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Décisions

CA Caen, ch. corr., 10 février 1999, n° 98-00580

CAEN

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Deroyer

Conseillers :

Mmes Bliecq, Holman

Avocat :

Me Jacob.

TGI Argentan, ch. corr., du 12 mai 1998

12 mai 1998

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Saisi de poursuites dirigées contre M. D Alphonse d'avoir à Magny-le-Desert (61), courant mai et juin 1995, étant commerçant, revendu un produit en l'état, en l'espèce 10 296,8 kgs de pêches jaunes de calibre B, 7 295 kgs de nectarines de calibre B et 3 325 kgs de cerises burlat, à un prix inférieur à son prix d'achat ;

Infraction prévue et réprimée par les articles 1 I de la loi 63-628 du 2 juillet 1963 et 55 alinéa 1 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986.

Le Tribunal Correctionnel d'Argentan, par jugement en date du 12 mai 1998, a relaxé le prévenu des fins de la poursuite.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. le Procureur de la République, le 15 mai 1998.

Motifs :

La société X située à Magny-le-Désert appartient au groupe I. Elle exerce la fonction de grossiste à l'égard des enseignes " Y " et " Z " des trois départements bas-normands, de la Mayenne et de la Sarthe. Elle est précisément chargée d'approvisionner les points de vente du groupe en fruits et légumes.

Il a été établi par les documents comptables que cette société, présidée à l'époque par M. D, a vendu courant mai et juin 1995, 10 296 kgs de pêches jaunes, 7 295 kgs de nectarines, 3 325 kgs de cerises burlat, à un prix inférieur à leur prix d'achat, afin de permettre aux commerçants Y et Z d'assurer une revente promotionnelle du 29 mai au 3 juin 1995.

Le prévenu ne conteste pas les faits, mais invoque l'exception d'alignement et l'absence d'élément intentionnel, et sollicite en conséquence la confirmation du jugement.

1) Sur l'exception d'alignement :

Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en sa rédaction résultant de la loi du 2 juillet 1963, applicable à l'époque des faits, les dispositions réprimant la vente à perte ne sont pas applicables aux produits dont la revente est alignée sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité.

La zone d'activité doit s'apprécier au regard de l'entreprise et du marché sur lequel elle intervient.

En l'espèce, le prévenu produit trois prospectus publicitaires de distributeurs détaillants bas-normands aux enseignes Leclerc, Super U et Auchan, établissant que ceux-ci pratiquaient un prix de revente égal à celui par lui pratiqué pour la période considérée.

Cependant la société X, et les distributeurs sus-nommés ne peuvent être considérés comme des concurrents entre eux, puisque l'une est commerçant grossiste, les autres commerçants détaillants.

Les entreprises et les marchés sur lesquels ils interviennent étant par nature différents, leur zone d'activité n'est pas identique.

En conséquence l'exception d'alignement doit être rejetée.

2) Sur l'intervention délictuelle :

La seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par l'article 121-3 du Code Pénal.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le prévenu a enfreint les dispositions relatives à la vente à perte en connaissance d'une part des prix respectifs de revient et de vente des produits en cause, d'autre part de l'interdiction de ce mode de commercialisation.

L'intention délictuelle est donc établie.

En conséquence, le jugement entrepris sera réformé.

M. D sera déclaré coupable de l'infraction visée à la poursuite et il sera fait une application à son encontre de la loi pénale en tenant compte de la nature des faits commis et des éléments de sa personnalité.

3) Sur l'intervention de la SA X :

Il convient de recevoir la SA X en son intervention.

Le prévenu étant à l'époque des faits dirigeant de cette société et ayant exclusivement agi dans le cadre de ses fonctions, il sera fait application de l'article 54 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit le Ministère public en son appel ; Vu les articles 1 I de la loi 63-628 du 2 juillet 1963, 54 et 55 alinéa 1 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Réforme le jugement entrepris ; Déclare M. Alphonse D coupable de l'infraction de vente de produits à un prix inférieur à leur prix de revient, fait commis à Magny-le-Désert courant mai et juin 1995 ; Reçoit la société X en son intervention ; Condamne M. D solidairement avec la société X à 20 000 F d'amende ; Prononce la contrainte par corps ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.