Introduction

Procédure avec représentation obligatoire

Procédure sans représentation obligatoire

Matière contentieuse

Champ d'application

Déroulement de la procédure

Matière gracieuse

Procédure devant la formation collégiale

Ordonnances de référés

Ordonnances sur requête

Pouvoirs du premier président

3. Procédure devant la cour d'appel

Incarnation du principe du double degré de juridiction, la cour d’appel constitue le second et dernier niveau de juridiction à statuer en fait et en droit. Voie de recours ordinaire ou de droit commun, par opposition aux voies de recours extraordinaires, au sens d’exceptionnelles, que constituent la tierce opposition, le recours en révision et le pourvoi en cassation, la voie de l’appel constitue, en application de l’article 542 du Code de procédure civile, une voie de réformation ou d'annulation du jugement rendu par une juridiction du premier degré. L’appel est une voie de réformation en ce sens qu’il permet le contrôle par une juridiction d’un ordre supérieur du jugement d’une juridiction de première instance tant sur une question de droit que de fait ; il constitue une voie d’annulation lorsqu’il tend à contester la régularité formelle de la décision ou de la procédure du premier degré.

La conception de l’appel en droit français a cependant oscillé entre deux approches opposées de cette voie de recours. Traditionnellement, en droit romain, l'appel était envisagé comme une “voie de réformation se bornant au contrôle de ce qui avait déjà été jugé en première instance. En revanche, en droit germanique, l’appel était synonyme d’une seconde première instance susceptible d’accueillir des modifications du litige, telles des prétentions nouvelles. Selon cette conception très large de l’appel, il constituait une voie de potentiel re-jugement de l’affaire et, partant, “une voie d’achèvement du litige”. Alors qu’il était envisagé traditionnellement en droit français comme une voie de réformation, l’appel est devenu une voie d’achèvement du litige par l’effet du décret 72-788 du 28 août 1972, du fait de la nécessité de s'adapter aux potentielles évolutions du litige en vue d'une justice de qualité et de la volonté d'éviter un morcellement de la chose jugée sans bénéfice pour le procès civil. Cependant, loin d'emporter une justice plus efficiente et les gains de procédure escomptés, la mise en oeuvre de ce décret a conduit au ralentissement de la procédure et à l'engorgement des cours d'appel,  phénomène aggravé au cours des quarante dernières années par une succession de réformes  ponctuelles de la procédure civile sans prise en considération de la chaîne judiciaire globale. 

En 2008, constatant en pratique que l'instance d'appel se trouve être le lieu “où se juge réellement pour la première fois un édifice de faits qui n'a pas été entièrement soumis au premier juge ou qui, en raison du temps écoulé, a changé de nature”, et, partant, le ralentissement de la procédure et la complexification du procès qui s'ensuivent, le rapport Magendie II  propose d'encadrer plus strictement l'appel, conçu comme voie d'achèvement, et de réformer la procédure d'appel pour accélérer le rythme du procès civil devant cette juridiction. Il en résulte aujourd'hui une conception hybride de l'appel, entre voie de réformation et d'achèvement, propre au système français. 

Dont sera directement issu le décret 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile, dit décret Magendie.

Conception de l'appel en droit français

La procédure devant la cour d'appel a fait l'objet de nombreux textes modificatifs. Elle résulte avant tout de l’adoption du décret 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile , dit décret Magendie, et du décret 2010-1647 du 28 décembre 2010 modifiant la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile , entré en vigueur le 1er janvier 2011. Depuis la réforme Magendie, en vue d'une meilleure efficience du procès d'appel, la procédure d'appel repose sur le principe de concentration, consacré auparavant par un arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 7 juillet 2006 . La concentration en cause d'appel postule d'une part, la concentration des écritures, et notamment des moyens , selon un formalisme précis, et dans un nombre d'actes limité, à peine d'irrecevabilité et d'autre part, un procès ramassé en termes de délais, très brefs et sanctionnés sévèrement, pour une justice rapide. Ont suivi la loi 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel  et le décret 2012-634 du 3 mai 2012 relatif à la fusion des professions d'avocat et d'avoué près les cours d'appel  qui ont supprimé la profession d'avoué près les cours d'appel. 

Est ensuite intervenu le décret 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile qui constitue la seconde réforme d'ampleur de la procédure d'appel civil, dans le même esprit que le décret Magendie. Ce texte simplifie le régime des exceptions d'incompétence, restreint le champ des prétentions nouvelles recevables en cause d'appel et redéfinit l'appel qui, aux termes de l'article 542 du Code de procédure civile, tend désormais “par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel”. Le décret réaménage également l'effet dévolutif de l'appel, qui, selon l'article 562 “ ne défère à la cour que les chefs du jugement qu’il critique expressément ou ceux qui en dépendent”, “la dévolution ne s'opér[ant] pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible”, de sorte que l'appel général auparavant de principe, s'en trouve supprimé et renforce encore un peu plus la concentration du procès d'appel. 

Dernièrement, a été adopté le décret 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d'appel en matière civile . Entré en vigueur le 1er janvier 2024, il distingue les dispositions relevant de la procédure à bref délai, de celles dédiées à la procédure de la mise en état, et assouplit le formalisme, en prévoyant notamment la régularisation possible de la déclaration d'appel et l'augmentation des délais pour conclure à bref délai. Il autonomise, en outre, les dispositions relatives à la procédure d'appel en supprimant, en particulier, les renvois aux règles applicables au tribunal judiciaire.

Cass. ass. plén., 7 juill. 2006,  LawLex202300010829JBJ : il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci.

Cass. ass. plén., 7 juill. 2006,  LawLex202300010829JBJ : une cour d'appel, ayant constaté que la demande dont elle était saisie, formée entre les mêmes parties, tendait à la même fin que la demande originaire, a pu en déduire qu'il ne pouvait être admis à contester l'identité de cause des deux demandes en invoquant un fondement juridique qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile et que sa demande se heurtait à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation.

Réformes successives de la procédure en cause d'appel

Entre 2007 et 2015, selon le rapport d'information de 2017 de la mission sénatoriale, Cinq ans pour sauver la justice, les affaires nouvelles portées devant les cours d'appel ont augmenté de 23,5 %, le stock d’affaires en fin d'année étant de 26,9 %. A compter de 2017, d’après les Références statistiques justice, le nombre d'affaires nouvelles a commencé à diminuer. En revanche, la durée moyenne des procédures d'appel n’a cessé d'augmenter d’année en année, passant de 11,8 mois en 2014 à 14 mois en 2019. Le rapport de l'Inspection générale de la justice sur les réformes de la procédure d'appel, rendu en 2019, pose le même constat. Si globalement les réformes de l'appel civil - pas moins de 52 textes depuis le décret Magendie - ont constitué une avancée, les objectifs de rapidité de la justice et d’écoulement du stock des affaires en cours n’ont pas été atteints.

Un autre rapport dénommé “Adaptation du réseau des juridictions “ remis au garde des Sceaux en 2018 a préconisé, pour une justice plus efficace, la mise en cohérence de l'organisation judiciaire avec l'échelon régional, notamment en attribuant à une cour d'appel par région administrative un rôle de coordination et d'animation régionale et en répartissant certaines compétences spécialisées entre les cours d'appel de la région, après concertation régionale. 

La spécialisation de certaines juridictions, et notamment des cours d'appel, dans certains contentieux, constitue l’une des pistes d’améliorations techniques de la procédure d’appel civil, l'objectif poursuivi étant de regrouper auprès de quelques cours des contentieux spécifiques ou très techniques en vue de leur traitement par des magistrats experts. L'article 106 de loi 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit une expérimentation pour une durée de trois ans, dans deux régions, de désignation spéciale de certaines cours d'appel (sur le ressort de plusieurs cours d'appel de la même région) pour juger les recours contre certains jugements de première instance. Le décret 2019-1339 du 11 décembre 2019 , pris en application de ce texte, fixe ainsi dans son article 1er, la liste des matières civiles pour lesquelles des cours d'appel peuvent être spécialement désignées par décret pour juger, sur le ressort de plusieurs cours d'appel d'une même région, les recours contre les décisions des juridictions de première instance. L'article 2 du décret prévoit l'institution d'un comité de pilotage pour assurer le suivi de l'expérimentation, ainsi que la réalisation d'un rapport confiée à un comité d'évaluation comprenant des magistrats et fonctionnaires ayant participé à l'expérimentation et à son suivi, ainsi que des personnes désignées par arrêté du ministre chargé de la justice. Ce rapport, qui a pour objectif notamment d'apprécier “les résultats de l'expérimentation au regard des objectifs d'amélioration de la qualité des décisions rendues et des délais de jugement, et du bon accès à la justice” et ses incidences “sur le fonctionnement et l'organisation des cours”, fera “état, le cas échéant, des difficultés rencontrées par les cours spécialement désignées ainsi que des propositions destinées à y remédier”, sachant qu'"au vu de ce rapport le ministre chargé de la justice propose de généraliser tout ou partie de l'expérimentation, de la prolonger ou d'y mettre fin".

La tendance à la spécialisation va même encore plus loin, puisqu'au sein de la Cour d'appel de Paris, qui constitue la cour d'appel la plus importante avec un effectif d'environ 300 magistrats, l'expérimentation est poussée jusqu'à dédier certains contentieux à des chambres spécialisées. Ainsi, a été créée, en janvier 2024, au sein du pôle économique de la Cour d'appel de Paris, une chambre 5-12 spécialisée dans les contentieux transversaux environnementaux, en charge des litiges relatifs au devoir de vigilance et à la responsabilité écologique. Dès 2017, le Garde des Sceaux, souhaitant adapter le système juridictionnel français aux enjeux économiques et juridiques internationaux contemporains, avait, d'ailleurs, demandé au Haut comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) de mener une mission de préfiguration afin de définir un cadre juridique pertinent, “en vue de la mise en place rapide, dans des juridictions spécialement désignées, de formations de jugement aptes à connaître de contentieux techniques, à appliquer des règles de droit étranger et à conduire les procédures dans les conditions, notamment linguistiques, les plus efficaces, dans le but de permettre, en cas de litige, aux opérateurs économiques de s’adresser, en France, à des juridictions capables de juger aisément dans le droit qu’elles auraient choisi et dans la langue de leurs relations d’affaires”. Le rapport du HCJP a conduit à la création d'une chambre internationale au sein de la Cour d'appel de Paris. Cette chambre a reçu une consécration législative avec l'adoption de la loi 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France , introduisant au sein du Code de l'organisation judiciaire un nouvel article L. 311-16-1, selon lequel la Cour d'appel de Paris comprend une chambre commerciale internationale, qui connaît “ des recours en annulation des sentences rendues en matière d'arbitrage international, dans les cas et les conditions prévus par le code de procédure civile” et “des recours contre une décision qui statue sur une demande de reconnaissance ou d'exequatur d'une sentence rendue en matière d'arbitrage international, dans les cas et les conditions prévus par le même code”. 

D. 2019-1339 du 11 décembre 2019 relatif à l'expérimentation prévue à l'article 106 de la loi 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, JO du 13 décembre 2019.

Vers une spécialisation des magistrats toujours plus poussée

Ouvrages : VUITTON, La juridiction du président, LexisNexis, 1reéd., 2010 ; ZAVARO, La réforme de la procédure civile devant la Cour d'appel, Edilax, coll. Réforme, 2011 ; RENOUX, MAGNON, BERNAUD, FOUCHER, MIGNARD, QPC - La question prioritaire de constitutionalité, LexisNexis, 2eéd., coll. Droit et Professionnels, 2013 ; BLERY et RASCHEL, 40 après… Une nouvelle ère pour la procédure civile, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2016 ; Vers une procédure civile 2.0, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2018 ; GALLET et DE LEIRIS, La procédure civile devant la cour d'appel, LexisNexis, 4e éd., 2018 ; X. et J. VUITTON, Les référés, LexisNexis, 4e éd., coll. Droit et Professionnels, 2018 ; P. et G. GERBAY, Guide du procès civil en appel, LexisNexis, éd. 2021-2022 ; CHAINAIS, FERRAND, MAYER, GUINCHARD, Procédure civile. Droit commun et spécial du procès civil, MARD et arbitrage, Dalloz, 36e éd., 2022 ; RUELLAN et MARIE, Droit et pratique de l’expertise judiciaire civile, LexisNexis, 3eéd., 2022 ; FRICERO, GOUJON-BETHAN, DANET, Procédure civile, LGDJ-Lextenso, 6e éd., 2023 ; D’AMBRA, Droit et pratique de l’appel, Dalloz, 5e éd., 2024 ; GUINCHARD, Droit et pratique de l’appel, Dalloz, 11e éd., Coll. Dalloz action, 2024 ; Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz, 11e éd, 2024.

Articles : ACQUAVIVA, Repenser l'articulation des recours en repensant chaque instance juridictionnelle, Repenser l'appel, Gaz. Pal. 31 octobre 2016, hors-série n° 3, 35 ; AMRANI-MEKKI ; Les métamorphoses de l'appel, Le décret Magendie, un espoir déçu ?, Gaz. Pal. 30-31 juillet 2014, 30 ; L'appel en matière civile : en marche vers un nouvel équilibre procédural ?, JCP 2017, n° 659, 1109 ; ANDRIEU, La réforme de la procédure d'appel, Gaz. Pal. 31 octobre 2017, 45 ; ATTAL, Procédure d'appel : célérité et incertitudes, JCP 2013, n° 39 ; ATTIAS, Appel civil, Le dossier de plaidoirie et les délais pour conclure devant la cour d'appel, D. 2012, 512 ; AUCHÉ, Procédure d'appel, les enjeux de la caducité et de l'irrecevabilité, Gaz. Pal. 18 septembre 2012, 15 ; Le prix de l'accès à la justice en appel, JCP 2014, n° 1167 ; BARBA, Forme et délai de l'appel incident dirigé contre un co-intimé, LPA 2 mars 2020, 13 ; BARRET, L'appel-nullité (dans le droit commun de la procédure civile), RTD civ. 1990, 199 ; BARTHÉLEMY, Constitution et voies de recours, Constitutions 2013, 583 ; BENDELAC, Quel est l'impact du décret n° 2017-891 relatif à la procédure d'appel sur le métier de l'avocat ? LPA 16 août 2017, n° 162-163, 5 ; BEYNEIX, Caducité de l'appel principal et irrecevabilité des conclusions de l'appelant principal sur l'appel incident, Gaz. Pal. 27 juillet 2019, 22 ; BLAISSE, Le problème des pièces et conclusions tardives (principalement devant le tribunal de grande instance), JCP 1988, I,  3317 ; BLANCHOT, La place de la signature électronique dans les actes de procédure, Gaz. 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3. Procédure devant la cour d'appel

1. Conception de l'appel en droit français

2. Réformes successives de la procédure en cause d'appel

3. Vers une spécialisation des magistrats toujours plus poussée

4. Bibliographie générale