Procédures collectives

En vertu de l'article L. 624-16 du Code de commerce, la revendication des biens meubles ne peut s'effectuer que s'ils existent en nature, entre les mains du débiteur, à la date du jugement d'ouverture et non, comme ont tenté de le soutenir de nombreux revendiquants, à celle de l'action en revendication . Lorsque le débiteur a revendu les biens et que la revendication ne peut s'exercer que sur le p …

Existence en nature des biens revendiqués 

En vertu de l'article L. 624-16 du Code de commerce, la revendication des biens meubles ne peut s'effectuer que s'ils existent en nature, entre les mains du débiteur, à la date du jugement d'ouverture et non, comme ont tenté de le soutenir de nombreux revendiquants, à celle de l'action en revendication . Lorsque le débiteur a revendu les biens et que la revendication ne peut s'exercer que sur le prix de vente, les biens doivent avoir existé dans leur état initial, non à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, mais à celle de la délivrance au sous-acquéreur . 

La condition d’existence en nature s’entend de la conservation de la marchandise dans son état initial, c'est-à-dire sans qu'elle ait subi de transformation de nature à altérer sa substance. Le revendiquant d’un stock d’alevins doit par conséquent établir avoir procédé à sa livraison moins de dix-huit mois avant le jugement d’ouverture pour prouver que la marchandise revendiquée n'a pas achevé son processus de maturation et n'a pas subi de transformation irréversible . N'existent plus en nature au jour de l'ouverture de la procédure collective, des pierres précieuses, dont le sertissage rend impossible toute identification et individualisation . Pareillement, l'abattage et la découpe des animaux livrés au débiteur constitue une transformation qui empêche de considérer qu'ils se retrouvent en nature chez ce dernier avant le jugement d'ouverture . Néanmoins, toute opération effectuée sur la chose n'est pas susceptible de s'analyser en une transformation excluant le constat de son existence en nature. De fait, des opérations de sciage et d’appareillage, qui n’affectent pas la substance de la marchandise, ne remettent pas en cause son existence en nature et ne font pas obstacle à sa revendication . L'incorporation de moûts apportés par des associés coopérateurs les uns aux autres et le processus d'évolution et de vinification des récoltes apportées n'a pas pour effet de transformer leur substance, de sorte qu'ils peuvent être considérés comme se retrouvant en nature chez le débiteur en dépit de leur transformation . De même, la seule teinture de fils livrés par le vendeur, avant toute opération de tissage, n'a pas pour effet de les transformer et d'empêcher leur identification et revendication . 

L'existence des marchandises en nature dans le patrimoine du débiteur peut être constatée même si elles sont matériellement détenues par un tiers . Le vendeur qui revendique un bien assorti d’une clause de réserve de propriété est fondé à en obtenir restitution, que le débiteur le détienne dans ses locaux ou qu'il soit détenu par son représentant légal dans d'autres lieux . Cependant, la revendication d’un bien meuble, détenu par une société tierce, appartenant au même groupe de sociétés que la société débitrice placée en procédure collective, n’est pas recevable lorsque le propriétaire revendiquant n'établit pas que cette société sœur le détenait en nature pour le compte de la débitrice au moment de l’ouverture de la procédure collective . De même, une voiture dont le débiteur a transféré la possession à un tiers en paiement du prix de vente de son précédent véhicule, avant le jugement d’ouverture, ne peut être considérée comme se trouvant en nature dans son patrimoine du débiteur à cette date et ne peut faire l’objet d’une revendication .

La preuve de l'existence en nature des biens livrés peut, dans certaines circonstances, s'avérer délicate. Il en va ainsi lorsque les biens revendiqués étaient en cours de fabrication à la date du jugement d'ouverture : le propriétaire revendiquant ne peut suppléer à leur inexistence matérielle à cette date par la seule possibilité de les identifier ultérieurement . De même, l'absence de restitution au fournisseur des biens confiés au débiteur, ou de facturation de ceux-ci par ce dernier, ne suffit pas à établir qu'ils existent toujours en nature dans ses stocks au jour de l’ouverture de la procédure collective .

La preuve est néanmoins facilitée par l'obligation imposée au débiteur, par l'article L. 622-6 du Code de commerce, de dresser un inventaire de son patrimoine, qui mentionne les biens qu'il détient susceptibles d'être revendiqués par un tiers . Le texte précise, en son alinéa 5, que l'absence d'inventaire ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action en revendication. La jurisprudence va même plus loin en consacrant tantôt un allègement de la charge de la preuve, tantôt son renversement, lorsque l'inventaire n'a pas été établi ou s'avère incomplet, voire lorsque les organes de la procédure s'y opposent. Aussi, le vendeur sous clause de réserve de propriété, qui a tenté, pour éviter toute contestation, de faire pratiquer un inventaire du stock de la marchandise encore détenue par le débiteur immédiatement après le jugement d’ouverture, auquel ce dernier s'est opposé, peut-il se contenter, pour établir l'existence de sa marchandise en nature, de fournir une estimation de sa consommation journalière par le débiteur . Lorsque l'administrateur judiciaire refuse de communiquer l’inventaire des biens du débiteur, le revendiquant peut apporter la preuve de leur existence en nature par la seule production des bons de commande et de livraison . D'autres décisions estiment qu'en présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, qui équivaut à une absence d'inventaire, la preuve que le bien revendiqué, précédemment détenu par le débiteur, n'existe plus en nature au jour du jugement d'ouverture, incombe au mandataire judiciaire  et/ou au débiteur, à défaut de quoi il doit être fait droit à la revendication . La charge de la preuve est renversée lorsque l’inventaire réalisé par un commissaire-priseur ne détaille pas article par article les pièces détachées revendiquées par un créancier, qui bénéficie d’une clause de réserve de propriété, alors que celui-ci en a fourni un listing précis , et lorsque l’inventaire du patrimoine du débiteur ne mentionne pas le détail des pneumatiques vendus par un créancier alors qu’il en a adressé la demande au mandataire judiciaire . Des bouteilles de vin entreposées chez un débiteur soumis à une procédure de sauvegarde, qui ne démontre pas, à défaut d'inventaire dressé dans les huit jours du jugement d'ouverture, qu’elles n’étaient plus plus en sa possession à cette date, peuvent être revendiquées par leur propriétaire . Cependant, l'absence de réalisation d'un inventaire par l'administrateur ne dispense pas le vendeur d'établir l’identité entre les marchandises qu'il a livrées et celles qui existent en nature au jour du jugement d’ouverture  . 

Cass. com., 15 mars 2005, LawLex202100001665JBJ (RJ) ; 29 novembre 2016, LawLex202100001666JBJ (S).

Cass. com., 3 janvier 1995, LawLex202100001726JBJ (RJ). 

Cass. com., 8 mars 2017, LawLex202100001706JBJ (LJ). 

Cass. com., 4 mai 2017, LawLex202100001704JBJ (LJ). 

Cass. com., 31 mai 2016, LawLex202100003406JBJ (LJ). 

Cass. com., 28 septembre 2004, LawLex202100003635JBJ (RJ). 

V., pour une application, Cass. com., 17 mai 2017, LawLex202100003409JBJ (RJ).

Cass. com., 26 juin 2001, LawLex202100003404JBJ (RJ). 

Cass. com., 13 avril 1999, LawLex202100003403JBJ (LJ). 

Cass. com., 1er décembre 2009, LawLex202100001542JBJ (LJ). 

Bordeaux, 22 novembre 2021, LawLex202200000711JBJ (S) ; Cass. com., 25 octobre 2017, LawLex202100001653JBJ (LJ).  

Grenoble, 8 octobre 2020, LawLex202200000712JBJ (RJ). 

Cass. com., 11 juin 2014, LawLex202100001658JBJ (LJ). 

Douai, 5 juin 2014, LawLex202100005233JBJ (LJ). 

Cass. com., 15 décembre 1992, LawLex202100003402JBJ (RJ). 

Cass. com., 20 octobre 2009, LawLex202100003408JBJ (RJ). 

Cass. com., 22 mars 1994, LawLex202100001659JBJ (RJ). 

Cass. com., 26 février 1991, LawLex202100001655JBJ (RJ). 

Cass. com., 11 juillet 2006, LawLex202100001656JBJ (LJ). 

Cass. com., 6 mars 1990, LawLex202200003841JBJ, soulignant cependant que le revendiquant doit indemniser le débiteur de l'opération de teinture et de rebobinage.

Cass. com., 3 décembre 1996, LawLex202100001701JBJ (LJ).  

Cass. com., 10 mai 2012, LawLex202100001702JBJ (LJ), JCP E 2012, 1508, n° 6, obs. PETEL ; D. 2012, 326, obs. LIENHARD ; D. 2012, 2553, obs. GUILLOU ; RTD com. 2013, 143, obs. MARTIN-SERF ; LEDEN 2012, 2, obs. BORGA ; BJE 2012, 216, obs. LE MESLE ; RPC 2013, n° 133, obs. MONSERIE-BON ; RJ com. septembre-octobre 2012, 51, obs. SORTAIS ; Gaz. Pal. 3-4 août 2012, 32, obs. LE CORRE-BROLY ; D. 2012, 2548, obs. LECAROZ ; D. 2012, 2128, obs. MALLET-BRICOUT.

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