Introduction

Dispositions communes aux procédures avec et sans représentation obligatoire

Déclaration de pourvoi

Echange des mémoires et des pièces

Procédure avec représentation obligatoire

Rôle du greffier

Conditions préalables 

Procédure de réexamen 

Réexamen en matière civile

Procédure sans représentation obligatoire

Notion de saisine pour avis

Rôle du juge qui sollicite l'avis

Rôle de la Cour de cassation saisie pour avis

Procédure

Saisine pour avis

Désistement

Récusation

Demande en faux

Radiation

Pourvoi incident

Incidents

Etendue du contrôle

Cas d'ouverture à cassation

Moyens de cassation

Contrôle de cassation

4. Procédure devant la Cour de cassation

“ll y a, pour toute la République, une Cour de cassation” (Art. L. 411-1, COJ). Institué par la loi du 27 novembre 1790, le Tribunal de cassation est devenu Cour de cassation en 1804. Juge du droit, et non des faits, la Cour de cassation a pour mission d'unifier le droit en contrôlant l'interprétation des lois. En ce sens, elle peut être qualifiée de juridiction du troisième degré, malgré l'étendue de son contrôle juridictionnel restreint, dans la mesure où elle ne peut revenir sur l'appréciation “souveraine” des faits par les juges du fond. Au titre de ses différentes missions, la Haute juridiction peut également interroger la constitutionnalité des lois ou éclairer les juges sur l'interprétation d'une question de droit nouvelle lorsqu'elle est saisie pour avis. Les magistrats de la Cour de cassation peuvent aussi être amenés à participer à d'autres instances, notamment certaines autorités administratives indépendantes. Le premier président de la Cour de cassation et le procureur général peuvent, le cas échéant, faire des propositions de réforme au Président de la République  ou au garde des Sceaux en vue de remédier aux difficultés juridiques rencontrées par la Haute Juridiction. Par ailleurs, la Cour de cassation conduit des actions de coopération internationale et européenne, notamment auprès de la CEDH et de la CJUE, ou des autres cours suprêmes européennes, pour renforcer le dialogue des juges et contribuer à la création d’un espace judiciaire commun en Europe, dans un cadre bilatéral comme au travers des réseaux auxquels elle participe, tel par exemple le réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale qu'elle a rejoint en 2020. 

La Cour de cassation constitue la plus Haute juridiction de l'ordre judiciaire en France, mais sa qualité de Cour suprême a parfois été remise en question. Si elle a toujours partagé le sommet de l'ordre juridique avec le Conseil d'Etat, son équivalent dans l'ordre administratif, il reste que sa jurisprudence doit s'accorder avec celle de la Cour de justice de l'Union européenne, et qu'en application de l'article 267 TFUE, elle doit surseoir à statuer et interroger cette dernière, lorsqu'elle est confrontée à une difficulté d'interprétation d'un texte européen. Investie du pouvoir de poser des questions prioritaires de constitutionnalité, qu'elle choisit ou non de transmettre, la Cour de cassation doit en outre se plier à l'interprétation des lois par le Conseil constitutionnel et aligner sa jurisprudence en conséquence. Par ailleurs, si un justiciable, à l'encontre duquel une décision définitive en matière d'état des personnes a été rendue en violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, décide de saisir la Cour de cassation d'une demande de réexamen en matière civile, qui, en application de l'article L. 452-1, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, peut aussi porter sur un pourvoi, la Cour, statuant en assemblée plénière, doit revoir sa copie. Cependant, y compris dans ce dernier cas, la Haute juridiction reste la juridiction qui statue en dernier pour dire le droit interne, de sorte qu'en tant que "juridiction du dernier degré”, elle mérite le qualificatif de Cour suprême.

La Cour de cassation, Cour suprême?

La façon de la Cour de cassation de dire le droit a fortement évolué ces derniers années. La numérisation des données et l'open data  dont la Haute juridiction est en charge, ainsi que le changement de structuration des arrêts de cassation ont leur part dans cette évolution. 

Au début de la numérisation des données, la publication des décisions de justice se limitait à la diffusion des décisions des cours suprêmes, qui représentaient une part infime de l'ensemble de la jurisprudence. Depuis 2000, le nombre de décisions mises en ligne n'a cessé de croître, le mouvement d'"open data", c'est-à-dire d'ouverture des données - en l'occurrence, jurisprudentielles - ,  en constituant l'apogée. En France, la mise à disposition du public, gratuitement et sous forme électronique, de l'ensemble des décisions rendues publiquement par les juridictions judiciaires et administratives a été mise en oeuvre par la loi 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique  et par la loi 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice . Consacré à l'article L. 111-13, alinéa 1er, du Code de l'organisation judiciaire , l'open data des décisions de justice  s'est accompagné de leur “pseudonymisation” , c'est-à-dire d'un traitement de dissimulation des données personnelles, réalisé de manière à ce qu'on ne puisse plus attribuer les données relatives à une personne physique sans avoir recours à des informations supplémentaires, en conformité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) 2016/679 du 27 avril 2016. La diffusion massive des décisions de justice facilite sans aucun doute l'accès du droit mais emporte aussi un risque de dilution de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Parallèlement, constatant que sa technique de traitement des pourvois, de rédaction des arrêts et de diffusion de sa jurisprudence pouvait paraître en décalage avec les attentes des justiciables et le nouveau contexte de production et de diffusion des normes juridiques, la Cour de cassation a institué en 2014 un comité de réflexion en charge de proposer des perspectives de réforme, notamment quant aux évolutions souhaitables de la motivation de ses décisions, souvent critiquées pour leur obscurité et leur difficulté d'interprétation. En 2017, une nouvelle commission est chargée d'élaborer un projet de dispositif opérationnel et en 2019, la Haute juridiction publie un guide des nouvelles règles applicables à la rédaction des arrêts. Le changement de structure et de rédaction des arrêts de cassation vise, d'une part, à les rendre plus intelligibles du point de vue du lecteur en augmentant la sécurité juridique, et d'autre part, à en faciliter la traduction et ainsi en améliorer la diffusion au plan international. Désormais, les arrêts de cassation, qui ne contiennent plus d’attendus, sont constitués de paragraphe numérotés et comportent une structure unique divisée en trois parties entre “Faits et procédure”, “Examen des moyens” et “Dispositif” . La motivation enrichie, pour les arrêts les plus importants (revirements de jurisprudence, solutions nouvelles, unification de la jurisprudence, mise en cause de droits fondamentaux...), met en évidence la méthode d’interprétation des textes pertinents retenue par la Cour, cite les précédents jurisprudentiels et, le cas échéant, les solutions alternatives écartées ou les études d’incidences effectuées lorsqu’elles ont joué un rôle conséquent dans le choix de la solution adoptée.

Toujours animée par la volonté de se réformer, la Haute juridiction a constitué en 2020 une nouvelle commission chargée de réfléchir à sa place et à son fonctionnement dans les dix prochaines années avec pour mission d'examiner les grandes tendances qui se dessinent dans son environnement juridique, institutionnel et international. Le 5 juillet 2021, la commission a remis le rapport “Cour de cassation 2030” dans lequel elle émet 37 recommandations afin de renforcer la confiance dans le processus d’élaboration des décisions de la Cour, de l'ouvrir aux regards extérieurs (en instaurant par exemple un mécanisme de retour sur expérience), de structurer le dialogue des juges, d'amplifier l'intelligence collective de la Cour (en assurant notamment une veille intellectuelle sur les évolutions significatives de la société et du droit), de garantir la nécessaire prévisibilité du droit, d'améliorer les moyens informatiques de la Haute juridiction, ainsi que sa communication pour en faire une Cour plus visible, plus intelligible et plus accessible.

De manière générale, l’open data qui implique un droit d’accès aux documents et aux informations de l’administration, se fonde sur l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui dispose que “ la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ”.

Art. L. 111-13, al. 1er, COJ : “Sous réserve des dispositions particulières qui régissent l'accès aux décisions de justice et leur publicité, les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique”

CADIET, L’Open data des décisions de justice. Rapport au garde des Sceaux, ministre de la justice, Doc. fr., 2018.

Art. L. 111-13, al. 2, COJ : “Les nom et prénoms des personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu'elles sont parties ou tiers, sont occultés préalablement à la mise à la disposition du public. Lorsque sa divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage, est également occulté tout élément permettant d'identifier les parties, les tiers, les magistrats et les membres du greffe”. A la différence de l'anonymisation, qui un traitement qui consiste à utiliser un ensemble de techniques rendant impossible, en pratique, toute identification de la personne par quelque moyen que ce soit, la pseudonymisation est réversible.

Open data et structuration nouvelle des arrêts de cassation

La Cour de cassation comprend cinq chambres civiles et une chambre criminelle, chaque chambre comprenant une ou plusieurs sections et siégeant, soit en formation plénière, soit en formation de section, soit en formation restreinte (Art. R. 421-3, COJ). En application de l'article R. 431-2, “le premier président fixe les attributions de chacune des chambres civiles par ordonnance après avis du procureur général” tandis que “le président de chambre détermine, à l'intérieur de chaque chambre, le nombre de sections et les règles de répartition des affaires entre elles” et “affecte chaque affaire à la section compétente ou décide, le cas échéant, de son examen en formation plénière”. 

La première Chambre civile statue notamment : en matière de droit des personnes et de la famille, de protection des consommateurs, de propriété intellectuelle, de droit international privé et d'arbitrage ; la deuxième Chambre civile : en matière de procédure civile et de voies d'exécution, d'assurances, de responsabilité délictuelle, de sécurité sociale, et d'élections ; la troisième Chambre civile : en matière de propriété immobilière, de baux, de contrat d'entreprise, de construction et de droit environnemental ; la Chambre commerciale : en matière de procédures collectives, de sociétés, de banque, de bourse, de propriété industrielle, de contrats d'affaires et de concurrence ; la Chambre sociale : en matière de droit du travail, de formation, de représentation du personnel ; la Chambre criminelle : en matière de crimes délits et contraventions. 

La chambre constitue la formation ordinaire de jugement, mais la Cour de cassation peut se réunir en formations de contentieux spéciales. Ainsi, en application de l'article L. 431-6 du Code de l'organisation judiciaire, “ le renvoi devant l'assemblée plénière peut être ordonné lorsque l'affaire pose une question de principe, notamment s'il existe des solutions divergentes, soit entre les juges du fond, soit entre les juges du fond et la Cour de cassation. Il doit l'être lorsque, après cassation d'un premier arrêt ou jugement, la décision rendue par la juridiction de renvoi est attaquée par les mêmes moyens ”. En outre, le renvoi devant l'assemblée plénière est de droit lorsque le procureur général le requiert avant l'ouverture des débats (Art. L. 431-7, COJ). L'assemblée plénière est présidée par le premier président, ou, en cas d'empêchement de celui-ci, par le plus ancien des présidents de chambre et comprend les présidents et les doyens des chambres ainsi qu'un conseiller de chaque chambre (Art. L. 421-5, COJ).

De même, aux termes de L. 431-5 du Code de l'organisation judiciaire, le renvoi devant une chambre mixte peut également être ordonné “lorsqu'une affaire pose une question relevant normalement des attributions de plusieurs chambres ou si la question a reçu ou est susceptible de recevoir devant les chambres des solutions divergentes ; il doit l'être en cas de partage égal des voix”. Le procureur général peut également demander la constitution d'une chambre mixte, en application de l'article L. 431-7. “Lorsqu'une chambre mixte doit être constituée, elle est composée de magistrats appartenant à trois chambres au moins de la cour” et “est présidée par le premier président, ou, en cas d'empêchement de celui-ci, par le plus ancien des présidents de chambre” ; “elle comprend, en outre, les présidents et doyens des chambres qui la composent ainsi que deux conseillers de chacune de ces chambres” (Art. L. 421-4, COJ).

La Cour de cassation peut également statuer en formation restreinte afin de se prononcer rapidement dans les affaires simples. L'article L. 431-1 du Code de l'organisation judiciaire dispose ainsi que les affaires soumises à une chambre civile sont examinées par une formation de trois magistrats (au lieu de cinq en formation ordinaire) appartenant à la chambre à laquelle elles ont été distribuées, qui statue" lorsque la solution du pourvoi s'impose" ; “dans le cas contraire, elle renvoie l'examen du pourvoi à l'audience de la chambre”.

Parmi les dispositions que le Code de procédure civile consacre à la Cour de cassation, il convient de distinguer la procédure avec représentation obligatoire (art. 974 à 982, CPC) et la procédure sans représentation obligatoire (art. 983 à 995 CPC), mais également la saisine pour avis (art. 1031-1 à 1031-7 CPC), le réexamen en matière civile (art. 1031-8 à 1031-23 CPC) et les incidents au nombre desquels figurent le désistement, la récusation, la demande en faux, la radiation ou la formation des pourvois incidents (art. 1024 à 1031 CPC).

Fonctionnement de la Haute juridiction

Ouvrages généraux : Droit et pratique de la cassation en matière civile, LexisNexis, 2e éd., Coll. Jurisclasseur Pratique professionnel, 2003 ; VUITTON, La juridiction du président, LexisNexis, 1re éd., 2010 ; Droit et pratique de la cassation en matière civile, LexisNexis, 2e éd., coll. Droits et Professionnels, 2012 ; RENOUX, MAGNON, BERNAUD, FOUCHER, MIGNARD, QPC - La question prioritaire de constitutionalité, LexisNexis, 2e éd., coll. Droit et Professionnels, 2013 ; BLERY et RASCHEL, 40 après… Une nouvelle ère pour la procédure civile, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2016 ; BLERY et RASCHEL, Vers une procédure civile 2.0, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2018 ; HORTALA, Les ober dicta de la Cour de Cassation, Dalloz, 1re éd., coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, 2019 ; J. et L. BORE, La cassation en matière civile, Dalloz, 6eéd., coll. Dalloz action, 2023 ; FRICERO, GOUJON-BETHAN, DANET, Procédure civile, LGDJ-Lextenso, 6e éd., 2023 ; BUK LAMENT, JOBARD-BACHELLIER, BACHELLIER, La technique de cassation, Dalloz, 10e éd., coll. Méthodes du droit, 2023 ; FRICERO, Procédure civile, Gualino-Lextenso, 20e éd., 2023 ; JOBARD-BACHELLIER, BACHELLIER, BUK LAMENT, La technique de cassation, Dalloz, 10e éd., 2023 ; GUINCHARD, Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz, 11e éd., 2024.

Articles : BORÉ, La fonction d'avocat auprès des cours suprêmes, D. 1989, Chron. 159 ; BURGELIN, La Cour de cassation en question, D. 2001, Chron. 932 ; DEUMIER, L'interprétation de la loi : quel statut ? quelles interprétations ? quel(s) juge(s) ? quelles limites ? RTD civ. 2011, 90 ; FRICERO, Avis de l'avocat général à la Cour de cassation - Procès équitable et égalité des armes dans le pourvoi en cassation, Procédures n° 8-9, Août-Septembre 2021, comm. 224 ; Pourvoi en cassation - Droit d'accès à la Cour de cassation et formalisme procédural, Procédures n° 6, Juin 2021, comm. 168 ; Pourvoi - Décret relatif au traitement de certains pourvois formés devant la Cour de cassation, JCP n° 43-44, 2021, act. 1122 ; Structuration des écritures, recevabilité du pourvoi en cassation et procès équitable, Procédures n° 12, Décembre 2021, comm. 324 ; Cour de cassation - Motivation enrichie des arrêts : la Cour de cassation publie un guide de rédaction, JCP n° 40, 2023, 1150 ; MATHIEU, La question de l'interprétation de la loi au cœur de la QPC, JCP 2010, 1071 ; MOLFESSIS Les avis spontanés de la Cour de cassation, D. 2007, Chron. 37 ; Procédure devant la Cour de cassation, Procédures n° 5, Mai 2017, alerte 13 ; PERDRIAU, Les formations restreintes de la Cour de cassation, JCP 1994, I, 3768 ; ROUHETTE, Une fonction consultative pour la Cour de cassation, Mélanges Breton et Derrida, 1991, Dalloz, 343 ; THERY, “ Pour une réforme du pourvoi en cassation en matière civile ” . - Observations sur le rapport Nallet, JCP n° 50, 2019, act. 1285 ; “ Filtrage des pourvois ” devant la Cour de cassation : des magistrats et avocats vent debout, JCP n° 17, 2018, 505 ; VOGEL dir., Cours suprêmes : comment le filtrage des recours révèle le pouvoir des juges, éd. Panthéon-Assas, L.G.D.J., Paris, 2005 ; ZÉNATI, La nature de la Cour de cassation, BICC 15 avril 2003, 3 ; ZÉNATI, La saisine pour avis de la Cour de cassation, D. 1992, Chron. 247.

4. Procédure devant la Cour de cassation

1. La Cour de cassation, Cour suprême?

2. Open data et structuration nouvelle des arrêts de cassation

3. Fonctionnement de la Haute juridiction

4. Bibliographie générale