jurisprudence, tout se passe en fait “comme s'il existait une présomption d'illicéité du réseau  que la tête de réseau doit renverser en démontrant méthodiquement qu'il remplit toutes les conditions de licéité” . Si le fournisseur franchit cette première étape de démonstration de licéité de son réseau, la question de l'approvisionnement irrégulier du tiers revendeur constituera un second obstacle. Les revendeurs hors réseau s'ingénient en effet à multiplier les difficultés probatoires et la réunion des preuves de l'irrégularité de l'approvisionnement peut s'avérer en pratique assez ardu et particulièrement long. Arrivé au bout de ses peines, il n'est pas exclu que le fournisseur se rende compte que le revendeur hors réseau a fermé boutique pour mieux renaître sous une autre forme exigeant de recommencer son travail de Sisyphe.

Cass. com., 20 septembre 2011, LawLex201100001527JBJ ; 30 janvier 2001, LawLex200200000667JBJ ; 9 octobre 2001, LawLex200200000613JBJ, Contrats Conc. Consom., 2002, nº 8, obs. MALAURIE-VIGNAL. Adde Cass. com., 1er mars 1994, LawLex200200001595JBJ : le fait pour un tiers de satisfaire des commandes avec des produits acquis régulièrement, en dépit des droits d'exclusivité dont bénéficiait à sa connaissance un distributeur exclusif, ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale ; 9 juillet 1996, LawLex200200001343JBJ, Europe, 1996, nº 364, obs. IDOT ; D., 1997, Somm. 56, obs. FERRIER ; RJDA, 1997, 1140 ; JCP E, 1998, 1044, obs. FOURGOUX ; 13 janvier 1998, LawLex200200001195JBJ, Europe, 1998, nº 410, obs. IDOT ; D., 1998, Somm. 331, obs. FERRIER ; D. Aff., 1998, 417 ; 6 mai 2003, LawLex200300002237JBJ, Contrats Conc. Consom., 2003, nº 159, obs. MALAURIE-VIGNAL ; LPA, 15 juin 2004, 14, obs. BACCICHETTI et DOM ; RJDA, 2005, nº 211 ; Paris, 15 janvier 2014, LawLex201400000068JBJ ; 15 novembre 2017, LawLex201700001867JBJ, Concurrences 2018/1, 106, obs. ERÉSÉO ; 29 janvier 2020, LawLex202000000201JBJ.

Pour des exemples d'approvisionnement régulier, V. Cass. com., 9 octobre 2001, LawLex200200000613JBJ, Contrats Conc. Consom., 2002, nº 8, obs. MALAURIE-VIGNAL : le fait pour un importateur indépendant de satisfaire ses commandes avec des produits régulièrement acquis auprès d'un concessionnaire, en dépit des obligations contractuelles de ce dernier, ne constitue pas en soi un acte déloyal ; Toulouse, 12 février 2020, LawLex202000000242JBJ, considérant que le distributeur historique d'un produit, devenu tiers hors réseau à la suite de la constitution de celui-ci et de sa décision de ne pas l'intégrer, ne commet pas d'acte de concurrence déloyale envers le distributeur exclusif en s'approvisionnant licitement auprès de revendeurs étrangers et en revendant ce produit dans des conditions qui n'en altèrent pas l'image.

Cass. com., 13 décembre 1988, LawLex202200002646JBJ ; 21 mars 1989, n° 87-13.909 ; 10 mai 1989, n° 87-19.977, D., 1989, 427, obs. BÉNABENT ; 2 février 1993, n° 91-10.111 ; 21 juin 2011, LawLex201100001178JBJ. - V. égal. Paris, 13 octobre 2023, LawLex202300012625JBJ.

Paris, 18 septembre 2013, LawLex201300001365JBJ ; 27 mars 2014, LawLex201400001770JBJ, RDC, 2014, 667, obs. BÉHAR-TOUCHAIS.

BÉHAR-TOUCHAIS, sous Paris, 27 mars 2014, préc.

Droit français de la distribution

56. Portée et limites de la licéité de la commercialisation hors réseau.(1)

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