CA Douai, 2e ch., 19 mars 1998, n° 95-05205
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Prodim (SNC)
Défendeur :
Houacine (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gosselin
Conseillers :
Mmes Chaillet, Laplane
Avoués :
Mes Le Marc'Hadour Pouille-Groulez, Carlier-Regnier
Avocats :
Mes Everaere, Meyer.
Procédure et prétentions des parties
Par jugement du 24 avril 1995 auquel référence est faite en ce qui concerne l'exposé du litige et les prétentions des parties, le tribunal de commerce de Lille a :
- dit irrecevable et mal fondée la demande d'intervention forcée de Promodes, formée par les époux Houacine;
- condamné les époux Houacine à payer à la société Promodes la somme de 3.000 F (trois mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
- dit n'y avoir lieu de prononcer la nullité ni la requalification en contrats de mandat des contrats de franchise liant Prodim aux époux Houacine;
- prononcé la résiliation à compter du 30 juin 1992 des contrats de franchise liant Prodim aux époux Houacine concernant les magasins en Nouvion en Thierache et d'Haussy, à leurs torts partagés;
- condamné les époux Houacine à payer à la SNC Prodim la somme de 522.160,43 F augmentée des intérêts courus et à courir au taux conventionnel de 12,5 % l'an à compter du 15 juillet 1992 jusqu'à parfait paiement, et au taux légal à compter du 6 juillet 1992 pour la somme de 231.839,30 F ;
- condamné la société Prodim à rembourser en deniers et quittances valables toutes sommes excédentaires au taux contractuel de 0,4 % du chiffre d'affaires TTC qu'elle aurait pu percevoir au titre des redevances de franchise;
- ordonné avant dire droit une expertise aux fins notamment d'établir le montant des redevances de franchise restant dues sur la base du taux contractuel de 0,4 %, le trop perçu pendant toute la durée d'exécution des deux contrats, ainsi que le montant des dommages et intérêts dus au titre des sommes retenues ;
- ordonné la compensation entre les créances réciproques de chacune des parties ;
- dit n'y avoir lieu à prononcer la mainlevée de l'inscription provisoire de nantissement du fonds de commerce du Nouvion en Thierache, appartenant aux époux Houacine, aussi longtemps que ceux-ci seront redevables d'une somme quelconque à la société Prodim;
- débouté tant la société Prodim que les époux Houacine de leurs demandes à titre de dommages et intérêts, à l'exception de ceux qui seront déterminés à dire d'expert;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- condamné la société Prodim et les époux Houacine à supporter par moitié les entiers frais et dépens de l'instance.
Appel de la décision a été formé par la SNC Prodim qui demande à la Cour dans ses écritures des 6 septembre 1995, 15 mai 1996 et 22 octobre 1997, de :
1) réformer ledit jugement en ce qu'il a :
- prononcé la résiliation à compter du 30 juin 1992 des contrats de franchise liant Prodim aux époux Houacine concernant les magasins du Nouvion en Thierache et Haussy à leurs torts partagés ;
- condamné Prodim à rembourser en deniers ou quittances valables toute somme excédentaire au taux contractuel de 0,4 % du chiffre d'affaires TTC qu'elle aurait pu percevoir au titre des redevances de franchise ;
- nommé expert aux fins de déterminer le montant du trop perçu à ce titre ainsi que le montant des dommages et intérêts auxquels auraient droit les époux Houacine.
2) confirmer le jugement entrepris pour le surplus et y ajoutant,
- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs des époux Houacine ;
- condamner en conséquence les époux Houacine au paiement d'une somme de 80.302,44 F au titre de la clause pénale prévue à l'article 6 du contrat de franchise pour le fonds de la Nouvion en Thierache et de 54.884 F pour le fonds d'Haussy avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;
- condamner les époux Houacine à payer à la société Prodim une somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par la société Prodim du fait de la violation par Monsieur et Madame Houacine de l'article 32 du contrat de franchise ;
- condamner Monsieur et Madame Houacine à payer à la société Prodim la somme principale de 32.868,17 F au titre des cotisations de franchise des mois de février, mars, avril, mai et juin 1992 demeurées impayées outre les intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation ;
- lui donner acte de ce qu'elle entend reprendre l'intégralité des moyens soulevés en première instance ;
- débouter les époux Houacine de l'intégralité de leurs demandes ;
- les condamner au paiement d'une indemnité procédurale de 20.000 F.
Elle soutient à propos de la résiliation du contrat
- que le développement du réseau 8 à Huit démontre son savoir-faire et qu'elle a toujours rempli ses obligations contractuelles notamment d'assistance technique et financière sans porter atteinte à l'autonomie des époux Houacine dans leur gestion et sans mauvaise foi ;
- qu'en revanche, les époux Houacine n'ont pas respecté leurs engagements ni au titre de l'utilisation de l'enseigne et de la non-concurrence pendant la durée du contrat, ni au titre des fournitures ni au titre des cotisations de franchise.
Pour ce qui concerne la restitution des redevances, elle fait valoir que les époux Houacine ont accepté un taux supérieur à 0,4 % en réglant le taux facturé pendant plus de quatre ans et demi ; que le taux de 0,4 % ne correspondait qu'à la seule mise à disposition de l'enseigne par le franchiseur, à l'exclusion des services annexes au contrat de franchise; que les conditions de l'action en répétition de l'indu ne sont pas réunies. Elle invoque la prescription de l'article 2277 du code civil pour les cotisations dues pour la période antérieure au 31 décembre 1988, date d'effet de l'apport partiel d'actif intervenu entre les sociétés Prodim et Promodes. Elle conteste devoir les frais de transport.
Pour ce qui est de la nullité des contrats de franchise, elle soutient que les conditions de l'article 8-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne sont pas réunies en l'espèce et que les époux Houacine ne rapportent pas la preuve d'une pratique d'imposition des prix.
Enfin, elle justifie ses demandes relatives aux clauses pénales et à la violation de l'article 322 des contrats de franchise d'une part par la rupture des contrats aux torts et griefs des époux Houacine et le montant inférieur de la clause pénale au préjudice réellement subi, d'autre part par l'apposition de l'enseigne concurrente "Coccinelle" sur le magasin des époux Houacine dès octobre 1992.
Monsieur Didier Houacine et son épouse née Martine Blondiau ont déposé quatre jeux d'écritures sur le fond les 15 février 1996, 7 et 12 février 1997 et 20 août 1997 par lesquelles ils demandent à la Cour de :
à titre principal
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille en ce qu'il a estimé que la résiliation du contrat était imputable aux deux co-contractants ;
- débouter la société Prodim de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- leur donner acte de ce qu'ils entendent reprendre en appel l'intégralité des moyens soulevés en première instance ;
- prononcer la nullité du contrat de franchise (conclusions additionnelles du 20 août 1997) pour absence de cause (conclusions du 12 février 1997) ;
- constater que la société Prodim a prélevé au titre des frais de transport des sommes non contractuellement prévues ;
- ordonner les restitutions consécutives au prononcé de la nullité, soit la somme de :
1) pour ce qui concerne le fonds de Nouvion :
-- au titre des marges bénéficiaires : 1.266.051 F
-- au titre des redevances de franchise : 455.727 F
-- au titre de la publicité : 209.499 F
-- au titre du transport : 94.850 F
-- au titre du droit d'entrée : 30.000 F
2) pour ce qui concerne le fonds de Haussy :
-- au titre des marges bénéficiaires : 285.914 F
-- au titre des redevances de franchise : 88.740 F
-- au titre de la publicité : 83.424 F
-- au titre du transport : 32.200 F
- ordonner de ce fait la restitution des sommes indûment perçues soit la somme de
1) pour le fonds de Nouvion en Thierache :
-- au titre des majorations des redevances de franchise 252.629,49 F ;
2) pour le fonds de Haussy :
-- au titre des majorations des redevances de franchise 43.379,37 F ;
- constater que Prodim est intervenue dans la gestion du fonds du franchisé dans son seul intérêt ;
- constater que la société Prodim a causé un préjudice à Monsieur Houacine en effectuant illégalement sa comptabilité ;
- constater que la société Prodim a abusivement poursuivi la procédure pendante ;
- constater que l'attitude de la société Prodim a interdit à Monsieur Houacine de procéder à des investissements, ce qui lui cause un préjudice important ;
- constater que Prodim n'a pas exécuté les conventions dans le cadre des dispositions de l'article 1134 alinéa 3 du Code Civil ;
- condamner Prodim au versement d'une somme de 2.500.000 F à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par Monsieur Houacine ;
A titre subsidiaire,
- dire que la rupture des relations contractuelles est imputable à la seule société Prodim, celle- ci n'ayant pas respecté ses obligations ;
- constater que l'évolution du réseau 8 à Huit prouve l'inexistence du savoir-faire du franchiseur ;
- constater que la société Prodim a prélevé des sommes nettement supérieures aux redevances contractuellement prévues ;
- constater que la société Prodim a prélevé des sommes au titre de la redevance de publicité alors qu'aucune disposition contractuelle ne l'y autorisait ;
- ordonner de ce fait la restitution des sommes indûment perçues par Prodim soit 252 629,49 F et de 43 379,37 F au titre de la majoration des redevances de franchise et de 209 499 F et 83 424 F au titre des redevances publicitaires, et de 94 850 F et 32 200 F au titre des frais de transport non contractuellement prévus ;
- constater que Prodim est intervenue dans la gestion du fonds du franchisé dans son seul intérêt ;
- constater que Prodim n'a pas exécuté les conventions dans le cadre des dispositions de l'article 1134 alinéa 3 du code civil ;
- condamner Prodim à verser 2.500.000 F de dommages et intérêts aux époux Houacine ;
- nommer un expert qui aura pour mission de déterminer le montant des restitutions et de faire le compte entre les parties
En toute hypothèse,
- condamner la société Prodim à verser à Monsieur Houacine la somme de 100.000 F au titre des frais irrépétibles.
Quant à la procédure, les époux Houacine sollicitent dans leurs dernières écritures du 23 octobre 1997 le rejet des pièces et conclusions de la société appelante signifiées et communiquées le 22 octobre vu les dispositions des articles 15 et 16 du nouveau code de procédure civile.
La SNC Prodim conclut le 24 octobre 1997 au débouté de l'intégralité des demandes des époux Houacine, à la recevabilité des conclusions et pièces respectivement signifiées les 21 et 22 octobre 1997 ainsi que de ses dernières écritures.
Motifs :
Sur la procédure :
Il convient de rappeler :
- que dans un premier temps, les parties ont circonscrit le débat à la résiliation des contrats de franchise et des sommes dues de part et d'autre, ce jusqu'au 7 février 1997 ;
- qu'à quelques jours de l'audience de plaidoiries fixée au 13 février 1997, le renvoi de l'affaire a été sollicité par le conseil des époux Houacine qui le 12 février ont fait déposer de brèves conclusions par lesquelles ils ont repris l'intégralité de leurs moyens de défense dont ceux relatifs à la nullité des contrats, puis repris des écritures complètes à l'avant-veille de l'ordonnance de clôture signée le 22 août contenant des demandes additionnelles ;
- que cette ordonnance a été révoquée pour respect du principe du contradictoire et qu'une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 1997.
Dans ces conditions, il ne peut être reproché à la SNC Prodim d'avoir déposé deux jours avant des conclusions en réplique faisant valoir des moyens de défense déjà débattus en première instance quant à la nullité des contrats et développant une argumentation déjà contenue dans ses premières écritures pour le surplus, la demande additionnelle de clause pénale pour le magasin d'Haussy reposant sur les mêmes dispositions contractuelles que pour le magasin de Le Nouvion en Thierache.
Quant aux pièces communiquées le 21 octobre, il s'agit des rapports annuels du Groupe Promodes pour les années 1990, 1991 et 1992 qui n'amènent aucun élément réellement nouveau compte tenu de la notoriété dudit groupe.
Ces pièces et les conclusions échangées par les parties entre les 22 et 24 octobre 1997 seront déclarées recevables.
Sur la nullité des contrats de franchise :
Bien que visant dans leurs conclusions du 12 février 1997 la nullité des contrats de franchise pour absence de cause non retenue par le tribunal de commerce, les époux Houacine n'ont apporté aucune précision à cet égard dans leurs écritures ultérieures.
La référence aux écritures de première instance étant insuffisante, l'examen de ce moyen s'avère inutile.
Leur demande est en réalité fondée d'une part sur les articles 8 et 9, d'autre part sur l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
* pour abus de dépendance économique :
Les époux Houacine soutiennent que la société Prodim leur a imposé unilatéralement l'augmentation des taux de redevances, ce qui constitue une modification abusive des conditions commerciales dans le seul intérêt du franchiseur et que face à leur refus de s'y soumettre, ce dernier a exercé sur eux une pression abusive en les assignant en paiement des marchandises.
Comme le fait valoir la SNC Prodim, l'article 8-2° invoqué par les époux Houacine renvoie à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et ne prohibe les abus de domination, fussent-ils commis par exploitation abusive de l'état de dépendance d'autrui, que lorsqu'ils ont pour objet d'entraver le jeu de la concurrence.
Le fait d'imposer une augmentation du taux de cotisation en cours d'exécution d'un contrat de franchise concerne les seuls rapports du franchiseur et de ses franchisés et n'est pas susceptible d'altérer les conditions de fonctionnement du marché.
Quant à l'assignation en paiement des marchandises et des cotisations demeurées impayées, elle a fait suite à trois mises en demeure des 5 juin et 6 juillet 1992 et ne peut être considérée comme un moyen de pression sur les époux Houacine qui avaient signé en janvier 1992 une reconnaissance de dettes pour un montant de 312 653,73 F au titre des marchandises, les contestations relatives au taux des cotisations lui étant postérieures.
Aussi la rupture des relations commerciales n'est-elle pas intervenue "au seul motif" que les époux Houacine refusaient de se soumettre aux conditions tarifaires de la société Prodim en matière de cotisations.
* pour prix imposés :
Les époux Houacine reprochent au franchiseur de leur avoir imposé des prix de revente au public en leur fournissant tarifs et étiquettes pré-établis, par la mise en place d'un système MSI qui interdit toute modification et de conseillers de franchise chargés de contrôler le respect des prix et par l'organisation de campagnes publicitaires les faisant apparaître.
Il résulte de l'article 313 des contrats de franchise que les époux Houacine se devaient de suivre la politique de vente tarifaire édifiée par la société Prodim, mais demeuraient libres de "l'adapter dans le respect de l'image de l'enseigne".
Par ailleurs, il n'est pas démontré par les pièces versées aux débats que la société Prodim imposait un prix de revente minimum qui seul est prohibé par l'article 34 de l'ordonnance précitée. Les tarifs inscrits sur ses documents correspondent à des prix de vente conseillés (PVC) et si les campagnes publicitaires organisées pour de brèves périodes à l'échelon régional engageaient les franchisés de la région concernée à suivre les prix annoncés, ils bénéficiaient eux-mêmes de prix promotionnels avantageux et pouvaient à l'issue de la campagne revenir ou non aux tarifs habituellement indiqués.
Tenus de suivre la politique commerciale de la société Prodim et de concourir à la bonne image de l'enseigne, les époux Houacine voyaient leur tâche facilitée par l'existence d'étiquettes pré-établies, mais pouvaient en cas de modification de prix de tel ou tel produit confectionner des étiquettes spécifiques.
Quant au système MSI, il comporte une rubrique "Changement de prix" selon le document produit par la société Prodim dont la véracité n'est pas contestée par les franchisés.
Par ailleurs, l'information ouverte du chef d'infraction aux articles 7, 17 et 34 de l'ordonnance dans le cadre de l'exploitation de deux magasins Shopi, appartenant à un réseau parallèle de franchisés de la société Prodim, n'a permis d'établir ni la mission de surveillance confiée aux conseillers de franchise Promodes telle que décrite dans les attestations de Messieurs Lefebvre, Payen et Fondu, salariés licenciés par la société Prodim ni la preuve que des mesures de rétorsion commerciale auraient été prises par le franchiseur en cas de non respect des prix conseillés.
Les époux Houacine disposent d'une certaine marge de manœuvre dans la fixation de leurs prix de vente, le contrat ne peut être déclaré nul.
La décision déférée sera donc confirmée, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à nullité des deux contrats de franchise en date des 31 mars 1987 et 30 octobre 1989.
Sur la résiliation des contrats de franchise :
Les deux parties contestent le prononcé de la résiliation des contrats à leurs torts partagés et en imputent la responsabilité à son co-contractant. La SNC Prodim fait grief aux époux Houacine d'avoir manqué à leurs obligations de paiement des marchandises et des cotisations de février à juin 1992 au prix facturé ainsi qu'à leur obligation de non-concurrence pendant la durée de l'accord. De leur côté, les époux Houacine mettent en cause la réalité et la transmissibilité du savoir-faire de la société Prodim, le système de la franchise grâce auquel la société Prodim a pu prélever sans leur consentement des sommes indues au titre des cotisations, redevances publicitaires et frais de transport et maintenir de mauvaise foi leurs relations commerciales dans son seul intérêt et à leur détriment.
A ce stade de l'analyse, il convient de compléter et préciser le déroulement chronologique des faits tel qu'exposé par les premiers juges pour déterminer la date et les conditions dans lesquelles est intervenue la rupture.
Les époux Houacine qui au vu des comptes de gestion, avaient souvent dépassé les objectifs du franchiseur à Le Nouvion et ont été reconnus comme meilleurs franchisés 1991 dans le secteur alimentaire ont commencé à avoir des impayés du 12 septembre au 29 novembre 1991 selon le décompte joint à la reconnaissance de dette, puis de nouveau en janvier et mars 1992 selon mise en demeure du 5 juin 1992, puis en mai 1992 selon mise en demeure du 6 juillet 1992.
Le 24 mars suivant, les époux Houacine demandaient à "sortir" du réseau, faute de pouvoir faire face à leurs impayés et aux redevances estimées trop élevées. Le 18 mai, ils contestaient devoir les redevances publicitaires et le taux des cotisations fixé dans le contrat d'origine à 0,4 %; ils annulaient les trois lettres manuscrites annexées au contrat ; le 4 juin, ils sollicitaient la restitution de l'ensemble de leurs archives comptables.
Le 5 juin 1992, la société Prodim leur adressait une double mise en demeure : l'une visant la clause de résiliation de plein droit (a-7 du contrat) pour non paiement des cotisations conformément aux factures émises, ce à compter du 12 juin à défaut de règlement des cotisations ; l'autre se réservant le droit de suspendre les livraisons en cas de non paiement des nouveaux impayés.
Le lendemain, les époux Houacine se référant à l'article 6 du contrat mettaient en demeure le franchiseur de régler le trop perçu de redevances sous peine de rupture du contrat à ses torts et paiement d'une indemnité forfaitaire correspondant à six mois de cotisation. Le 6 juillet, ils étaient avisés de la suspension des livraisons et mis en demeure de régler un complément toujours au titre des marchandises impayées.
Après assignation, les époux Houacine faisaient constater par huissier qu'ils n'avaient plus accès au service Minitel permettant la communication avec la société Prodim et le 14 octobre suivant, cette dernière faisait constater qu'une enseigne "Coccinelle" avait remplacé l'enseigne "8 à Huit" sur leur magasin.
Il ne peut être sérieusement soutenu que la société Prodim appartenant au Groupe Promodes en pleine expansion durant les années 1988-1992 et dont les titres sont cotés en bourse ne disposait d'aucun savoir-faire en matière de franchise. Les documents versés aux débats sur l'évolution du groupe qui exploite plusieurs enseignes en matière de distribution alimentaire et plus particulièrement du réseau "8 à Huit" démentent les allégations des époux Houacine.
Outre le fait que l'expérience garantit l'existence et la spécificité du savoir-faire, il résulte en l'espèce des résultats obtenus par les époux Houacine jusqu'en 1991 qu'ils ont bénéficié d'une étude prévisionnelle sérieuse, d'une assistance technique régulière et d'une politique commerciale adaptée comme ils l'ont reconnu spontanément à deux reprises et écrit dans leur reconnaissance de dette.
Pour ce qui concerne le taux de redevance, il est constant que pour chacun des deux contrats de franchise, les époux Houacine ont rédigé trois lettres manuscrites selon modèle mis au point par le franchiseur par lesquelles ils demandent l'aide d'un conseiller commercial, la réalisation de tous ses paiements avec délégation de signature bancaire, et un service d'assistante commerciale ayant pour objet d'organiser le contrôle de gestion des magasins et l'établissement des documents comptables ; ce dernier service étant confié à la société Alpha Conseil à compter de juin 1991 à la demande de la société Prodim.
C'est en vain que les époux Houacine soutiennent eu égard à l'article 28 des contrats visant les accords particuliers pour les services relevant de la compétence du franchiseur que le taux de cotisation de 0,4 % HT prévu par l'article 33 englobe le prix de ces services complémentaires rendus, ce d'autant qu'ils ont reconnu "avoir pris bonne note du tarif de service annexé ci-joint".
Bien que la SNC Prodim ne justifie pas avoir porté annuellement à la connaissance des franchisés les barèmes de cotisation qu'elle verse aux débats en appel, il résulte des comptes de gestion mensuels que les cotisations prélevées par le franchiseur n'ont jamais excédé et le pourcentage annoncé dans le compte d'exploitation prévisionnel pour les deux magasins et le taux du barème dont les époux Houacine ont eu connaissance au moment de la signature des contrats en 1987 et 1989 ou qu'ils auraient dû réclamer au franchiseur.
De plus, les époux Houacine ont attendu le 24 mars 1992 pour protester contre le taux des cotisations qui une fois la comptabilité confiée à un service comptable extérieur, leur a été communiqué par facture mensuelle à compter de juin 1991. Aussi sont-ils malvenus à invoquer la mauvaise foi du franchiseur dont il n'est nullement établi qu'il ait abusé du système de gestion administrative, financière et commerciale accepté par les franchisés.
Pour ce qui concerne les frais de transport et les redevances publicitaires, les époux Houacine se bornent à affirmer qu'ils ont été prélevés en violation ou en l'absence des dispositions contractuelles sans autre précision.
Ils ne rapportent pas la preuve d'un engagement de la société Prodim à prendre en charge les frais de transport et ne démontrent pas que le poste "publicité" figurant sur les comptes de gestion correspondant à des dépenses relatives à la publicité nationale et régionale mises à la charge du franchiseur par l'article 242 du contrat et non à des factures d'intervenants extérieurs comme le soutient la société Prodim.
Dans ces conditions, et au vu des prélèvements opérés par les époux Houacine pour leur commerce de Le Nouvion En Thierache (446.994 F en 1991) il apparaît que le véritable motif de la rupture fut l'impossibilité pour les époux Houacine de faire face simultanément à leurs engagements du 13 janvier 1992 et à l'exécution du contrat dans les conditions antérieures, l'apposition de l'enseigne "Coccinelle" étant intervenue postérieurement à la suspension des livraisons.
A défaut de preuve d'un manquement de la société Prodim à ses obligations contractuelles ou de leur exécution de mauvaise foi, il y a lieu de réformer le jugement déféré en constatant que la résiliation du contrat au 31 mars 1987 est intervenue le 6 juillet 1992 aux torts des franchisés en application de l'article 7 du contrat et que celle du contrat du 30 octobre 1989 est intervenue de fait à la même date de par la commune intention des parties.
En effet, pour le magasin d'Haussy la société Prodim ne fait état ni de marchandises ni de cotisations impayées, la reconnaissance de dettes et les diverses mises en demeure ne concernant que l'établissement de Le Nouvion en Thierache. De leur côté, ni les époux Houacine, ni leur conseil n'ont jamais mis en demeure leur cocontractant de respecter son obligation de fourniture des marchandises après suspension des livraisons. Il ressort de l'ensemble du dossier qu'à la suite de la rupture du premier contrat, les parties ont entendu mettre un terme au second contrat.
Les époux Houacine seront donc déboutés de toutes leurs demandes de restitution et en dommages et intérêts.
Sur les demandes de la SNC Prodim :
-- au titre des marchandises impayées
Les époux Houacine n'ont jamais contesté les sommes réclamées tant en vertu de la reconnaissance de dette prévoyant un taux d'intérêt de 12,5 % qu'en vertu de la mise en demeure du 6 juillet 1992 récapitulant les nouveaux impayés et précisant qu'elle faisait courir les intérêts au taux légal.
-- au titre des cotisations impayées
Il résulte des factures de février à juin 1992 que compte tenu des règlements effectués au taux de 0,4 % par les époux Houacine, la somme due à ce titre s'élève à 32.861,17 F (et non 32.868,17 F), somme qui portera intérêt à compter du 4 août 1992, date de l'assignation.
-- au titre des clauses pénales
Si l'article 6 des contrats stipule qu'en cas de résiliation aux torts du franchisé, celui-ci devra une indemnité forfaitaire égale à un an de cotisations, il est pour le moins surprenant qu'en cas de faute du franchiseur, celui-ci ne soit tenu qu'à une indemnité égale à six mois de cotisations alors que le franchisé pourrait invoquer de même la perte de marge brute.
Compte tenu de son caractère manifestement excessif et du fait que la société Prodim ne donne aucune explication sur le chiffre d'affaires retenu pour calculer le montant de la clause pénale, il y a lieu de la réduire au montant approximatif de six mois de cotisations soit à 40.000 F pour le magasin de Le Nouvion, ce avec intérêts à compter du présent arrêt. Quant au magasin d'Haussy en l'absence de faute du franchisé, il n'y a pas lieu à application d'une clause pénale.
-- au titre de la violation de l'article 322 du contrat
Le contrat ayant été résilié de plein droit à la date du 6 juillet 1992, la SNC Prodim qui ne livrait plus de marchandises au magasin de Le Nouvion et qui en application de l'article 6 pouvait retirer ou a retiré l'enseigne "8 à Huit", ne peut soutenir avoir subi un quelconque préjudice résultant de l'apposition d'une autre enseigne sur ledit commerce.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
-- au titre de l'indemnité procédurale
L'équité commande au vu de la situation respective des parties que la société Prodim supporte la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel.
Par ces motifs, Déclare recevables les pièces communiquées le 21 octobre et les écritures échangées entre le 22 et le 24 octobre 1997, Réforme le jugement déféré en ce qu'il a : 1) prononcé la résiliation des contrats de franchise des 23 avril 1987 et 30 octobre 1989 aux torts partagés, 2) condamné la SNC Prodim à restituer aux époux Houacine partie des cotisations payées, ordonné expertise pour en déterminer le montant et ordonné compensation avec les sommes dues à la SNC Prodim par les époux Houacine, 3) débouté la SNC Prodim de la demande formée au titre de la clause pénale, 4) partagé les dépens par moitié, Constate que la résiliation du contrat de franchise du 31 mars 1987 de la Nouvion En Thierache est intervenue le 6 juillet 1992 aux torts des époux Houacine, Constate que le contrat de franchise du 30 octobre 1989 a été résilié à la même date de par la volonté commune des parties, Déboute les époux Houacine-Blondiau de toutes leurs demandes, Les condamne à payer à la SNC Prodim : - au titre des cotisations de 1992, la somme de 32.861,17 F avec intérêts au taux légal à compter du 4 août 1992 ; - au titre de la clause pénale pour le magasin de Le Nouvion en Thierache, la somme de 40.000 F avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Confirme le jugement en ses autres dispositions, Déboute la SNC Prodim de sa demande de clause pénale pour le magasin d'Haussy et d'indemnité procédurale, Condamne les époux Houacine-Blondiau aux dépens de première instance et d'appel, Autorise la SCP Carlier Regnier à recouvrer directement les dépens, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.