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Décisions

CA Nancy, 4e ch. corr., 13 mars 2001, n° 00-00565

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Olitec (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jurd

Conseillers :

M. Magnin, Mlle Muzzin

Avocats :

Mes Saffar, Hemmerdinger

TGI Nancy, 3e ch. corr., du 19 mars 1999

19 mars 1999

RAPPEL DE LA PROCÉDURE:

LE JUGEMENT

Le Tribunal, par jugement du 19 mars 1999 contradictoire, a poursuivi B Philippe pour :

Revente d'un produit par un commerçant à un prix inférieur à son prix d'achat effectif, entre le 15 janvier 1997 au 2 juin 1997, à Nancy, Paris et Terri. Nation., infraction prévue par l'article 32 § 1 al. 1, al. 2 de l'Ordonnance 86-1243 du 01/12/1986 et réprimée par les articles 32 § 1 al. 1, 55 al. 1 de l'Ordonnance 86-1243 du 01/12/1986.

Annonce de la revente d'un produit par un commerçant à un prix inférieur à son prix d'achat effectif, entre le 15 janvier 1997 au 2 juin 1997, à Nancy, Paris et Terri. Nation., infraction prévue par l'article 32 § 1 al. 1, al. 2 de l'Ordonnance 86-1243 du 01/12/1986 et réprimée par les articles 32 §1 al. 1, 55 al. 1 de l'Ordonnance 86-1243 du 01/12/1986.

et a statué comme suit:

Sur l'action publique :

Renvoie B Philippe des fins de la poursuite.

Sur l'action civile :

Reçoit en sa constitution de partie civile, la société Olitec, prise en la personne de son représentant légal.

Au fond, la déboute de ses demandes en raison de la relaxe,

Condamne la société Olitec à verser à M. Philippe B une somme de 20.000 F au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :

M. le Procureur de la République, le 24 mars 1999 contre M. B Philippe,

La société Olitec, le 24 mars 1999 contre M. B Philippe,

Sur ce LA COUR :

I- EN LA FORME

Attendu que les appels de la partie civile et du Ministère Public, réguliers en la forme, ont été enregistrés dans les délais légaux

Qu'il y a lieu de les déclarer recevables;

II- AU FOND :

SUR L'ACTION PUBLIQUE :

Attendu que M. Philippe B est gérant de la société X dont l'objet est la commercialisation sous la dénomination "Y", des accès sur le réseau Internet.

Que dans le cadre de cette activité, la société X a commercialisé un produit comprenant un abonnement à Internet pour le prix de 1289 F TTC, et un coffret "Modem Z ", appareil permettant à un micro ordinateur d'être connecté au réseau Internet, pour le prix de 1 F TTC.

Qu'à cet effet, la société X a fait paraître dans la presse spécialisée une publicité ainsi libellée :

"1 an d'internet le passeport Y accès complet et illimité 1289 F TTC + le Modem Z vocal plus 1 F TTC = 1290 F TTC".

Attendu que la société Olitec qui a pour activité la fabrication et la distribution d'appareils de télécommunication et plus particulièrement de fax modem, et qui est en concurrence directe avec les sociétés K-Z, considérant que cette offre commerciale constituait le délit de publicité mensongère et le délit de revente à perte, a déposé plainte le 10 février 1997 auprès du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Nancy, contre le représentant légal de la société X.

Qu'en outre le 11 février 1997, la société Olitec a saisi le Président du Tribunal de Commerce de Nancy statuant en référé, afin d'obtenir l'arrêt immédiat de tout support publicitaire de l'annonce publicitaire de la société X comportant le message incriminé à savoir : "abonnez-vous à Internet l'opérateur Y vous offre le modem ... pour 1 F de plus".

Que par Ordonnance du 26 février 1997, le Président du Tribunal de Commerce a débouté la société Olitec de sa demande au motif que le message incriminé n'était constitutif, ni d'une publicité trompeuse, ni d'une revente à perte";

Attendu cependant, que l'enquête préliminaire diligentée par le service du Parquet près le Tribunal de Grande Instance de Nancy, dans le cadre de la plainte déposée par la société Olitec, aurait fait apparaître que le délit de revente à perte et d'annonce de revente à perte, prévu et réprimé par l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, était constitué à l'encontre de M. B, représentant légal de la société X.

Que c'est dans ces conditions que M. B a été poursuivi devant le Tribunal Correctionnel de Nancy du chef de revente d'un produit à un prix inférieur à son prix d'achat effectif, et du chef d'annonce de la revente d'un produit à son prix d'achat effectif;

Attendu que les poursuites reposent en effet sur une comparaison entre le prix de 1 F annoncé par la société X, comme étant celui du modem, et le prix auquel le fournisseur de la société X, à savoir, la société Z, lui vendait ce produit;

Que la juxtaposition de ces deux chiffres permettrait effectivement de considérer que l'infraction de revente à perte est bien constituée;

Qu'à cet égard les services de la Direction de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des fraudes, saisie pour avis par le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Nancy ont indiqué:

"Que l'appareil soit revendu seul, ou avec l'abonnement, mais faisant l'objet d'un prix distinct, ou avec l'abonnement et faisant l'objet d'un prix forfaitaire globalisant les deux, le prix annoncé ne doit en aucun cas être inférieur au seuil de la revente à perte de l'appareil".

Attendu que le Tribunal Correctionnel de Nancy a néanmoins prononcé la relaxe de M. B et a débouté la partie civile de ses demandes après avoir relevé qu'il n'était pas démontré en l'espèce que le prévenu aurait obéré l'actif de sa société dans le cadre de l'opération commerciale proposée par lui, le prévenu offrant en effet un abonnement minimum d'un an à Internet, abonnement à l'issue duquel il se retrouve bénéficiaire, et qu'il n'était pas davantage établi que soient intervenues des ventes au prix de 1 F, ce qui seul pourrait constituer de manière indiscutable une revente à perte;

Attendu que la partie civile et le Ministère Public ont relevé appel de cette décision.

Que la société Olitec à l'appui de son appel, fait valoir, que le produit Z était bien facturé au consommateur qui répondait favorablement à l'offre de la société, pour la somme de 1 F, alors que ce même produit était facturé à la société X au moins 500 F HT ; que s'appuyant sur les termes de l'avis donné par la DDCCRF, la société Olitec soutient que les infractions de revente à perte et d'annonce de revente à perte, sont parfaitement constituées.

Que pour sa part, le prévenu soutient qu'il faut, pour calculer le prix d'achat d'un produit tel que commercialisé par la société X, considérer l'opération dans son ensemble, celle-ci présentant un caractère indivisible;

Attendu, selon la société Olitec, que les infractions de revente à perte et d'annonce de revente à perte reprochées au prévenu sont bien constituées, qu'il est impossible d'envisager l'opération de vente litigieuse dans son économie globale, sauf à considérer qu'il s'agirait d'une vente jumelée, mais que l'offre proposée ne remplit aucune des deux conditions posées pour rendre licite une telle vente;

Attendu qu'il y a lieu de rappeler, que dans le cadre de son activité, c'est-à-dire, la commercialisation des accès sur le réseau Internet (activité dite de "provider"), la société X a commercialisé entre janvier et juin 1997 un produit composé, d'une part, d'un abonnement à Internet, et d'autre part d'un modem 33600 PC, appareil permettant à un micro ordinateur d'être connecté au réseau Internet, et ce, pour le prix de 1290 F TTC, étant précisé que la publicité relative à cette offre était ainsi conçue :

"1 an d'Internet le passeport Y accès complet et illimité 1289 F TTC + le modem Z Vocal plus 1 F TTC 1290 F TTC".

Attendu que les poursuites dirigées contre M. B reposent en l'espèce sur une comparaison entre le prix de 1 F annoncé par la société X comme étant celui du modem, et le prix auquel le fournisseur de la société X, à savoir, la société Z, lui avait vendu ce modem.

Attendu certes que la seule juxtaposition de ces deux valeurs concernant la revente du modem prise isolément, fait apparaître en effet un dépassement du seuil de revente à perte;

Or attendu qu'en l'espèce, l'offre commerciale diffusée et proposée par la société X, combine tout à la fois un abonnement à Internet et la fourniture d'un modem Z permettant la connexion au réseau Internet;

Que la combinaison des deux éléments ci-dessus constitue donc le support de l'offre commerciale dont s'agit, et confère ainsi à l'opération incriminée un caractère indivisible;

Que dès lors, pour déterminer si en l'espèce, cette opération constitue ou non une revente à perte, il convient d'envisager cette opération dans son ensemble, c'est-à-dire, en ses deux éléments indissociables que sont la prestation de service, (abonnement au réseau internet) et le produit fourni (modem 33600);

Qu'il ressort de l'analyse de l'opération ainsi considérée que le prix de 1290 F TTC s'avère supérieur au prix d'achat du modem (610 F) ainsi qu'au prix de revient pour la société X, de la prestation de service complémentaire, à savoir, l'abonnement d'un an à Internet;

Qu'il ne peut donc être soutenu que la société X dont M. B est le gérant, aurait pratiqué une revente à perte, alors que le prix de 1290 F TTC n'était nullement inférieur aux coûts d'achat et de production effectivement supportés par cette société;

Qu'il convient de relever, comme l'a fait le tribunal, que les produits fabriqués par la société Olitec ont également été vendus dans le cadre de telles offres (abonnement à Internet + modem), et ce, dans des proportions supérieures à celles de la société gérée par M. B;

Qu'il ressort en effet des pièces versées aux débats que la société Infonie, fournisseur d'accès à Internet a offert aux consommateurs, pour les inciter à s'abonner auprès d'elle pour un an au prix de 125 francs par mois, un modem "Olitec" gratuit.

Qu'il ressort de tout ce qui précède, que les infractions de revente à perte et d'annonce à perte, reprochées à M. B ne sont en l'espèce nullement caractérisées, pas plus qu'il n'est démontré que M. B a eu l'intention de commettre ces infractions.

Attendu dans ces conditions, que pour les motifs ci-dessus, et ceux non contraires des Premiers Juges que la Cour adopte, il y a lieu de débouter la société Olitec de son appel, et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions pénales et civiles.

Attendu par ailleurs, que M. B n'ayant été poursuivi que des seuls chefs de revente à perte et d'annonce de revente à perte, la société Olitec n'est pas recevable à invoquer devant la Cour à l'encontre de M. B, le délit de publicité trompeuse.

Attendu que M. B ne rapportant pas la preuve du caractère abusif de la constitution de partie civile de la société Olitec, il y a lieu de le débouter de sa demande en dommages-intérêts de ce chef.

Qu'en outre, M. B, n'est pas recevable à solliciter pour lui-même l'application des dispositions de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement : Déclare recevables en la forme les appels de la partie civile et du Ministère Public, Les déclare mal fondés. Les en déboute. Au fond, Sur l'action publique, Confirme en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions pénales. Sur l'action civile, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions civiles, Déclare irrecevable la demande de la société Olitec fondée sur le délit de publicité trompeuse non visé dans la prévention. Déclare irrecevable la demande de M. B fondée sur les dispositions de l'article 475-l du Code de Procédure Pénale. Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires. Condamne la société Olitec aux dépens d'appel.