Cass. crim., 5 mai 1997, n° 95-82.685
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Culié
Rapporteur :
M. de Larosière de Champfeu
Avocat général :
M. Cotte
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par B. Frédéric, D. François, G. Régis, contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 23 mars 1995, qui, pour revente à perte et infractions aux règles de la facturation, a condamné Frédéric B. à 30 000 francs d'amende, Régis G. à 3 000 francs d'amende, François D. à 1 000 francs d'amende, et ordonné la publication de la décision. - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 460, 512, 513 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué indique que, dès le début de l'audience, le conseil du prévenu a soulevé une exception de nullité donnant lieu à un débat à l'issue duquel le prévenu et son conseil n'ont pas eu la parole en dernier ;
" alors que la règle selon laquelle le prévenu ou son conseil doivent, à peine de nullité, avoir toujours la parole en dernier domine tout le procès pénal et doit notamment s'appliquer aux débats sur les questions de nullité de procédure soulevées au début de l'audience d'appel lorsque, comme en l'espèce, la juridiction correctionnelle du second degré en a délibéré avant de prendre une décision de jonction et d'entamer les débats au fond ; qu'ainsi l'arrêt, qui ne constate pas l'accomplissement de cette formalité essentielle, encourt l'annulation ;
Attendu que l'arrêt mentionne qu'à l'ouverture de l'audience de la cour d'appel l'avocat des prévenus a soulevé des exceptions de nullité, que le ministère public a été entendu après lui à ce propos, et que les juges, après en avoir délibéré, ont joint l'incident au fond et ordonné la poursuite immédiate des débats ;
Attendu que, si la règle qui impose de donner au prévenu ou à son avocat la parole en dernier ne se limite pas au débat sur le fond, et s'applique aussi aux incidents, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure dès lors que, après jonction de l'incident au fond et poursuite des débats, l'avocat des prévenus a eu la parole en dernier avant que la cour d'appel se prononçât sur l'ensemble de l'affaire ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 31 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 6-3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, pour retenir Frédéric B., François D. et Régis G dans les liens de la prévention du chef d'infractions à la législation économique, a rejeté leur exception tendant à faire constater l'irrégularité de la procédure ;
" aux motifs que les agents de la DGCCRF, qui sont intervenus du 28 août 1992 au 19 février 1993, ont dû dépouiller un nombre élevé de factures afférentes à 102 produits ; que la complexité de l'affaire justifie le délai apporté à la rédaction du procès-verbal d'infraction, dressé le 8 juin 1993 ;
" alors, d'une part, que, aux termes de l'article 31 du décret du 29 décembre 1986, les procès-verbaux prévus à l'article 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 doivent être rédigés dans le plus court délai ; qu'en l'espèce l'enquête a duré près de 5 mois, ce qui permettait aux agents de la DGCCRF de procéder au dépouillement des documents et aux calculs nécessaires, au fur et à mesure de la réunion des éléments ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur la nécessité d'un délai supplémentaire de 4 mois entre la fin de l'enquête (19 février 1992) et la rédaction du procès-verbal d'infractions (8 juin 1993), la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
" alors, d'autre part, que la règle selon laquelle les procès-verbaux constatent les infractions économiques doivent être rédigés dans le plus court délai est une prescription impérative dont l'inobservation emporte la nullité du procès-verbal, lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie concernée ; que tel était manifestement le cas en l'espèce, les prévenus ayant été informés tardivement de la nature et de la cause de l'accusation portée contre eux, et n'ayant pu s'expliquer que tardivement sur les faits reprochés ;qu'ainsi il y a eu violation des droits de la défense, justifiant le prononcé de la nullité des poursuites ;
Attendu que, la procédure pénale relevant, selon l'article 34 de la Constitution, du domaine de la loi, la méconnaissance éventuelle des dispositions des articles 31 et 32 du décret du 29 décembre 1986, pris pour l'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ne saurait conduire à l'annulation de la procédure ; que le moyen ne saurait, dès lors, être admis ;
Mais sur le moyen relevé d'office, et pris de l'entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 1996, modifiant notamment l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ; - Vu ledit texte, ensemble l'article 112-1 du Code pénal ; - Attendu que les dispositions d'une loi nouvelle s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Frédéric B., François D. et Régis G ont été condamnés pour avoir, en août 1992, en infraction à l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dans sa rédaction alors applicable, accepté de la part de leurs fournisseurs des factures ne comportant pas l'indication des rabais, ristournes et remises dont le principe était acquis et le montant chiffrable ;
Mais attendu que, depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1997, de la loi du 1er juillet 1996, qui, modifiant l'article 31 du texte susvisé, a précisé que les factures devaient seulement mentionner " toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de service et directement liée à cette opération " et a ainsi restreint le champ d'application des mentions obligatoires à porter dans les factures, la sanction prononcée à l'encontre des demandeurs ne peut être maintenue à raison de l'existence de leur pourvoi en cassation ; qu'il y a donc lieu de procéder à un nouvel examen de l'affaire au regard des dispositions plus favorables de la loi du 1er juillet 1996 ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les troisième, quatrième et cinquième moyens de cassation proposés, annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 23 mars 1995, et, pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi ; renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers.