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Décisions

CA Poitiers, ch. civ. sect. 1, 19 octobre 1999, n° 9704477

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Chambre syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire

Défendeur :

Mutualité de l'Anjou

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

M. Saint-Arroman

Président :

Mme Mechiche

Conseillers :

MM. Hovaere, Barthelemy, Mlle Lafon

Avoués :

SCP Gallet, SCP Landry-Tapon

Avocats :

Mes Fallourd, Sultan.

TGI Angers, du 22 mars 1994

22 mars 1994

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DE PARTIES

La Mutualité de l'Anjou est un groupement à but non lucratif qui, au moyen des cotisations versées par ses membres, se propose de mener une action de prévoyance, de solidarité et d'entraide ;

Ses statuts prévoient la possibilité de créer et de gérer des œuvres sociales mutualistes ;

Parmi ces œuvres sociales, ont été notamment créées deux pharmacies mutualistes à Angers et à Cholet sans personnalité juridique distincte de celle de la Mutualité de l'Anjou ;

La Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire, estimant que les pharmacies du département subissaient de la part de la Mutualité de l'Anjou une concurrence illicite, au sens de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, du fait que la cotisation forfaitaire acquittée par les adhérents qui s'engageaient à ne se fournir en médicaments qu'auprès de ces pharmacies mutualistes, était inférieure à celle demandée aux adhérents qui entendaient conserver le choix de leur pharmacien exerçant à titre libéral, a assigné, par acte d'huissier des 7 et 9 janvier 1992, la Mutualité de l'Anjou et la Mutualité de l'Anjou (AMTNS) en dommages et intérêts et pour faire cesser les pratiques discriminatoires dont elle se prétendait victime, devant le Tribunal de Grande Instance d'Angers qui, par jugement du 24 mars 1994, a statué comme suit :

- Maintient à la cause la Mutualité de l'Anjou AMTNS;

- Écarte la demande en tant qu'elle est fondée sur l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

- Vu les dispositions de l'article L. 121-2 du Code de la Mutualité et celles de l'article R. 5015-30 du Code de la Santé Publique ;

- Dit que la mutualité de l'Anjou et la mutualité de l'Anjou AMTNS pratiquent des barèmes de cotisations discriminatoires au préjudice des Officines Libérales et portent atteinte au libre choix par les malades de leur pharmacien ;

- Dit qu'elles devront mettre fin à ces pratiques en fixant leurs cotisations en conformité avec les dispositions de l'article L. 121-2 du Code de la Mutualité dans les trois mois de la signification du présent jugement ;

- Dit qu'à défaut, elles y seront contraintes par le versement d'une astreinte de trente mille francs (30 000 F) par jour de retard ;

- Condamne in solidum la Mutualité de l'Anjou et la Mutualité AMTNS à verser à la Chambre Syndicale des Pharmaciens la somme de trois millions (3 000 000 F) à titre de dommages et intérêts ;

- Rejette la demande d'exécution provisoire ;

- Condamne in solidum la Mutualité de l'Anjou et la Mutualité de l'Anjou AMTNS à verser à la Chambre Syndicale des Pharmaciens la somme de vingt mille francs (20 000 F) en vertu du l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

- Condamne in solidum la Mutualité de l'Anjou et la Mutualité de l'Anjou AMTNS aux dépens ;

Saisie par la Mutualité de l'Anjou et la Mutualité de l'Anjou AMTNS, la Cour d'appel d'Angers a, par arrêt en date du 7 mars 1995, infirmant, statué ainsi :

- Constate que l'Union Mutualiste des Travailleurs Non Salaries Non Agricoles (AMTNS) a été absorbée par la Mutualité de l'Anjou avec effet du 1er janvier 1991 ; dit qu'elle ne figure pas à la cause comme n'ayant pas la personnalité juridique et que c'est à tort que les premiers juges ont décidé de l'y maintenir ;

- Déboute la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire de ses demandes, fins et conclusions ;

- La condamne à régler à la Mutualité de l'Anjou un montant total de 15 000 F au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci devant le Tribunal et devant la Cour ;

- Déboute la Mutualité de l'Anjou de sa réclamation de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Condamne la Chambre Syndicale des pharmaciens du Maine et Loire aux dépens de première instance et d'appel ;

Saisie par la Chambre Syndicale des Pharmaciens de Maine et Loire, la Cour de Cassation, par arrêt du 21 octobre 1997, a annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt du 7 mars 1995, en retenant deux moyens de cassation :

* Le premier au visa de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 pour violation de ces dispositions au motif que :

" Le régime juridique des Mutuelles comme le caractère non lucratif de leur activité n'est pas de nature à les exclure du champ d'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dès lors qu'elles procèdent, comme en l'espèce, par la commercialisation de médicaments, à une activité de production, de distribution et de service ";

* Le second au visa de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 pour défaut de base légale :

" La Mutualité de l'Anjou en exploitant une pharmacie dépourvue de personnalité juridique distincte était la concurrente directe des officines libérales et par voie de conséquence "sa partenaire économique" de sorte que la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire était fondée à demander réparation du préjudice subi du fait prix discriminatoire pratiqué par la Mutuelle à l'égard de ses adhérents, non justifié, selon elle par des contreparties réelles, afin d'obtenir qu'ils fréquentent exclusivement les pharmacies mutualistes du Département... ";

La Chambre Syndicale des Pharmacies du Maine et Loire, qui a saisi le 15 décembre 1997, la Cour d'appel de Poitiers, désignée comme Cour de Renvoi, a conclu en dernier lieu le 30 mars 1999 en priant la Cour de :

Vu le jugement du tribunal de grande instance du 22 mars 1994 ;

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 21 octobre 1997 ;

* Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 121-2 du Code de la Mutualité et celles de l'article R. 5015-30 du Code de la Santé Publique ;

* dit que la Mutualité de l'Anjou et la Mutualité de l'Anjou AMTNS pratiquent des barèmes de cotisations discriminatoires au préjudice des officines libérales et portent atteinte au libre choix par les malades de leurs pharmaciens ;

* dit qu'elles devront mettre fin à ces pratiques en fixant leurs cotisations en conformité avec les dispositions de l'article L. 121-2 du Code de la Mutualité dans les trois mois de la signification du présent jugement ;

* dit qu'à défaut elles y seront contraintes par le versement d'une astreinte de 30 000 F par jour de retard ;

* Infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a écarté l'applicabilité à la Mutualité de l'Anjou et à la Mutualité de l'Anjou AMTNS des dispositions de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

* Déclarer la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire recevable et bien fondée en son appel incident ;

Statuant à nouveau,

* Dire et juger la demande formulée par la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire sur le fondement de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 recevable et bien fondée ;

* Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Mutualité de l'Anjou et la Mutualité AMTNS à verser à la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire la somme de 3 000 000 F à titre de dommages et intérêts ;

* Déclarer la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire recevable et bien fondée en son appel incident ;

Statuant à nouveau,

* Dire et juger la demande formulée par la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire sur le fondement de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 recevable et bien fondée ;

* Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Mutualité de l'Anjou et la Mutualité AMTS à verser à la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire la somme de 3 000 000 F à titre de dommages et intérêts ;

* Déclarer sur ce point l'appel incident de la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire recevable et bien fondé ;

Statuant à nouveau,

* Condamner in solidum la Mutualité de l'Anjou et la Mutualité de l'Anjou AMTNS à verser à la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire la somme de 6 000 000 F à titre de dommages et intérêts ;

* Condamner in solidum la Mutualité de l'Anjou et la Mutualité de l'Anjou AMTNS à verser à la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire la somme de 100 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

La Mutualité de l'Anjou, prise tant en son nom qu'en qualité de cessionnaire venant aux droits de la société Mutualité de l'Anjou AMTNS le 17 décembre 1998, après avoir discuté sur :

- l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

- la fin de non-recevoir tirée du mode d'établissement des tarifs;

- " l'interprétation erronée de l'article 36-1 par la Cour de cassation " ;

- l'inexistence d'un quelconque partenariat économique entre les mutuelles et les officines libérales ;

- l'existence des contreparties réelles pour les adhérents ;

- le dommage prétendument subi par la Chambre Syndicale du Maine et Loire;

- l'article L. 121-2 du Code de la Mutualité ;

- l'article R. 5015-30 du Code de la Santé Publique ;

- les frais non compris dans les dépens,

a requis la Cour, infirmant, de déclarer la Chambre Syndicale des Pharmacies du Maine et Loire irrecevable et mal fondée en ses demandes dirigées contre la Mutualité de l'Anjou, et de condamner la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire à lui payer la somme de 50 000 F (article 700 du Nouveau Code de procédure civile) ;

Le Procureur Général, le 1er avril 1999, s'en est rapporté à Justice ;

L'ordonnance de clôture de la procédure et intervenue le 8 avril 1999;

II convient de donner acte à la Mutualité de l'Anjou de ce qu'elle vient aux droits de la Société Mutualité de l'Anjou AMNTS;

SUR LA FIN DE NON-RECEVOIR TIREE DU MODE D'ETABLISSEMENT DES TARIFS :

La Mutualité de l'Anjou soutient que l'action entreprise par la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire (La chambre Syndicale) ne saurait prospérer à l'encontre de la Mutualité de l'Anjou dans la mesure où cette dernière ne fixe nullement les barèmes de cotisations applicables aux adhérents des mutuelles ;

Ce moyen, qui tend à faire payer que la Mutualité de l'Anjou n'a pas la qualité d'auteur de pratiques discriminatoires au sens de l'article 36-1 de l'ordonnance de 1er décembre 1996, n'est pas une défense au fond, mais constitue une fin de non-recevoir au sens des dispositions de l'article 122 du Nouveau Code de procédure civile ;

La Chambre Syndicale est recevable à rechercher la responsabilité de la Mutualité de l'Anjou en qualité d'auteur des pratiques discriminatoires en présence du vote en Assemblée Générale de la Mutualité de l'Anjou, Union des Mutuelles, à qui il appartient de déterminer librement les garanties proposées à cet égard aux adhérents, et qui a retenu un barème comportant deux prestations distinctes appelées respectivement "Pharmacie Mutualiste" et "Toutes Pharmacies" qui sont assorties de cotisations d'un montant corrélativement différencié", tel que cela a été rappelé par la Mutualité de l'Anjou dans son mémoire de défense devant la Cour de Cassation, et peu importe, au regard de la recevabilité de l'action de la Chambre Syndicale que ce soient les mutuelles adhérentes qui, par la suite, fixent individuellement et de manière autonome les barèmes de cotisations qu'elles appliquent à leurs adhérents ;

SUR L'ORDONNANCE DU 1er DECEMBRE 1986:

<vdcf>Le régime juridique des mutuelles comme le caractère non lucratif de leur activité n'est pas de nature à les exclure du champ d'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dès lors qu'elles procèdent comme en l'espèce, par la commercialisation de médicaments, à une activité de production, de distribution et de services</vdcf>

<vdcf>La Mutualité de l'Anjou, en exploitant une pharmacie dépourvue de personnalité juridique distincte, est la concurrente directe des officines libérales, et, par voie de conséquence, sa "partenaire économique", de sorte que la Chambre Syndicale des Pharmacies du Maine et Loire est fondée à demander réparation du préjudice subi du fait du prix discriminatoire pratiqué par la mutuelle à l'égard de ses adhérents, non justifié, selon elle par des contreparties réelles, afin d'obtenir qu'ils fréquentent exclusivement les pharmacies mutualistes du département</vdcf>;

Le jugement déféré doit donc être réformé en ce qu'il a jugé que l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'était pas applicable au cas d'espèce;

SUR LES "CONTREPARTIES REELLES"

La mise en œuvre de tarifications différentes selon l'option à laquelle l'adhérent a souscrit est justifiée par les garanties plus ou moins étendues qui lui sont accordées dans l'un et l'autre des cas ;

Ainsi, les deux pharmacies mutualistes de Cholet et Angers, outre la délivrance de médicaments et l'offre aux adhérents de certains services également offerts par les officines libérales, ne sont toutefois pas en mesure d'offrir un service aussi complet que les officines libérales;

En effet, l'accès à ces pharmacies mutualistes est plus restreint car, d'une part, il est strictement réservé aux adhérents mutualistes et d'autre part, ces pharmacies mutualistes ne sont qu'au nombre de deux sur le territoire d'intervention des mutuelles fédérées au sein de la Mutualité de l'Anjou pour 270 officines libérales et n'assurent pas de garde les dimanches et jours fériés. En outre ces pharmacies ne sont pas autorisées à diffuser certains produits que les officines libérales peuvent vendre ;

Indépendamment du service ainsi rendu aux adhérents par les pharmacies mutualistes, les mutuelles fédérées au sein de la Mutualité de L'Anjou assurent la couverture des dépenses de santé laissées à la charge des assurés sociaux par les régimes obligatoires d'assurance maladie, c'est-à-dire le ticket modérateur ;

L'option "pharmacie mutualiste" offre une prestation plus limitée consentie en contrepartie d'une cotisation moindre et l'option "toutes pharmacies" correspond à une garantie plus large est assortie de ce fait d'une cotisation plus élevée;

Plus précisément, la formule " pharmacie mutualiste " à laquelle correspond la cotisation la moins élevée constitue une garantie plus limitée car elle subordonne le remboursement du ticket modérateur afférent aux frais de médicaments à leur délivrance par une des deux pharmacies mutualistes gérées par la Mutualité de l'Anjou. La mise en jeu de cette couverture complémentaire impose donc des contraintes de déplacement à l'adhérent qui n'habite pas à proximité de l'une des deux pharmacies mutualistes, ce qui sera le plus souvent le cas. Le bénéfice de cette prestation sera même écarté, au cas où l'adhérent n'aura pu s'adresser à l'une des deux pharmacies mutualistes. Il en sera nécessairement ainsi certains jours fériés et lors des déplacements de l'adhérent hors du département du Maine et Loire;

L'autre formule dite "toutes pharmacies" plus onéreuse, ne comporte pas en revanche de tels inconvénients et limitations de garantie. Que l'adhérent s'approvisionne à la pharmacie mutualiste ou dans une officine libérale et donc quel que soit le jour ainsi que le lieu où il est conduit à se procurer des médicaments, il bénéficie de la prise en charge du ticket modérateur. En contrepartie d'un supplément de cotisation, la garantie est étendue à tout achat de médicaments remboursables sans autre restriction ;

Ainsi, cette modulation des prestations assurant le remboursement du ticket modérateur est contrebalancée par l'ajustement des cotisations correspondantes;

Par ailleurs, qu'il s'agisse de la formule "pharmacie mutualiste" ou de la formule "toutes pharmacies", l'adhérent a accès aux pharmacies mutualistes gérées par la Mutualité de l'Anjou et par là-même aux service qui s'attachent à leur fonctionnement légal. La différence existant entre ces deux formules et justifiant celles des cotisations correspondantes ne réside donc nullement dans l'octroi des avantages propres à la pharmacie mutualiste mais exclusivement dans l'étendue du remboursement du ticket modérateur;

En outre, gage de l'égalité de traitement entre les adhérents, la tarification de chacune des garanties ne varie pas en fonction du risque particulier présenté par l'adhérent bénéficiaire. Pour une même prestation, la contribution demandée est identique ;

Enfin les adhérents peuvent librement décider de choisir l'un ou l'autre des deux formules proposées de sorte que l'existence même d'une pratique discriminatoire n'est pas avérée ;

En conséquence, la Chambre Syndicale des Pharmacies du Maine et Loire ne peut utilement soutenir que la mise en place de tarifs de cotisations différents selon que l'adhérent adhère à l'option "toutes pharmacies" ou à l'option " pharmacie mutualiste ", constituerait une pratique discriminatoire au sens de l'article 36.1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 puisqu'aussi bien les garanties proposées sont plus ou moins étendues dans l'un et l'autre cas et le montant de la cotisation est corrélativement plus ou moins élevé;

La Chambre Syndicale doit donc être déboutée de ces prétentions en ce qu'elles sont fondées sur l'ordonnance du 1er décembre 1986;

SUR L'ARTICLE L. 121-2 DU CODE DE LA MUTUALITE

La Chambre Syndicale soutient que la proposition, par leurs mutuelles respectives, de deux formules pour la couverture des dépenses de santé induit une différence de traitement entre les adhérents en violation des dispositions de l'article L. 121-2 du Code de la Mutualité ;

Ainsi que le soutient expressément la Mutualité de l'Anjou, les dispositions de l'article L. 121-2 du Code de la mutualité étant destinées à protéger les adhérents d'une mutuelle d'éventuelles inégalités de traitement entre eux, elles ne peuvent être invoquées, selon un principe général du droit, que par ces mêmes adhérents ;

La règle étant destinée en l'occurrence à protéger les mutualistes, la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire n'a donc ni qualité ni intérêt à se prévaloir de la violation de celle-ci, à supposer qu'elle soit constituée ;

La Chambre Syndicale doit donc être déclarée irrecevable en sa demande fondée sur l'article L. 121-2 du Code de la Mutualité ;

SUR L'ARTICLE R. 5015-30 DU CODE DE LA SANTE PUBLIQUE

La Chambre Syndicale reproche à la Mutualité de l'Anjou de diriger les malades vers ses propres pharmacies mutualistes, en leur consentant des avantages indirects sur le coût de leurs achats ;

Les barèmes de cotisations mis en place par les mutuelles ne portent nullement atteinte au principe du libre choix du pharmacien par le malade;

En effet, il a été précédemment indiqué que les adhérents sont parfaitement libres de choisir l'une ou l'autre formule selon qu'elle leur semble plus avantageuse ;

II est de l'essence même du système mutualiste, tel que consacré par le législateur, d'octroyer des avantages aux adhérents en échange de leur contribution financière. Les avantages consentis par la pharmacie mutualiste sont par là même explicitement dévolus par loi, ce qui suffit à justifier d'écarter l'application des dispositions de l'article R. 5015-30 du Code de la santé publique ;

Ces avantages ne sont pas liés au choix de la formule "toutes pharmacies" ou de la formule "pharmacie mutualiste" mais au seul fait d'être d'adhérent et de se rendre à la pharmacie mutualiste. Dans ces conditions, la question de l'équivalence des cotisations entre chacune de ces prestations et les garanties qu'elles recouvrent ne se pose nullement ;

Aussi doit être écarté le moyen tire de la méconnaissance de l'article R. 5015-30 du Code de la Santé publique ;

SUR LA CONVENTION DE 1983

La Chambre Syndicale ne peut prétendre utilement que la Mutualité de l'Anjou a enfreint son engagement du 16 mai 1983, à l'occasion de la convention du tiers-payant, de respecter le libre choix de pharmacien par le malade dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle a amené ses candidats adhérents, par une publicité mensongère, à opter pour le système "pharmacie mutualiste" plutôt pour le système "toutes pharmacies" et alors que chacun a la possibilité d'adhérer ou non et de choisir librement, s'il adhère, l'une des deux formules proposées ;

La demande de la Chambre Syndicale fondée sur la convention du 16 mai 1983 doit être également être rejetée ;

En définitive, il s'avère que les textes et la convention visés par la Chambre Syndicale ne peuvent lui permettre de voir prospérer son action en dommages et intérêts dont elle sera déboutée ;

SUR L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, la Chambre Syndicale doit être déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions pour l'ensemble de la procédure de première instance (disposition réformée) et d'appel, tandis que la Mutualité de l'Anjou doit recevoir la somme de 40 000 F ;

Les dépens de première instance et d'appel, comprenant ceux de l'arrêt cassé, seront supportés par la Chambre Syndicale ;

Par ces motifs, LA COUR : Donne acte à la Mutualité de l'Anjou de ce qu'elle est présente aux débats en son nom et en qualité de cessionnaire venant aux droits de la société Mutualité de l'Anjou AMNTS; Réformant le jugement déféré ; Déclare la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire irrecevable ou mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions, y compris sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile pour l'ensemble des procédures de première instance et d'appel ; l'en déboute ; Condamne la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire à payer à la Mutualité de l'Anjou la somme 40 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ; Condamne la Chambre Syndicale des Pharmaciens du Maine et Loire aux dépens de première instance et d'appel comprenant ceux de l'arrêt cassé et autorise la SCP Landry-Tapon à recouvrer ceux dont elle a fait l'avance.