Procédures collectives

La compétence territoriale du tribunal est principalement déterminée par le lieu du siège du débiteur (1) et, à défaut de siège sur le territoire national, par celui du centre principal de ses intérêts en France (2). Cependant, certains impératifs commandent parfois de s'écarter de ces règles et de délocaliser la procédure (3), ou, pour les entreprises de taille plus conséquente, de la faire conna …

Compétence ratione loci

La compétence territoriale du tribunal est principalement déterminée par le lieu du siège du débiteur (1) et, à défaut de siège sur le territoire national, par celui du centre principal de ses intérêts en France (2). Cependant, certains impératifs commandent parfois de s'écarter de ces règles et de délocaliser la procédure (3), ou, pour les entreprises de taille plus conséquente, de la faire connaître par une juridiction spécialisée (4). 

Conformément à l'article R. 600-1 du Code de commerce, le tribunal territorialement compétent pour connaître des procédures collectives est celui dans le ressort duquel le débiteur, personne physique, a déclaré l'adresse de son entreprise ou de son activité. Lorsque le débiteur est une personne morale, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur a le siège de son entreprise. Pour éviter les manœuvres dilatoires, l'alinéa 2 du texte prévoit qu'en cas de changement de siège de la personne morale dans les six mois ayant précédé la saisine du tribunal, le tribunal dans le ressort duquel se trouvait le siège initial demeure seul compétent. Le délai court à compter de l'inscription modificative au registre du commerce et des sociétés (RCS) du siège initial. Ainsi, le siège dont il doit être tenu compte est celui de l'entreprise au jour de l'introduction de l'instance, et non celui du ressort dans lequel le débiteur a transféré sa société après celle-ci . De même, lorsqu’une société a été radiée du RCS après avoir transféré son siège social dans le ressort d’un autre tribunal et saisi une juridiction dans le ressort du siège initial, cette dernière demeure compétente pour ouvrir la procédure collective si moins de six mois se sont écoulés entre l'inscription modificative et la saisine . La Cour de cassation estime également que la société qui transfère précipitamment son siège social avant l'ouverture imminente d'une procédure collective commet une fraude aux droits des créanciers qui traduit la fictivité du nouveau siège et prive de sa compétence le tribunal de commerce dans le ressort duquel celui-ci est établi . En l'absence de transfert du siège social, celui-ci peut également être déclaré fictif lorsqu'aucune activité n'y est exercée  ou que le débiteur n'y est propriétaire d’aucun bien, bureau ou infrastructure qui justifieraient l’exercice d’une activité réelle au lieu où elle est immatriculée . Néanmoins, la fictivité du siège social d'une entreprise ne peut se déduire du seul fait qu'il est resté inoccupé et qu'aucun personnel n'y a été affecté, dès lors que l'activité de la débitrice se réduit à celle de bailleur de fonds de commerce .  

2) Lieu du centre principal des intérêts en France

L'article R. 600-1 du Code de commerce prévoit qu'à défaut de siège sur le territoire français, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur a le centre principal de ses intérêts en France. Le centre principal des intérêts d’une entreprise est situé dans le ressort du tribunal dont dépend son établissement principal au regard de son immatriculation au RCS  ou correspond au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts . En effet, la conclusion d'actes juridiques importants, tels que la souscription d'un prêt et la constitution de sûretés soumises à publicité en France, vérifiables par les tiers, démontre que le centre des intérêts principaux d'une entreprise qui a son siège à l'étranger se situe en réalité en France où sont gérés ses principaux intérêts et la fait relever de la compétence des tribunaux français . En revanche, le statut fiscal d'une entreprise ne constitue pas un critère de détermination du centre de ses intérêts principaux . Lorsqu’une entreprise a plusieurs établissements secondaires en France, le tribunal de commerce dont ressortit le principal de ceux-ci, c'est-à-dire celui qui a les bureaux les plus importants, est territorialement compétent pour ouvrir une procédure collective contre elle tant que le jugement qui l’a soumise à une procédure à l’étranger n’a pas reçu l’exequatur en France . 

Aux termes de l'article L. 662-2 du Code de commerce, “[l]orsque les intérêts en présence le justifient, la cour d'appel peut décider de renvoyer l'affaire devant une autre juridiction” de même nature que la juridiction initialement compétente. En application de ce texte, il est possible de déroger aux régimes de compétence territoriale en matière d’ouverture d’une procédure collective et de renvoyer celle-ci devant un autre tribunal que celui dans le ressort duquel le débiteur, personne morale, a son siège ou le débiteur, personne physique, a déclaré l’adresse de son entreprise ou de son activité, lorsque la préservation de l’impartialité de la justice le justifie . Il en va ainsi, notamment, en présence de soupçons d'amitié, voire de conflit d’intérêts, entre le juge et l'une des parties . L'article R. 662-7 du Code de commerce précise que “[c]es décisions s'imposent aux parties et à la juridiction de renvoi désignée”. Ces dispositions se révèlent particulièrement utiles pour mettre fin au conflit de solutions qui peut s'élever lorsque des tribunaux de ressorts différents ouvrent des procédures de nature différentes à l'égard d'une même entreprise. La décision de renvoi emporte, dans cette hypothèse, caducité de plein droit des décisions d’ouverture rendues par toute autre juridiction que celle désignée . En outre, l'article 47 du Code de procédure civile confère aux avocats un privilège de juridiction qui leur permet de demander à la juridiction dans laquelle ils exercent leurs fonctions de renvoyer l'affaire devant une autre, située dans un ressort limitrophe . La Cour de cassation a estimé que ce privilège de juridiction s'imposait au juge-commissaire . L'article R. 662-7 du Code de commerce définit les modalités d'obtention du renvoi. Il précise que la décision de renvoi constitue une mesure d'administration non susceptible de recours.

L'article L. 721-8 du Code de commerce énumère les hypothèses de compétence des “tribunaux de commerce spécialement désignés”. Ceux-ci sont notamment compétents pour connaître des procédures de redressement judiciaire lorsque le débiteur est une entreprise dont le nombre de salariés est égal ou supérieur à 250 et dont le montant net du chiffre d'affaires est d'au moins 20 millions d'euro, ou une entreprise dont le montant net du chiffre d'affaires est d'au moins 40 millions d'euro. Ils sont également compétents pour connaître d'une procédure de redressement ouverte à l'égard d'une société qui détient ou contrôle une autre société, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3 du même code, dès lors que le nombre de salariés de l'ensemble des sociétés concernées est égal ou supérieur à 250 et que le montant net du chiffre d'affaires de l'ensemble de ces sociétés est d'au moins 20 millions d'euro, ou à l'égard d'une société qui détient ou contrôle une autre société, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3, dès lors que le montant net du chiffre d'affaires de l'ensemble de ces sociétés est d'au moins 40 millions d'euro. En outre, le texte attribue compétence aux tribunaux de commerce spécialisés pour connaître des procédures collectives internationales. Le siège et le ressort des tribunaux spécialisés est fixé à l'annexe 7-1 du Livre 7 du Code de commerce. La compétence territoriale particulière des tribunaux de commerce spécialisés s'apprécie au regard de la situation économique concrète de l'entreprise au jour de sa demande d'ouverture, et non nécessairement à celui de la clôture de son dernier exercice comptable, qui peut lui être antérieur de plusieurs mois . La contestation, par le ministère public, de la compétence d'un tribunal de commerce non spécialisé s'analyse, non en une fin de non-recevoir, mais en une exception d'incompétence, de sorte que s'il a conclu au fond en première instance, il n'est plus recevable à la soulever pour la première fois en appel .

Paris, 24 octobre 1989, LawLex202100005001JBJ (LJ).

Cass. com., 6 janvier 1998, LawLex202100002179JBJ (RJ).

Cass. com., 11 avril 1995, LawLex202100004382JBJ (RJ).

Cass. com., 2 avril 2020, LawLex202100004362JBJ (LJ). 

Paris, 21 décembre 2018, LawLex202100004401JBJ (LJ). 

Cass. com., 17 février 1998, LawLex202100002185JBJ (LJ). 

Cass. com., 28 octobre 2008, LawLex202100002186JBJ (LJ) ; 2 octobre 2012, LawLex202100004387JBJ (LJ).

Cass. com., 12 octobre 2010, LawLex202100004383JBJ (LJ) ; 31 janvier 2012, LawLex202100004384JBJ (LJ) ; 10 mai 2012, LawLex202100004386JBJ (LJ).

Lyon, 14 novembre 2019, LawLex202100004397JBJ (RJ). 

Cass. com., 17 novembre 2021, LawLex202100005896JBJ (RJ). 

Cass. com., 8 mars 1988, LawLex202100002175JBJ (LJ).

Cass. 1re civ., 21 juillet 1987, LawLex202100002172JBJ (LJ).

Cass. com., 5 janvier 1999, LawLex202100004388JBJ (RJ) : dans une telle hypothèse, le siège doit être considéré comme situé dans le ressort du tribunal dont dépend l'activité du gérant associé et où sont domiciliés les créanciers.

Cass. com., 24 novembre 1982, LawLex202100002168JBJ (RJ).

Cass. com., 21 mars 2006, LawLex202100005122JBJ (RJ) ; LawLex202100005124JBJ (RJ). 

Paris, 18 décembre 2014, LawLex202100005123JBJ (LJ). 

Versailles, 19 janvier 2012, LawLex202100005628JBJ (S). 

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