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Décisions

CA Nancy, 1re ch., 23 juin 1998, n° 94003968

NANCY

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Ministre de l'Économie et des Finances

Défendeur :

Puig Vosges (SA), Raon distribution (SA), Bayle (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Husson

Conseillers :

MM. Magnin, Cunin

Avoués :

SCP Millot Logier Fontaine, SCP Bonnet, Leinster, Wisnieski

Avocat :

Me Leroy.

TGI Saint-Die, du 2 déc. 1994

2 décembre 1994

Faits et procédure :

Le 14 juin 1993, le Ministre de l'Economie et des Finances a assigné devant le Tribunal de grande instance de Saint Die la société Oliver Puig Vosges et la société Raon Distribution exploitant un centre Leclerc à Raon l'Etape afin de voir :

- dire que les conditions obtenues par la société Raon Distribution de la société Oliver Puig sont discriminatoires, n'ont pas de contrepartie réelle et confèrent à la société Oliver Puig Vosges un avantage dans la concurrence et qu'elles sont aussi contraires aux dispositions de l'article 36 paragraphe 1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

- dire que les conditions accordées par la société Oliver Puig à la société Raon Distribution sont discriminatoires, n'ont pas de contrepartie réelle, confèrent à la société Raon Distribution un avantage dans la concurrence et sont aussi contraires aux dispositions de l'article 36 paragraphe 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée.

- enjoindre à la société Oliver Puig d'établir des conditions générales de vente précisant les conditions auxquelles sont soumises les remises de prix sous astreinte de 1 000 F par jour de retard.

- prononcer la condamnation in solidum de la société Oliver Puig et la société Raon Distribution à payer la somme de 1 franc au profit de l'Etat.

- condamner la société Oliver Puig et la société Raon Distribution au paiement de la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens.

Le Ministre de l'Economie et des Finances exposait à l'appui de sa demande qu'il résultait d'une enquête effectuée le 20 octobre 1992 par la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, en abrégé Direction de la Concurrence, auprès de la société Oliver Puig que :

- à l'occasion de la commercialisation de pommes de terre en 1992 la société Oliver Puig avait accordé à la société Raon Distribution des prix " Franco de port " alors que le transport lui coûtait 0,13 F par kilo et qu'elle avait facturé le transport 0,19 F le kilo au supermarché Leclerc de Saint Etienne Les Remieremont et qu'en outre la société Oliver Puig avait mis l'un de ses salariés, pendant trois jours, à la disposition de la seule société Raon Distribution.

- lors d'une action publicitaire se déroulant du 19 au 21 mars 1992 sur les fraises et les tomates en provenance d'Espagne la société Oliver Puig a accordé au centre Leclerc de Raon l'Etape des prix anormalement bas par rapport à ceux accordés au supermarché Intermarché de Raon l'Etape pour une opération semblable organisée les 20 et 21 mars 1992, ce qui a permis à la société Raon Distribution d'annoncer dans la presse locale des prix inférieurs à ceux de son concurrent local, le supermarché Intermarché et la société Oliver Puig accorde à la seule société Raon Distribution une remise de collaboration trimestrielle de 3 % sur le chiffre d'affaires, les sommes perçues à ce titre depuis le début de 1992 s'élevant à 71 344,96 F

Par jugement en date du 2 décembre 1994, auquel il est fait référence pour un plus ample exposé des faits, des moyens et prétentions des parties ainsi que des motifs des premiers juges, le Tribunal de grande instance de Saint Die a :

- déclaré recevable l'action du Ministre de l'Economie et des Finances.

- enjoint à la société Oliver Puig de produire les conditions générales de vente précisant les termes de remises de prix sous astreinte de 1 000 F par jour de retard à compter du jour où le jugement serait devenu définitif.

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

- fait masse des dépens mis à la charge de chacune des parties à concurrence d'un tiers.

Le Ministre de l'Economie et des Finances a relevé appel de cette décision.

La société Oliver Puig a formé appel incident.

Le Ministre de l'Economie et des Finances demande à la Cour de :

- annuler le jugement entrepris en ce qu'il considère les pratiques des sociétés Oliver Puig et Raon Distribution légales au regard des dispositions de l'article 36 alinéa 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

- dire que les prix et les conditions de vente consentis par la société Oliver Puig à la société Raon Distribution procèdent de la discrimination non justifiée par des contreparties réelles.

- à tout le moins dire que les prix et conditions générales de vente consenties par la société Oliver Puig à l'occasion de la campagne de pommes de terre 1992 ainsi qu'à l'occasion des ventes de fraises et de tomates pour l'opération publicitaire des 19 au 21 mars 1993 procèdent de discriminations non justifiées par des contreparties réelles.

- enjoindre à la société Raon Distribution de restituer à la société Oliver Puig la somme des avantages indûment perçus soit la somme totale de 89 512,07 F.

- à tout le moins enjoindre à la société Raon Distribution de restituer à la société Oliver Puig la somme des avantages indûment perçus lors de la campagne de pommes de terre 1992 et lors de l'opération publicitaire des 19 au 21 mars 1993 soit 18 167,11 F.

- condamner in solidum la société Oliver Puig et la société Raon Distribution à payer la somme de un franc à titre de dommages-intérêts au profit de l'Etat.

- condamner la société Oliver Puig et la société Raon Distribution, chacune, au paiement de la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamner les deux sociétés précitées aux dépens.

La société Oliver Puig demande à la Cour de :

- rejeter l'appel du Ministre de l'Economie et des Finances.

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que les conditions accordées à la société Raon Distribution sont justifiées au sens de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a enjoint à la société Oliver Puig de produire les conditions générales de vente précisant les termes des remises de prix et ce sous astreinte.

- dire que la société Oliver Puig n'a pas à produire de conditions générales de vente ou même de barème faisant apparaître les conditions d'octroi, rabais ou ristournes.

- condamner le Ministre de l'Economie et des Finances au paiement de la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Raon Distribution demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que les conditions qui lui étaient accordées par la société Oliver Puig sont justifiées au sens de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ainsi que toutes les conséquences en résultant.

- infirmer le jugement entrepris en sa disposition relative aux dépens de première instance.

- mettre les dépens de première instance à la charge du Ministre de l'Economie et des Finances.

- débouter le Ministre de l'Economie et des Finances de toutes les demandes formées à son encontre.

- condamner le Ministre de l'Economie et des Finances aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le redressement judiciaire de la société Oliver Puig ayant été prononcé par jugement du Tribunal de commerce de Nancy du 24 octobre 1995, Maître Bayle est intervenu à l'instance en qualité d'administrateur désigné par le jugement précité.

Maître Bayle ès qualité a précisé par conclusions ultérieures que la société Oliver Puig avait fait l'objet d'un plan de cession le 23 janvier 1996 et qu'il intervenait dès lors aux débats en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Le Ministre de l'Economie et des Finances fait valoir que :

- L'exclusivité à la société Oliver Puig étant rémunérée en 1993 par un pourcentage du chiffre d'affaires, soit 3 % de la société Raon Distribution, le tribunal en retenant que l'ensemble des avantages consentis à la société Raon Distribution avaient une contrepartie réelle n'a pas tiré les conséquences des conditions de vente des pommes de terre, des fraises et des tomates qui ne relèvent manifestement pas de l'accord conclu entre les entreprises.

- La société Oliver Puig reconnaît elle-même qu'elle fixe ses marges en fonction de ses propres prix d'achat et il s'agit d'une discrimination injustifiée puisque le prix n'est pas issu d'une contrepartie objective puisqu'il est déterminé par la capacité de l'interlocuteur à négocier les tarifs.

- La société Oliver Puig ne peut pas se prévaloir de la différence de qualité des pommes de terre s'agissant de produits substituables.

- La mise à disposition gratuite de personnel aboutit à minorer les charges de l'entreprise et il s'agit d'un avantage discriminatoire puisque la vente au détail relève des attributions normales du distributeur.

- Si la remise sur le chiffre d'affaires relève d'un accord de coopération celui-ci aurait dû faire l'objet d'un acte écrit conformément à l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

- Surtout les remises octroyées au titre d'une coopération commerciale ne doivent pas être déduites du prix d'achat des produits.

- En l'absence de conditions générales de ventes et de barèmes les avantages dont la concurrence n'a jamais eu connaissance concédés à partenaire économique constituent des pratiques discriminatoires fautives au sens de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

En réplique aux moyens et arguments développés par la société Oliver Puig, le Ministre de l'Economie et des Finances ajoute que :

- La société Oliver Puig n'a pas mesuré la portée exacte de la lettre du Directeur Général de l'Administration de la Concurrence en date du 4 novembre 1994 dont il ressort en réalité que la possibilité de traiter différemment les opérateurs économiques ne dispense pas de définir les conditions objectives de différenciation de la clientèle et que les traitements tarifaires différenciés consentis à certains distributeurs sans conditions objectivement définies ne sont pas admissibles.

- Sur l'appel incident de la société Oliver Puig s'il est constant que l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1996 obligeant l'entreprise à communiquer ses barèmes, l'absence de ceux-ci n'exonère pas l'entreprise de son obligation de communiquer à tout demandeur leurs conditions d'octroi, ainsi que l'a confirmé la Cour de cassation, Chambre commerciale, par un arrêt du 18 janvier 1994 Charpentier Publicité c/ Havas Régie.

- L'absence de conditions générales de vente et de barèmes préétablis ne saurait exonérer l'entreprise concernée de la responsabilité encourue en application de l'article 36 paragraphe 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

La société Raon Distribution réalisait 80 % de son chiffre d'affaires " Fruits et Légumes " avec elle alors que le supermarché Intermarché, qui dispose d'un entrepôt intégré des fruits et légumes, ne réalisait avec elle que des opérations ponctuelles, comme l'atteste la faiblesse du chiffre d'affaires réalisé par ce magasin, qui en outre a diminué chaque année de 1991 à 1993.

- En ce qui concerne l'opération promotionnelle du mois de mars 1992 elle a ainsi livré à la société Raon Distribution 1840 barquettes de fraises et 882 kilos de tomates tandis qu'elle livrait à Intermarché 380 barquettes de fraises et 128,80 kilos de tomates.

- Les accords commerciaux qu'elle a passé avec la société Raon Distribution comportent des contreparties réciproques savoir obligation pour la société Raon Distribution d'achat exclusif à hauteur de 60 % du chiffre d'affaires pour 1990 et 80 % depuis 1991 et en contrepartie obligation pour la société Oliver Puig d'effectuer une remise de 2 % en 1991 et 3 % les années suivantes sur le chiffre d'affaires, de mise à disposition de personnel et de remises substantielles sur certains produits lors d'opérations promotionnelles ponctuelles.

- L'existence d'un acte écrit n'est pas exigé à peine de nullité et la preuve de l'existence d'un accord de coopération commerciale peut être rapportée par tous moyens. En l'espèce les documents et les pièces comptables versés aux débats attestent que les diverses remises et avantages accordés à la société Raon Distribution ont pour contrepartie l'engagement d'exclusivité.

- Il n'y a rien d'illégal à ce qu'un contrat conclu entre un fournisseur et un distributeur s'écarte des conditions générales de vente et d'achat de chacun d'eux dès lors que ce contrat prévoyant une contrepartie réelle ne crée pas de discrimination abusive.

- La discrimination suppose l'identité des situations pour que la comparaison puisse s'opérer, en l'espèce il n'y a pas d'identité de situation entre ses relations avec la société Raon Distribution et ses relations avec Intermarché.

- L'exclusivité de fourniture à hauteur de 80 % que lui a consenti la société Raon Distribution emportait pour elle des avantages tenant à l'assurance de réaliser un chiffre d'affaires minimum et à la possibilité de planifier les livraisons de denrées périssables, d'éviter les pertes et de limiter le risque de factures impayées qui justifiaient la ristourne de 3 % et les remises et mise à disposition de personnel ponctuelle pour des opérations promotionnelles.

- Le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il lui a enjoint de communiquer des conditions générales de ventes précisant les termes de remises de prix parce que l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'impose pas l'établissement de barèmes de prix ou de conditions de vente, parce que l'établissement de barèmes dans le domaine des fruits et légumes est impossible compte tenu de la variation du cours d'une même journée en fonction de multiples facteurs et parce que dans ces conditions l'indication de remises, rabais ou ristournes n'aurait aucun sens.

- L'arrêt de la Cour de cassation du 18 janvier 1994 est sans incidence dans la présente espèce car s'il est possible de quantifier des achats d'espaces publicitaires cette possibilité n'existe pas lorsqu'il s'agit de denrées périssables pour lesquelles non seulement les prix mais les emballages et modes de livraison sont toujours différents.

La société Raon Distribution développe les mêmes moyens et arguments que la société Oliver Puig en soulignant la réalité et l'importance des accords qui la liaient à la société Oliver Puig.

Discussion :

Attendu tout d'abord qu'au vu du rapport d'enquête du 17 mars 1992 que le tribunal a parfaitement analysé c'est à juste titre et par des motifs clairs et pertinents qui ne peuvent qu'être adoptés par la Cour que les premiers juges ont retenu que la société Oliver Puig avait manifestement fait bénéficier la société Raon Distribution de conditions avantageuses en lui accordant des prix franco de port lors de la commercialisation des pommes de terre en 1992 lui revendant à perte, lors d'une action publicitaire les 20 et 21 mars 1992 des barquettes de fraises d'Espagne sans que celles-ci encourent le risque d'une altération rapide, la publicité de leur promotion étant antérieure à leur livraison en offrant à cette société à titre gratuit pendant plusieurs jours l'assistance d'un de ses employés et en accordant à la société Raon Distribution pour " collaboration commerciale " une remise de 3 % sur le chiffre d'affaires de l'année 1992, cette remise étant de 2 % pour 1990 et 1991.

Mais attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 36 paragraphe 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que les pratiques discriminatoires visées par ce texte n'engagent la responsabilité de leur auteur et ne l'obligent à réparer le préjudice causé que si elles ne sont pas justifiées par des contreparties réelles.

Or attendu qu'en l'espèce il ressort des factures n° 440, 438 - R 5311 et 54104 versées aux débats et encore du contrat en date du 14 mars 1993 et de l'attestation du 1er février 1994 que les avantages consentis par la société Oliver Puig à la société Raon Distribution avaient pour contrepartie une exclusivité quasi totale de fourniture consentie par la société Raon Distribution à la société Oliver Puig.

Attendu en effet qu'il ressort de l'attestation susvisée délivrée le 1er février 1994 par M. Thierry, chef comptable de la société Raon Distribution que le pourcentage du chiffre d'affaires " Fruits et Légumes " de cette société réalisé par la commercialisation de produits fournis par la société Oliver Puig est de 66,02 % du 27 mars 1990 au 31 janvier 1991, de 85,09 % du 1er février 1991 au 31 janvier 1992 et de 84,55 % du 1er février 1992 au 31 janvier 1993, le chiffre d'affaires étant de 2 303 496,77 F hors taxe pour la première période, de 3 463 629,10 F hors taxe pour la seconde période et de 3 292 530,11 F pour la troisième période.

Attendu que s'agissant d'un contrat commercial, sans que celui-ci ait la nature d'un véritable contrat de coopération commerciale ou économique, la preuve de son existence et des stipulations, qui ne sont d'ailleurs plus sérieusement contestées, n'est pas subordonnée à l'établissement d'un acte écrit.

Attendu que l'importante exclusivité de fourniture consentie à la société Oliver Puig par la société Raon Distribution conférait à la société Oliver Puig des avantages certains et conséquents tenant à l'assurance d'un écoulement sûr et régulier de ses produits, à la limitation des pertes dès lors qu'il s'agit de fruits et légumes périssables, à la possibilité de mieux programmer les livraisons et d'en réduire le coût.

Attendu que les avantages consentis à la société Raon Distribution par la société Oliver Puig avaient donc une contrepartie réelle et conséquente, dont il n'est pas démontré que d'autres distributeurs auraient pu ou voulu l'accorder à la société Oliver Puig.

Attendu qu'ainsi il n'est pas contesté que la société Intermarché, à laquelle la société Oliver Puig a vendu plus cher qu'à la société Raon Distribution les mêmes produits lors de la même période de mars 1992, dispose d'un entrepôt de distribution intégré et ne réalisait avec la société Oliver Puig qu'un chiffre d'affaires peu important et décroissant au cours des années, sans aucun rapport avec le chiffre d'affaires réalisé par la société Raon Distribution avec la société Oliver Puig.

Attendu qu'en réalité les avantages acquis à la société Raon Distribution par la société Oliver Puig, y compris la mise à la disposition ponctuelle de main d'œuvre et les remises occasionnelles sur les prix à l'occasion d'action promotionnelle relèvent du contrat tout à fait spécifique liant ces deux sociétés qui avaient l'une à l'égard de l'autre des droits et obligations réciproques, l'exclusivité de fourniture sans être un service spécifique, constituant pour la société Oliver Puig une contrepartie réelle des remises et avantages consentis à la société Raon Distribution quelque soit la nature et le caractère de ces avantages.

Attendu enfin que l'établissement des prix de vente en fonction des prix d'achat est une pratique commerciale courante qui n'a aucun caractère discriminatoire.

Attendu que c'est donc à juste titre que ces premiers juges ont rejeté les demandes du Ministre de l'Economie et des Finances fondées sur des pratiques discriminatoires de la société Oliver Puig et tendant à voir enjoindre à la société Raon Distribution de restituer à celle-ci la somme totale de 89 512,07 F ainsi qu'à la condamnation des deux sociétés précitées à payer à l'Etat la somme de un franc à titre de dommages-intérêts.

Attendu, sur l'appel incident de la sociétés Oliver Puig que le Ministre de l'Economie et des Finances reconnaît lui-même que l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'oblige pas les entreprises à établir des barèmes ou des conditions générales de vente.

Attendu que s'agissant de fruits et légumes, qui sont des denrées périssables très diversifiées dans leur conditionnement, leurs qualités et leurs provenances, les prix se forment par les lois du marché et de l'offre et de la demande, de telle sorte qu'ils sont très variables dans le temps.

Attendu que dans ces conditions il n'est pas possible d'établir des barèmes de prix ou des conditions générales de vente, qui supposent une certaine stabilité, comme s'il s'agissait de produits industriels ou de services tels que la vente d'espaces publicitaires.

Attendu qu'ainsi qu'il l'a été précédemment exposé la discrimination du prix de vente en fonction du prix d'achat est une pratique commerciale courante, étant précisé qu'il ressort du procès-verbal d'enquête du 17 décembre 1992 que la société Oliver Puig ne fixait pas ses prix en fonction des quantités de marchandises livrées.

Attendu qu'il ne peut être imposé à la société Oliver Puig de communiquer à l'ensemble de ses clients distributeurs les clauses et conditions du contrat spécifique passé avec la société Raon Distribution.

Attendu, en outre, que la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de la société Oliver Puig ayant aboutit à un plan de cession de l'entreprise en date du 23 janvier 1996 cette société serait dans l'incapacité d'exécuter le jugement déféré.

Attendu qu'au vu de l'ensemble des éléments ci-avant analysés il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a enjoint à la société Oliver Puig de produire des conditions générales de vente précisant les termes des remises de prix sous astreinte, et, statuant à nouveau de débouter le Ministre de l'Economie et des Finances de ce chef de ses demandes.

Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens :

Attendu que compte tenu de la nature du litige et des situations respectives des parties l'équité ne commande pas qu'il soit fait application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à l'application des dispositions du texte précité en première instance et de débouter les parties de leur demande en application à leur profit des dispositions de ce texte pour l'instance d'appel.

Attendu enfin que le Ministre de l'Economie et des Finances succombant en toutes ses prétentions doit supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, le jugement déféré étant infirmé du chef des dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare l'appel du Ministre de l'Economie et des Finances recevable mais mal fondé. Le rejette. Déclare recevables et fondés les appels incidents de la société Oliver Puig et de la société Raon Distribution. Confirme le jugement entrepris rendu le 2 décembre 1994 par le Tribunal de grande instance de Saint Die à l'exception de sa disposition enjoignant à la société Oliver Puig de produire des conditions générales de vente précisant les termes des remises de prix sous astreinte de mille francs (1 000 F) par jour de retard et de sa disposition relative aux dépens de première instance. Infirme le jugement entrepris en ses deux dispositions susvisées seulement. Statuant à nouveau de ces seuls chefs. Déboute le Ministre de l'Economie et des Finances de ses demandes tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Oliver Puig d'établir et de produire des conditions générales de vente précisant les conditions de remises de prix. Déboute les parties de leurs demandes respectives, en application à leur profit des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour l'instance d'appel ainsi que de leurs demandes plus amples ou contraires. Condamne le Ministre de l'Economie et des Finances aux entiers dépens de première instance et d'appel et pour ceux d'appel autorise les avoués de la cause à faire application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.