Infractions au Code pénal, au Code de commerce ou au Code de l'environnement, Procédure pénale

Droit pénal des affaires

Par principe, l’employeur est tenu d’observer et de faire respecter les lois et règlements applicables. En cas de non-respect de ces règles dans des conditions susceptibles de caractériser une infraction pénale, l’employeur engage sa responsabilité pénale, le cas échéant, concurremment à celle de la personne morale elle-même.
Par exception, l’employeur peut être exonéré de sa responsabilité pénale …

Effet exonératoire de la délégation de pouvoirs

Par principe, l’employeur est tenu d’observer et de faire respecter les lois et règlements applicables. En cas de non-respect de ces règles dans des conditions susceptibles de caractériser une infraction pénale, l’employeur engage sa responsabilité pénale, le cas échéant, concurremment à celle de la personne morale elle-même.

Par exception, l’employeur peut être exonéré de sa responsabilité pénale s’il justifie avoir régulièrement délégué ses pouvoirs à l’un de ses préposés . La Cour de cassation estime en effet  que “s’il est vrai que la responsabilité pénale pèse sur le chef d’entreprise auquel il appartient de veiller au respect de la législation, il en est autrement lorsqu’il est établi que celui-ci a délégué ses pouvoirs à un préposé, pourvu de la compétence et investi de l’autorité nécessaire” . La responsabilité pénale de l'employeur ne sera pas engagée s’il apporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour assurer sa mission . A défaut de réunir ces trois conditions cumulatives, la délégation de pouvoirs n’est pas valable . Les juges du fond doivent ainsi examiner la valeur et l’étendue de la délégation de pouvoirs invoquée . Le moyen de défense tiré de l'existence d'une délégation de pouvoirs peut être invoqué jusque devant la cour d'appel, les juges du second degré pouvant souverainement en apprécier la valeur . En revanche, l'existence d'une délégation ne peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation .

La délégation de pouvoirs permet au délégant de transférer sa responsabilité au délégataire dans l’exercice des missions qu’il lui confie. Elle empêche le juge de retenir le même manquement à la charge du délégant et du délégataire . L'effet exonératoire produit au profit du délégant, qui peut être soit le dirigeant, soit le délégataire en cas de subdélégation, ne vaut, cependant, que pour les infractions commises dans l’exercice des missions déléguées . Dès lors, des délégations de pouvoirs qui ne visent pas le respect de la législation en vigueur en matière de facturation ou de coopération commerciale, n'exonèrent pas le dirigeant de société de sa responsabilité pénale dans ce domaine .  Il en est de même de la délégation de pouvoirs qui ne vise pas expressément le respect des règles de facturation, contrairement à une autre délégation consentie dans le même magasin . A contrario, la délégation de pouvoirs au profit d'un chef de département disposant d'une ancienneté de dix ans à ce poste, qui vise spécifiquement le respect de la réglementation relative à la facturation et à la coopération commerciale et qui s'est traduite par une augmentation de salaire, exonère valablement le dirigeant de sa responsabilité pénale . 

Le transfert de responsabilité n'est toutefois pas sans limites. En effet, la délégation de pouvoirs n’exonère pas le chef d’entreprise de toute responsabilité. Si celui-ci conserve en pratique le contrôle et le pouvoir de décision dans le secteur où la délégation de pouvoirs est consentie, cette dernière est inefficace. Ainsi, le chef d’entreprise qui a personnellement participé à la réalisation de l’infraction ne saurait s’exonérer de sa responsabilité pénale en invoquant une délégation de ses pouvoirs  . Lorsque le délégant s’immisce dans le déroulement de la mission confiée au délégataire, son implication annihile de facto l’autonomie de décision qui conditionne la validité de toute délégation de pouvoirs . Un directeur de magasin engage sa responsabilité pour complicité du délit de tromperie, en dépit de l'existence d'une délégation de pouvoirs, lorsqu'il a donné à son préposé des instructions tendant à la commission de l'infraction  . Une délégation de pouvoirs, vidée de sa substance par le contrôle total exercé par le dirigeant sur le travail en cause ou interrompue en raison de la suspension du contrat de travail de son titulaire, n’a donc aucun effet exonératoire . De même, une délégation de pouvoirs n'exonère pas le dirigeant d'un magasin de sa responsabilité lorsqu'il a commis une faute personnelle en ne s'assurant pas de la présence au magasin d'un responsable habilité à suppléer le délégué pendant ses vacances .

Plus généralement, l’employeur engage toujours sa responsabilité s’agissant des mesures qui relèvent de son pouvoir propre de direction, sans pouvoir opposer l'argument pris d'une délégation de pouvoirs .

Si le mécanisme de la délégation de pouvoirs permet au délégant de s’exonérer de sa responsabilité pénale si les conditions de validité de la délégation sont réunies , elle produit des effets limités en matière de responsabilité civile. En effet, le préposé titulaire d'une délégation de pouvoirs qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été confiée par son employeur n'engage pas sa responsabilité civile : son employeur demeure seul responsable des conséquence civiles d'une infraction commise dans ce cadre . Il en va cependant autrement lorsque le préposé commet une faute qualifiée au sens de l'article 121-3 du Code pénal, même si l'infraction a été commise dans l'exercice de ses fonctions : dans cette hypothèse il engage personnellement sa responsabilité civile à l'égard du tiers qui en a été victime .

Par ailleurs, si la délégation de pouvoirs exonère le délégant dans le périmètre concerné par la délégation, elle n’a pas d’effet sur la responsabilité pénale de la personne morale qui peut être recherchée cumulativement avec celle du délégataire .

Limoges, 21 février 2007, LawLex200700000822JBJ ; Rouen, 24 septembre 1998, LawLex200400001200JBJ ; Aix-en-Provence, 24 mars 1998, LawLex200300004242JBJ ; Dijon, 13 février 1998, LawLex200200000295JBJ ; Paris, 4 juillet 1994, LawLex200300001659JBJ ; Cass. crim., 11 mars 1993, LawLex200600001633JBJ, JCP S 2021, 1159, LAPEROU-SCHENEIDER et RENAUD SALOMON ; JCP 2022, act. 993, comm. ROBERT.

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Caen, 29 mars 2000, LawLex200200000137JBJ.

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Cass. crim., 15 mai 2007, LawLex202200002523JBJ, JCP E 2013, 1468, comm. DUQUESNE ; JCP 2011, 100006, chron. ROBERT ; JCP S 2022, 1067, comm. DUQUESNE ; Dr. pén. n° 9, septembre 2014, dossier 3, étude CLAVERIE-ROUSSET.

Cass. crim., 9 novembre 1999, LawLex202200001484JBJ, JCP 2016, doctr. 1256, étude DREYER ; JCP E 2018, 1088, étude POISSONNIER ; Dr. pén. n° 5, mai 2018, comm. 76, CONTE.

C. civ., art. 1384, al. 5. - Pour une application, V. Cass. crim., 23 janvier 2001, LawLex200400001160JBJ, JCP 2018, doctr. 1192, chron. STOFFEL-MUNCK, BLOCH, BACACHE.

Rennes, 18 mai 2000, LawLex200300002791JBJ ; Cass. crim., 6 mai 1996, LawLex200200000322JBJ, Dr. pén. 1996, comm. 261.

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C. pén., art. 121-2, al. 3. - Pour une application, V. Cass. crim., 16 février 2010, LawLex202200001482JBJ, JCP E 2023, 1058, chron. SALOMON ; Dr. pén. n° 11, novembre 2014, chron. SEGONDS ; JCP S 2011, 1543, comm. CESARO ; JCP 2010, act. 1031, note MATSOPOULOU.

Cass. crim., 6 janvier 2004, LawLex202300013330JBJ ; Douai, 23 février 1995, LawLex200200000370JBJ ; Paris, 4 juillet 1994, LawLex200300001659JBJ.

Cass. crim., 11 mars 1993, LawLex200300003876JBJ et LawLex200200000321JBJ, Rev. sc. crim., 1994, 101, BOULOC.

Cass. crim., 1er décembre 1992, LawLex202200002862JBJ, JCP 1993, 681.

Cass. crim.,  8 juin 2004, LawLex202200002522JBJ, D.O Actualité n° 28, 13 Juillet 2016, 18, HENRION ; JCP E 2005, 1759, comm. CESARO ; JCP S 2016, 1216, prat. HENRION.

TGI Toulon, 13 octobre 2009, LawLex201000001183JBJ.

Paris, 20 septembre 1999, LawLex200300003903JBJ ; Cass. crim., 27 février 1995, LawLex200200000364JBJ, D. pén. HS 1998, 138, ROBERT ; RJDA 1995, n° 737.

TGI Draguignan, 23 février 2006, LawLex201000001123JBJ.

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