Procédures collectives

Conformément à l'article L. 643-2, alinéa 1er, du Code de commerce, les créanciers titulaires d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque et le Trésor public pour ses créances privilégiées peuvent, dès lors qu'ils ont déclaré leurs créances et même si elles ne sont pas encore admises, exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire . 

Pour pouvoir s'opposer à une saisie immobilière diligentée par un créancier, le liquidateur judiciaire doit justifier au moins d’un commencement d’exécution de la vente des biens grevés, intervenu dans le délai de trois mois suivant le jugement de liquidation judiciaire. Ce commencement d'exécution ne peut être établi par la seule ordonnance du juge-commissaire, autorisant toute expertise et toute recherche à l’effet de déterminer avec précision la consistance et l’évaluation des immeubles de la débitrice, ou par les démarches du liquidateur pour faire dresser l’inventaire des biens de la société débitrice, l'établissement de son rapport ou la demande d'une estimation des immeubles avant l’expiration du délai de trois mois, lorsque les deux premières s’inscrivent strictement dans la mission qui lui est confiée par le jugement qui le désigne et que les estimations remontent à deux ans . En revanche, la reprise de la saisie immobilière par le créancier titulaire de sûretés, en vertu de l'article L. 643-2 du Code de commerce, ne peut avoir lieu lorsque le bien immobilier en cause a fait l'objet d'une cession de gré à gré par ordonnance du juge-commissaire passée en force de chose jugée, même en l'absence d'accomplissement des actes nécessaires à sa réalisation .

En cas d’inaction du liquidateur, le créancier titulaire du privilège du vendeur et du prêteur de deniers qui a déclaré sa créance peut, sans y être tenu, exercer son droit de poursuite individuelle aussitôt écoulé le délai de trois mois à compter de l’ouverture de la liquidation . S'agissant de la vente d'immeubles, l'article L. 643-2, alinéa 3, renvoie aux dispositions de l'article L. 642-18 relatives aux ventes aux enchères et aux ventes amiables. Le texte prévoit que lorsqu'une procédure de saisie immobilière a été engagée avant le jugement d'ouverture, le créancier titulaire d'une hypothèque est dispensé, lors de la reprise des poursuites individuelles, des actes et formalités effectués avant ce jugement, de telle façon que la vente forcée du bien peut être ordonnée par le juge-commissaire qui en fixe la mise à prix et les conditions essentielles , en accord avec le créancier poursuivant . Le cahier des charges qui fixe les conditions de la vente du bien saisi et la mise à prix ne peut être déposé sans l’intervention du juge-commissaire, sous peine de priver de toute validité la procédure de saisie immobilière et d’entraîner la radiation du commandement publié, dans le cadre de cette procédure, au bureau des hypothèques .

L'article L. 643-2 renvoie à l'alinéa 5 de l'article L. 642-18, aux termes duquel le liquidateur répartit le produit des ventes et règle l'ordre entre les créanciers, sous réserve des contestations qui sont portées devant le juge de l'exécution. La Cour de cassation en déduit que le droit de poursuite individuelle des créanciers n'a pas pour effet de modifier l’ordre des paiements, mais autorise seulement la poursuite ou l’engagement des voies d’exécution .

L'hypothèse prévue par l'article L. 643-2 du Code de commerce doit être distinguée de celle où le créancier titulaire d'une sûreté réelle, ou d'un privilège de prêteur de deniers, qui a régulièrement déclaré sa créance, poursuit la vente d'un immeuble dont la déclaration d'insaisissabilité lui est inopposable. En effet, l'article L. 643-2 du Code de commerce concerne uniquement le cas où un créancier se substitue au liquidateur qui n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans les trois mois de la liquidation et non celui où ce dernier est légalement empêché d'agir par une déclaration d'insaisissabilité qui lui est opposable. Dans une telle hypothèse, le créancier n'a pas à être autorisé par le juge-commissaire pour faire procéder à la saisie de l'immeuble, qui obéit au droit commun de la saisie immobilière, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une opération de liquidation judiciaire . Lorsque la saisie-immobilière d'un bien du débiteur en liquidation judiciaire a été régulièrement engagée par le créancier, auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable, le juge-commissaire commet un excès de pouvoir en autorisant la reprise de la procédure .

Pour une application, Riom, 28 février 2024, LawLex202400002035JBJ (LJ).

Nancy, 25 mars 2015, LawLex202300006863JBJ (LJ).

Nîmes, 12 octobre 2022, LawLex202300005236JBJ (LJ). 

Paris, 3 mai 2004, LawLex202300007452JBJ (LJ) ; Riom, 28 février 2024, LawLex202400002035JBJ (LJ).

C. com., art. L. 642-18, al. 1er ; Cass. 2e civ., 7 juin 2012, LawLex202300005071JBJ (LJ).

C. com., art. R. 643-1. - Pour une application du principe sous l'empire des anciens textes, V. Cass. com., 6 janvier 1998, LawLex202300005068JBJ (LJ).

Cass. com., 19 mars 1991, LawLex202300006288JBJ (LJ). 

Cass. 3e civ., 2 juillet 2003, LawLex202300006485JBJ (LJ). 

Cass. com., 5 avril 2016, LawLex202100001443JBJ (LJ), D. 2016, 837, obs. LIENHARD ; Rennes, 20 septembre 2016, LawLex202300005234JBJ (LJ) ; 4 mai 2017, LawLex202300005244JBJ (LJ) ; Montpellier, 25 octobre 2018, LawLex202300005235JBJ (LJ).

Cass. com., 25 octobre 2017, LawLex202300005243JBJ (LJ). 

938. Reprise du droit de poursuite individuelle des créanciers titulaires de sûretés