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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 29 juin 1998, n° 97-0792

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

Mme Petit, M. Paris

Avocat :

Me Marière- Lambert.

CA Paris n° 97-0792

29 juin 1998

Rappel de la procédure :

La prévention :

La société X est poursuivie pour avoir, à Paris, courant 1995, effectué un achat ou une vente pour une activité professionnelle en l'espèce des factures de coopération commerciale non identifiables, 13 factures KSC, 33 factures Douwe Egberts, 23 factures Legal.

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a :

Déclaré la société X France coupable de facturation non conforme - vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle,

Faits commis à Paris, courant 1995,

Faits prévus par l'article 31 al. 2, al. 3, al. 4 Ord. 86-1243 du 01-12-1986, réprimés par les articles 314 al. 5, al. 6, 55 al. 1 Ord 86-1243 du 01-12-1986,

Et, en application de ces articles,

L'a condamnée à 300 000 F d'amende,

Dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

X France, le 20 octobre 1997, sur les dispositions pénales et civiles ;

M. le Procureur de la République, le 20 octobre 1997 contre X France ;

Décision :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par la prévenue et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention ;

Par voie de conclusions, la société X France devenue X International sollicite, par infirmation, sa relaxe, et, à titre subsidiaire, l'indulgence de la Cour ;

Elle fait valoir essentiellement, qu'elle a été citée devant le Tribunal de grande instance de Paris pour avoir émis des factures non conformes aux dispositions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

Qu'il s'agit de :

- 13 factures destinées à la société Kraft Jacobs Suchard,

- 33 factures destinées à la société Douwe Egberts,

- 23 factures destinées à la société Legal ;

Que cette action a été introduite ensuite d'un procès-verbal dressé au mois d'août 1996, par la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ;

Que, selon la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, les factures incriminées, qui ont été établies à l'époque par la société X France, devenue aujourd'hui X International, en qualité de mandataire de la société SCA C, ne comportaient pas les mentions permettant d'identifier avec précision :

- la nature exacte des services rendus ;

- les produits et quantités de produits concernés ;

- les dates précises de réalisation de ces services ;

Que l'administration estimait, en outre, que les contrats de coopération commerciale correspondant à ces factures de " prestation de services " n'apportaient aucune information supplémentaire sur le contenu réel, sauf en ce qui concerne le fournisseur Kraft Jacobs Suchard ;

Que, par jugement du 8 octobre 1997, le Tribunal de grande instance de Paris a fait droit à cette argumentation considérant que :

" ces factures sont rédigées en termes généraux, sans que la référence précise du produit concerné par l'opération commerciale soit clairement mentionnée ; qu'ainsi l'infraction est constituée " ;

Qu'en réalité, ces factures étaient parfaitement régulières ; qu'ainsi :

En ce qui concerne les factures Kraft Jacobs Suchard :

- les trois factures " diffusion linéaire " avaient été établies conformément aux accords commerciaux, et contrat de coopération commerciale régularisé le 6 mars 1995 ;

Que contrairement à ce qui a pu être affirmé par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, et retenu par le tribunal, les accords ayant motivé l'établissement des factures permettaient de connaître l'identité des parties, l'identité des produits, la nature de la prestation, le prix et les modalités de paiement ; qu'il s'agissait, en tout état de cause, de simples acomptes, non soumis aux dispositions de l'article 31 ;

- les trois factures " support Argus " et les trois factures " réactivité Argus ", elles aussi, avaient été établies conformément aux accords commerciaux confirmés par la société Kraft Jacobs Suchard dans son courrier du 6 mars 1995, repris dans le contrat " Distributeur Fournisseur " régularisé entre les parties ; que, dès lors, ces factures correspondaient bien à des services et à des produits identifiables ; qu'au surplus, elles n'étaient que des factures d'acompte ;

- la facture " objectif volume 1995 " correspondait à un contrat " Distributeur Fournisseur " régularisé entre les parties dès le 28 février 1995 ; qu'il ne saurait donc être contesté ; que les accords quant à " l'objectif volume " qui ont donné lieu à l'établissement de la facture litigieuse du 30 décembre 1995, permettent de connaître l'identité des parties, le prix et la nature exacte de la prestation rémunérée ;

En ce qui concerne les factures Douwe Egberts :

- les 11 factures " réactivité Argus " et les 11 factures " support Argus " ont pour origine " différents contrats " Distributeur Fournisseur ", lesquels précisent, à chaque fois la période mensuelle, les produits et le prix HT ; chacune des factures reprenant le montant de la prestation fixée dans le contrat du mois concerné, et régularisé par les deux sociétés ; que, dès lors, ces factures ne sauraient être critiquées, puisque se référant expressément aux accords régularisés entre les parties, qui indiquaient clairement tant la nature du produit que la nature et la période de la prestation fournie ;

- les 11 factures de " coopération TG + Médias " correspondaient, là encore, aux accords régularisés avec la société Douwe Egberts ; qu'ainsi, la Cour ne pourra que constater que ces factures, reprenant les accords intervenus entre la société SCA C et la société Douwe Egberts, correspondaient à des prestations de services identifiables quant à la nature de la prestation, les produits concernés et la période de réalisation ;

En ce qui concerne les factures Legal :

- les 11 factures " soutien aux marques " correspondaient aux accords commerciaux intervenus entre la société SCA C et la société Legal pour l'année 1995 ; qu'il s'agissait là encore, de factures d'acomptes ;

- les 11 factures " mises en avant " relevaient de contrats " Distributeur Fournisseur " régularisés entre les deux sociétés précitées, et constituaient également des acomptes ;

- enfin, la facture " collaboration commerciale Prestige et Café des Chefs - avril à août 1995 " correspondait aux exigences de l'article 31 de l'ordonnance, puisque, découlant d'un contrat régularisé entre les parties, elle permettait d'identifier la période d'actions (du 1-4 au 30-8-95), les produits concernés (" Prestige et Café des Chefs "), et la nature de la prestation (" collaboration commerciale ") ;

En résumé, la concluante estime que :

- toutes les factures contestées découlaient directement d'accords commerciaux négociés et ayant donné lieu à l'établissement de contrats de coopération commerciale, comme ne l'a d'ailleurs jamais contesté la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ;

- l'étude de ces différents documents permettait d'identifier tant la nature de la prestation, que les produits ou la gamme de produits concernés et la date d'actions de ces prestations ;

Monsieur l'Avocat Général requiert la confirmation du jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité ; il s'en rapporte à la sagesse de la Cour sur la peine à infliger ; il fait observer que les factures litigieuses étaient pauvres en mentions, et qu'il n'était pas possible, dès lors, de déterminer la nature du service rendu, et les prix pratiqués ;

Considérant qu'il convient de rappeler que, le 22 septembre 1995 (PV du 23-8-1996), les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes procédaient au contrôle des prix pratiqués par les magasins X, livrés par la base de Gaillon, situé à Aubevoy dans le département de l'Eure ; qu'ils relevaient les prix de différents cafés, et dressaient procès verbal, notamment, du chef de facturation illicite ;

Considérant qu'il est reproché à la société X France, devenue X International, d'avoir, en exécution du mandat reçu de la SCA C, dans le cadre de la coopération commerciale, établi des factures imprécises au profit des sociétés fournisseuses Kraft Jacobs Suchard, Douwe Egberts, et Legal;

Considérant que la Cour constate que sont visées 13 factures Kraft Jacobs Suchard, 33 factures Douwe Egberts et 23 factures Legal, qui portent, pour chaque trimestre de l'année 1995, les mentions " Diffusion linéaire ", " Support Argus " ou " Mise en avant ", sans autre précision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 31 al. 3 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la facture doit mentionner le nom des parties, ainsi que leur adresse, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus, ainsi que tous rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ou de la prestation de service, quelle que soit leur date de règlement ;

Considérant qu'en l'espèce, les factures litigieuses sont rédigées en termes généraux, et ne permettent pas d'identifier avec précision la nature exacte des services rendus, les produits et quantité de produits concernés, ainsi que les dates précises de réalisation de ces services;

Que la Cour estime, à cet égard, que les mentions exigées par l'article 31 al. 3 de l'ordonnance précitée, doivent figurer sur les factures mêmes, qu'il s'agisse ou non d'acomptes, sans qu'il soit besoin de se référer aux contrats de coopération commerciale correspondants, ou aux accords commerciaux, qui, en l'occurrence, manquent également de précision; qu'en définitive, la Cour considère que le laconisme des factures incriminées contrevient manifestement aux dispositions de l'article 31 al. 3 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu'elle confirmera donc le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité, ainsi qu'en répression, les premiers juges ayant fait à la société poursuivie une juste application de la loi pénale ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Donne acte à la société X International de ce qu'elle est venue aux droits de la société X France, Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions.