Marques, Brevets d'invention, Dessins et modèles

Propriété industrielle

L'article L. 513-6 du Code de la propriété intellectuelle, issu de l'ordonnance du 25 juillet 2001, fixe limitativement les actes exclus du monopole sur le dessin ou modèle. Ainsi, ne peuvent constituer une contrefaçon de dessin ou modèle les actes accomplis à titre privé et à des fins non commerciales, les actes accomplis à des fins expérimentales et les actes de reproduction à des fins d’illustration ou d’enseignement.

1) Actes accomplis à titre privé et à des fins non commerciales

Le titulaire d'un dessin ou modèle ne peut interdire à un tiers d'exploiter sa création à titre privé et sans finalité commerciale. Cette exception, qui figure également en droit des brevets, est rarement invoquée en pratique en droit des dessins et modèles car elle se déduit de la lecture a contrario de l'article L. 513-4 du Code de la propriété intellectuelle, qui liste les actes susceptibles d'interdiction par le propriétaire du titre.

2) Actes accomplis à des fins expérimentales

Comme en droit des brevets, l'exception des actes accomplis à des fins expérimentales vise à favoriser le développement et l'innovation. Elle permet à un tiers d'étudier le dessin ou modèle d'un concurrent pour développer une création propre. Ainsi, aucune contrefaçon n'est caractérisée par la reproduction d’un modèle de columbarium faite de manière isolée, pour la réalisation d'un prototype à partir de chutes, dans le seul but de vérifier ses proportions et son esthétique, la réalisation n'ayant jamais été commercialisée, vendue, achevée ou posée, et ne figurant dans aucune documentation .

3) Actes de reproduction à des fins d'illustration ou d'enseignement

La contrefaçon n'est pas constituée pour les actes de reproduction d'un dessin ou modèle à des fins d'illustration ou d'enseignement, sous réserve du respect de trois conditions cumulatives. Ces actes doivent mentionner l’enregistrement et le nom du titulaire des droits, être conformes à des pratiques commerciales loyales  et ne pas porter préjudice à l’exploitation normale du dessin ou modèle (art. L. 513-6, c) CPI). Dans une décision du 10 octobre 2013 , le Tribunal de grande instance de Paris a ainsi exclu la mise en œuvre de l'exception à des fins d'illustration concernant la reproduction d'un parapluie dans une publicité relative à un produit cosmétique, à défaut d'indication du titulaire et de l'enregistrement du modèle de parapluie. Selon le tribunal, le parapluie ne constitue pas un accessoire mais un élément essentiel du décor. En outre les juges ont considéré que l'exception d'accessoire s'applique dans le domaine des droits d'auteur et non dans celui des dessins et modèles, qui répondent à des règles différentes.

Selon la Cour de justice ,  l'objectif de l'exception à des fins d'illustration consiste à limiter les droits conférés par le dessin ou modèle au profit des actes de reproduction qui servent de base pour des explications ou des commentaires propres à celui qui vise à se prévaloir de cette limitation, et éviter de décourager l'innovation en empêchant une entreprise créatrice de nouveaux produits destinés à être compatibles avec des produits existants d'utiliser les images de ces produits lors d'une mise en vente licite de ses propres produits, pour expliquer ou démontrer l'emploi conjoint de ces deux catégories de produits (pt 76).

La Cour considère que la condition de conformité aux pratiques commerciales loyales n'est pas remplie lorsque l'acte de reproduction à des fins d'illustration ou d'enseignement des dessins ou modèles protégés est réalisé d'une manière telle qu'il donne l'impression qu'il existe un lien commercial entre le tiers et le titulaire des droits conférés par lesdits dessins ou modèles, lorsque le tiers qui souhaite se prévaloir de la limitation prévue à cette disposition dans le contexte de la commercialisation de produits qui s'emploient conjointement avec des produits correspondant à des dessins ou à des modèles protégées, viole les droits conférés par le titre au titulaire du dessin ou du modèle, ou lorsqu'il tire indûment profit de la renommée commerciale du titulaire (pt 80).

La condition d'absence d'atteinte indue à l'exploitation normale du dessin ou du modèle vise notamment à empêcher que l'acte de reproduction à des fins d'illustration affecte négativement les intérêts économiques que le titulaire des droits conférés par des dessins ou des modèles pourrait tirer d'une exploitation normale de ses titres (pt 82).

Enfin, le juge européen précise que l'obligation d'indiquer la source n'est satisfaite que si le type d'indication choisi à des fins d'illustration et d'enseignement lors d'une activité commerciale permet à un consommateur normalement informé, raisonnablement attentif et avisé d'identifier facilement l'origine commerciale du produit qui correspond au dessin ou au modèle (pts 83 et 84).

4) Pièces détachées de véhicules à moteur et remorques

La loi du 22 août 2021  a introduit une nouvelle exception à l'article L. 513-6 du Code de la propriété intellectuelle, relative aux actes visant à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur ou à une remorque, au sens de l'article L. 110-1 du Code de la route, et qui portent sur des pièces relatives au vitrage ou sont réalisés par l'équipementier ayant fabriqué la pièce d'origine (art. L. 513-6, 4°, a) et b) CPI). Elle a également modifié l'article L. 513-1 du même code pour limiter à dix ans au lieu de vingt-cinq la durée de protection par l'enregistrement des pièces mentionnées au 4° de l'article L. 513-6 pour lesquelles il ne prévoit pas d'exception à l'exercice des droits conférés par l'enregistrement d'un dessin ou modèle.

Ces dispositions trouvent leur source dans la directive 98/71, qui, afin de favoriser la concurrence, instaure une exception à la protection des dessins et modèles pour certaines pièces détachées (art. 14). Cette “clause de réparation” a pour objectif d'exclure de la protection le dessin ou modèle sur une pièce d'un produit complexe utilisée dans le but de permettre la réparation du produit pour lui rendre son apparence initiale. A défaut de consensus trouvé entre les Etats membres, l'article 14 de la directive permet aux Etats membres de maintenir leur législation existante en la matière, mais ils ne peuvent introduire de modifications à ces dispositions que dans le but de libéraliser le marché de ces pièces (clause dite "freeze plus"). La “clause de réparation” a été adoptée de façon disparate en droit interne par plusieurs pays européens afin d'autoriser la vente, la distribution, la fabrication et l'importation de pièces détachées non agréées par les constructeurs automobiles pour permettre la réparation d'un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale.

La proposition de directive du Paquet Modèles du 28 novembre 2022 a pour objectif, notamment, de parachever et harmoniser le marché intérieur des pièces de rechange. Elle contient une “clause de réparation” harmonisée au sein de l'Union (art. 19) qui met un terme au régime transitoire existant. Le texte exclut de la protection les pièces de rechange dites “must-match”, c'est-à-dire les pièces de produits complexes conditionnées par la forme de ceux-ci, utilisées dans le seul but de permettre la réparation du produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale. Ainsi, il deviendrait juridiquement possible, dans tous les pays de l'Union, de reproduire des pièces de carrosserie identiques aux pièces d'origine afin de rétablir l'apparence initiale d'un véhicule. Cette exclusion ne pourra toutefois être invoquée par le fabricant ou le vendeur d’une pièce d’un produit complexe comme moyen de défense dans le cadre d'une action en contrefaçon s'il n’a pas dûment informé les consommateurs, au moyen d’une indication claire et visible figurant sur le produit ou sous toute autre forme appropriée, de l’origine du produit destiné à être utilisé aux fins de la réparation du produit complexe, indication permettant aux consommateurs de faire un choix en connaissance de cause entre des produits concurrents pouvant être utilisés pour la réparation. La “clause de réparation” n'aura vocation à s'appliquer qu'aux dessins ou modèles futurs, la protection des droits existants étant garantie pendant une période transitoire de dix ans.

Le droit du titulaire sur le dessin ou modèle ne s’exerce pas sur des équipements installés à bord d’un navire ou d’un aéronef immatriculé dans un autre pays qui pénètrent temporairement sur le territoire français, ni lors de l’importation en France de pièces détachées et d'accessoires pour la réparation de ces navires ou aéronefs ou à l'occasion de cette réparation (art. L. 513-7 CPI).

Nancy, 4 janvier 2010, n° 06/00750, LawLex202300009286JBJ

La condition de conformité à des pratiques commerciales loyales s'inspire du régime anglo-saxon de fair-use.

TGI Paris, 10 octobre 2013, n° 11/14875, LawLex202300009287JBJ, Propr. ind., n° 2, février 2016, comm. GREFFE ; Comm. com. électr., n° 9, septembre 2014, chron. KAHN ; D. 2014. 2207, obs. GALLOUX et LAPOUSTERLE.

CJUE, 27 septembre 2017, aff. C-24/16, Nintendo Co c. Bigben, LawLex201800000684JBJ, Propr. ind., n° 9, septembre 2022, comm. KAPYRINA ; Europe 2017, comm. 444, IDOT.

L. 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, JO du 24 août 2021. La loi du 22 août 2021 a été adoptée à la suite à l'avis de l'Autorité de la concurrence qui a recommandé l'adoption d'une “clause de réparation” en droit français, pour un fonctionnement plus efficace du secteur de l’après-vente automobile : Aut. conc., avis n° 12-A-21 du 8 octobre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel des secteurs de la réparation et de l'entretien de véhicules et de la fabrication et de la distribution de pièces de rechange.

511. Actes et équipements exclus