Infractions au Code pénal, au Code de commerce ou au Code de l'environnement, Procédure pénale

Droit pénal des affaires

L’emploi de manœuvres frauduleuses constitue, au même titre que l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité ou l’usage abusif d’une qualité vraie, un élément constitutif du délit d’escroquerie.
Les manœuvres frauduleuses consistent en l'emploi d'une machination destinée à donner crédit à une série de mensonges , qui peut être renforcée par l’intervention d’un tiers complice . Des simples allégat …

Manoeuvres frauduleuses

L’emploi de manœuvres frauduleuses constitue, au même titre que l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité ou l’usage abusif d’une qualité vraie, un élément constitutif du délit d’escroquerie.

Les manœuvres frauduleuses consistent en l'emploi d'une machination destinée à donner crédit à une série de mensonges , qui peut être renforcée par l’intervention d’un tiers complice . Des simples allégations mensongères, bien que formulées par écrit et de façon réitérée, ne suffisent pas à constituer des manœuvres frauduleuses, à moins qu’elles soient corroborées et accréditées par un fait extérieur, un acte matériel, ou une mise en scène, destinés à donner force et crédit à ces allégation . Dès lors, le fait, pour un commerçant, d'envoyer une facture pour demander le paiement d'une somme, en réalité non due en tout ou en partie, ne constitue qu'un mensonge écrit, qui ne saurait, à lui seul, caractériser le délit d'escroquerie, faute d’autres éléments extérieurs accréditant les fausses indications portées sur les factures . De même, le prévenu qui tente uniquement de se faire remettre une somme d’argent, en recourant à des appels téléphoniques et à des pressions diverses et en évoquant l’intervention d’un tiers, établit l’existence de mensonges imputables mais ne caractérisent pas des manœuvres frauduleuses .

Le mensonge, corroboré par l'émission, par des tiers, de factures dissimulant de concert des commissions occultes rétrocédées au prévenu caractérise, en revanche, une manœuvre frauduleuse .

Lorsque l’escroquerie est commise au moyen de fausses factures, se pose la question de la qualification pénale à retenir. La Cour de cassation a d’abord considéré qu'il est possible de retenir les deux qualifications de faux et d'escroquerie, qui sont susceptibles d'être appliquées concurremment dès lors qu'elles sanctionnent la violation d'intérêts distincts . Elle a par la suite estimé qu’en vertu du principe non bis in idem, des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes . Dès lors, le principe non bis in idem ne peut s’appliquer au gérant d'une société qui, en plus d’émettre de fausses factures pour masquer des sorties d’argent en espèces, les a utilisé pour obtenir une remise indue de TVA. En effet, l'usage des fausses factures auprès de l'administration fiscale pour obtenir une remise indue de TVA constitue un nouveau fait d'usage au préjudice de l'Etat français, distinct de la production de ces mêmes factures par le prévenu au préjudice de la société qu'il gérait . Il en est également ainsi lorsque l'infraction consiste en une altération de la vérité dans un support d'expression de la pensée qui se distingue de son utilisation constitutive du délit d'usage de faux et, le cas échéant, d'un élément des manœuvres frauduleuses de l'infraction d'escroquerie. Dans cette hypothèse, seuls les faits d'usage sont de nature à procéder des mêmes faits que ceux retenus pour les manœuvres frauduleuses .

De même, la présentation de faux bilans, ou d'une fausse attestation de l'URSAFF, peut également constituer une manœuvre frauduleuse caractérisant le délit d'escroquerie, à la condition que cette manœuvre ait été déterminante de la remise des fonds . Il en va de même du fait, pour un professionnel, de se porter faussement acquéreur d’un bien immobilier dans le seul but d’engager un recours administratif tendant à contester un permis de construire et obtenir ainsi une indemnité transactionnelle en contrepartie de son désistement d’instance , ou pour un prévenu, d’avoir accepté d’être gérant de paille d'une société, contre rémunération, afin d’acquérir des prêts au moyen des dossiers contenant des faux, gonflant artificiellement les revenus et mentionnant la fausse qualité de directeur commercial .

Pour que le délit d'escroquerie soit constitué, il n’est pas nécessaire que la participation de chacun des coauteurs ou complices se soit manifestée par un acte extérieur qui, envisagé isolement, renferme tous les éléments de la manœuvre frauduleuse, dès lors que celle-ci est constituée précisément par l'intervention combinée et par l'ensemble des actes de deux ou plusieurs personnes, appelées à remplir des rôles différents en vue d'un but commun .

Cass. crim., 28 mars 1996, LawLex202200002201JBJ.

Cass. crim., 6 juillet 1966, LawLex202200002202JBJ.

Cass. crim., 24 mars 1969, LawLex202200002203JBJ; 13 septembre 2023, LawLex202400005249JBJ; 7 mai 2024, LawLex202400003607JBJ.

Cass. crim., 15 septembre 2021, LawLex202200001974JBJ.

-Cass. crim., 13 septembre 2023, LawLex202400005251JBJ.

Cass. crim., 3 novembre 1978, LawLex202200002200JBJ, Dr. pén. n° 7-8, juillet 2014, comm. 102, VERON.

Cass. crim., 8 novembre 1976, LawLex202200004003JBJ, JCP E 2012, 1225, ALIX; Cass. crim., 1 juin 2005, LawLex202200001539JBJ, RTD com. 2006, 224, obs. BOULOC ; AJP 2005, 329, obs. REDON ; Dr. pénal 2005, n° 147, obs. VERON; Cass. crim., 23 janvier 2024, LawLex202400001352JBJ.

Cass. crim., 30 avril 2003, LawLex202200004001JBJ.

Cass. crim., 6 novembre 1991, LawLex202200001540JBJ, JCP E 2008, 1380, LASSERRE CAPDEVILLE ; JCP  2008, II 10043, LASSERRE CAPDEVILLE.

Cass. crim., 18 janvier 2017, LawLex202200004005JBJ, JCP E 2017, 1150, JCP 2017, act. 275.

Cass. crim. 14 novembre 2013, LawLex202200006795JBJ, AJ pénal 2014. 296, obs. LASSERRE CAPDEVILLE ; Dr. pén. n° 10, octobre 2023, comm. 167, MARON et HAAS ; JCP 2020, act. 1287, DETRAZ.

Cass. crim., 25 oct. 2017, LawLex202200006796JBJ, RTD com. 2018. 227, obs. SEANKO ; Dr. pén. n° 1, janvier 2022, comm. 19, BONIS ; JCP 2021, doctr. 531, ROBERT, CLAVERIE-ROUSSET, DETRAZ, LEROY.

Cass. crim., 16 janvier 2019, LawLex202200006797JBJ, JCP 2020, act. 1287, DETRAZ ; JCP E 2019, 1559, GENTY et DURIF ; D. 2019. 129 ; AJ pénal 2019. 155, obs. MAYAUD ; RTD com. 2020. 500, obs. SAENKO.

Cass. crim., 9 septembre 2020, LawLex202200006798JBJ, Dr pén. 2020 , comm. 183, CONTE ; JCP G 2020 , act. 1287 , note DETRAZ ; AJ pénal 2020.

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