Procédures collectives

Avant la loi du 25 janvier 1985 , les créanciers antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective étaient appréhendés en tant que “masse”, institution qui bénéficiait de la personnalité morale, et pouvait, par conséquent, agir en justice et disposer d'un patrimoine. La loi du 25 janvier 1985 a substitué à la masse des créanciers un mécanisme de représentation judiciaire de ceux-ci, qu …

Critère de l'intérêt collectif

MARTIN-SERF, L'intérêt collectif des créanciers, ou l'impossible adieu à la masse, Mélanges A. Honorat, éd. Frison-Roche, 2000, 143 ; MARTIN, La réparation du préjudice individuel des créanciers dans les procédures collectives, LPA 18 septembre 2001, 4 ; VALLANSAN, Le gage commun, in Les grands concepts du droit des entreprises en difficulté, Le Corre, Dalloz 2018, 19 ; THERON, L'intérêt collectif des créanciers enfin défini !, Gaz. Pal. 22 sept. 2015, p. 19 ; RAKOTOVAHINY, L'intérêt collectif des créanciers, obstacle au droit de créance individuel, LPA 27 décembre 1999, 6 ; SABRINNI, L'intérêt collectif des créanciers, un piège pour la Cour de cassation, RPC 2020, étude 4. 

Avant la loi du 25 janvier 1985 , les créanciers antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective étaient appréhendés en tant que “masse”, institution qui bénéficiait de la personnalité morale, et pouvait, par conséquent, agir en justice et disposer d'un patrimoine. La loi du 25 janvier 1985 a substitué à la masse des créanciers un mécanisme de représentation judiciaire de ceux-ci, qui les a dépossédés du droit d'agir pour la réparation de préjudices collectifs. L'actuel article L. 622-20 du Code de commerce, applicable à la procédure de redressement judiciaire sur renvoi de l'article L. 631-14, qui vise l'existence d'une action au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, exercée par le mandataire judiciaire, implique une représentation obligatoire de leurs intérêts. 

Cependant, le texte ne définit pas la notion d'intérêt collectif. La jurisprudence a remédié à cette carence en précisant que le préjudice collectif, subi par l'ensemble des créanciers et défendu par le mandataire judiciaire, se distingue du préjudice personnel, subi par l'un d'entre eux uniquement et pour lequel ce dernier peut agir seul . Une action en responsabilité engagée à titre individuel par un créancier ne peut être déclarée irrecevable pour le tout sans que le juge distingue entre les différents types de préjudices invoqués . Néanmoins, dès lors qu'un intérêt individuel se confond avec l'intérêt collectif des créanciers , l'action doit être exercée par le mandataire judiciaire qui a seul qualité pour défendre celui-ci.

La Cour de cassation n'a dégagé qu'assez tardivement le critère d'identification de l'intérêt collectif. Ce n'est qu'en 2015 qu'elle a posé en principe que ne relèvent de l'intérêt collectif que les actions qui tendent à la protection et à la reconstitution du gage commun . Par conséquent, l'action en responsabilité exercée par un associé ou un dirigeant, fondée sur le préjudice qui résulte de la perte de la valeur de sa participation dans le capital social, est irrecevable dès lors qu'elle ne tend finalement qu'à la reconstitution du gage commun et que ce préjudice, qui résulte de l’ouverture du redressement judiciaire, ne se distingue pas de celui subi par la collectivité des créanciers, dont la défense est assurée par le mandataire judiciaire . Un associé est irrecevable à réclamer la réparation du préjudice financier issu de la perte de son apport en capital, de son compte courant d'associé ou de fonds propres, ou encore du capital social , dès lors que ces demandes se rapportent à une fraction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers et non à un préjudice exclusivement personnel  et que ces préjudices sont subis indistinctement et collectivement par tous les créanciers . Les associés ne sont pas non plus recevables à agir en réparation du préjudice lié à la perte du fonds de commerce , ou à la dépréciation de celui-ci , dès lors que, dans le premier cas, leur action tend à la reconstitution du gage commun des créanciers et que, dans le second, le préjudice ne constitue qu’une fraction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers du fait de l'amoindrissement du patrimoine social. Par ailleurs, la Cour de cassation estimait qu'un créancier qui se prévalait de la perte de chance d'être intégralement désintéressé par le débiteur subissait un préjudice individuel fondé sur un intérêt distinct de celui des autres créanciers . Désormais, elle considère que l'action par laquelle un créancier cherche à être indemnisé du non-recouvrement de sa créance tend à la reconstitution du gage commun des créanciers . De même, ne justifient pas d'un intérêt personnel, distinct de l'intérêt collectif des créanciers, le titulaire d’une hypothèque inscrite sur l’immeuble du débiteur en procédure collective qui souhaite intervenir volontairement à la procédure d’incident de saisie immobilière engagée par ce dernier  ou les héritiers du débiteur, caution solidaire d'un prêt souscrit par la SCI familiale, qui agissent en règlement, entre les mains du mandataire judiciaire, des sommes dues par les assureurs au titre des contrats d'assurance-décès souscrits par leur auteur . 

En revanche, les créanciers sont recevables à agir à titre individuel lorsqu'ils fondent leur prétention sur un préjudice personnel, distinct du préjudice subi par la collectivité des créanciers. Constitue en premier lieu un tel préjudice, la perte d'une rémunération escomptée. Un dirigeant social ou un entrepreneur individuel placé en procédure collective, peuvent demander réparation de la perte pour l'avenir des rémunérations qu'ils auraient pu percevoir puisque, étrangère à la protection et à la reconstitution du gage commun des créanciers, une telle prétention ne relève pas du monopole du mandataire judiciaire  . S'assimile à la perte de rémunération, celle d'un complément de prix dans le cadre d'une opération de cession d'actions échelonnée dans le temps . En second lieu, un préjudice personnel peut résulter de la perte d'une chance de ne pas engager une dépense. La jurisprudence admet de fait la recevabilité de l'action de la caution  ou de la société mère d'une débitrice, appelée en garantie, fondée sur le préjudice lié à la perte de chance de ne pas avoir à exécuter ses engagements . Présente également un caractère personnel un préjudice usuellement considéré comme porté à l'intérêt collectif des créanciers, comme la perte d'un apport en capital ou en compte courant, lorsqu'il est causé par la faute d'un professionnel du chiffre ou d'un dirigeant de la société débitrice. Aussi, un actionnaire ou un investisseur qui recherche la réparation du préjudice subi au titre de la perte de ses apports, concours ou investissements invoque-t-il un préjudice personnel, distinct du préjudice collectif des créanciers et étranger à la reconstitution du gage commun lorsque celui-ci ne résulte pas de la défaillance de la société débitrice, mais de l'insincérité des comptes sociaux fournis par ses dirigeants . De même, le cessionnaire des parts d'une société est recevable à assigner l’expert-comptable de la société débitrice en responsabilité pour manquement à ses obligations professionnelles dès lors que le préjudice qu’il allègue en raison de la perte des fonds qu'il a avancés en compte courant d'associé n'est pas le corollaire de celui subi par l'ensemble des créanciers de la procédure mais constitue un préjudice exclusivement personnel lié à l'opération d'investissement qu’il a réalisée . Enfin, certaines actions échappent au monopole du mandataire judiciaire en raison des qualités de la personne dont les intérêts sont défendus. En effet, l'action en réparation des préjudices invoqués par les salariés licenciés  et l'action ut singuli exercée pour défendre les intérêts de la société  ne relèvent pas du domaine des actions au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers. De même, le receveur des impôts qui invoque un droit propre né de l’attribution immédiate, à son profit, d'une créance saisie entre les mains de la banque du débiteur est recevable en sa tierce opposition contre le jugement qui admet une compensation des dettes réciproques de ces derniers, sans avoir à être représenté par le mandataire judiciaire .

Il n'y a pas lieu de rechercher si le préjudice invoqué revêt un caractère personnel distinct de celui des créanciers dès lors que le demandeur à l'action n'établit pas l'existence d'une faute , telle que la présentation de comptes annuels infidèles par l'expert-comptable et le commissaire aux comptes ou les manœuvres dolosives des dirigeants des sociétés débitrices . Enfin, l'absence de préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers qui agissent en responsabilité contre le débiteur en procédure collective constitue une fin de non-recevoir d'ordre public que le juge peut relever d'office . 

L. 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises. 

Cass. com., 4 octobre 2005, LawLex202100005544JBJ (LJ) ; 7 mars 2006, LawLex202100002939JBJ (LJ) ; 21 novembre 2018, LawLex202100002953JBJ (LJ).

Cass, 1re civ., 3 février 2016, LawLex202100002951JBJ (LJ). 

Cass. com., 11 octobre 1994, LawLex202100002938JBJ (RJ). 

Cass. com., 28 juin 2016, LawLex202100002941JBJ (LJ). 

Cass. com., 21 novembre 2018, LawLex202100001066JBJ (LJ).

Cass. com., 10 janvier 2006, LawLex202100005602JBJ (LJ). 

Cass. com., 8 septembre 2021, LawLex202200001925JBJ (LJ), LAPCC novembre 2021, alerte 255, obs. PAGNUCCO ; JCP E 2022, n° 1156, obs. SAUPIN. V. aussi, Cass. com., 17 octobre 2018, LawLex202100002960JBJ (LJ) ; 29 septembre 2015, précit. ; Cass. 1re civ., 3 février 2016, précit.

Cass. com., 14 juin 2017, LawLex202100001545JBJ (LJ).

Cass. com., 17 octobre 2018, LawLex202100002960JBJ (LJ) ; 9 décembre 2008, LawLex200900000139JBJ (LJ).

Cass. com., 11 janvier 2005, LawLex202100002959JBJ (RJ). 

Cass. com., 2 février 2022, LawLex202200001046JBJ (LJ). - V. déjà, Cass. com., 9 mars 2010, 

LawLex202200001923JBJ (RJ), Dr. sociétés 2010, n° 109, obs. COQUELET ; RPC 2011, n° 16, obs. MARTIN-SERF ; Rev. sociétés 2010, 230, obs. LE NABASQUE ; BJS 2010, 538, obs. SCHMIDT ; JCP E 2010, n° 1483, obs. SCHILLER.

Cass. com., 19 décembre 2018, LawLex202100002957JBJ (RJ).

Cass. com., 10 décembre 2013, LawLex202100002954JBJ (LJ). 

Cass. com., 12 novembre 2020, LawLex202100006152JBJ (S). 

Cass. com., 14 novembre 2000, LawLex202200001599JBJ (RJ). 

Cass. com., 23 avril 2013, LawLex202100005612JBJ (RJ). 

Cass. com., 19 décembre 2018, précit. ; 2 février 2022, précit. 

Cass. com., 16 janvier 2019, LawLex202100002943JBJ (LJ). 

Cass. com., 16 octobre 2007, LawLex202100005603JBJ (LJ). 

Cass. com., 2 juin 2015, LawLex202100001543JBJ (RJ). 

Cass. com., 18 janvier 2017, LawLex202100002955JBJ (RJ) ; 27 septembre 2017, LawLex202100002964JBJ (RJ) ; 27 novembre 2019, LawLex202100005616JBJ (LJ) ; 28 janvier 2014, LawLex202100005565JBJ (LJ) considérant que la perte de valeur des actions ou parts d'un associé ne constitue pas un dommage personnel distinct de celui subi collectivement par tous les créanciers du fait de l'amoindrissement ou de la disparition de ce patrimoine.

Cass. com., 23 novembre 2004, LawLex202100005614JBJ (LJ).

Cass. com., 29 septembre 2015, LawLex201500001189JBJ (LJ) ; 21 juin 2016, LawLex201600001157JBJ (LJ) ; 5 juin 2019, LawLex202100005615JBJ (LJ) ; 22 septembre 2021, LawLex202100005432JBJ (LJ).

Cass. com., 14 décembre 1999, LawLex202100005464JBJ (LJ). 

Cass. com., 12 juillet 2017, LawLex202100002958JBJ (LJ).

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