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Décisions

CA Versailles, ch. mixte des vacations, 8 octobre 1999, n° 1252-99

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Elis (GIE)

Défendeur :

Charpentier Armen (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lambremon-Latapie

Conseillers :

M. Boilevin, Mme Bourquard

Avoués :

SCP Lissarrague-Dupuis, SCP Keime-Guttin

Avocats :

Mes Bousquet, Ipeau.

T. com. Nanterre, du 20 janv. 1999

20 janvier 1999

La SARL Charpentier Armen a été créée par son personnel en 1985 pour reprendre l'atelier de Quimper d'une société de fabrication de vêtements de travail en liquidation judiciaire. Ses fabrications lui sont principalement achetées par deux clients, dont le GIE Elis, spécialiste du blanchissage et de la location de vêtements de travail.

Le 25 avril 1995 la SARL Charpentier Armen et le GIE Elis concluaient un contrat dit de " Fonctionnement Atelier 330" valable du 4 avril au 31 décembre 1995 et renouvelable annuellement par tacite reconduction ; le 23 décembre 1996, le GIE Elis a dénoncé ce contrat avec effet au 30 juin 1997.

Le 7 août 1997, le gérant de la SARL Charpentier Armen émettait une proposition écrite sur un accord de fabrication pour les sites de Quimper et d'Istambul prévoyant durées et quantités au titre de l'année 1998 ; le gérant indiquait qu'une réponse donnée avant le 5 septembre suivant permettrait la mise en œuvre de cet accord à partir du 1er janvier 1998.

Le 25 octobre 1997, la SARL Charpentier Armen et le GIE Elis ont signé un marché pour une période d'une année (1er février 1998 au 31 janvier 1999), comparable aux marchés antérieurs, mais sans aucune référence aux propositions faites au mois d'août précédent par la SARL Charpentier.

Le 30 juin 1998, l'Administrateur unique du GIE Elis informait le gérant de la SARL Charpentier Armen de leur nouvelle politique d'achat et d'approvisionnements et lui communiquait les règles désormais applicables aux appels d'offres pour les commandes de l'exercice 1999 ; le gérant de la SARL Charpentier Armen acquiesçait à cette nouvelle façon de faire et communiquait ses offres pour une partie des articles visés dans l'appel ; le 11 août suivant le GIE Elis indiquait à son fournisseur que ses offres n'étaient pas retenues ; par courrier du 19 août le gérant de la SARL Charpentier Armen protestait en se référant à ce qu'il estimait avoir été convenu le 7 août 1997.

Le 8 octobre 1998, la SARL Charpentier Armen assignait en référé le GIE Elis pour lui enjoindre de passer commande aussi bien pour le site de Quimper que d'Istambul, des quantités prévues pour 1998 et de respecter les engagements pour 1999, tant en quantités sur cinq ans qu'en chiffre d'affaires, se référant à ses propositions du 7 août 1997 ; elle demandait qu'à défaut, le GIE Elis soit condamné à lui verser pour le site de Quimper, 3 années de marge brute et 4 années pour celui d'Istambul, ce sous astreinte de 50,000 F par jour, avec publicité dans quatre périodiques ; la demanderesse sollicitait enfin sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, le paiement de la somme de 50.000 F.

Le 15 octobre 1998, une ordonnance du Président du TribunaI de Nanterre indiquait qu'il n'y avait pas lieu à référé et renvoyait les parties à se pourvoir au fond à bref délai en se présentant volontairement le 30 octobre 1998 et par jugement du 20 janvier 1999, le Tribunal de Nanterre, présentement soumis à la censure de la Cour a :

- condamné le GIE Elis à payer à la SARL Charpentier Armen la somme de 797 250 F avec intérêts légaux, au titre des pénalités prévues par les contrats des 31 mars et 25 avril 1997, décision assortie de l'exécution provisoire et a débouté la demanderesse pour le surplus de la demande,

- dit que l'accord du 7 août 1997 n'engage ni la responsabilité contractuelle du GIE Elis, ni même sa responsabilité quasi-délictuelle précontractuelle,

- dit que le GIE Elis a abusé de la dépendance économique dans laquelle se trouve vis-à-vis de lui la SARL Charpentier Armen, et qu'il lui devait réparation,

- sursis à statuer quant au montant et a désigné un expert pour déterminer sur les cinq derniers exercices, les résultats par rapport au chiffre d'affaires, le volume des affaires avec GIE Elis, l'application du contrat du 25 octobre 1997 ainsi que l'évaluation du préjudice pouvant résulter d'une réalisation insuffisante ; il l'a également invité à donner son avis sur le préjudice éventuel d'une brusque diminution du chiffre d'affaires confié par le GIE Elis à la SARL au cours des quatre derniers mois de 1998,

- condamné pour ce faire le GIE Elis à verser une provision de 1.000. 000 F avec caution bancaire,

- ordonné l'exécution provisoire et la communication au Président du Tribunal de Commerce de Quimper de son jugement,

- condamné le GIE Elis à payer une somme de 20. 000,00 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges ont considéré :

Sur le contrat des 31 mars et 25 avril 1995

- qu'en application de l'article 2 dudit contrat la résiliation ne pouvait intervenir qu'à compter du 31 décembre 1997,

- que par la dénonciation de ce contrat faite le 23 décembre 1996 à titre conservatoire, le GIE Elis avait entendu se libérer du système des commandes en quantités garanties est bien perceptible et se traduit par les marchés passés en 1997 et 1998, exécutés et payés sans contestation de part ou d'autre.

Sur la proposition du 7 août 1995

- que le document manuscrit établi par le gérant de la SARL Charpentier Armen à cette date, constituait un accord de principe ou déclaration d'intention mais nullement un contrat,

- qu'en signant le marché du 25 octobre 1997, avec effet du 1er février 1998 au 31 janvier 1999, la SARL Charpentier a entendu renoncer à l'application de sa proposition litigieuse,

- que la responsabilité contractuelle du GIE Elis ne pourrait être engagée qu'au titre de ce nouveau contrat du 23 octobre 1997 et non en vertu de la proposition litigieuse que le GIE n'a jamais agréée.

Sur la rupture des relations commerciales

- que les critères de sélection des participants à l'appel d'offres n'ont pas été communiqués avec précision et si les prix proposés par la SARL Charpentier Armen ne portent pas sur tous les articles susceptibles d'être commandés, ils concernent les articles mentionnés par le GIE Elis pour près de 500 000 d'entre eux,

- que les relations d'affaires, constantes et de l'importance de celles entretenues entre la SARL Charpentier Armen et le GIE Elis ne pouvaient être résiliées sans un préavis raisonnable, donnant au fournisseur une chance normale de trouver au cours de l'exercice de nouvelles commandes,

- qu'en l'état de dépendance économique dans lequel se trouvait la SARL Charpentier Armen au moment de la rupture, la responsabilité du GIE Elis était engagée et méritait d'entrer en voie d'indemnisation.

Le 16 février 1999, le GIE Elis a régularisé appel de ce jugement

Sur assignation du GIE Elis, le Premier Président de la Cour par ordonnance du 14 mai 1999, eu égard à la solvabilité incertaine de la SARL Charpentier Armen dont la situation s'est brusquement détériorée, a suspendu l'exécution provisoire du jugement entrepris sous réserve que la provision fixée par les premiers juges soit consignée et a fixé prioritairement l'examen de l'affaire au fond à l'audience du 28 juillet 1999.

II - Les thèses en présence

L'appelant, le GIE Elis, par des conclusions en date du 20 mai, fait valoir :

- que l'origine du litige avec la SARL Charpentier Armen vient de la dénonciation du contrat du 25 avril 1995, le 23 décembre 1996, de la suite négative donnée à son appel d'offres organisé postérieurement et enfin de l'expiration du contrat signé le 25 octobre 1997,

- qu'en réalité les prétentions de la SARL Charpentier Armen sont tardives et reposent sur une action non fondée qui ne vise qu'à faire admettre que ce contrat du 25 octobre 1997 s'est renouvelé en 1998 et 1999, sinon sur les bases des propositions unilatérales faites par la société Charpentier au mois d'août 1997, alors que le GIE Elis estime avoir été très clair dans sa réponse négative sur ce point, en date du 10 janvier 1997,

- que la SARL Charpentier Armen ne peut se prévaloir d'une obligation qu'aurait souscrite sur longue période le GIE Elis de passer commande de quantités déterminées de marchandises de façon irrévocable, alors que la durée de tous les contrats antérieurs ne dépassait pas une année,

- qu'il est établi par la confrontation des composantes du chiffre d'affaires de la SARL Charpentier que le GIE Elis n'était pas le seul client important et qu'il se trouvait à égalité avec la société BTB,

- qu'en application de l'article 2 du contrat signé les "31 mars et 25 avril 1996", dit contrat de " fonctionnement de l'Atelier 330 ", le GIE Elis était fondé à notifier la résiliation de ce contrat au 30 juin 1997 (et non 1996 par erreur),

- que d'ailleurs a succédé à ce dernier, celui signé le 25 octobre 1997, à effet du début février 1998 jusqu'au 31 janvier 1999, comparable en son contenu à celui des années précédentes et qui a été exécuté sans difficulté,

- subsidiairement sur les calculs produits par la SARL Charpentier Armen à l'appui de sa demande d'indemnisation au titre du premier contrat de 1996 précité, il y a lieu de prendre en compte les cinq semaines de congés payés qu'il convient de défalquer de l'année de production 1997, ce que le tribunal n'a pas fait non plus; qu'il conviendra pour la Cour de réformer le jugement entrepris sur ce point et de ramener l'indemnisation éventuelle à la somme maximale de 443.050 F;

L'appelant fait valoir également, sur le prétendu " accord de principe " ou " déclaration d'intention " du 7 août 1997, proposé pour l'année 1998

- que l'intimée n'est pas recevable à agir au nom d'une filiale turque et qu'au surplus elle n'est pas fondée à invoquer des propositions unilatérales qui n'ont jamais été acceptées par le GIE Elis pour réclamer une indemnisation de 43.169.280 F à titre de dommages et intérêts.

- que l'attestation provenant du gérant de la SARL Charpentier comme les propos qu'auraient tenus le dirigeant de GIE Elis, contestés et non prouvés, ne sont pas à eux seuls créateurs de droit au profit de l'intimée,

- que d'ailleurs un contrat a été signé le 25 octobre 1997 par les parties organisant précisément leurs relations pour 1998, sans qu'il soit fait référence à l'offre du mois d'août 1997 faite par la SARL Charpentier Armen, circonstances qui démontrent que cette dernière a renoncé à tirer toute conséquence de ses propositions antérieures,

- que la ristourne invoquée par l'intimée à l'appui de son argumentation n'a été facturée par le GIE qu'au titre de l'exercice 1997, laquelle est sans rapport avec l'offre du 7 août 1997 dont s'empare audacieusement la SARL Charpentier ;

Quant aux circonstances de la rupture des relations commerciales, l'appelant soutient :

- que les offres présentées par la SARL Charpentier, en réponse à l'appel du 30 juin 1998, n'ont pas été retenues tel qu'il résulte du courrier du 11 août 1998, principalement pour une raison des prix, certains ayant été augmentés de 9,26 à plus de 27 % et dès lors que ce fournisseur n'a répondu qu'imparfaitement au contenu de l'appel,

- qu'ainsi le GIE Elis n'a commis aucune rupture brutale et fautive des relations commerciales constituant un abus de droit en décidant de ne plus passer de commande, relevant dudit appel d'offre, pour l'année 1999,

- qu'en effet la dépendance économique retenue par le Tribunal ne peut résulter du seul examen des commandes passées par le GIE Elis dès lors qu'il n'est nullement rapporté la preuve que celui-ci a obligé la SARL Carpentier Armen à embaucher et à investir, notamment enTurquie, investissements décidés bien antérieurement à son appel d'offre de juin 1998 et pour lesquels elle n'est pas concernée.

- que l'intimée a contracté avec d'autres clients, notamment avec BTB, pour des quantités plus importantes que ses propres commandes ce de 1994 à 1997,

- que le GIE Elis ne peut avoir à supporter les conséquences de la situation économique dans laquelle se trouve la SARL Charpentier, professionnelle du secteur concerné, du fait des choix commerciaux et stratégiques que celle-ci a opérés en toute indépendance et sous sa seule responsabilité,

- que le GIE Elis ne représente qu'environ 8 % du marché national et il existe de nombreux gisements importants de clientèle que l'intimée aurait pu prospecter, lesquels ne se trouvent pas en situation de dépendance économique à son égard,

- qu'enfin en raison de ce que les relations commerciales entre la SARL Charpentier Armen et le GIE Elis ont toujours été régies par des contrats à échéance annuelle, notamment le dernier signé le 25 octobre 1997 et exécuté jusqu'au 31 janvier 1999 par la SARL Charpentier sans aucune réticence, celle-ci n'est pas fondée à prétendre que le GIE lui aurait laissé croire à la pérennité de leurs relations contractuelles à des conditions simplement renouvelées, au-delà du 31 janvier 1999.

- que le tribunal a d'ailleurs reconnu que la responsabilité contractuelle du GIE à l'égard de la SARL ne pouvait être éventuellement engagée qu'au titre du dernier contrat valable du 1er février 1998 au 31 janvier 1999, dans l'hypothèse notamment où le volume des commandes prévu n'aurait pas été respecté, hypothèse qui est écartée par l'expertise.

- qu'aucune inexécution des engagements antérieurs à la rupture du 11 août 1998 ou à compter de celle-ci ne permet à la SARL Charpentier Armen de réclamer la somme de 38.049.000 F portée à celle de 52.118.480 F dans son appel incident, indemnisation totalement injustifiée

En conséquence l'appelant demande à la Cour de dire et juger :

- que le contrat signé entre la GIE Elis et la SARL Charpentier Armen, le 25 avril 1995 a pris fin le 30 juin 1997 ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a décidé que ce contrat n'avait pris fin qu'au 31 décembre 1997 et a condamné de ce chef le GIE au paiement de la somme de 797 250 F avec éxécution provisoire,

- que la proposition du 7 août 1997 remise par la SARL Charpentier Armen au GIE Elis ne peut constituer le fondement d'une demande à son encontre; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions contraires,

- qu'au litre de l'année 1998, le seul contrat entre les parties signé le 25 octobre 1997 expiré le 31 janvier 1999, a été entièrement exécuté selon les dispositions prévues, tout spécialement pour les quatre derniers mois de 1998 ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ce point lequel a, à tort, requis l'évaluation d'un préjudice qui, faute d'inexécution, n'existe pas,

- que la SARL Charpentier Armen n'était pas en état de dépendance économique vis-à-vis du GIE Elis et que sa demande visant les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est sans fondement ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a décidé, après avoir constaté que le GIE Elis n'avait pas une position d'acheteur dominant sur le marché français du vêtement de travail en 1998, que si " il n'est pas moins vrai que Charpentier Armen était dans sa dépendance économique depuis au moins douze ans, le fait qu'elle en soit responsable ne change rien à la chose ", a octroyé à la SARL Charpentier Armen une provision de 1.000.000 F à valoir sur le préjudice allégué et ordonné une expertise pour le surplus de l'indemnisation;

- qu'il conviendrait de condamner la SARL Charpentier Armen à payer au GIE Elis la somme de 20.000,00 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel

L'intimée, la SARL Charpentier Armen par des conclusions uniques du 1er juillet 1999, s'attache à réfuter l'argumentation de son adversaire et fait valoir :

- que le GIE Elis n'a pas respecté ses engagements à son égard et qu'il est responsable de la rupture brutale de ses relations commerciales entretenues depuis longue date,

- que ses propositions du 7 août 1997 faites par écrit et prévoyant un certain nombre de conditions, constituent un véritable contrat faites dont le Directeur des achats du GIE Elis en a accepté le principe verbalement ; que cette convention est valable en matière commerciale même si elle n'a pas été fait l'objet d'un écrit ; alors qu'elle a été entérinée par le Conseil Economique de la SARL Charpentier,

- que sur le contrat du 31 mars 1995 dit " Atelier 330 " celui-ci n'a pas été dénoncé régulièrement par lettre recommandée du 23 décembre 1996 adressée par le GIE, dès lors qu'il ne s'agissait que d'une mesure " conservatoire " contredite par la poursuite effective dudit contrat tout au long de l'année 1998 ; qu'en conséquence à ce titre il y a lieu de constater une absence de commande qui s'est traduite par un manque à gagner de 2 378 400, 00 F (47 568 pièces), outre celui fixé par le tribunal au titre de l'année 1997, de 797 250 F, décision qui sera confirmée sur ce point, soit un préjudice total de 3 175 650 F.

- que par le courrier du 11 août 1998, il est évident que le GIE a mis fin de façon unilatérale au contrat antérieur résultant de ses propositions du 7 août 1997, en cours d'exécution ; que la régularisation du 25 octobre 1997 n'était pas une renonciation implicite à l'application de la convention verbale précitée au titre de l'année 1998 et au-delà ; qu'en tout état de cause le dernier contrat du 25 octobre fixait les modalités pratiques de leurs relations et devait être appliqué dans son intégralité ; qu'en conséquence la rupture quelle qu'en soit l'origine devra conduire à l'indemniser de tous ses manques à gagner relatifs tant au site de Quimper qu'à celui d'Istambul, soit un préjudice total de 43.169.280 F.

Sur la rupture brutale des relations commerciales et le moyen tiré de l'abus de droit, l'intimé soutient :

- que dans le cas où les propositions écrites du 7 août 1997 seraient écartées comme n'engageant pas le GIE Elis, les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 s'imposent dès lors que la dénonciation du 11 août 1998 constituent un abus de droit caractérisé par la rupture brutale des relations commerciales entretenues depuis 30 ans,

- que celles-ci n'ont cessé de se développer, dans un esprit de partenariat et de dépendance économique de fait, qui l'a conduite à faire passer son effectif de 71 à 129 personnes et à investir au total 14,2 millions de francs dont neuf millions pour les seuls quatre derniers exercices 1998 ; qu'elle a d'ailleurs créé en Turquie un atelier de fabrication exigé par le GIE et auquel elle a, en outre, consenti des ristournes déterminantes,

- que ce " courant d'affaires sans cesse croissant " a été brutalement et unilatéralement stoppé par le GIE Elis sans raison valable et ce comportement dommageable doit être condamné par l'octroi d'une indemnité globale équivalente à l'entier préjudice découlant du manque à gagner déjà évoqué, en réparation du non-respect des contrats du 7 août 1997 et des modalités de celui du 25 octobre 1997, au delà du 31 janvier 1999.

En conséquence l'intimée demande à la Cour :

- de la déclarer recevable en son appel incident, de réformer partiellement le jugement entrepris et de statuer à nouveau ainsi :

- de constater que le contrat " Atelier 330 " s'est renouvelé par tacite reconduction et de condamner en conséquence le GIE Elis à lui régler la somme totale de 3 175 650,00 F au titre des différents manque à gagner 1997 et 1998,

- de constater que les propositions écrites de la SARL Charpentier Armen du 7 août 1997 engagent totalement le GIE Elis et que la rupture unilatérale des contrats litigieux par l'appelant entraîne sa condamnation à réparer le préjudice total subi par la SARL Charpentier Armen, soit en lui versant la somme de 52.118.480, 00 F,

- et subsidiairement, sur le fondement des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en raison de l'abus par le GIE Elis de la dépendance économique de la SARL Charpentier Armen, de condamner l'appelant à réparer l'entier préjudice qu'elle a subi, soit à lui verser la somme de 52.118.480, 00 F,

- plus subsidiairement, d'homologuer le rapport d'expertise de Monsieur Chevallier et de confirmer le jugement entrepris pour le surplus.

- enfin de condamner le GIE à lui verser la somme de 20.000,00 F au titre de I'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

III - Sur ce, LA COUR

Considérant qu'il convient pour une bonne administration de la justice de joindre les procédures enrôlées sous les numéros du RG de la Cour 1252-99 et 3628-99 ;

A - Sur la procédure

Considérant qu'il apparaît d'une bonne administration de la justice de joindre les instances répertoriées sous les n° RG 1252-99 et 3628-99, lesquelles intéressent les mêmes parties, les mêmes faits et concourent au même but celui de voir purger les dispositions du jugement prononcé contradictoirement par le Tribunal de Commerce de Nanterre le 20 janvier 1999 (n° RG 98F04016) ;

B - Sur le contrat du 31 mars 1995

Considérant que le contrat litigieux relatif à l'activité de "l'Atelier 330", accepté par la SARL Charpentier Armen par sa lettre du 25 avril 1995, prévoit en son article 2 " Durée " :

"Le présent contrat est valable du 4 avril 1995 au 31 décembre 1995, date de la première livraison de l'exercice. Le contrat se poursuivra par périodes répétées d'un an, pouvant être interrompues à la demande de l'une des deux parties dans les conditions suivantes :

- sans justification, par simple préavis de 6 mois.

- sans préavis ou dédommagement (reprise de stock de produits finis ou de tissu), en cas de désaccords répétés sur le fonctionnement (retards de livraison, problèmes qualités, retards induits sur nos autres commandes, évolution des prix non conformes à l'évolution des prix du tissu (comptant pour 40 %) et des prix de la main-d'œuvre toutes activités (comptant pour 60 %), non respect des quantités demandées..." ;

Que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 décembre 1996, dont la matérialité et la réception ne sont pas contestées par la SARL Charpentier Armen, la société cliente GIE Elis a informé son fournisseur qu'elle dénonçait " à titre conservatoire" le contrat n° "FN/als VT13" signé en avril 1995, indiquant cesser de passer ses commandes à compter du 30 juin 1996 [en réalité 1997, s'agissant d'une erreur matérielle] et ajoutant "...restons à votre disposition pour discuter des modalités de fin de contrat";

Que l'intimée estime que le contrat, non définitivement rompu, a prospéré jusqu'au 31 décembre 1998, et sollicite l'application de l'article 5 dudit contrat qui prévoit une pénalité de 50 F par pièce non commandée en dessous du seuil de 17 000 pièces toute les douze semaines, soit un total pour 1997 et 1998 de 3.175.650 F (797 250 au titre de l'année 1997 et 2 378 400 au titre de 1998) ;

Considérant d'une part que le tribunal a à bon droit retenu la date de résiliation au 31 décembre 1997, première date utile après la lettre de dénonciation du 23 décembre 1996 ; qu'en la stricte application du contrat litigieux la dénonciation ne pouvait prendre effet qu'après un préavis d'au moins six mois avant le terme annuel du contrat prévu à l'origine au 31 décembre 1995, lequel s'est renouvelé par tacite reconduction pour un an à compter du 1er janvier 1996 en vertu de l'article 2 rappelé plus avant ;

Qu'à défaut de renouvellement expresse pour 1998, la SARL Charpentier Armen ne peut tirer argument de ce que son client lui aurait commandé des produits fournis en exécution du contrat " Atelier 330 " litigieux au cours de l'année 1998 alors que celui-ci a entendu, expressément par sa lettre de dénonciation " conservatoire " du 23 décembre 1996, s'affranchir des contraintes quantitatives et autres pénalités prévues dans cette convention, ce nécessairement à compter de la date d'effet de la résiliation conventionnelle ; pour ne pas avoir respecté la computation du préavis de 6 mois avant le 31 décembre 1996 à effet du 1er janvier 1997, le contrat renouvelé pour un an de plus ne pouvait être résilié avant le 31 décembre 1997 ; qu'en conséquence le jugement entrepris sera confirmé sur ce point;

Considérant sur l'indemnisation prévue à l'article 5 " Pénalités " du contrat demeuré valable jusqu'au 31 décembre 1997, que l'appelant demande à défalquer, de la computation des séquences de douze semaines à 17 000 pièces minimum auxquelles il s'était engagé et en-dessous duquel minimum il devait 50 F par pièce non commandée, cinq semaines de congés payés ;

Que toutefois si l'article 1er du contrat litigieux précise que : " Un planning détaillé des congés de la société Charpentier sera communiqué au GIE Elis trois mois avant qu'ils ne commencent ", outre le fait que ce dernier ne fait nullement grief au fournisseur de ne pas avoir satisfait à cette obligation, le GIE Elis ne rapporte nullement la preuve que l'activité de son fabricant a subi en 1997 une interruption de 5 semaines alors que "l'Atelier " ou "Système 330" constitue une chaîne automatisée autorisant la production à flux tendus; que d'ailleurs l'intimée sollicite la somme de 797.250 F correspondant à la production sur 52 semaines, retenues à bon droit par le premier juge;

Que sur cette valorisation il convient d'ailleurs de relever que le GIE Elis ne conteste nullement avoir commandé pour les premiers trente mois de 1997 46 447 pièces, soit une moyenne par semaine de plus de 1548 pièces, supérieure à celle qu'elle invoque dans ses écritures, lissée sur douze semaines (1416) ; qu'en conséquence c'est à bon droit que le premier juge, au vu des justifications fournies et en l'état des écritures qui lui étaient soumises ce en l'absence dans le contrat litigieux de l'exclusion formelle de semaines correspondant aux congés d'une partie du personnel, et sans qu'il soit allégué ou établi que lesdits congés auraient entraîné l'arrêt total de l'activité de production de l'Atelier ou " Système 330 " déterminé exactement le volume des commandes manquantes en 1997 à 15 945 pièces [73 667 pièces minimum pour l'année entière (17000 : 12 x 52) - 57 722 pièces réellement commandées en 1997, volume non contesté] soit une indemnité de 797.250,00 F;

Que le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point;

C - Sur la proposition du 7 août 1997

Considérant qu'à la suite d'une entrevue entre les responsables des deux sociétés contractantes, la SARL Charpentier Armen fît connaître par courrier du 7 août 1997 ses propositions au titre de l'année 1998 et les années suivantes tant au sujet de son site de production de Quimper en France que de celui d'Istambul qu'elle avait décidée d'installer en Turquie ; qu'elle a invité son client le GIE Elis à lui faire part de son acceptation " au plus tard le 5 septembre 1997 " pour contractualiser ses propositions;

Que toutefois l'accord ne sera jamais donné par la société appelante malgré les deux lettres adressées les 1er et 12 septembre 1997 par la SARL Charpentier Armen par lesquelles cette dernière tente d'emporter l'adhésion du GIE Elis, notamment en vantant les mérites de son choix stratégique d'internationalisation vers la Turquie qu'elle révèle avoir décidé depuis au moins un an (opératrice turque formée à Quimper depuis un an - pièce n° 6); qu'à bon droit le premier juge a relevé que par ces courriers la SARL Charpentier témoigne de ce qu'elle n'était nullement assurée de l'accord de son partenaire habituel pour les années futures;

Que bien au contraire, par lettre du 28 août 1998, le GIE Elis a confirmé son désaccord formel sur les propositions du 7 août 1997, rappelant qu'elle n'avait demandé à la SARL Charpentier Armen d'engager aucun investissement en dépendance directe avec ses commandes alors qu'en tout état de cause le volume de ses commandes pour plus de 15 millions par an lui avait permis d'amortir lesdits investissements (pièce n° 3);

Que pour étayer sa demande d'indemnisation au prétexte que le GIE Elis aurait enfreint leur " accord " du 7 août 1997, la SARL Charpentier met en avant des attestations et témoignages, d'ailleurs contestés, émanant de mandataires, de subordonnés ou d'obligés, qui n'offrent pas le niveau d'indépendance et de partialité propres à constituer des présomptions crédibles pouvant être retenues dans le débat; que par réciprocité et pour les mêmes raisons seront également écartées les attestations produites par la société appelante;

Considérant en outre, à supposer pour les besoins du raisonnement que les dires des témoins versés par l'intimée devraient être pris en compte, que les dirigeants du GIE Elis auraient pu laisser penser qu'ils étaient réceptifs et même favorables aux propositions de la SARL Charpentier Armen, le gérant de cette dernière, homme d'affaires aguerri par plus de dix ans d'expérience notamment du fait de ses relations commerciales anciennes avec le GIE Elis n'a pu être sérieusement fondé à croire que des propositions de l'importance de celles qu'il avait faites le 7 août 1997, engageant autant ses relations commerciales avec l'un de ses deux principaux clients ainsi que l'avenir à moyen terme de la société qu'il dirigeait, étaient susceptibles d'être acceptées et mises an œuvre ensuite aussi simplement et sans autres précautions que l'assurance du Verbe allégué, accord qui est formellement dénié par l'appelant ;

Considérant que la SARL Charpentier Armen, en l'absence d'un document écrit, comme elle l'a toujours exigé pour les nombreux contrats antérieurs signés avec le GIE Elis, ne rapporte nullement la preuve de l'acceptation claire et précise de l'intimé de conclure avec le fournisseur sur des propositions litigieuses qui ne pouvaient tout au plus engager unilatéralement la société Charpentier qu'à titre de " déclaration d'intention ";

Qu'au surplus il convient de relever, comme souligné dans le jugement entrepris, que manquent dans les propositions litigieuses du 7 août 1997 les éléments et modalités pratiques d'application que l'on trouve dans tout accord commercial tels que les prévisions de prix des articles à fabriquer, les cadences de fabrication, les délais de livraison, le nombre de pièces garanties ainsi que les sanctions en cas de non-respect des obligations essentielles;

Qu'il convient d'en déduire que les propositions litigieuses n'ont pas le caractère d'un contrat ou d'un pré-contrat, applicable aux parties ou susceptible de leur créer des obligations réciproques;

Qu'ainsi le premier juge a pu à bon droit déduire de la signature postérieure (25 octobre 1997) d'un nouveau contrat valable du 1er janvier 1998 au 31 janvier 1999, que l'intimée avait renoncé à la réalisation de ses propositions contestées; qu'il a également relevé que l'accord du 25 octobre 1997 ne présentait aucun caractère de similitude par exemple sur les quantités, les ristournes et les durées, avec les propositions du 7 août 1997 mais présentait plutôt des similitudes avec les conditions habituelles prévues dans les contrats antérieurs, signés pour une année et renouvelables pour la même durée;

Qu'en conséquence en l'absence de contrat ou pré-contrat liant les parties, une demande en réparation d'un dommage causé par leur non respect, pas plus d'ailleurs que l'examen d'une éventuelle responsabilité quasi-délictuelle précontractuelle, ne sont fondés ; que le jugement entrepris qui a rejeté le moyen et débouté la SARL Charpentier de sa demande en dommages et intérêts tirée de ses propositions du 7 août 1997, devra être confirmé également sur ce point;

D - Sur la rupture des relations commerciales

Considérant que la SARL Charpentier, après avoir souscrit à un appel d'offre organisé par le GIE Elis courant juin/juillet 1998, estime avoir été victime de l'exploitation abusive de son état de dépendance économique par rapport à ce client lequel engagerait sa responsabilité pour avoir rompu brutalement leur relation commerciale par lettre du 11 août 1998 :

"J'ai le regret de vous confirmer que nous ne vous avons pas retenu comme fournisseur pour nos marchés 1999. En effet, la note d'appréciation globale découlant de la notation ISO de l'activité 1997 et 1998 et des propositions de prix 99, ne vous classe pas dans les quatre premiers.

Les causes essentielles sont l'absence de compétitivité des prix proposés pour 1999 et la restriction de votre réponse à une partie seulement des articles ";

Qu'elle demande en réparation à ce titre la somme de 43.169.280 F (28 millions de francs au titre du site de Quimper de 1999 à 2001 + 15 millions de francs au titre du site turc de 1998 à 2002);

Considérant que l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la Concurrence a posé en son article 1er, le principe suivant :

" Les prix des biens produits et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence " ;

Que l'article 7 suivant précise:

" Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions notamment lorsqu'elles tendent à :

- faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse " ;

Que de même l'article 8 de ladite ordonnance dispose :

" Est prohibée, dans les mêmes conditions, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises :

1. D'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci :

2. De l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard, une entreprise cliente ou fournisseur, qui ne dispose pas de solution équivalente,

Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ";

D 1 - Considérant qu'il n'est pas établi que la SARL Charpentier Armen se trouve dans un état de dépendance économique au sens de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dès lors qu'il s'évince des justifications fournies et de l'état des écritures soumises à la Cour que la situation de cette société sur le marché de la fabrication du vêtement de travail résulte d'un choix stratégique de développement mûrement délibéré depuis de nombreuses années, dont elle ne rapporte nullement la preuve qu'il lui aurait été imposé par le GIE Elis à son détriment;

Qu'en effet c'est en toute liberté que l'intimée a opéré depuis 1986 son choix économique consistant à privilégier à peu près à parts égales deux clients (BTB et Elis) déterminant la plus grosse partie de son chiffre d'affaire alors que le marché est très diversifié tant sur le segment occupé par les loueurs de vêtements de travail comme Elis que sur celui des acheteurs-utilisateurs directs de ces vêtements; que d'ailleurs le volume moyen annuel des fabricants français, supérieur à 2.000 milliards de francs pour la même période de référence que celle du présent litige démontre la potentialité qui était offerte à la SARL Charpentier Armen, alors que le GIE Elis n'est concerné que par le dixième du volume précité lequel ne comprend pas la part occupée sur le marché français par les importateurs et les fabricants étrangers vendant en France;

Que c'est d'ailleurs en raison des perspectives de forte expansion dans ce secteur qui nécessairement induit une concurrence très vive, que la SARL Charpentier a choisi délibérément de délocaliser une partie de sa production en Turquie pour s'assurer de prix de revient nettement inférieurs à ceux de la métropole; qu'elle n'a nullement allégué ni établi que ce choix lui avait été dicté, directement ou indirectement, par le GIE Elis qui n'en a été informé qu'à compter de l'été 1997 à l'occasion des propositions soumises à son client au mois d'août 1997 demeurées sans suite alors que c'est par un courrier du 12 septembre 1997 que l'intimée révèle qu'elle formait déjà depuis un an du personnel turc en France;

Qu'il résulte de ce choix de délocalisation comme celui de l'automatisation du site de Quimper la volonté de la SARL Charpentier Armen d'être en mesure de traiter essentiellement de grosses commandes ce qui l'exposait à devoir faire face à des renversements de tendance ou aux conséquences des choix stratégiques tous aussi légitimes de ses clients majeurs, ce qu'elle ne peut feindre d'ignorer en sa qualité de professionnelle avertie du secteur considéré;

Que l'intimée ne pouvait d'autant pas ignorer cette perspective que les contrats antérieurs signés, avec Elis notamment avaient une durée limitée d'un an; que cette précarité propre au marché concurrentiel aurait dû conduire la Direction, par prudence et pour assurer la pérennité de l'entreprise crée en 1985 par le personnel d'une société de la branche mise en liquidation judiciaire qui, dans les circonstances d'origine, s'était naturellement tournée, dans l'urgence, vers le plus ancien de ses clients, à diversifier ses débouchés plutôt que de se caler sur le développement de deux gros prescripteurs (BTB et Elis);

Qu'en raison de cette stratégie dont elIe est seule responsable, ce que d'ailleurs a relevé le premier juge, la SARL Charpentier ne peut faire payer par l'un ou l'autre de ces clients les conséquences de ses choix, alors que le GIE Elis l'a loyalement informée par un courrier du 30 juin 1998 de la modification de sa " politique d'achat et d'approvisionnement ", lui proposant de participer à un appel d'offre dont il n'est nullement démontré que son déroulement ait été orienté de façon à l'écarter en tout état de cause; qu'en effet le sérieux de la démarche du GIE Elis résulte des documents annexés à la lettre d'information stratégique précitée, intitulés: "Mode opératoire des marchés 1999 " et " Texte contrat 1999 ", que l'intimée a eu tout loisir d'examiner, éventuellement de rejeter sinon de dénoncer,

Que bien au contraire la SARL Charpentier qui a admis le principe de ces modifications et de l'appel d'offre en a accepté les conséquences éventuelles en répondant à ce mode opératoire ; qu'ainsi et à défaut de rapporter la preuve de l'existence d'une fraude, ce qu'elle ne fait pas, l'intimée ne peut sérieusement contester le bien-fondé de la décision qui lui a été notifiée par le GIE Elis le 11 août 1998 laquelle repose en partie sur le fait non contesté qu'elle n'a pas soumissionné à la totalité de l'offre proposée ;

Qu'en conséquence des constatations qui précèdent il n'est pas établi que la SARL Charpentier, qui ne se trouvait pas sous la dépendance économique imposée par le GIE Elis ce alors qu'elle ne manquait pas depuis de nombreuses aunées de solutions de diversifications qu'elle n'a pas souhaitées, alors encore qu'elle avait été alertée à plusieurs reprises par des refus de son client de figer certaines situations contractuelles (résiliation du contrat le 31 mars 1995, le 23 décembre 1996 ; pas de suite donnée aux propositions du mois d'août 1997 pour contractualisation pluriannuelle), cette intimée n'est pas fondée à solliciter réparation au seul titre de l'abus de position dominante qui serait à l'origine de la rupture ; que le GIE Elis n'ayant commis aucune faute démontrée de ce chef le jugement entrepris sera réformé sur ce point;

D 2 - Considérant en revanche, qu'après un appel d'offre proposé le 30 juin 1998 dont le principe et le mode opératoire ne sont pas critiquables mais qui avait pour enjeu la signature des contrats de fabrication pour 1999 jusqu'au 31 janvier 2000, la rupture notifiée le 11 août 1998 et confirmée le 7 septembre suivant, présente le caractère de la brusque rupture et de l'abus de droit en ce, outre qu'elle n'a pas respecté l'usage entre les parties du délai de préavis de six mois visé dans les contrats antérieurs, qu'elle n'a pas ménagé au regard des relations commerciales établies depuis plus de douze années et du poids du courant d'affaires dans l'activité économique du fournisseur un délai approprié donnant à celui-ci une chance raisonnable de retrouver des débouchés compensatoires;

Que le caractère brusque, et en cela abusif de la rupture des relations commerciales litigieuses est d'autant plus évident qu'il résulte du rapport d'expertise, communiqué à titre de renseignement devant la Cour et débattu volontairement par les parties, que le chiffre d'affaires réalisé par l'intimée a été en constante augmentation depuis 1994 (11 millions) jusqu'en 1998 (20 millions), avec un taux moyen de marge sur coûts variables de 58,40 %;

Qu'aucune tempérance ne doit être donnée à la réparation du fait que l'expiration du dernier contrat signé entre les parties le 25 octobre 1997, prévue au 31 janvier 1999 a, selon l'expert, été respecté, dès lors que les négociations pour le signature du contrat pour la campagne 99 avait pour effet de prendre le relais à compter du 1er février 1999 jusqu'au 31 janvier 2000 ; que toutefois cette dernière circonstance conduit à écarter la prétention de la SARL Charpentier à se voir indemniser au titre des années postérieures au 31 janvier 2000 dès lors qu'eu égard à l'annualisation des relations contractuelles qu'elle avait toujours acceptée avec le GIE Elis, le préjudice revendiqué à ce titre n'est qu'hypothétique ;

Qu'en conséquence des énonciations qui précèdent, au regard des justifications fournies aux débats et en l'état des écritures soumises à la Cour, il échet de fixer l'indemnisation réparant le dommage subi par la SARL Charpentier Armen résultant de l'abus du droit de rupture à la somme totale et forfaitaire de 8.000.000,00 F (comprenant le montant de la provision de 1 million octroyée en première instance dans l'hypothèse où celle-ci aurait été déjà réglée) ;

E - Sur les autres demandes

Considérant que l'appelant qui succombe principalement en son recours sera également débouté de toutes ses demandes incidentes qui en découlent, comme irrecevables, mal fondées sinon devenues sans objet et devra s'acquitter des entiers dépens d'appel comprenant les frais d'expertise ;

Qu'en outre il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL Charpentier Armen les frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager pour soutenir ses intérêts dans un recours qu'elle n'a pas initié;

Qu'en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, il échet de condamner le GIE Elis à verser à l'intimée la somme de 20 000,00 F en cause d'appel, ceux alloués en première instance étant par ailleurs confirmés.

Par ces motifs : Et ceux non contraires des premier juges ; Statuant publiquement et contradictoirement et en dernier ressort, Ordonne la jonction des deux procédures enrôlées sous les numéros du RG de la Cour 1252-99 et 3628-99, Reçoit le GIE Elis en son appel, régulier en la forme, Le dit principalement mal fondé, Vu le rapport de Monsieur Chevallier du 8 avril 1999 communiqué par les parties à titre de renseignement. Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception de ce qu'il a retenu l'abus de dépendance économique à la charge du GIE Elis, et statuant à nouveau sur ce point et sur les conséquences en découlant soumises à la Cour par les parties, Dit que le GIE Elis a commis un abus de droit par la brusque rupture notifiée à la SARL Charpentier Armen le 11 août 1998, Condamne le GIE Elis à en réparer la conséquence en réglant à la SARL Charpentier Armen la somme globale et forfaitaire de 8 000 000 F (huit millions de francs) en deniers ou quittances, Condamne le GIE Elis à verser à la SARL Charpentier Armen la somme de 20 000 F (vingt mille francs) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel, Déboute les parties de toutes leurs prétentions plus amples ou contraires comme irrecevables, mal fondées sinon devenues sans objet, Condamne le GIE Elis aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise, lesquels seront recouvrés par la SCP Keime-Guttin, avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.