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Décisions

CA Angers, 1re ch. A, 30 novembre 1998, n° 9801270

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Union des coopératives Cooperl Hunaudaye

Défendeur :

Maïs angevin (SA), Coopérative Agralco Coutances, Coopérative Cam 53 Laval, Coopérative Coopagri Bretagne Landerneau

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chauvel

Conseillers :

M. Lemaire, Mme Lournet

Avoués :

SCP Chatteleyn, George, SCP Gontier-Langlois, Me Vicart, SCP Gontier-Langlois, SCP Dufourgburg-Guillot

Avocats :

Mes Miassart, Ouard, Bellat, Barbary, Druais.

T. com. Angers, prés., du 20 mars 1998

20 mars 1998

LA COUR

Par acte du 23 janvier 1998, l'Union des Coopératives Cooperl Hunaudaye a assigné en référé la société Maïs angevin, la Coopérative Cam 53 Laval, la Coopérative Agralco Coutances et la Coopérative Coopagri Bretagne Landerneau aux fins essentiellement de s'entendre décerner acte de ce qu'elle passe commande ferme à la société Maïs angevin de 500 doses de 50.000 grains, traitement normal de la semence de Maïs angevin 258 et de voir, en conséquence :

- condamner la société Maïs angevin à lui livrer, dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance à intervenir, en son magasin Apro situé à Plestan (22) 500 doses de 50.000 grains, traitement normal, de semence de maïs Anjou 258,

- condamner la société Maïs angevin, sous astreinte de 5.000 F par jour de retard, à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, à lui communiquer l'ensemble des conditions générales de vente, y compris les remises qu'elle pratique en fin de campagne,

- ordonner à la société Maïs angevin et aux sociétés distributrices de lui communiquer l'ensemble des documents contractuels relatifs à la commercialisation de la semence de maïs établis entre elles.

Elle exposait principalement :

- que souhaitant vendre à ses adhérents de la semence de maïs, elle a pris contact au mois de décembre 1996 avec la société Maïs angevin aux fins de connaître ses conditions générales de vente et de passer commande de différentes doses de maïs à cette société,

- que malgré une demande expresse passée suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 décembre 1996, elle n'a pas reçu les documents exigés par la réglementation qui seuls lui auraient permis de passer commande,

- que tentant néanmoins de satisfaire sa clientèle, elle a, au mois d'octobre 1997 pris contact avec la société Maïs angevin pour que soient étudiées, avec celle-ci, les conditions commerciales pour la campagne 97/98,

- que n'ayant pas eu de réponse à ses entretiens téléphoniques et à son fax du 23 octobre 1997, elle a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 novembre 1997, sollicité de la société Maïs angevin la communication des conditions générales de vente,

- que c'est dans ces conditions que la société Maïs angevin lui a transmis par courrier du 1er décembre 1997, un document intitulé "conditions générales de vente",

- que ce document démontre l'insuffisance de la transparence des tarifs et des conditions de vente appliqués sur le marché par la société Maïs angevin,

- que le justificatif des remises dites de fin de campagne et leur mode de calcul ne lui a point été communiqué,

- que cette information est d'autant plus importante qu'elle lui permettait de répercuter les remises auxquelles elle pouvait prétendre sur le prix de revente de la semence de maïs à ses agriculteurs,

- que l'ensemble des conditions de vente de la société Maïs angevin ne lui ayant pas été communiquées, elle est fondée à en obtenir la communication, sur le fondement des articles 872, 873 et 145 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- qu'elle est également fondée à solliciter des sociétés distributrices la communication des documents contractuels et des factures de semence de maïs établis par la société Maïs angevin,

- que le refus de la société Maïs angevin depuis 1996 de contracter avec elle est illicite, et s'explique par la crainte qu'ont ces sociétés distributrices et la société Maïs angevin, de la voir pratiquer une marge de distribution inférieure à celle de ses concurrents.

Par ordonnance de référé du 20 mars 1998, le Président du Tribunal de Commerce d'Angers s'est déclaré incompétent matériellement en ce qui concerne les coopératives Cam 53, Agralco et Coopagri de Bretagne, a renvoyé la Cooperl Hunaudaye à mieux se pourvoir, l'a condamnée à payer à chacune des coopératives la somme de 5.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et a déclaré la Cooperl Hunaudaye mal fondée en ses demandes contre la SA Maïs angevin et l'a condamnée à payer à cette dernière 8.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les dépens.

L'Union des Coopératives Cooperl Hunaudaye a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses écritures, elle demande à la Cour :

- d'infirmer l'ordonnance déférée,

- vu l'article 632 du Code de Commerce,

- de dire que les sociétés Coopagri Bretagne, Agralco et Cam 53 Laval réalisent des actes de commerce en achetant de la semence de maïs pour la revendre en nature,

- de se déclarer en conséquence compétente pour connaître de ses demandes à leur encontre,

- de dire que constitue un trouble manifestement illicite le refus de la société Maïs angevin de lui communiquer l'ensemble de ses conditions de vente, y compris les remises de fin de campagne, que la société Maïs angevin accorde à certains distributeurs, avec laquelle elle est liée par des accords de coopération commerciale sans que la société Maïs angevin justifie que son choix de distributeurs partenaires est fonction de critères objectifs, relatifs à la qualification professionnelle des distributeurs, de leur personnel et de leurs installations et ce, non d'une façon générale, mais d'une façon précise et détaillée, alors qu'il appartient au juge de vérifier leur mise en œuvre,

- de condamner la société Maïs angevin, sous astreinte de 5.000 francs par jour de retard, à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, à lui communiquer l'ensemble des conditions générales de vente, y compris les remises qu'elle pratique en fin de campagne,

- d'ordonner à la société Maïs angevin et aux sociétés distributrices de lui communiquer l'ensemble des documents - contractuels, relatifs à la commercialisation de la semence de maïs établis entre elles,

- de juger que le refus de livrer, au motif que la marchandise serait en rupture de stock, sans la moindre justification, est illicite,

- de condamner la société Maïs angevin à lui payer la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Subsidiairement et si la Cour s'estimait insuffisamment informée, elle sollicite la désignation d'un ou plusieurs experts avec pour mission :

- de se rendre au siège et dans les établissements de la SA Maïs angevin,

- après avoir entendu en qualité de sachants les experts-comptables de la SA Maïs angevin et les commissaires aux comptes de celle-ci,

- de rechercher à quelles conditions en 1996, 1997 et 1998 les semences sont facturées, suite à la livraison aux divers distributeurs, notamment Cam 53, Agralco Coutances, Coopagri Bretagne Landerneau et aux autres distributeurs en France,

- de rechercher quelles ont été les remises accordées par la SA Maïs angevin à ces distributeurs, compter du mois de mai à octobre de chaque année,

- de rechercher si ces remises sont accordées au vu de conditions objectivement définies, avec des contreparties effectivement mises en œuvre et contrôlées par les bénéficiaires de ces avantages,

- de lui décerner acte de ce qu'elle offre de consigner au Greffe de la Cour d'appel la somme à valoir sur la rémunération de l'expert.

Elle fait valoir :

- qu'au vu des dispositions des articles 631 et 632 du Code de Commerce et de la jurisprudence développée par rapport aux organismes à caractère mutualiste et coopératif, le Président du Tribunal de Commerce d'Angers aurait dû retenir sa compétence pour connaître de son action à l'encontre de la coopérative Agralco, de la Cam 53 et de Coopagri,

- qu'il n'était pas contesté par ces sociétés coopératives qu'elles achetaient auprès de la société Maïs angevin des doses de maïs pour les revendre à leurs adhérents, réalisant ce faisant des actes de commerce,

- que sa demande, sous le visa de l'article 145 du Nouveau Code de Procédure Civile, tendant à la condamnation de ces sociétés distributrices à lui communiquer l'ensemble des documents contractuels relatifs à la commercialisation des semences de maïs, établis entre elles et la société Maïs angevin était justifiée,

- qu'au vu des dispositions de l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 modifiée par la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996, de la circulaire Delors du 18 mai 1984 relative à la transparence tarifaire dans les relations commerciales entre entreprises, de l'avis en date du 26 mai 1983 de la Commission de la concurrence relativement à la situation de la concurrence sur les produits phytosanitaires, la société Maïs angevin aurait dû lui communiquer les conditions générales de vente y compris les remises de fin de campagne,

- que le refus de la société Maïs angevin de communiquer les barèmes de remises de fin de campagne qu'elle pratique constitue un trouble manifestement illicite,

- que l'existence de pratiques discriminatoires n'était pas méconnue par la société Maïs angevin,

- qu'elle s'est cependant abstenue de communiquer toutes pièces relativement aux accords de coopération conclus par elle avec certains distributeurs,

- que la société Maïs angevin n'a pas justifié de façon objective et en fait les critères qualitatifs retenus dans ses contrats de distribution et en quoi la société Cooperl Hunaudaye ne satisferait pas à ces critères,

- que la Coopérative Hunaudaye avait toutes les qualités requises pour distribuer la semence de maïs avant sa fusion avec la société Cooperl,

- que la charge de la preuve de rupture du stock et de l'impossibilité de réassort ou de fabrication pèse sur le vendeur qui entend s'en prévaloir,

- qu'en l'espèce, les deux courriers vantés par Maïs angevin, en date des 13 et 14 janvier 1998 ne satisfont pas aux exigences de la jurisprudence.

La Coopagri Bretagne, société coopérative agricole, conclut à la confirmation de la décision entreprise et à la condamnation de la Cooperl Hunaudaye à lui verser la somme de 20.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, celle de 10.000 F au titre des frais irrépétibles d'appel et à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient :

- qu'en vertu des dispositions de l'article L. 521-5 du Code Rural, les sociétés coopératives relèvent des juridictions civiles,

- que les sociétés coopératives ne sont pas de nature commerciale (article L. 521-1 du Code Rural),

- qu'en l'espèce, les opérations présentées par la Cooperl Hunaudaye comme étant des opérations d'achat et revente ne sont pas des opérations habituelles pour Coopagri Bretagne, et sont des opérations faites en direction des seuls associés coopérateurs c'est-à-dire des agriculteurs non commerçants,

- qu'il s'en déduit que le principe posé par les dispositions de l'article L. 521-5 s'applique,

- que la règle de compétence ne peut être invoquée que par l'une des parties au litige à l'occasion de leurs relations d'affaires,

- que la Cooperl Hunaudaye est tiers par rapport aux opérations entre SA Maïs angevin et la Coopagri Bretagne, et n'a aucune relation d'affaires avec Coopagri Bretagne puisqu'il s'agit de sociétés en concurrence,

- que la Cooperl Hunaudaye est elle-même une coopérative agricole, de sorte qu'elle demande à un juge consulaire de trancher ce qu'elle considère être faussement un litige entre elle-même, coopérative agricole et Coopagri Bretagne, autre coopérative agricole, ce qui est impossible en tout état de cause,

- que sera confirmée la décision du premier juge qui s'est légitimement déclaré incompétent,

- que le texte de l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'envisage que le seul lien précontractuel entre l'acheteur et vendeur,

- que le seul débiteur de l'obligation de communication est le vendeur, qu'il soit producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur etc ...

- que le texte n'envisage pas que cette obligation de communication puisse peser sur un autre acheteur,

- que les prétentions à communication de Cooperl Hunaudaye à son égard ne concernent pas la relation vendeur-acheteur éventuel outre qu'il s'agit de coopératives en situation de concurrence,

- qu'elle est donc bien fondée à opposer à Cooperl Hunaudaye tout refus de communiquer.

Pour sa part, la coopérative Agralco conclut pour voir :

- constater que la juridiction saisie initialement et la Cour actuellement saisie, sont en tout état de cause, incompétentes territorialement pour connaître de la demande formée par Cooperl Hunaudaye à son égard,

- dire, en conséquence, que la juridiction saisie par la Cooperl Hunaudaye dans ses rapports avec elle est incompétente ratione materiae au regard des dispositions de l'article L. 521-5 du Code Rural,

- confirmer en toutes ses dispositions la décision attaquée,

- condamner la Cooperl Hunaudaye à lui payer la somme de 30.000 F à titre de dommages intérêts pour procédure abusive outre une indemnité de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et aux entiers dépens.

Elle développe :

- que la demande présentée par la Cooperl Hunaudaye ne comportait, en son dispositif, aucune demande contre elle, coopérative Agralco, pas plus d'ailleurs qu'à l'égard des autres coopératives,

- que son appel à la cause devant une juridiction qui n'est pas celle du lieu du siège social était et est toujours un premier motif d'incompétence,

- que l'argumentation de la Cooperl Hunaudaye selon laquelle les coopératives réalisaient des actes de commerce n'est pas rattachée par un lien suffisant à la demande principale puisqu'il n'y avait aucune demande principale contre les coopératives,

- qu'à ce premier titre, la juridiction des référés du Tribunal de Commerce d'Angers comme la Cour d'Appel d'Angers se trouve aujourd'hui territorialement incompétente pour examiner la demande de la Cooperl Hunaudaye,

- que le Code Rural conférant aux relations entre les coopératives et leurs adhérents un caractère civil, on ne voit pas comment le fait d'acheter éventuellement à la société Le Maïs angevin de la semence de maïs pour la revendre en nature à ses adhérents, pourrait constituer un acte de commerce alors que par hypothèse tous les adhérents d'une coopérative sont non commerçants, ce qui confère à l'opération concernée un caractère civil,

- qu'en appelant devant la juridiction commerciale d'autres coopératives, la coopérative Cooperl Hunaudaye a sciemment méconnu par commodité les dispositions de l'article L. 521-5 du Code Rural,

- qu'elle, Agralco n'a aucune raison de se trouver en position d'acheteur à l'égard de Cooperl Hunaudaye,

- que dès lors, l'ordonnance de 1986 n'a aucune vocation à trouver application dans les relations intercoopératives, ce que la Cooperl Hunaudaye ne peut ignorer en sa qualité de coopérative agricole,

- que sa demande en justice est empreinte de mauvaise foi.

Aux termes de ses conclusions, la coopérative agricole de la Mayenne demande à la Cour de confirmer en son principe l'ordonnance entreprise, de la réformer et d'y ajouter en condamnant l'Union Cooperl Hunaudaye à lui payer et porter les sommes de :

- 10.000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 25.000 F pour appel abusif et à dessein malicieux de nuire,

- 12.000 F en première instance sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- 12.500 F en appel sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Et à supporter les dépens d'appel.

Elle fait valoir :

- qu'en actionnant d'autres coopératives, non commerçantes, devant la juridiction consulaire pour avoir procuré des produits à leurs adhérents, la Cooperl Hunaudaye - coopérative non commerçante - a violé l'article L. 525-5 du Code Rural et a enfreint la règle de droit délibérément et malicieusement,

- que la Cooperl Hunaudaye ne justifiait en rien de cette prétention selon laquelle elle aurait été une "société distributrice de la société Maïs angevin" ni de quel contrat de distribution il aurait bien pu s'agir,

- que la demande d'expertise de la société Cooperl Hunaudaye sera rejetée comme irrecevable puisqu'en matière de procédure à jour fixe les conclusions de la personne qui demande une assignation à date fixe sont irrecevables dans la mesure où elles présentent des prétentions et des moyens non contenus dans la requête et que doivent être écartées des débats les pièces que l'appelant n'a pas déposées dès la présentation de la requête,

- que l'action malicieuse de l'Union Cooperl Hunaudaye lui a causé un préjudice considérable.

Enfin, la société Maïs angevin demande, aux termes de ses écritures, à la Cour de :

- dire que les conclusions signifiées par l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye le 21 juillet 1998 sont irrecevables et que les pièces complémentaires communiquées à cette date n'ayant pas été déposées dès la présentation de la requête doivent être écartées des débats,

- juger que l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye irrecevable et mal fondée en son appel,

- confirmer l'ordonnance entreprise,

- débouter l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye à lui payer la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et à supporter les entiers dépens.

Elle prétend :

- qu'en application de l'article 918 du Nouveau Code de Procédure Civile relatif à la procédure à jour fixe devant la Cour d'appel et de la jurisprudence en la matière, les conclusions signifiées par l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye le 21 juillet 1998 seront déclarées irrecevables et les pièces complémentaires communiquées, écartées des débats,

- que devant la Cour d'Appel, l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye se contente d'alléguer l'existence d'un trouble manifestement illicite, qui n'est pas établi,

- qu'en réponse à la lettre de l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye du 3 décembre, elle lui a communiqué dès le 9 décembre 1996 l'ensemble de ses conditions générales de vente pour l'année 1996/1997,

- que le 1er décembre 1997, elle a une nouvelle fois fait parvenir à l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye et à sa demande, ses conditions générales de vente pour la campagne 1997/1998,

- que ces documents contenaient des informations strictement identiques à celles contenues dans les conditions générales de vente de la campagne 1996/1997,

- que l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye ayant passé deux commandes auprès d'elle les 8 décembre 1997 et 23 janvier 1998 sur la base des conditions générales de vente qui lui avaient été adressées le 1er décembre 1997, on voit mal ce qui l'empêchait, de passer commande lors de la campagne 1996/1997,

- que l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye est dans l'incapacité de rapporter la preuve du trouble manifestement illicite qu'elle prétend avoir subi, lequel, selon elle, serait constitué par des pratiques discriminatoires dont elle ne prouve pas la matérialité alors que la charge de la preuve lui appartient,

- qu'elle n'établit pas que les conditions de vente de la société Maïs angevin ne comprendraient pas l'ensemble des mentions exigées par la loi,

- qu'à aucun moment, l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye ne lui a demandé que lui soient communiquées les remises dites de fin de campagne dont elle allègue désormais l'existence,

- qu'en réalité, l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye fonde sa demande sur un trouble éventuel,

- qu'en l'espèce, l'obligation légale de communication des conditions générales de vente telle qu'elle est exigée par l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 a été respectée,

- que l'union des coopératives Cooperl Hunaudaye ne démontre pas en quoi les éléments qui lui ont été communiqués ne permettraient pas d'établir une transparence du marché et porteraient atteinte de manière sérieuse à la concurrence,

- que l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye postule sur le contenu des accords de coopération commerciale que la société Maïs angevin pouvait conclure avec certains distributeurs en préjugeant qu'ils ne prévoiraient aucun service spécifique à la charge des revendeurs,

- qu'il s'agit d'une démarche purement spéculative qui ne pourra être suivie sauf à renverser la charge de la preuve et à permettre à l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye qui ne justifie d'aucun motif légitime de connaître des documents couverts par le secret des affaires,

- qu'en tout état de cause, l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye, issue de la fusion entre la coopérative Hunaudaye et la société Cooperl n'ignore pas qu'elle n'a plus la même activité puisqu'elle s'est spécialisée dans la production porcine et n'a plus la même zone géographique,

- qu'elle ne saurait exiger d'être reconnue par la société Maïs angevin comme un distributeur "point d'appui" alors que les accords de coopération commerciale sont à l'évidence des conventions consenties intuitu personae,

- qu'il appartenait à l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye de signer la "charte distributeur conseiller Maïs angevin" pour pouvoir effectivement bénéficier des remises dans les conditions générales de vente, ce qu'elle n'a pas fait,

- que la rupture de stock concernant la variété de maïs (Anjou 258) était bien réelle,

- que l'argumentation relative à la rupture de stock de cette variété de maïs est d'ailleurs sans objet puisque l'Union des Coopératives Cooperl Hunaudaye a passé d'autres commandes de Maïs Anjou 258 et ne formule plus aucune demande à cet égard.

Sur ce,

L'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye a été autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance du Premier Président de cette Cour en date du 22 Avril 1998.

Le 21 juillet 1998, elle a déposé des conclusions. Ces conclusions dont le rejet est demandé, viennent compléter l'argumentation de l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye et comportent une demande subsidiaire d'expertise non contenue dans la requête initiale.

Toutes les parties intimées ont conclu en septembre 1998 soit bien après le dépôt des conclusions en question et des nouvelles pièces produites par l'appelante en juillet 1998. Le principe de la contradiction a donc bien été respecté en l'occurrence puisque les intimées ont pu prendre connaissance en temps utile de ces conclusions et pièces avant l'audience du 22 septembre 1998 et ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats ces conclusions et pièces ni de déclarer irrecevable la demande subsidiaire d'expertise.

Pour contester la décision d'incompétence rendue par le Président du Tribunal de Commerce d'Angers, l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye se prévaut de ce que les sociétés coopératives Agralco, Coopagri Bretagne, Cam, qui achetaient, auprès de la société Maïs angevin, des doses de maïs pour les vendre à leurs adhérents, réalisent ce faisant des actes de commerce.

Les actes de commerce ainsi invoqués ne la concerne pas et ne concernent pas des tiers non coopérateurs. Ils relèvent de l'activité des sociétés coopératives agricoles intimées avec leurs coopérateurs agriculteurs. L'article L. 521-1 du Code Rural énonce que les sociétés coopératives agricoles ont pour objet l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité. La société coopérative est donc un moyen au service des agriculteurs. Elle n'est pas une société commerciale. L'article L. 521-5 du Code Rural ajoute que les sociétés coopératives et leurs unions relèvent de la compétence des juridictions civiles.

En l'occurrence, rien n'établit que les sociétés coopératives agricoles considérées accomplissent à titre habituel et principal des actes de commerce dont l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye pourrait utilement se prévaloir pour les soustraire à la compétence des juridictions civiles au profit de la juridiction commerciale. En conséquence, c'est à bon droit que le juge des référés du Tribunal de Commerce d'Angers s'est déclaré incompétent pour connaître du litige opposant l'union des coopératives Cooperl Hunaudaye aux coopératives Cam, Agralco et Coopagri Bretagne.

Sa décision mérite d'être confirmée sauf à préciser que le juge des référés du Tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel se trouve situé siège social de chaque coopérative considérée est compétent pour connaître de la demande de communication de pièce dirigée contre chacune d'elle prise séparément ainsi qu'il sera dit au dispositif du présent arrêt.

Les coopératives intimées ne justifient pas d'un préjudice à l'appui de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ou appel abusif. Elles seront par conséquent déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts.

Il est toutefois inéquitable de laisser à leur charge les frais irrépétibles qu'elles ont dû exposer. Pour leur frais irrépétibles en cause d'appel, il sera fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à leur profit comme il sera dit au dispositif de l'arrêt. Pour ce qui est des frais irrépétibles de première instance, la décision mérite d'être confirmée.

Saisie de l'appel d'une ordonnance de référé, la Cour doit se placer, pour apprécier la réalité du trouble manifestement illicite invoqué à la date à laquelle elle statue.

Devant la Cour l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye ne maintient pas sa commande de 500 doses de 50.000 grains, traitement normal de la semence de Maïs Anjou 258.

Il lui reste à établir l'existence et la prolongation du trouble manifestement illicite dont elle se plaint consécutivement au fait que sa commande de maïs variété Anjou 258 du 23 janvier 1998 n'a pas été honorée par la société Maïs angevin motif pris que "la variété Anjou 258 n'est plus disponible à la vente pour cause de rupture de stock".

Dans sa lettre en réponse du 28 janvier 1998, la société Maïs angevin prend note de la commande passée le 8 décembre 1997 par la Cooperl Hunaudaye en la confirmant et l'informe de ce qu'elle ne pourra pas honorer sa commande du 23 janvier 1998 pour le motif sus-rappelé. La société Maïs angevin ne rejette donc pas l'ensemble des commandes passées par la Cooperl Hunaudaye. Il n'est pas établi que le motif qu'elle invoque dans ce courrier " rupture de stock de la variété Anjou 258 " soit fallacieux. A la même époque (janvier 1998), la société Maïs angevin avait déjà avisé d'autres clients qu'elle ne pouvait pas satisfaire leurs commandes de maïs Anjou 258 pour cette même raison "rupture de stock" (cf. ses lettres adressées les 13 et 14 janvier 1998 à la Cecam et à Phyto Service).

Dans ces conditions, l'existence et la prolongation du trouble manifestement illicite pour refus de livrer la variété de maïs Anjou 258 invoqué par l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye qui, par la suite a été livrée de cette catégorie, ne sont pas établies.

Il est établi :

- que pour la campagne maïs 96/97, l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye a demandé à la société Maïs angevin par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 décembre 1996 qu'elle lui communique ses conditions générales de vente,

- que par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 décembre 1996, la société Maïs angevin lui a adressé : "l'ensemble de (ses) conditions de vente",

- que pour la campagne 97/98, la Cooperl Hunaudaye a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 novembre 1997, réclamé à la société Maïs angevin sa tarification maïs 97/98 pour ses variétés Anjou 265 et 285 : "prix de facturation, remises commandes précoses, échéance, remises paiement anticipé, taux d'escompte, conditions de retour",

- que par courrier en réponse du 1er décembre 1997, la société Maïs angevin lui a communiqué ses conditions générales de vente qui précisent entre autres les remises (distributeur, distributeur Maïs angevin, engagement précoce et paiements précoces ou anticipés), le prix de base de facturation campagne 1997/1998,

- que le 8 décembre 1997 et le 23 janvier 1998, la Cooperl Hunaudaye a passé commande à la société Maïs angevin,

- que par courrier en réponse du 28 janvier 1998, la société Maïs angevin a répondu à ses commandes, comme relaté ci-dessus, et lui a transmis la chartre Distributeur Conseiller Maïs angevin,

- que par nouvelle lettre du 5 février 1998, la société Maïs angevin a demandé à la Cooperl Hunaudaye qui avait pris connaissance de la chartre Distributeur Conseiller Maïs angevin de lui confirmer son accord, avant de procéder à l'expédition de la commande, sur les quantités, le prix de facturation, la remise sur facture, le prix net de vente/dose.

Au vu de la chronologie sus-rappelée, il ne résulte pas que l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye se soit heurtée à un refus de la société Maïs angevin de lui communiquer ses conditions générales de vente pour les campagnes maïs 1996/1997 et maïs 1997/1998. A réception des pièces communiquées, la Cooperl Hunaudaye n'a pas formulé de demande de communication complémentaire notamment sur les documents contractuels établis entre la société Maïs angevin et d'autres coopératives. Elle a obtenu communication de la charte Distributeur Conseiller Maïs angevin mettant en évidence les services exigés du Distributeur Conseiller avant la vente, pendant la vente et après la vente (cf. document du 28 janvier 1998). Les conditions générales de vente lient la remise Distributeur Conseiller Angevin à ces services "tous de rigueur pour prétendre à l'obtention de remise". Si les conditions de vente communiquées à la Cooperl Hunaudaye font un sort particulier aux Distributeurs Conseillers Maïs angevin, c'est en raison de ces services dont rien en l'espèce ne permet d'écarter la réalité. Les pratiques discriminatoires dénoncées par la Cooperl Hunaudaye restent à établir. Il résulte de la lettre adressée le 25 Février 1998 par la Cooperl Hunaudaye à son Conseil que la coopérative Hunaudaye a bel et bien bénéficié de remises dites de fin de campagne "pour rémunérer ses efforts de promotion" avant sa fusion avec la Cooperl Hunaudaye et par conséquent qu'elle en connaissait la teneur. Pour 1998, l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye avait les informations sur les remises de fin de campagne faites par la société Maïs angevin ainsi qu'il résulte de la pièce "Maïs 98" qu'elle verse aux débats.

En définitive, à la date où la Cour statue, la réalité du trouble manifestement illicite invoqué au soutien de ses demandes par l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye n'est pas établi.

Il n'y a donc pas lieu de faire droit à ses demandes y compris celle subsidiaire d'expertise, lesquelles ne sont pas davantage justifiées, au vu de ce qui précède, par un motif légitime.

Il est inéquitable de laisser à la charge de la société Maïs angevin les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer.

Par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, il lui sera alloué une indemnité de 4.000 F pour ses frais irrépétibles en cause d'appel. Pour les frais irrépétibles de première instance, la décision sera confirmée.

La Cooperl Hunaudaye qui succombe, n'est pas justifiée à obtenir une indemnité pour ses frais irrépétibles.

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, Dit n'y avoir lieu de rejeter des débats les conclusions déposées le 21 juillet 1998 par l'Union des coopératives Cooperl Hunaudaye et les pièces communiquées par elle après le dépôt de sa requête, Confirme la décision déférée sauf à renvoyer l'affaire devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Coutances pour ce qui concerne la coopérative Agralco, du Tribunal de Grande Instance de Laval pour ce qui concerne la Coopérative Agricole de la Mayenne et du Tribunal de Grande instance de Brest pour ce qui concerne la Coopagri Bretagne, Condamne l'Union des Coopératives Cooperl Hunaudaye à payer respectivement à la société Maïs angevin, la Coopérative Agralco, la Coopérative Agricole de la Mayenne, et à la Coopagri Bretagne une somme de 4.000 F à chacune au titre de leurs frais irrépétibles en cause d'appel, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne l'Union des Coopératives Cooperl Hunaudaye aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP Dufourgburg-Guillot, par Maître Vicart, et par la SCP Gontier-Langlois, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.