Procédures collectives

Les créanciers ne peuvent être tenus responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, même en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de prise de garanties disproportionnées , que si ces concours sont en eux-mêmes fautifs . La caution qui souhaite engager la responsabilité de l’établissement de crédit, sur le fondement de l’article L. 650-1 du Code d …

Exigence d'une faute

Les créanciers ne peuvent être tenus responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, même en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de prise de garanties disproportionnées , que si ces concours sont en eux-mêmes fautifs . La caution qui souhaite engager la responsabilité de l’établissement de crédit, sur le fondement de l’article L. 650-1 du Code de commerce, ne peut obtenir gain de cause en se prévalant uniquement de moyens déloyaux caractérisant la fraude sans démontrer l'existence d'une faute dans l’octroi des concours . La seule disproportion du cautionnement consenti à l’occasion de concours financiers accordés par un établissement de crédit, ne suffit pas non plus à entraîner la nullité de cette garantie en l'absence de faute de la banque dans l'octroi du crédit . Réciproquement, l’existence d’une faute dans l’octroi de crédit, même établie, ne suffit pas à engager la responsabilité de l’établissement bancaire, en l'absence de preuve de l’existence d’une fraude , d’une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou encore une prise de garanties disproportionnées . Ainsi, il n'est pas nécessaire d'apprécier le caractère fautif des concours consentis lorsqu'aucun comportement relevant d'un des cas de mise en œuvre de la responsabilité du créancier n'est établi . 

Le concours consenti par un créancier présente un caractère fautif s'il est établi qu'il ne pouvait conduire qu'à la ruine du débiteur . Tel est le cas de la mise en œuvre d'une politique de crédit ruineux de nature à provoquer une croissance continue et insurmontable des charges financières du débiteur eu égard à ses perspectives de rentabilité et à ses capacités de remboursement . De même, accorde des concours ruineux, et par conséquent fautifs, le fournisseur qui ne se contente pas d'accorder des délais de paiement mais transforme des encours en prêts à intérêts garantis par une hypothèque de premier rang et un warrant agricole, dont la charge de remboursement annuel, en capital et intérêts, excède les facultés de paiement du client au regard de ses résultats d'exploitation, qu'il connaît pour avoir disposé des résultats comptables de l'entreprise .  L’octroi d'un crédit ruineux s'apprécie non seulement au regard de la situation de la société emprunteuse, mais aussi de celle des sociétés auxquelles elle est liée .

A contrario, la responsabilité du créancier ne peut être engagée pour faute lorsque les concours consentis n'ont pas provoqué la ruine du débiteur. Des concours sous forme d'avances en compte courant ne présentent pas de caractère fautif lorsqu'ils présentent un caractère ponctuel, ont été apportés plusieurs années avant les difficultés et que leur montant, rapporté au niveau d'activité de la société et à son degré d'endettement, exclut tout lien de causalité avec celles-ci . Le fait que la capacité d’autofinancement d’une entreprise demeure de façon prolongée inférieure à sa charge de remboursement en capital, ne confère pas nécessairement un caractère fautif à des concours octroyés sur une période de deux ans, dès lors qu'au cours de celle-ci, une amélioration nette sinon suffisante de l’excédent brut d’exploitation, du résultat net et donc de la capacité d’autofinancement a pu être observée . Un prêt qui a eu pour le débiteur le double effet bénéfique de réduire le taux d'intérêt de sa dette et de substituer à une dette exigible une dette d'emprunt payable en 8 ans, avec différé d'amortissement d'un an, ne peut pas davantage être qualifié de fautif . En outre, les concours consentis par un franchiseur ne présentent pas de caractère abusif du seul fait qu'il avait une connaissance très précise des difficultés du franchisé, dès lors qu'il lui a suggéré des actions commerciales propres à augmenter significativement son niveau de marge pour parvenir à une situation financière pérenne et qu'ainsi des perspectives de redressement existaient . Enfin, la banque qui fait preuve de mesure dans l’octroi d’un crédit en le limitant aux seules sommes dont elle peut raisonnablement attendre qu’elles puissent être remboursées par sa cliente et qui privilégie des prêts garantis par rapport à des prêts qui ne le sont pas, n’est pas fautive . 

La faute d'un créancier est également caractérisée s'il a consenti un concours au débiteur dont la situation était déjà irrémédiablement compromise . La preuve des difficultés financières pérennes et inextricables du débiteur, à la date du soutien prétendument abusif, ne peut se déduire ni de pièces comptables qui datent de plus de deux ans et demi après l’ouverture de crédit en cause, ni de l’octroi de deux autres prêts ayant pour objet la consolidation du découvert en compte et la reprise d’encours de prêts, dès lors que leurs mensualités ont été ajustées de manière à ne pas accroître la charge mensuelle de remboursement du débiteur . L’ouverture d’une procédure de sauvegarde, une année après l’octroi d’un concours financier est de nature à démontrer que celui-ci n’était pas fautif dès lors que la situation de la société n’était pas irrémédiablement compromise . L’octroi d’un découvert en compte, même s'il n'a fait l'objet d'aucun écrit, n’est pas non plus fautif lorsqu'il intervient après que les comptes du débiteur aient fait apparaître un résultat équilibré .

Présente aussi un caractère fautif l'octroi de concours conduisant à donner au débiteur une apparence de solvabilité trompeuse et à aggraver le passif. La banque qui consent à l’ouverture d’un second compte courant, tandis que le premier est déjà débiteur, et qui le laisse fonctionner en position débitrice dans des proportions devenues rapidement importantes, commet une faute dès lors que ces prêts déguisés ont augmenté le passif de l’entreprise par les intérêts importants appliqués, donné au débiteur une apparence de solvabilité trompeuse et retardé la constatation de l’état de cessation des paiements . L’octroi de billets financiers, systématiquement renouvelés sans que la société débitrice ne commence jamais à les rembourser, qui a pour effet de donner une apparence trompeuse de l’état de son compte bancaire, constitue un concours fautif lorsque cette pratique se poursuit pendant deux années alors que, parallèlement, les performances de la société ne s’améliorent pas . A contrario, la banque, qui, par une modalité d’écriture courante, crédite à nouveau, à la suite d’un débit, les échéances de remboursement du prêt qui n’ont pas été honorées, sans facturation d'intérêts au débiteur , ou qui reconduit seulement les différentes lignes de crédit octroyées jusqu’alors, en dépit de déficits ne remettant pas en cause la situation économique et financière du débiteur, n'accorde pas des concours fautifs dès lors qu'ils n'aggravent pas l’endettement de ce dernier . 

Cass. com., 19 juin 2012, LawLex202100003122JBJ (LJ) ; 20 septembre 2017, LawLex202300009725JBJ (LJ). 

Cass. com., 8 janvier 2013, LawLex202100003129JBJ (LJ). 

Amiens, 24 octobre 2019, LawLex202300008276JBJ (RJ).

Cass. com., 19 juin 2012, LawLex202100003122JBJ (LJ) ; Angers, 2 avril 2024, LawLex202400002893JBJ (LJ), LD mai 2024, 6, obs. BONNET-DESPLAN, considérant que les concours accordés par un franchiseur ne présentent pas de caractère ruineux dès lors qu'ils n'ont pas été consentis à des conditions anormales, c'est-à-dire à des taux d'intérêt et des durées d'amortissement excessives, au regard du taux d'endettement du franchisé.

Angers, 2 avril 2024, LawLex202400002893JBJ (LJ), LD mai 2024, 6, obs. BONNET-DESPLAN.

Rennes, 16 novembre 2021, LawLex202300008314JBJ (LJ).

Cass. com., 22 mars 2017, LawLex202100001567JBJ (LJ). 

Besançon, 23 novembre 2021, LawLex202300007846JBJ (LJ).

Chambéry, 3 mars 2022, LawLex202300008265JBJ (LJ). 

Aix-en-Provence, 4 avril 2019, LawLex202300008313JBJ (LJ).

Cass. com., 21 novembre 2018, LawLex202300007864JBJ (LJ). 

Rennes, 13 septembre 2022, LawLex202300008261JBJ (LJ). 

Cass. com., 1er juillet 2020, LawLex202300007859JBJ (LJ). 

Rennes, 16 novembre 2021, LawLex202300008314JBJ (LJ) ; Angers, 2 avril 2024, LawLex202400002893JBJ (LJ), LD mai 2024, 6, obs. BONNET-DESPLAN, retenant que les concours consentis par un créancier ne présentent de caractère abusif que si la situation du débiteur était déjà sans issue à la date de leur versement, sans qu'une insuffisance de trésorerie, même grave et prolongée ne suffise à remplir cette condition.

Cass. com., 27 mars 2012, LawLex202100001563JBJ (LJ) ; 11 décembre 2012, LawLex202300008112JBJ (LJ) ; 29 juin 2022, LawLex202200009309JBJ (LJ), considérant que la simple analyse, par le juge, de la disproportion de la valeur des garanties consenties par rapport au montant du prêt consenti, ne le dispense pas de rechercher et qualifier la faute commise par la banque à l’occasion de l’octroi du financement. 

Cass. com., 20 janvier 2021, LawLex202300007863JBJ (LJ). 

Paris, 21 octobre 2020, LawLex202000002837JBJ (RJ). 

Cass. com., 11 mai 2010, LawLex202100005450JBJ (RJ). 

Cass. com., 22 mars 2017, LawLex202100001567JBJ (LJ).

Cass. com., 10 janvier 2018, LawLex201800000065JBJ (RJ), Rev. sociétés 2018, 199, obs. ROUSSEL GALLE. 

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978. Exigence d'une faute

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