Livv
Décisions

Cass. crim., 12 juin 1997, n° 96-80.739

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Culié (conseiller doyen faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Mordant de Massiac

Avocat général :

M. le Foyer de Costil

Avocat :

Me Copper-Royer.

TGI Nantes, ch. corr., du 30 nov. 1994

30 novembre 1994

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par A Jean-Louis, contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 18 janvier 1996, qui, pour établissement de factures non conformes, l'a condamné à une amende de 20 000 F et a ordonné la publication de la décision. - Vu les mémoires ampliatif et complémentaire produits ; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Louis A coupable du délit de facturation non conforme et l'a condamné à la peine de 20 000 F d'amende ;

" aux motifs que, selon les dispositions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la facture doit mentionner le prix unitaire hors TVA des produits vendus ainsi que tous " rabais, remise ou ristourne dont le principe est acquis et le montant chiffrable " ; " que le prix de vente a été, sauf quelques rares exceptions, " invariable de 36 francs pour 1,2 kg, de janvier à fin octobre 1991 ; que " ce prix ne prend pas en compte les éléments de détermination conclus entre les parties ; " que le contrat conclu entre la SA X et la société B énonce clairement que le prix de facturation est fixé unilatéralement par la société X sans aucun autre critère que celui du " souhait " de ladite société ; qu'un mode de calcul du prix de revient pour le fournisseur est établi au contraire en tenant compte du cours de la viande : que le système de provision allouée à la SA X basée sur la différence entre le prix payé par l'acheteur et le prix de revient vendeur suffit à démontrer que le prix de revient est le prix réel et qu'en réglant un prix plus élevé pendant plusieurs mois la SA X pouvait bénéficier d'une sorte de cagnotte lui permettant de bénéficier pour des opérations promotionnelles d'un prix d'achat très bas sans pour autant encourir le grief de vente à perte ; " que la condition de quantité minimale vendue n'a pas en l'espèce de caractère aléatoire dans la mesure où le minimum fixé (10 tonnes) est très nettement inférieur au tonnage moyen réalisé (25 tonnes) ; que, par ailleurs, le montant des rabais était d'avance connu puisqu'il dépendait de la seule volonté de la SA X qui fixant elle-même le prix de facturation, en déterminait l'ampleur et choisissait d'utiliser partiellement ou complètement la provision " constituée en fonction de ses besoins " ; que la société B a " accepté ce type de facturation en connaissance de cause " ; " que l'infraction visée à la prévention se trouve ainsi " constituée " (arrêt p. 4, trois derniers §, et p. 5, § 1 et 2) ;

" alors que, d'une part, l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 exige seulement que la facture mentionne " le prix unitaire hors TVA des produits vendus " ; qu'en exigeant au surplus que le prix prenne en compte " les éléments de détermination conclus entre les parties ", alors qu'il n'était pas contesté que le prix facturé était celui effectivement payé, la cour d'appel a ajouté à la loi ; que la déclaration de culpabilité prononcée contre Jean-Louis A se trouve ainsi privée de base légale ;

" alors que, d'autre part, Jean-Louis A avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la seule prévention de n'avoir pas fait figurer " sur les factures d'achat délivrées aux magasins A, le prix de vente du steak haché résultant de la méthode de calcul négociée avec la centrale d'achat et sur lequel le consentement des parties s'était réalisé " ; qu'en faisant grief à Jean-Louis A de n'avoir pas fait figurer, sur certaines factures, un rabais dont le principe était acquis et le montant chiffrable lors de la vente, et cela sans que le prévenu ait formellement accepté d'être jugé sur ce fait différent, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine ;

" alors qu'encore l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 exige que soient mentionnés sur la facture " tous rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente " ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le système de facturation mis en place par les parties, consistant dans un premier temps à payer un prix supérieur au prix de revient, permettait à la société X de bénéficier d'une sorte de " cagnotte " pour des opérations promotionnelles ultérieures ; que cette " cagnotte " se trouvait donc constituée par des fonds provenant d'A ; que la société B ne consentait donc, dans cette seconde phase, aucun rabais, aucune remise ou ristourne dont le montant aurait dû figurer sur une facture ; que la déclaration de culpabilité prononcée contre Jean-Louis A se trouve donc encore privée de base légale ;

" alors qu'enfin l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 exige que soient mentionnés sur les factures les " rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ", que la cour d'appel a seulement relevé que le montant des rabais était d'avance connu sans constater que leur principe était acquis ; que l'arrêt attaqué se trouve encore à ce titre privé de base légale " ;

Vu lesdits articles ; - Attendu que le prix unitaire hors TVA des produits vendus, dont l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 impose l'indication sur les factures, s'entend exclusivement du prix exigé du client, au moment de la transaction, avant toute imputation des réductions de prix éventuellement acquises à ce dernier; que ce prix est, en application de l'article 1er de ladite ordonnance, lorsque la transaction n'intervient pas dans un secteur resté réglementé, librement déterminé par les parties;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la centrale d'achat X a conclu un contrat de coopération commerciale avec la société Biande aux termes duquel X s'engageait à acheter de la viande hachée à cette société, tout au long de l'année, à un prix déterminé qui se trouvait supérieur au cours du marché ; que, selon une clause de révision de prix si ses coûts de revient restaient, en dépit des variations des cours du marché, constamment inférieurs au prix que lui payait chaque mois X pour les produits vendus et si cette dernière lui avait périodiquement acheté plus d'un certain tonnage de viande la société B s'engageait à consentir en fin d'année, à son partenaire, une réduction de prix calculée sur la différence entre le prix payé et le coût de revient de la marchandise livrée ; que les conditions prévues ayant été réalisées, la société B a accordé une réduction de prix sur la dernière livraison, permettant à X de réaliser, à cette occasion, une importante campagne promotionnelle sur la viande ; que, l'Administration estimant que le prix réel de la marchandise était, non le prix payé par A, mais " le prix de revient-fournisseur " servant au calcul de la remise de fin d'année, Jean-Louis A, gérant de la société B, a été poursuivi devant la juridiction correctionnelle, sur le fondement de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, " pour n'avoir pas indiqué, en 1991 et 1992, sur ses factures, délivrées au magasin A, le prix de vente du steak haché résultant de la méthode de calcul négociée et sur lequel le consentement des parties s'était réalisé " ; que les premiers juges ont relaxé le prévenu aux motifs que le prix unitaire des produits vendus, au sens de l'article 31 de l'ordonnance, était celui qui était exigé du client et réglé par celui-ci et qu'en l'espèce il était constant que chaque mois X avait réglé ses commandes, par lettre de change, au prix facturé par B et qu'en raison de son caractère conditionnel, la remise de fin d'année n'avait pas à être mentionnée ailleurs que sur la facture ayant donné lieu à son versement ;

Attendu que, pour infirmer ce jugement et déclarer Jean-Louis A coupable des faits visés à la prévention, la cour d'appel relève que le prix unitaire des produits vendus qui aurait dû être porté sur les factures était, non celui facturé à la société A, artificiellement fixé par celle-ci, mais le montant revenant finalement au fournisseur, après déduction de la remise consentie par lui, celle-ci s'avérant, en raison des conditions fictives qui l'assortissaient, acquise à X et déterminable en son montant au moment de la vente ;

Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, alors que la loi n'exige que la mention, sur les factures, du prix unitaire des produits vendus avant toute imputation de réductions de prix et non l'indication du prix final effectivement payé, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et privé sa décision de base légale ; que, dès lors, la cassation est encourue ;

Et attendu qu'il ne reste plus rien à juger ;

Par ces motifs : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, en date du 18 janvier 1996 ; dit n'y avoir lieu à renvoi.