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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 16 septembre 1998, n° 96-3161

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société de Gestion Hôtelière Internationale (SARL)

Défendeur :

Deux-Alpes Loisirs (SA), Deux-Alpes Voyages (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Béraudo

Conseillers :

Mmes Kueny, Landraud

Avoués :

SCP Perret, Pougnand, SCP Calas

Avocats :

Mes Bara, Day.

T. com. Grenoble, du 31 mai 1996

31 mai 1996

Attendu que, pour les faits de la cause, la Cour se reporte au jugement déféré ;

Que, les résumant, elle indique que la société SGHI qui exploite un hôtel quatre étoiles de cent chambres, acquis par la société Servimo dans une vente aux enchères publiques, fait grief aux sociétés Deux-Alpes Loisirs (DAL) et Deux-Alpes Voyages (DAV), concessionnaires respectivement des remontées mécaniques et de la centrale de réservation de la station des Deux-Alpes, d'user de pratiques discriminatoires et de position dominante qui sont à l'origine de ses difficultés ;

Attendu que, devant la Cour, la société SGHI conclut è l'infirmation, demande 5.290.000 F à titre de dommages et intérêts ainsi que 60.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Qu'elle fait, notamment, valoir ceci :

" III. LES PRATIQUES DISCRIMINATOIRES DES SOCIETES DAL ET DAV

La société SGHI a fait d'une part l'objet de discriminations de la part de DAL quant aux tarifs des remontées mécaniques (A).

La société SGHI a été d'autre part victime de discriminations de la part de la société DAV qui, en sa qualité de concessionnaire de la Centrale de Réservation, a violé à son détriment le principe d'égalité entre les hôteliers de la station (B).

A. LES DISCRIMINATIONS TARIFAIRES OPEREES PAR LA SOCIETE DAL AU DETRIMENT DE LA SOCIETE SGHI

Il a été démontré, contrairement à ce qu'affirme le jugement, que tous les tarifs de remontées mécaniques n'ont pas été déposés en mairie.

La société SGHI est en outre en mesure d'établir que la société DAL lui a communiqué des tarifs de remontées mécaniques erronés, et qu'elle a toujours tardé à les lui communiquer, en violation de l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (1).

Cette opacité tarifaire dissimule des pratiques discriminatoires dont la société SGHI s'est trouvée directement victime (2).

(1) La société DAL a donné à la société SGHI des informations tarifaires erronées et tardives

Dans les semaines qui ont suivi son arrivée dans la station, la société SGHI a rapidement constaté que de multiples tarifs d'accès aux remontées mécaniques coexistaient sur le marché, dont la plupart étaient inférieurs aux " tarifs hôtel " qui lui étaient proposés (8 % sur les tarifs public saison ; 12 % sur les tarifs public promotion ; 5 % supplémentaires pour les groupes).

Elle a demandé à la société DAL, notamment par courrier en date du 27 janvier 1995, de bien vouloir lui donner une information exhaustive sur ses grilles de tarifs et ses conditions de remise pour le printemps-été 1995.

La société SGHI a renouvelé ces demandes d'information tarifaire pour chaque nouvelle saison, afin de pouvoir renseigner l'ensemble de sa clientèle, c'est-à-dire non seulement les clients individuels et les groupes mais aussi et surtout les tour-opérateurs, les agences de voyages, les ski club, sur les tarifs de remontées mécaniques.

L'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 oblige en effet tout prestataire de services à communiquer à tout demandeur de prestation de services pour une activité professionnelle qui en fait la demande, son barème de prix et ses conditions de vente, comprenant les conditions de règlement et les rabais, remises, ristournes.

A titre d'exemple, la concluante, entend comparer les tarifs communiqués à sa demande par la société DAL le 6 février 1995 à certains prix relevés sur le marché au même moment. Cette comparaison permet de constater que les tarifs communiqués par la société DAL (a) étaient erronés et incomplets (b).

La concluante souligne aussi que les tarifs lui ont toujours été communiqués par la DAL de façon tardive, de sorte qu'elle a éprouvé des difficultés à mettre en place une politique commerciale cohérente à destination de sa clientèle (c).

(a) Les tarifs communiqués le 6 février 1995

Par courrier du 6 février 1995, la société DAL lui a adressé :

- les grilles 1994-1995 des tarifs séjours "Publics" et "Hôtels",

- la grille des tarifs "Publics" été 1995,

(pas de tarif hôtel pour la saison d'été 1995)

- et ses " conditions de remises pour groupes, séminaires, agences de voyages, comités d'entreprise " pour 1994-1995. Chacune de ces catégories se voyait appliquer la même remise :

* sur les tarifs " Public "

Groupes d'au minimum 25 personnes : remise de 10 %

Groupes d'au minimum 50 personnes : remise de 10 % + 1 ski-pass gratuit

* sur les tarifs "Hôtel"

Groupes d'au minimum 25 personnes : remise de 5%

Groupes d'au minimum 50 personnes : remise de 5 % + 1 ski-pass gratuit

La société DAL ajoutait par ailleurs que l'hôtel Ariane n'entrait pas dans la "catégorie tour opérateur", et qu'elle n'avait donc pas à lui communiquer ses tarifs tour-opérateurs.

(b) Une communication erronée et incomplète

Cette communication, qui était censée inclure toutes les remises sauf celles spécialement accordées aux tour-opérateurs, ne couvrait pas en fait tous les tarifs pratiqués. Ainsi :

- Certains ski-clubs italiens bénéficiaient notamment pour la saison d'été 1995, de tarifs particulièrement attractifs, comme l'ont attesté de nombreux skieurs, et en particulier Monsieur Thierry Bensusan (4 août 1995), Mademoiselle Sylvie Martin (août 1995), Madame Isabelle Reale (6 août 1995), Monsieur Lionel Glin (3 septembre 1996), Mademoiselle Katia Arab (3 juillet 1996).

- De même, une publicité pour l'hôtel La Farandole proposait sous une rubrique intitulée " les plus de La Farandole ", pour la saison printemps-été 1995 un ski-pass journée à 140 F, au lieu du prix public de 174 F pour la même saison.

Or, aux termes du courrier d'information adressé par la société DAL le 6 février 1 995, il n'existait pas de tarifs hôtel pour l'été 1995.

Pour proposer des prix réduits, l'hôtel La Farandole avait pourtant dû lui-même bénéficier de forfaits à prix réduit, sauf à revendre les forfaits à perte.

- Une publicité "purisima 94", diffusée par l'agence de voyages Deux-Alpes Voyages, offrait un tarif groupes de forfaits ski à 480 F pour 6 jours (au lieu de 870 F prix public), soit une réduction de plus de 40 %.

Or, en vertu du courrier du 6 février 1995, les agences de voyages étaient censées bénéficier de remises de 10 % sur le tarif public, et de 5 % sur le tarif hôtel, mais en aucun cas d'une réduction de 40 %.

L'agence DAV avait donc nécessairement obtenu des réductions de prix bien supérieures aux remises officielles pour offrir 40 % de réduction à sa propre clientèle.

C'est donc à tort que le Tribunal de Commerce de Grenoble a considéré, sans même tenir compte des pièces versées aux débats par la concluante, que la SA DAL avait donné satisfaction à la demande de communication des tarifs de remontées mécaniques présentée par l'hôtel Ariane, et qu'elle avait une " politique de tarif des remontées mécaniques transparente ".

(c) une communication tardive

Les hôteliers doivent être en mesure de renseigner leur clientèle sur les prix pratiqués pour une saison bien avant le début de cette saison.

Ils doivent se montrer particulièrement diligents sur ce point avec leur clientèle de tours opérateurs, puisque ceux-ci travaillent à leurs catalogues avec près d'une année d'avance.

Or, la société DAL a toujours communiqué ses tarifs de ski-pass à la société SGHI de façon tardive.

Ainsi, à titre d'exemple,

- la société DAL n'a communiqué ses tarifs (au demeurant incomplets) pour la saison été 1995 à la société SGHI que le 6 février 1995, alors que celle-ci les lui demandait de façon insistante depuis le mois de décembre 1994.

- la société DAL n'a communiqué ses tarifs pour la saison hiver 1996-1997 à la société SGHI que le 27 mars 1996, alors que la société DAV diffusait déjà ses tarifs de séjours et de remontées mécaniques lors de salons se tenant à Lyon fin janvier 96.

Ces communications tardives ont eu pour effet d'empêcher la société SGHI de pratiquer une politique commerciale efficace à destination de ses clients, et plus particulièrement vis-à-vis des tour opérateurs, qui demandent des informations précoces afin d'être en mesure de les insérer dans leurs catalogues.

Cette diversité de tarifs maintenus dans l'opacité la plus complète, et communiqués tardivement à la société SGHI, dissimulaient de réelles discriminations :

(2) Les tarifs de remontées mécaniques sont appliqués de façon discriminatoire

Aux termes de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la discrimination est constituée si un commerçant pratique, à l'égard d'un partenaire économique (...) des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage on un avantage dans la concurrence.

Dans leurs écritures, les intimées développent deux arguments pour conclure que la société SGHI n'a subi aucune discrimination :

Elles affirment d'une part que la société SGHI n'a fait l'objet d'aucune discrimination dans la mesure où il lui a été proposé, comme à chaque hôtelier, de conclure avec les sociétés DAL et DAV une convention de revente de ski-pass.

Elles soutiennent d'autre part que la société SGHI ne pouvait prétendre à aucune remise puisqu'elle ne correspondait à aucune des "catégories" bénéficiaire de remises (groupes, séminaires, agences de voyages, comités d'entreprise, tour opérateurs).

Certes la convention de revente de ski-pass ne présente en elle-même aucun caractère discriminatoire (a). En revanche, les remises octroyées par la société DAL sont discriminatoires parce qu'elles ne reposent sur aucune contrepartie réelle (b).

(a) La convention de revente de ski-pass signée entre les sociétés DAL-DAV et les hôteliers n'est pas en elle-même discriminatoire

A l'inverse de ce qu'affirment les intimées, la concluante n'a jamais estimé que la convention de revente de ski-pass était discriminatoire.

Elle n'en a en fait jamais compris les fondements. Rien ne justifie en effet que la société DAL offre des tarifs réduits à la clientèle d'un hôtel à la condition que cet hôtel accepte de collaborer avec la centrale de réservation.

Ce contrat n'a pas pour objet d'octroyer à l'hôtelier une remise.

Aux termes de la convention de revente, ce sont les clients de l'hôtel qui achètent directement leur forfait à prix réduit. Les hôteliers ne bénéficient eux-mêmes d'aucune remise, à la différence des groupes, séminaires, agences de voyages, comités d'entreprise et tour opérateurs.

Contrairement à la qualification retenue par les intimées dans leurs écritures, il n'instaure pas plus une coopération commerciale entre le groupe DAL-DAV et l'hôtelier.

La coopération commerciale est le contrat qui rémunère un service spécifique rendu par un client ou un prestataire de services à son fournisseur. Ce service spécifique est facturé par le client à son fournisseur.

Or, aux termes de la convention, l'hôtelier ne facture aux sociétés DAL et DAV aucun service spécifique qu'il leur rendrait. Il s'engage au contraire à accorder à la société DAV des nuitées gratuites.

Cette convention de revente n'est pas en elle-même discriminatoire.

Elle révèle l'enchevêtrement du marché des remontées mécaniques et du marché de l'hébergement dans la station des Deux-Alpes puisque la société DAL et la société DAV-Centrale de Réservation y sont toutes les deux parties.

Elle caractérise la position dominante du groupe DAL-DAV sur ces deux marchés : l'hôtelier n'a pas d'autre alternative que de la signer s'il veut offrir des prestations de séjour comprenant des forfaits ski à un prix inférieur au tarif public.

(b) Les conditions de remise mises en place par la société DAL sur le prix des remontées mécaniques sont discriminatoires

La remise peut se définir comme la réduction de prix octroyée par un fournisseur ou un prestataire de services à son client en contrepartie des résultats escomptés du contrat (critères quantitatifs chiffre d'affaires, quantité vendue, etc...) ou de la prise en charge de certains services commerciaux (prise d'ordre, stockage ...).

En vertu de l'article 36-1, elle n'est estimée justifiée et non discriminatoire que si elle a une contrepartie réelle.

Les intimées prétendent que chacune de leurs remises est justifiée par "catégorie" (1).

Or les remises octroyées par la société DAL à certaines "catégories" ne reposent sur aucune contrepartie réelle, de sorte que les "catégories" retenues par les intimées ne sont pas pertinentes (2).

Bien plus, l'application des critères à l'intérieur même de ces "catégories" n'est pas uniforme. (3).

Là encore, l'examen du contrat de vente de forfaits ski proposé au tour-opérateur Frantour à l'occasion du rattachement de l'hôtel Ariane au réseau Frantour permet de constater que ce critère est spécieux.

Il n'est nullement fait mention d'un quelconque service promotionnel ou publicitaire rendu par le tour-opérateur en contrepartie des remises qui lui sont octroyées par la société DAL.

Là encore, la remise n'est justifiée par aucune contrepartie réelle.

Les "catégories" retenues par les intimées sont en conséquence impuissantes à justifier objectivement les différences de prix.

(3) L'application discriminatoire des remises à l'intérieur des "catégories"

La société SGHI est en mesure de fournir trois illustrations flagrantes de l'application discriminatoire des remises sur les remontées mécaniques :

- Seuls certains tour opérateurs bénéficient des remises les plus attractives

Les tarifs ski-pass pour l'hiver 1994-1995 communiqués par les sociétés DAL et DAV en première instance.(pièce n° 49) font état de remises à l'occasion des vacances de la Toussaint pour les "tours opérateurs italiens".

De même, ces grilles précisent que le bénéfice des tarifs promotionnels les plus intéressants (" tarifs promotion 2 ") sont "exclusivement réservés aux tour opérateurs étrangers".

Les prétendus "impératifs commerciaux" qui justifieraient les remises accordées aux tour opérateurs cèdent donc la place au seul critère tiré de la nationalité du tour opérateur, en violation de l'article 7 du Traité de Rome qui prohibe les discriminations à raison de la nationalité.

La société SGHI relève à l'attention de la Cour que les juges consulaires ont sur ce point méconnu les dispositions de l'article 7 du Traité de Rome, d'application directe en droit français, en considérant que cette promotion réservée aux Italiens " n'est pas répréhensible dans la mesure où l'ensemble de la clientèle italienne de la station en bénéficie ".

- Certains hôtels ont bénéficié de remises qui n'ont pas profité à l'hôtel Ariane

Les hôteliers de la station sont censés ne pas être bénéficiaires de remises, hors la convention revente qui leur est uniformément proposée.

Or, la concluante a déjà souligné que dans une brochure pour la saison printemps-été 1995, l'hôtel La Farandole proposait, sous une rubrique intitulée "les plus de La Farandole" un ski-pass journée à 140 F, au lieu du prix public de 174 F pour la même saison.

(1) Les critères d'octroi de remises invoqués par les intimées

Les intimées prétendent que chaque tarif catégoriel est parfaitement justifié :

- Les remises pour groupes s'expliqueraient par la quantité de forfaits

- Les remises aux tour opérateurs seraient justifiées par des "impératifs commerciaux", par l'impérieuse nécessité que la station figure dans les catalogues des tours opérateurs pour le plus grand profit de tous dans la station.

(2) L'absence en fait de toute contrepartie réelle aux remises

- Le critère tiré de la quantité de forfaits

Si ce critère de la quantité de forfaits explique les remises octroyées aux groupes, il doit s'appliquer de la même façon aux séminaires, agences de voyages et comités d'entreprise.

Le courrier adressé par la société DAL à la société SGHI le 6 février 1995 précisait en effet que les mêmes remises étaient accordées à toutes ces catégories.

Ce critère, fréquemment retenu en droit de la concurrence pour justifier les remises, ne peut à l'évidence être retenu que si le taux de remise varie en fonction de la quantité de forfaits achetés.

Or, aux termes du courrier du 6 février 1995, il est prévu:

* une remise de 10 % pour les groupes d'au minimum 25 personnes

* une remise de 10 % + un ski-pass gratuit pour les groupes d'au minimum 50 personnes

Le taux de remise est en fait quasiment identique que ce que soit la quantité de forfaits achetés (à un ski-pass près !).

Cette justification tirée de la quantité de forfaits ne peut donc être retenue.

En toute hypothèse, si ce critère avait réellement justifié les remises, la société SGHI, exploitant hôtelier d'un établissement de plus de 100 chambres, aurait dû être admise à en bénéficier.

- Le critère tiré des impératifs commerciaux

Il peut sembler tout à fait logique que la société DAL décide de consentir des remises aux tour opérateurs en contrepartie de la publicité et de la promotion procurées par leurs catalogues.

Dans ces conditions, tous les professionnels du tourisme, dont les hôteliers, en mesure de proposer des avantages promotionnels analogues pour la station devraient pouvoir en bénéficier.

L'hôtel Ariane, qui appartient pourtant à la même catégorie " hôtel " (qui plus est la même catégorie quatre étoiles), n'a pas bénéficié de celle remise. Il a donc été victime d'une discrimination.

Il n'est pas inutile de préciser que le gérant de l'hôtel La Farandole est Monsieur Maurice Martin, frère de Monsieur Joseph Martin, Président de la société DAL, concessionnaire des remontées mécaniques à titre exclusif.

- L'agence de voyage DAV disait ouvertement bénéficier de remises spéciales

En 1994-1995, la société DAV, en sa qualité d'agence de voyages, aurait dû proposer au maximum les tarifs mentionnés dans le courrier adressé par la société DAL à la SGHI le 6 février 1995, soit 10 % sur les tarifs public et hôtels pour les groupes.

Or, l'une de ses publicités "purisima 94" déjà évoquée par la concluante, offrait un tarif groupes de forfaits ski à 480 F pour 6 jours (au lieu de 870 F prix public), soit une réduction de plus de 40 %.

Dans une brochure publicitaire dédiée aux séminaires et diffusée en 1994, la société DAV incitait plus généralement la clientèle à passer par son intermédiaire en ces termes : " En effectuant votre réservation par l'intermédiaire de notre service, vous bénéficiez de tarifs préférentiels sur le plan des remontées mécaniques ".

De même dans une brochure 1995-1996 (pièce adverse, n° 27), la société DAV présentait ses prestations pour les séminaires et précisait qu'elle proposait des "activités ski avec possibilités de conditions préférentielles sur le ski-pass".

Il importe de rappeler que la société DAV est une filiale à 100 % de la société DAL, concessionnaire des remontées mécaniques.

Contrairement à ce qu'ont estimé les juges du premier degré, la société SGHI apporte donc la preuve que les mêmes prix n'étaient pas consentis aux partenaires économiques se trouvant dans des situations identiques.

Il est en effet établi :

- que la société SGHI était en mesure de satisfaire aux conditions posées pour l'octroi des remises officielles de sorte qu'elle aurait dû en bénéficier (quantité de forfaits, promotion de la station).

- que les remises n'étaient en fait pas octroyées à certaines catégories objectivement définies mais discrétionnairement aux personnes liées à la société DAL,

- que la société SGHI a donc été exclue du bénéfice des remises pour des motifs discriminatoires.

Compte tenu du caractère déterminant du prix du forfait pour la clientèle de séjour, cette exclusion a créé pour la société SGHI un désavantage certain dans la concurrence.

La société SGHI a donc été victime de discriminations tarifaires fautives au sens de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Le même système discriminatoire a pu être observé dans le fonctionnement du service public de la Centrale de Réservation, exploitée par la société DAV jusqu'au 1er octobre 1995:

B. LES DISCRIMINATIONS OPEREES PAR LA SOCIETE DAV - CENTRALE DE RESERVATION AU DETRIMENT DE LA SGHI

Dans leurs écritures d'appel, les intimées soutiennent que la société DAV prenait " particulièrement soin " en sa qualité de concessionnaire du service public de la Centrale de Réservation, "de respecter une parfaite égalité entre les différents hôteliers" en ne retenant "que deux critères" :

* la catégorie d'hôtel (nombre d'étoiles) demandée par la clientèle qui la sollicite,

* les dIsponibilités qui lui sont indiquées par chaque hôtel" (p. 23).

Or ce principe d'égalité a été à de multiples reprises rompu au détriment de l'hôtel Ariane en violation de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

La société SGHI l'a établi par des attestations sans équivoque.

La société SGHI a en effet versé aux débats plus de 10 attestations de personnes ayant contacté la Centrale de Réservation, tant en 1994 qu'en 1995, pour un séjour dans un hôtel de catégorie trois ou quatre étoiles. L'hôtel Ariane ne leur a jamais été proposé :

* alors même qu'il correspondait à la catégorie demandée,

* alors même qu'il lui restait des disponibilités.

Pour tenter de minimiser la force probante de ces attestations, les intimées font valoir que (p. 24) :

- Ces personnes auraient appelé à des périodes où le planning de disponibilité sur minitel de l'hôtel Ariane n'était pas à jour.

- Elles auraient demandé des hôtels trois étoiles, alors que l'hôtel Ariane en comporte quatre.

- Les attestations ne seraient d'une manière générale " pas probantes car volontairement insuffisamment circonstanciées " : " la multiplicité des demandes spécifiques pour une catégorie d'hôtel (proximité immédiate d'une remontée mécanique, (...) centre ville peut engendrer de multiples réponses dont certaines effectivement n'engloberont pas l'hôtel Ariane " (p. 27).

Ces arguments sont inopérants :

- L'hôtel Ariane a toujours pris soin de tenir à jour son planning disponibilités ; en toute hypothèse, les attestations ont été réalisées à des époques trop variées pour correspondre à chaque fois à des hypothèses où le planning n'était pas à jour....

- Toutes les personnes qui ont attesté étaient demandeuses d'informations sur les hôtels trois et quatre étoiles (il convient de préciser que l'hôtel Ariane, à l'origine quatre étoiles a fait l'objet d'un déclassement trois étoiles, à la demande expresse de Monsieur Chagny : la clientèle de la station choisit en effet plus volontiers les hôtels trois étoiles que les hôtels quatre étoiles).

- Les intimées se contredisent sur les critères d'orientation de la clientèle. Après avoir affirmé qu'elles ne tenaient compte que du nombre d'étoiles et des disponibilités, elles prétendent répondre à toutes les demandes de la clientèle (emplacement, pistes, etc...). Or, de tels critères sont trop subjectifs pour être retenus à première demande : il incombe à la centrale de réservations de proposer dans un premier temps toutes les possibilités en fonction de la catégorie et des disponibilités.

Les attestations versées aux débats par la SGHI constituent donc une preuve tangible des pratiques discriminatoires de la société DAV-Centrale de Réservations à son encontre.

Ces discriminations ont eu pour effet de la désavantager sensiblement par rapport aux autres hôteliers, la Centrale de Réservation étant l'un des interlocuteurs privilégiés de la clientèle de la station.

Répondant à une sommation interpellative du 15 décembre 1995, la Régie Village (qui loue des logements meublés) a de fait affirmé qu'elle avait réalisé 25 % de son chiffre d'affaires avec la Centrale de Réservation pour l'hiver 1994-1995 et l'été 1995.

La société SGHI établit donc avoir été victime de discriminations de la part de la société DAV - Centrale de Réservation.

De façon paradoxale, les juges de première instance ont dit que la Société SGHI n'avait subi aucune discrimination de la part des intimées, mais ont ensuite mis en exergue cette discrimination en tentant de légitimer leur altitude.

La discrimination est révélée par le seul vocabulaire utilisé par le tribunal. Ce vocabulaire exprime des principes intrinsèquement opposés à ceux du droit de la concurrence, qui prohibe notamment toute pratique ayant pour objet pour effet de restreindre l'accès à un marché.

Il est ainsi affirmé que " l'ancienneté donne des avantages ", que " les autochtones ont formalisé leurs relations par des documents et contrats en bonne et due forme ", et que " ce ne sont pas les attestations fournies par le demandeur qui peuvent mettre en cause cet état de fait ".

Si les attestations n'ont pas pu remettre en cause cet "état de fait" en première instance, les règles du droit de la concurrence permettent du moins à la Cour de le sanctionner en appel.

Ces pratiques discriminatoires constituent un abus de position dominante sanctionné par l'article 8 de l'ordonnance.

Il y a lieu de souligner que cet abus est constitué même si, par extraordinaire, la Cour considère que le groupe DAL-DAV est en position dominante sur le marché des remontées mécaniques de la station, mais pas sur le marché de l'hébergement de la station.

Le Conseil de la Concurrence, de même que la Cour de Cassation. considèrent en effet qu'une entreprise en position dominante sur un marché peut commettre des abus sur un autre marché que celui qu'elle domine (Cass. com. 19 février 1991, Bull. civ. IV, n° 82, p. 55 ; Rapport du Conseil de la concurrence pour 1991, p. 327).

Il est on l'espèce incontestable que la société DAL use de sa position dominante sur le marché des remontées mécaniques pour commettre des abus sur le marché de l'hébergement.

Les pratiques discriminatoires des sociétés DAL et DAV engagent aussi leur responsabilité sur le fondement de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui les sanctionne indépendamment de l'article 8 de l'ordonnance.

C'est donc à tort que le Tribunal a considéré que les sociétés DAL et DAV ne pouvaient pas avoir commis de faute, au motif qu'elles n'étaient pas en position dominante.

IV. LES ACTES DE CONCURRENCE DELOYALE DU GROUPE DAL-DAV

Le groupe DAL-DAV a également commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société SGHI.

Les intimées prétendent qu'il n'existe aucune situation de concurrence entre les sociétés DAL et DAV d'une part, et la société SGHI d'autre part de sorte que les conditions d'applicabilité de la concurrence déloyale ne seraient pas réunies.

Or, la société DAV et la société SGHI ont incontestablement une clientèle commune de sorte qu'elles sont en situation de concurrence (A).

Les sociétés DAL et DAV ont profité de la complémentarité de leurs activités, et de leurs qualités de concessionnaires de service public, pour détourner une partie de la clientèle de la société SGHI (B).

A. LES SOCIETES DAV ET SGHI ONT UNE CLIENTELE COMMUNE

La simple lecture de l'extrait Kbis de la société DAV permet de constater que la société SGHI et la société DAV exercent incontestablement des activités concurrentes. Cet extrait mentionne en effet que la société DAV a pour activité : " la prospection commerciale et la recherche de clientèle pour l'hôtellerie".

Il convient de préciser que la jurisprudence n'exige pas que deux entreprises exercent des activités rigoureusement identiques pour considérer qu'elles sont concurrentes, il suffit qu'elles exercent des activités voisines ou semblables.

Or en reprenant l'exploitation de l'hôtel Ariane au mois d'octobre 1994, la SGHI a constaté, tout comme les intimées, qu'il lui fallait être en mesure de commercialiser le "produit neige" pour répondre aux besoins de la "clientèle séjour".

Elle a donc proposé, dès l'automne 1994, des prestations associant à l'hébergement l'accès aux remontées mécaniques et la location du matériel de ski.

Compte tenu de la spécificité de ses installations, elle a aussi offert des prestations séminaires, combinant l'hébergement en pension complète, la mise à disposition de salles de réunions, des animations, l'accès aux pistes de ski, etc ...

L'agence de voyages DAV propose aussi toute une gamme de séjours associant notamment hébergement et ski.

Ainsi, dans plusieurs brochures, notamment une plaquette "Séminaires" pour 1994 (pièce n° 10 communiquée en première instance par la concluante), elle offrait, comme l'hôtel Ariane, "l'hébergement en pension complète, le vin et le café à table, la mise à disposition d'une salle et du matériel, la détente physique, une possibilité de ticket repas dans un restaurant d'altitude ..."

Cette situation de concurrence s'est encore avivée lorsque la société SGHI a présenté à la préfecture de l'Isère le 9 septembre 1995 une demande d'agrément à l'exercice des activités de vente de voyages et de séjours, afin d'être en mesure d'inclure l'ensemble de ces prestations dans un prix forfaitaire conformément à la loi du 13 juillet 1992. Cette habilitation lui a été délivrée par Arrêté préfectoral n° 96-1703 le 21 mars 1996.

Les sociétés DAV et SGHI se sont donc trouvées en situation de concurrence dès l'arrivée de la société SGHI dans la station, sur le marché du séjour associant notamment l'hébergement et le ski, en particulier pour l'organisation de séminaires.

B. LES SOCIETES DAL ET DAV ONT MIS A PROFIT LEUR COMPLEMENTARITE POUR DETOURNER LA CLIENTELE DE L'HOTEL ARIANE

Il a déjà été démontré que grâce à ses liens avec la société DAL, la société DAV, agence de voyages, était en mesure de proposer des séjours comprenant l'accès aux pistes de ski à des prix beaucoup plus attractifs que ceux des hôteliers, dont l'hôtel Ariane.

Dans plusieurs brochures publicitaires (pièce n° 10 communiquée par SGHI, pièce n° 27 communiquée par DAL-DAV), la société DAV incitait ainsi la clientèle à passer par son intermédiaire en ces termes : " En effectuant votre réservation par l'intermédiaire de notre service, vous bénéficiez de tarifs préférentiels sur le plan des remontées mécaniques ".

Cette incitation a été suivie d'actes positifs de détournement de clientèle de la part de la société DAV, tant pendant la durée de la convention de concession de la Centrale de Réservation (1) qu'après son expiration (2).

1) Durant l'exécution de la convention de concession

Dans les brochures destinées à l'information de la clientèle de la station, et versées aux débats par la concluante, le service public de réservation et l'activité d'agent de voyages étaient fondus dans un même ensemble.

La société DAV entretenait la confusion de façon à pouvoir drainer la clientèle la plus intéressante (les séminaires) de la Centrale de Réservation vers son département marketing et s'exonérer ainsi de son obligation de neutralité vis-à-vis des hôteliers de la station.

Les nombreuses attestations versées aux débats par la concluante attestent que la Centrale de Réservations ne proposait pas l'hôtel Ariane en réponse aux demandes d'informations des clients relatives aux hôtels trois ou quatre étoiles de la station (cf. notamment Monsieur Vernières, 23 novembre 1994; Madame Codou, 19 octobre 1994 ; Madame Ferrandi, 21 octobre 1994 ; Madame Chagniard, 19 novembre 1994 ; Monsieur Di Maggio, 17 novembre 1994 ; la société Someag pour un séminaire, 20 octobre 1994 ; Madame Moncade, 23 novembre 1994 ; Monsieur Bouffier, 13 décembre 1995 ; Madame Françoise Lecoeur, 30 novembre 1995).

L'hôtel Ariane n'était en fait proposé par la Centrale de Réservation pour l'organisation de séminaires que lorsque le nombre de personnes excédait la capacité d'accueil des autres hôtels (exemple du séminaire de la société AFE, qui s'est déroulé à l'hôtel Ariane au mois de janvier 1995. Comme il s'agissait d'un séminaire pour 200 personnes, la Centrale de Réservation n'a pas eu d'autre alternative que de l'orienter vers l'hôtel Ariane).

Ces pratiques ont perduré après le 1er octobre 1995, date à laquelle la convention de concession a expiré:

2) Après l'expiration de la convention de concession

Alors qu'elle n'était plus concessionnaire de la Centrale de Réservation, la société DAV a continué à entretenir la confusion dans l'esprit de la clientèle, en conservant notamment le même numéro de téléphone et le même numéro de télécopie pour détourner la clientèle au profit des hôtels qui lui sont liés.

L'hôtel Ariane a de cette façon fait l'objet de plusieurs tentatives de détournement de clientèle.

Elle en fournit trois exemples:

(a) Le séminaire du Docteur Lacroix

- Le 7 décembre 1995, le Docteur Lacroix a adressé une demande de renseignements à "Agence Centrale de Réservation Deux-Alpes Voyages" pour l'organisation d'un séminaire de 30 personnes, avec dîner de gala, etc...

Cette télécopie a été adressée au numéro utilisé depuis plusieurs années par DAV pour la Centrale de Réservation : 76-79-22-00

- Le 11 décembre 1995, la société DAV lui répond et lui fait trois propositions, parmi lesquelles ne figurait pas l'hôtel Ariane (hôtels La Berengère, Muzelle Sylvana, Chalet Mounier).

Le même jour Monsieur Goetz (qui avait demandé à Monsieur Lacroix de s'adresser à la société DAV) a contacté DAV pour vérifier qu'il n'existait aucun autre hôtel, il lui a été répondu que seuls les hôtels mentionnés avaient donné une suite favorable à la demande. Il a accepté de l'attester.

Monsieur Chagny, à qui DAV n'avait pas transmis la demande de réservation, a fait part de ses réclamations à la société DAV.

- Le 15 décembre 1995, DAV a transmis cette proposition à la SGHI.

(b) Le séminaire Expanscience

Messieurs Rivat et Payen ont attesté le 21 décembre 1995 que la " Centrale de Réservation Deux-Alpes Voyages " avait tenté, au mois d'octobre 1995, de les détourner de l'hôtel Ariane en se prévalant de tarifs plus intéressants sur les remontées mécaniques :

" Courant octobre 1995, nous nous sommes rendus à l'Office du Tourisme des Deux-Alpes pour rechercher un établissement hôtelier susceptible d'accueillir notre séminaire.

L'Office du Tourisme nous a alors adressés à la Centrale de Réservation, laquelle nous a proposé différents hôtels (le Chalet Mounier, la Farandole et le Souleil'Or) parmi lesquels l'hôtel Ariane ne figurait pas.

C'est donc par hasard, sur la suggestion d'un cafetier, que nous avons visité votre établissement en même temps que ceux qui nous avaient été conseillés.

Notre choix s'étant fixé sur l'hôtel Ariane, nous sommes retournés à la Centrale de Réservation Deux-Alpes Voyages et avons été surpris de constater que notre interlocutrice tentait de nous orienter vers un autre établissement.

Celle-ci nous a également indiqué que réserver notre séminaire par l'intermédiaire de DAV nous permettrait de bénéficier de tarifs sur les remontées mécaniques, inférieurs à ceux pratiqués dans le cadre d'une réservation directe à l'hôtel Ariane ".

La tentative de détournement est très clairement établie. La société DAV a utilisé l'argument commercial tiré des prix de remontées mécaniques, et son ancienne dualité de Centrale de Réservation, pour tenter de détourner un séminaire de l'hôtel Ariane.

(c) Le groupe Russe

L'attestation de Madame Natacha David, datée du 3 mai 1997, atteste un nouvel acte de détournement de clientèle dont la société SGHI a fait l'objet de la part de la société DAV

"Cet hiver 1995-1996, lors d'une soirée au bowling du village, j'ai rencontré un groupe de Russes séjournant à l'hôtel La Bérangère. Ces personnes m'ont dit qu'elles avaient envisagé à Moscou d'organiser un séjour à l'hôtel Ariane, mais avaient été dissuadées par une agence de voyages représentant la station des Deux-Alpes en Russie, laquelle leur a proposé de séjourner à l'hôtel La Bérangère car ils obtiendraient de meilleures prestations et en plus de meilleurs prix sur les remontées mécaniques.

Par l'intermédiaire de sa filiale DAV, la société DAL a utilisé son monopole sur le marché de l'exploitation des remontées mécaniques pour opérer des manœuvres positives de détournement de la clientèle des hôteliers avec lesquels elle n'est pas liée, dont l'hôtel Ariane.

Ces manœuvres constituent un abus de position dominante sanctionné par l'article 8 de l'ordonnance (Décision du Conseil de la concurrence du 18 novembre 1987, Demande de mesures conservatoires de la société Pompes funèbres 77).

Elles caractérisent aussi des actes de concurrence déloyale dont la société SGHI est fondée à demander réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, indépendamment de l'article 8 de l'ordonnance.

Attendu que les sociétés DAL et DAV concluent à la confirmation et demandent 100.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que 100.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

SUR CE

Attendu que, hormis l'exploitation d'un restaurant d'altitude de catégorie courante au point d'arrivée supérieur des remontées mécaniques - lequel n'est pas concurrentiel de l'activité haut de gamme de l'hôtel Ariane - les sociétés DAL et DAV n'ont pas d'activité d'hôtellerie ni de restauration;

Qu'il n'y a pas de situation de concurrence entre l'appelant et les intimées;

Que les griefs de la société SGHI ne peuvent donc concerner que l'offre par la société DAL de tarifs bas de remontées mécaniques aux clients de certains hôtels désignés par la société DAV ; Que s'il sont établis, ils peuvent aller à l'encontre des règles posées par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Attendu, sur les pratiques discriminatoires dénoncées par la société SGHI,

- que les tarifs bas offerts aux entreprises italiennes de tourisme s'expliquent par le fait que les clients des grandes villes italiennes n'ont pas d'attache particulière pour la station des Deux-Alpes et mettent en concurrence les stations françaises, suisses, italiennes, autrichiennes ; Que le coût est un facteur déterminant de leur choix final ; Que la société SGHI qui n'a jamais reçu de groupes italiens ne peut pas prétendre qu'elle a été victime d'une discrimination ;

- que les remises aux entreprises de tourisme qui mentionnent la station dans leur catalogue a pour contrepartie le profit retiré par la société DAL d'une publicité qui amène une clientèle plus importante vers les remontées mécaniques ; Que la société SGHI ne justifie, pour sa part, d'aucune publicité équivalente ;

- que les tarifs préférentiels de remontées mécaniques accordés aux clients qui faisaient leurs réservations par l'intermédiaire de la société DAV s'expliquent par le fait que la société DAV, centrale de réservation, est la filiale de la société DAL, exploitant des remontées mécaniques ;

Que par un effet de symbiotique commerciale, les rabais consentis par la société DAL sont compensés, logiquement au delà, par le profit retiré par la société DAV dans son activité d'intermédiaire de réservation ; Que le groupe améliore ainsi ses profits ;

Que les clients directs de la société SGHI ne sauraient prétendre aux mêmes bas tarifs des remontées puisqu'ils n'ont rien apporté à la société DAV ;

- que l'absence de proposition à la clientèle en recherche d'hébergement de l'hôtel Ariane par la société DAV, rémunérée au pourcentage sur les prix des chambres louées, n'est manifestement pas due au désir de recevoir une commission inférieure résultant du fait que les clients sont dirigés vers les hôtels de catégorie inférieure ;

Que la clientèle de la station des Deux-Alpes est essentiellement composée de sportifs et d'étudiants ; Que la société DAV a un devoir de conseil et manquerait à ses obligations si, dans le seul souci de recevoir une commission plus élevée, elle adressait des clients, aux revenus faibles ou moyens vers l'hôtel Ariane dont les tarifs "par personne et par jour en demi pension" pour la saison 94/95 variaient entre 425 F (chambres de catégorie C, cinq chambres dans l'hôtel) et 700 F (chambres de catégorie A) ; Qu'en outre, il est de fait que l'hôtel est éloigné des remontées mécaniques ;

Qu'aucune des pratiques dénoncées par la société SGHI ne revêt de caractère discriminatoire au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Qu'il n'est pas non plus de pratique commerciale discriminatoire ou déloyale de la part d'une société même exploitant des remontées mécaniques de réserver aux clients de sa filiale, centrale de réservation, des tarifs préférentiels sur les remontées mécaniques ; Que l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'est donc pas méconnu ;

Que la société SGHI ne saurait prétendre contracter directement avec ses clients, donc ne pas verser de commissions à la société DAV, et prétendre également bénéficier des tarifs les plus bas de la société DAL dont elle est la société mère ; Que pour offrir des forfaits à prix bas, la société SCHI devait financer elle-même la différence de prix ; Et qu'il résulte des affirmations de la société SGHI dans la procédure prud'homale l'opposant à son ancien Directeur, Monsieur Delcourt, que ce serait ce dernier qui serait à l'origine de la baisse de son chiffre d'affaires (été 1995 : - 1.868.000 F ; été 1996 : - 1.025.000 F) ; Que l'argumentation non convaincante de la société SGHI manque aussi de cohérence d'un procès à l'autre ;

Attendu que le moyen de réformation fondé sur la prétendue absence de contrôle des communes sur l'activité des sociétés concessionnaires, ne serait pas, même s'il était admis, de nature à fonder l'allocation de dommages et intérêts de la part des sociétés DAL et DAV à la société SGHI ; Qu'il est donc inopérant ;

Attendu, sur les demandes de dommages et intérêts des sociétés DAL et DAV pour procédure abusive et au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, que le procès témérairement intenté par la société SGHI, liée à un groupe immobilier important, qui a multiplié les moyens de droit complexes, grâce au concours d'un cabinet juridique de la capitale, spécialisé en droit des affaires, a été perturbateur pour les deux intimés, sociétés de remonte pente et de centralisation des locations d'une station de ski de moyenne importance ; Que face aux agressions de la société SGHI et à ses prétentions financières démesurées, les dirigeants des sociétés DAL et DAV ont été contraints de manière impromptue de soustraire de leurs activités normales liées au ski le temps nécessaire à la constitution d'un dossier en défense à des attaques dont la nature et la portée ont pu leur paraître peu compréhensibles ;

Que ces troubles venus de l'extérieur à l'activité ordinaire de sociétés et de personnes physiques qui tentent de développer l'économie de leurs communes et de procurer du travail aux habitants ont duré, jusqu'à présent, plus de trois ans ;

Qu'il est donc justifié de faire droit aux demandes ;

Par ces motifs : LA COUR : statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, juge que les pratiques dénoncées par la société SGHI ne constituent pas des actes discriminatoires au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ni des actes de concurrence déloyale ; confirme le jugement déféré ; y ajoutant : condamne la société SGHI à payer aux sociétés DAL et DAV, créanciers solidaires, 100.000 F (cent mille francs) à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 100.000 F (cent mille francs) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; la condamne aux dépens.